Ire LEÇON.
Messieurs,
Pénétré des bienfaits qui doivent résulter pour le genre humain de la
découverte du magnétisme animal, je me suis décidé à venir vous en entretenir.
Ce n'est pas sans quelque crainte toutefois, car les phénomènes magnétiques que
j'ai à vous faire connaître sont si étonnants qu'ils pourront souvent vous
paraître exagérés : mais plus ils vous paraîtront extraordinaires et plus ils
mériteront de fixer votre attention, s'ils sont vrais. Il y aurait dès lors, de
ma part, faiblesse coupable à ne pas les proclamer hautement.
Je viens donc joindre ma voix à celle deshommes généreux qui n'ont pas craint de braver
le ridicule que l'irréflexion ou l'envie déversent
toujours sur les novateurs, et comme eux, en
révélant une vérité utile, je viens remplir un
devoir que les amis de l'humanité sauront apprécier.
Je vous prie, Messieurs, avant de regarder comme
fabuleux les faits étonnants dont j'aurai à vous entretenir, de les étudier, de
les analyser, et de ne porter un jugement qu'après un rigoureux et
consciencieux examen.
Il n'est aucun de vous qui, lorsqu'il sera
convaincu de la vertu curative du magnétisme dans nos maladies, ne veuille
essayer sur un parent, sur un ami, sur un malheureux, le pouvoir de foire le
bien que nous a départi la nature.
Ce dernier motif serait donc suffisant pour vous
déterminer à un sérieux examen : mais il en est une foule d'autres que nous
vous ferons connaître et que vous n'apprécierez pas moins.
Si nous avons reconnu que le magnétisme peut faire
le bien, nous avons également reconnu que, semblable à tous les autres agents
de la nature, il peut aussi faire du mal; vous devez donc apprendre à le
bien connaître, afin de vous mettre en garde contre les accidents qu'il peut
produire.
Je n'ai pas lieu de croire, Messieurs, que vous
soyez disposés à porter un jugement précipité sur
la doctrine que je viens vous exposer. Dans le
cas, peu probable, où quelques - uns pourraient l'être, je les prierais de
vouloir bien se rappeler que nous ne connaissons pas les bornes du possible ,
et qu'il s'agit, dans cette question, bien moins encore de faits passés que de
faits à venir; car, à chaque instant, nous pouvons en faire naître de nouveaux.
Quels ne seraient donc pas vos regrets si un jour vous acquerriez la certitude
que ce que vous auriez rejeté comme n'existant pas, existait cependant,
et pouvait exercer une grande influence sur notre destinée?
Mais je viens appeler votre attention sur des
faits plutôt que sur des doctrines : vous entendrez leur, langage. Vous n'avez
pas, comme certains corps savants, de vieilles erreurs à surmonter, des
préjugés à vaincre; vous êtes riches d'avenir, et, pour acquérir une vérité
nouvelle, quelques heures d'attention ne vous effrayeront pas.
Je chercherai à m'entourer de tous les témoignages
que j'aurai pu recueillir ; et lorsque je serai assez heureux pour vous citer
des noms connus de vous, des noms qui font autorité dans les sciences, ma tâche
deviendra moins difficile, car je vous inspirerai plus de confiance.
J'espère donc bientôt pouvoir vous faire partager
la conviction que j'ai que nous possédons en nous une force qui n'a pas encore
été appréciée, et que cette force est peut-être le meilleur remède applicable à
la plupart de nos maux. Alors même que mes efforts n'auraient d'autre résultat
que de faire pénétrer le doute dans votre esprit, je m'estimerais encore
heureux, car il vous serait difficile de rester longtemps dans l'incertitude :
vous ne tarderiez pas à vouloir, que dis-je ? à être forcés à un examen
sérieux, et le résultat de cet examen, je n'en doute pas, sera tout en ma
faveur.
Riche de faits acquis par un travail assidu,
pendant nombre d'années, le magnétisme ayant été presque mon unique étude, je
vous feraipart du fruit de mes longues
recherches, et je vous indiquerai, pour arrivera une conviction, une route plus courte peut-être que
vous ne la trouveriez ailleurs.
Lorsque je vous aurai fait connaître la conduite
de quelques corps savants à l'égard du magnétisme, vous vous direz que c'est à
vous qui examinez avant de juger, plutôt qu'à ceux qui jugent sans examen,
qu'il appartient de prononcer sur cette question. Vous reconnaîtrez que rarement une génération profite d'une découverte faite par elle, et que presque
toujours celle qui la suit est appelée à en jouir.
Si vous vous rappelez combien d'obstacles ont eu à surmonter la
circulation, l'inoculation, l'émétique, vous ne trouverez pas surprenant, que
pour le magnétisme, l'esprit de parti ait suivi sa marche accoutumée, et que
nous ayons eu à subir nous-mêmes cette dure loi.
Le temps dela justice viendra pour le magnétisme, comme il est venu pour tant d'autres
découvertes méconnues ou discréditées à leur origine ; cette science qui trouve
aujourd'hui tant de détracteurs sera réhabilitée, et les attaques de ceux qui
ont cherché à l'étouffer, ne resteront plus que comme des monuments attestant
les passions des hommes et leur aveuglement.
Mais si, dans l'examen que je sollicite et que vous allez faire, vous
veniez à découvrir que ce que nous vous donnons pour une vérité, n'est qu'une
erreur de notre esprit, il serait de votre devoir de nous réfuter et de
prémunir le public contre une doctrine d'autant plus dangereuse qu'elle
préoccupe aujourd'hui tous les esprits.
Mais nous sommes loin de redouter cette dernière supposition : les faits
ont parlé, nous les
avons examinés attentivement ; ils nous sont trop
bien prouvés pour que nous ayons à redouter rien de semblable. D'un autre côté
, s'il vous est démontré que nous avons tous, sans exception, la faculté de
développer des effets magnétiques, vous prendrez de plus en plus confiance en
nos paroles, et quelles que soient nos assertions, vous vous garderez de les
rejeter avant de les avoir vérifiées.
Déjà, Messieurs, cet examen se fait partout. Il
n'est pas, sachez le bien, un seul point du nord de l'Europe où le magnétisme
ne soit étudié et exercé par des hommes fort habiles, et dont le défaut n'est
pas sûrement d'être crédules. Si l'utilité de cette science n'est pas encore
généralement comprise dans ces contrées, du moins, son existence n'y est point
mise en doute. Il y a plus : l'Académie des Sciences de Berlin, l'un des corps
savants de l'Europe les plus distingués, a accordé un prix de 3,300 fr. à un
mémoire sur l'explication des phénomènes du magnétisme.
Ce ne sont donc plus quelques enthousiastes qui
donnent des théories et qui racontent des faits, ce sont des savants d'un ordre
élevé, des médecins célèbres, dont on peut citer les noms, qui pratiquent
aujourd'hui le magnétisme ;
Groningue, à Vienne, à Moscou, à St.Pétersbourg, à Berlin» à Stockholm et dans une foule
d'autres villes, on soutient des thèses sur le magnétisme , comme on en
soutient dans les universités sur toutes les autres sciences.
Frappé de ce mouvement général des esprits, M.
Husson demandait, en 1826, à l'académie de médecine de Paris,si elle n'accorderait pas quelque attention à un ensemble
de phénomènes qui avaient fixé à un si haut point l'intérêt et les recherches
des peuples que nous avons l'orgueil de croire en arrière de nous , sous le
rapport de la civilisation et sous celui de la science.
M. Husson demandait aussi à l'académie de
médecine, si elle souffrirait plus longtemps, que le magnétisme fut pratiqué
sous ses yeux, par des gens entièrement étrangers à la science, par des femmes
que l'on promène clandestinement dans Paris, et qui semblent faire mystère de
leur existence ?
M. Husson aurait pu donner bien d'autres motifs à
l'examen qu'il provoquait; je tâcherai de suppléer ici, à ce qu'il n'a point
dit ou n'a pas cru devoir dire.
Je vous ferai connaître, l'état actuel du
magnétisme en France, ses partisans et ses détracteurs.
Je vous signalerai ensuite les abus qu'ont
introduit parmi nous la pratique du magnétisme et du somnambulisme mal dirigés,
ainsi que la fausse route où sont entrés quelquefois ses prôneurs.
Je ne marcherai qu'appuyé sur des faits hautement
avoués par ceux même qui les ont produits, afin que votre raison puisse
constamment vous éclairer sur ce que vous devez croire ou rejeter.
Plusieurs cours ont déjà été faits sur le sujet
dont je viens vous entretenir; nous devons l'histoire du magnétisme aux
savantes conférences du docteur Bertrand qui en a développé les principaux
phénomènes et leur a donné ainsi une certaine publicité. Son exemple a produit
de bons effets ; plusieurs médecins, dont nous citerons les noms ailleurs, ont
recherché, comme lui, la vérité, et ont déposé leurs convictions dans des
ouvrages qui sont généralement estimés. Plus tard, un autre médecin de la
faculté de Paris, sans doute plus hardi que ses confrères, a provoqué
l'académie de médecine, et l'a, pour ainsi dire, forcée à faire une démarche,
dont cependant elle redoutait lés suites. Tous savez combien les discussions
qui s'élevèrent à ce sujet furent longues et orageuses : combien de médecins se
prononcèrent pour ou contre l'examen de la question, et vous savez aussi que le résultat
de cette lutte fut., qu'à une majorité de 35 voix contre 25, une commission de
14 membres serait nommée.
Moi-même je ne suis pas resté inactif au milieu de ces grands débats; j'ai
constamment, comme vous le verrez bientôt, sollicité les membres de l'académie
de médecine, et des sciences, d'être témoins de faits que j'offrais de leur
montrer, pour former leur opinion. Plusieurs savants distingués ont répondu à
mon appel,et je puis me rendre le témoignage d'avoir contribué pour quelque chose au
succès que les partisans du magnétisme ont obtenu.
Plus tard j'ai développé mes opinions sur le magnétisme dans un cours
public, qui a été suivi par un grand nombre de jeunes médecins. Plusieurs
d'entre eux ont magnétisé, et obtenu des effets magnétiques remarquables. J'ai
des rapports écrits qui ne laissent aucun doute sur cet heureux résultat.
Constamment à la tête des magnétiseurs, je leur ai appris à ne pas reculer
devant une démonstration publique en présence d'incrédules. Ils avaient banni
ces derniers de leurs expériences : je les ai appelés aux miennes. Les
magnétiseurs expérimentaient dans l'ombre; j'ai, moi, expérimenté au grand jour
: ils ne magnétisaient que des femmes faibles ou des. hommes malades; j'ai
magnétisé des hommes robustes, et j'ai prouvé qu'ils n'étaient pas moins
susceptibles que les premiers, des effets magnétiques.
Les magnétiseurs s'adressaient timidement aux médecins
et leur demandaient humblement quelques-uns de leurs malades, pour les traiter
par le magnétisme; moi, je suis allé les provoquer jusque dans leurs
sanctuaires, et je n'ai pas eu à me repentir de mon audace.
Au récit de mes expériences dans les hôpitaux, un
grand nombre de jeunes gens m'imitèrent et obtinrent des phénomènes dignes de
fixer l'attention des médecins qui en ont été les témoins : l'Hôtel-Dieu, la
Salpètrière et la Charité seraient là pour appuyer de leur
témoignage mon assertion.
Je pourrais encore rappeler à votre mémoire une
foule de faits magnétiques consignés depuis quelques années dans des ouvrages
estimés ; je pourrais vous citer les recherches faites sur le même sujet par
les docteurs Rostan et Georget. A des témoignages si respectables, je
pourrais joindre celui de beaucoup de jeunes professeurs de médecine qui ont pris dans leurs cours la défense du
magnétisme : je pourrais vous dire enfin, qu'il y a deux ans, le docteur
Filassier a soutenu, sans trop encourir le Blâme de la faculté, une thèse sur
la science que nous étudions. (*)
(*) Les principaux phénomènes sur lesquels s'appuye celle thèse ont été
fournis par une de mes anciennes somnambules, magnétisée depuis par plusieurs
magnétiseurs et notamment par M. Chapelain.
Mais j'aurais trop à faire si je voulais vous citer tous les témoignages
que nous avons en notre faveur; ceux dont je viens de parler sont, j'ose le
dire, plus que suffisants pour établir que le magnétisme existe réellement.
Gomment se fait-il donc que le public montre encore tant de tiédeur, pour
une vérité qui a trouvé des défenseurs si nombreux et si éclairés? à quoi
attribuer, dans un siècle de lumières, tant d'indifférence pour une découverte
destinée à étendre si prodigieusement le cercle des connaissances humaines ?
Et vous, Messieurs, redouteriez-vous encore le ridicule qui s'attache si
mal à propos à ceux qui étudient et qui pratiquent le magnétisme?
s'il en était ainsi, vous ne resteriez pas longtemps sous l'influence de
cette crainte; j'aurai bientôt à vous citer des noms auxquels vous ne
craindriez pas d'associer les vôtres.
Et, après tout, le ridicule ou la honte, ne pourrait retomber que sur ceux
qui nient ou qui calomnient sans preuves ! Demandez-leur, quand ils vous
affirment effrontément que le magnétisme n'existe pas, s'ils ont vu des faits ?
s'ils ont expérimenté? ils vous répondront qu'ils n'ont rien observé, rien vu ;
car il est au-dessous d'eux d'étudier ce qu'ils appellent une jonglerie.
Des témoins de tous les rangs et de toutes les conditions viennent- ils en
fouie dire au public « nous avons examiné, nous avons vu » on leur répond
hardiment ; « vous n'avez pas examiné, » vous n'avez pas vu ; on vous a trompés
! » Les malades se présentent-ils eux-mêmes, avec des signes certains d'une
guérison complète ? on les regarde; on sourit; on leur dit aussitôt : vous
n'aviez point de mal ; votre imagination vous a guéris ! (*)
(*) Quelquefois même on trouve plus commode de
substituer à la calomnie un mensonge formel : c'est ainsi que M. Récamier crut
devoir annoncer un jour, en pleine académie, que la fille Samson, que j'avais déclaré avoir guérie par le magnétisme était morteàl'Hôtel-Dieu!
Malheureusement pour le détracteur du magnétisme, la fille Samson a affirmé et
publié depuis qu'elle se portait fort bien.
Messieurs, serait-ce par cette assurance de langage, et à l'aide de si grossière moyens, que l'on espérait vous détourner
de l'étude du magnétisme? je suis loin de le penser: vous avez une autre méthode,
et surtout une autre logique : vous comprendrez qu'entre des gens qui disent «
nous avons vu, nous avons fait » et d'autres qui répondent « ce que vous
prétendez avoir vu » ou fait est impossible ; vous êtes les jouets d'une »illusion » vous
comprendrez, dis-je, que les seconds doivent inspirer plus de défiance que les
premiers; et vous ferez justice d'un pareil système; car il ne peut être que
celui des sots, ou des gens de mauvaise foi.
Vous vous graverez dans la mémoire ces paroles de Montaigne :
« De condamner, comme impossibles, des choses peu vraisemblables
témoignées par des gens dignes de foi, c'est se faire fort par une téméraire présomption de savoir jusqu'où va la possibilité. »
Avant de vous parler, Messieurs, de l'état actuel du magnétisme en France,
je dois remonter à son apparition parmi nous, et vous faire le
récit des événements qui l'ont accompagné et suivi: je serai très-court, car il
n'entre pas dans, mon plan de vous entretenir d'une foule de particularités que
vous pouvez lire dans les divers ouvrages qui traitent de l'histoire du
magnétisme dans les premiers temps.
Je n'observerai pas, non plus, rigoureusement
l'ordre des dates, parce qu'il me faudrait pour cela un temps qui sera plus
utilement employé à vous entretenir d'expériences et de résultats.
Antoine Mesmer à qui nous devons la découverte du
magnétisme animal, naquit à Vienne en 4740. Il fut reçu docteur-médecin de la
faculté de cette ville en 1766. Sa thèse inaugurale est intitulée de l'influence
desplanètes sur le corps humain.
Porté par son génie à s'éloigner de la route
tracée, reconnaissant le peu de certitude de l'art deguérir, il voulait l'établir sur des hases plus vraies.
Le besoin de connaître la vérité se faisait sentir vivement à son esprit ; il
la cherchait avec ardeur, et je ne saurais mieux vous en donner une juste idée,
qu'en vous citant ce qu'il écrivait lui-même, dans le moment où il était le
plus absorbé par une grande pensée :
« Le système qui m'a conduit à la découverte du magnétisme animal,
dit-il, n'avait pas été l'ouvrage d'un jour. Les réflexions s'étaient
successivement accumulées dans mon esprit. Je ne devais qu'à la constance,
le courage nécessaire pour attaquer les préjugés de la rai son et de la
philosophie, sans être à mes » propres yeux coupable de témérité.
Le froid accueil que l'on fit aux premières notions dont je hasardai la
publicité, m'étonna comme si je ne l'avais point prévu. La dérision
surtout me parut excessivement déplacée » de la part des savants, et
particulièrement de » celle de médecins, puisque mon système dénué » de
toutes preuves, aurait encore été aussi raisonnable, que ceux qu'ils
honorent tons les » jours du nom de principes.
» Ce mauvais succès me porta à discuter de nouveau mes opinions. Loin de
perdre à cet » examen, elles en sortirent revêtues des couleurs de
l'évidence. En effet, tout me disait » qu'il existait nécessairement dans les
sciences, des principes négligés ou non aperçus, autres » que ceux que nous
admettions. Tant que les » principes des sciences, me répétais-je à chaque »
instant, seront faux ou incertains, les efforts des plus beaux génies seront infructueux pour » le bonheur ou
l'instruction de leurs semblables.
» Je comparais les médecins à des voyageurs » hors de leur route, qui
s'égarent de plus en » plus, en courant toujours devant eux, au lieu » de
revenir sur leurs pas , pour se reconnaître.
» Une ardeur brûlante s'empara de mes sens ; » je necherchais plus la vérité avec amour, je »
la cherchais avec inquiétude : la campagne, » les forêts, les solitudes les
plus retirées eurent » seules des attraits pour moi : je m'y sentais plus »
prés de la nature.
» Toutes autres occupations me devinrent importunes : les moments que je
leur donnais me » paraissaient autant de vols faits à la vérité.
» Insensiblement le calme revint dans mon » esprit. La vérité que j'avais
poursuivie si ardemment ne me laissa plus de doute sur mon » existence; elle
était obscurcie, mais je voyais » distinctement la trace qui menait à elle, et
je » ne m'en écartais plus. C'est ainsi que j'acquis a la faculté de la
soumettre à l'expérience. » (*)
(*) Mesmer adressa en 1776 un mémoire sur sa découverte, à tous les corps
savants de l'Europe. Un seul, l'académie de Berlin, lui fit la grâce de lui
répondre et il résultait de cette réponse très-laconique : « qu'il n'était
qu'un visionnaire. »
Vous dire, Messieurs, comment Mesmer parvint à reconnaître l'existence de
l'agent dont nous poursuivons l'étude, cela nous paraîtrait difficile : fut-ce
par la force seule de son génie, comme il semble le faire pressentir, ou
avait-il lu les auteurs qui longtemps avant lui avaient traité cette matière?
C'est ce qu'il nous importe peu de savoir : quoiqu'il en soit, Mesmer mérite
toute notre reconnaissance pour avoir rappelé les esprits vers l'étude du
magnétisme.
Cependant sa doctrine ne fut mise en pratique que vers l'an 1775, époque
vers laquelle il publia une partie de son système.
Les principes de Mesmer n'étaient pas, au fond, aussi différents de ceux
des autres médecins qu'on pourrait se le figurer.
Mesmer pensait que tous les mouvements internes et externes qui s'opèrent
dans notre corps, soit en santé, soit en maladie, ont lieu par l'action des
nerfs : or, ce que Mesmer pensait les autres médecins le pensaient aussi ;
Mesmer pensait que l'action des nerfs dépendait elle-même de l'action d'un
fluide très-subtil, les autres médecins le pensaient aussi. Mesmer pensait que
ce fluide était lui-même soumis à différents agents dont les uns, comme les
corps qui nous environnent, sont en dehors de nous; les autres, comme les différentes
affections de notre âme, notre volonté, nos passions, l'organisation de notre
machine ; or , les autres médecins pensaient également cela.
Mesmer pensait que l'état normal de nos fonctions , duquel dépend la santé,
s'entretient par l'action régulière de nos nerfs ; les autres médecins le
pensaient aussi.
Mesmer prétendait que la guérison de nos maladies s'opère par des codions
et par des crises ; les autres médecins le prétendaient aussi.
En quoi Mesmer et les médecins de son temps différaient-ils donc ? Le voici
: Mesmer croyait avoir trouvé le secret de diriger à volonté, et par des moyens
faciles, le fluide qui met nos nerfs en action, et par là de leur procurer
celles dont ils ont besoin, soit pour la conservation de la santé, soit pour la
guérison des maladies. Mesmer croyait connaître mieux que les médecins de son
temps et que ceux qui l'avaient précédé, la nature du fluide nerveux ; et c'est
là ce qu'on lui contestait.
Ses idées ne furent point goûtées : il se trouva repoussé de toutes parts,
bien qu'il eût traité par le magnétisme un grand nombre de
maladies et qu'il eût obtenu le succès le plus complet.
Après avoir été en butte à plusieurs scènes scandaleuses, il quitta Vienne
en 1777,croyant avoir fait assez pour ses ingrats concitoyens et emportant
l'espoir qu'ils lui rendraient un jour plus de justice.
Peu d'années s'étaient écoulées et déjà ce que l'on appelait la découverte
de Mesmer faisait la plus vive sensation chez les peuples voisins. Aussi quand
il arriva à Paris, en 1770, précédé de sa réputation, s'y trouva-t-il l'objet
de l'attention publique.
Il ne tarda pas à contracter des liaisons avec les médecins les plus
distingués de la capitale, notamment avec le docteur Deslon, membre de la
Faculté de Médecine de Paris et premier médecin du comte d'Artois.
De toutes parts on s'empressa de donner à Mesmer l'assurance qu'il serait
plus heureux en France que dans sa patrie, et on l'engagea à présenter son
système à l'Académie des Sciences.
Mal accueillies de l'Académie des Sciences, les idées de Mesmer échouèrent
également auprès de la Société de Médecine. Cependant la franchise et la bonne
foi de ses procédés lui concilièrent un grand nombre de médecins qui se livrèrent avec
zèle à la pratique du magnétisme et en publièrent partout les heureux
résultats.
Traité sans égard, je dirai presque
ignominieusement, par les sociétés savantes, Mesmer était en revanche recherché
avec empressement par un grand nombre de personnages distingués. Cet accueil
lui donna l'idée d'ouvrir un traitement où les malades accoururent en foule
pour se faire guérir par la nouvelle méthode , et les guérisons éclatantes qui
s'y firent achevèrent la réputation de Mesmer.
Messieurs, si les premiers propagateurs du magnétisme
animal eussent suivi l'exemple d'un ancien philosophe qui se contenta de
marcher devant quelqu'un qui niait le mouvement, s'ils se fussent bornés à
produire des faits, au lieu de chercher à les expliquer, il y a longtemps que
la cause du magnétisme serait gagnée; mais ils n'ont pas suivi cette marche ;
ils se sont trop hâtés de bâtir des systèmes et de les présenter comme
renfermant tous lessecrets de leur art.
Emportés par l'enthousiasme, les partisans de la doctrine magnétique ne surent
point mettre de bornes à leur croyance. La guérisonde quelques maladies leur fit croire à la possibilité de
les guérir toutes. Ils eurent l'imprudence d'écrire qu'il n'y avait qu'une vie, qu'une santé,
qu'une maladie, et par conséquent qu'un remède, et que cet unique remède était
le magnétisme.
Portant leurs prévisions dans l'avenir, ils crurent devoir prédire que
l'agent de Mesmer opérerait un grand changement dans nos mœurs, et une
modification complète de notre organisation.
« Nos pères, disaient-ils, ne tomberont plus » qu'à l'extrémité de la
décrépitude. H n'y aura » plus rien dans les hôpitaux qui révolte l'humanité
; on parcourra doucement la carrière de ses » jours, et la mort sera
moins triste parce qu'on » y arrivera de la même manière qu'on s'avance » dans
la vie.
» Les peuples sains et robustes pourront écarter les épidémies, les
maladies amenées par les » cours des siècles, etc. Les hommes ne connaîtront
nos maux que par l'histoire, leurs jours » prolongés agrandiront leurs projets
et les consommeront; ils jouiront de cet âge si vanté, » où le travail se
faisait sans peine, la vie passait » sans chagrin et la mort approchait sans
horreurs. »
Et enfin, Messieurs, cesbelles promesses étaient publiées et accompagnées de réflexions non
moins étranges.
« Ce que nous venons d'annoncer paraît respirer
l'enthousiasme, disaient-ils, mais on » saura un jour, que nous avons ménagé la
disposition des esprits et que nous sommes demeures au-dessous du sujet
que nous avions à » peindre. »
Vous comprenez, Messieurs, tout ce que de telles
assertions avaient alors de révoltant et de chimérique; et pourtant, elles
étaient soutenues, appuyées, par des hommes de mérite ; tant la passion peut
quelquefois nous aveugler et fausser notre jugement!
Ce qui ne vous étonnera pas moins que
l'enthousiasme des magnétiseurs, c'est la conduite des corps savants de cette
époque qui ne surent pas mieux, que les premiers, conserver assez de sang froid
pour prononcer sans passion sur le magnétisme.
Vous savez que des commissions nombreuses furent
nommées d'office par Louis XVI pour examiner le système de Mesmer; et que ces
commissions furent composées des Lavoisier, des Bailly, des Franklin,
des Jussieuet d'une foule d'autres
savants non moins illustres : on était donc en droit de tout attendre d'un semblable aréopage : à coup sûr, la lumière
devait en sortir ; et pourtant cela n'arriva pas.
Mais, Messieurs, il faudrait vous reporter à cette époque, et en feuilleter
les archives, pour avoir une idée de l'agitation dans laquelle cette simple
question de magnétisme avait jeté la France.
«
D'un côté, on voyait les corps savants aveuglés par l'esprit de parti,
chercher à proscrire cette découverte; de l'autre une partie de la cour et de
la ville embrasser avec chaleur la nouvelle doctrine, et prendre fait et cause
pour Mesmer, dont le caractère avait su se concilier l'estime générale.
Les uns niaient tous les faits de la magnétisation , ou les expliquaient
par des causes erronées, que je vous ferai connaître plus tard : les autres, au
contraire, adoptaient tout ce qu'avait dit et écrit leur chef, et par cela même
allaient beaucoup trop loin dans leurs croyances.
La guerre était vive des deux côtés : Paris était inondé de brochures (il
en a paru plus de 500 dans l'espace de dix-huit mois) ; l'esprit, l'érudition
et le sarcasme y brillaient tour-à-tour : on croirait difficilement aujourd'hui
à tant d'irritation, si des témoignages irrécusables n'étaient lu pour nous révéler l'acharnement des deux partis.
La querelle s'envenimait de plus en plus; etc'est le moment où les esprits étaient ainsi disposés,
que les membres de la commission choisissent pour examiner la question du
magnétisme : aussi, Messieurs , je dois le dire avec douleur, leur rapport se
trouve partout empreint de leurs préventions, et partout nous voyons les
commissaires aux prisés avec la vérité que toujours ils éludent; tous les
arguments leur sont bons pour expliquer des faits qui étaient alors inexplicables,
et ils ne craignent pas de compromettre une réputation justement acquise, pour
laisser à la postérité un monument qui doit signaler un jour les écueils du
génie, lorsqu'il est animé par la passion. Cependant malgré les rapports
passionnés des commissaires, les faits se multiplient, ils parlent, et le
magnétisme sort triomphant d'une lutte dans laquelle on s'était promis
peut-être de l'étouffer.
Cette circonstance nous rappelle que bien des
questions importantes ont été décidées sans le concours des savants, et souvent
même en opposition formelle avec la vérité. Tout le monde se souvient que les
premiers qui prétendirent avoir vu tomber des aérolithes, ne purent faire
croire à la réalité de leur récit. Mais enfin des faits
semblables furent attestés par d'autres témoins, et personne ne conteste
aujourd'hui un phénomène alors nié par ce qu'il y avait de plus savant.
Ce qui est arrivé à l'occasion des aérolithes arrivera indubitablement à
l'égard du magnétisme animal, et le moment n'en est pas éloigné; mais
continuons notre récit.
A côté de la force se trouve presque toujours l'intolérance : les corps
savants qui pouvaient impunément imposer au public leurs croyances ou leurs
opinions, n'ignoraient pas le mal qu'ils pouvaient faire à Mesmer ; aussi
commencèrent-ils bien longtemps avant de présenter leur rapport, à persécuter
les partisans de la nouvelle doctrine, et un grand nombre de médecins
furent-ils victimes de leur zèle pour la propagation du magnétisme; on poussa
l'impudeur jusqu'à vouloir les faire mentir à leur propre conscience.
Aujourd'hui ces faits nous paraîtraient incroyables, s'ils n'étaient consignés
dans une foule de mémoires écrits dans le temps par les médecins persécutés.
Permettez-moi de vous citer un fragment de l'un de ces mémoires, pour vous
donner une idée de l'animosité qui existait alors contre Mesmer et ses
partisans.
J'extrais ce passage d'une brochure intitulée: Rapport au public de
quelques abus auxquels le magnétisme a donné lieu; par M. Donglé, docteur
régent. (*)
(*) Cette brochure a été publiée en 1785.
« On dénonce trente docteurs magnétisants, on » donne un veniat à
chacun en particulier. Ils arrivent presque tous et sont relégués dans une »
salle séparée de l'assemblée. Chacun attendait » avec impatience l'appel
général, et se promenaitenlong et en large avec sa façon de penser » et
d'agir. On m'apprend qu'il est question de nous faire signer une espèce de
formulaire. Nous » verrons ce qu'il contient, dis-je alors, et nous »
signerons, ou nous ne signerons pas.
» L'appariteur parait enfin et m'appelle : » comme le plus ancien, j'avais
cet honneur-là. » J'entre, fort surpris de n'être suivi d'aucun de » mes
compagnons. On me fait asseoir, et M. le » doyen commence par me demander si
j'ai donné de l'argent pour me faire instruire du magnétisme. Surpris
encore plus de cette question, » je répondis, par respect, que M. Deslong ne »
prenait point d'argent, qu'il ne recevait que des » médecins pour observer et
l'aider; qu'il était on
ne peut plus honnête, modeste et complaisant, » et que d'ailleurs la
faculté ne l'ignorait pas.
» Je ne fatiguerai point le lecteur par le détail des autres questions. Je
fus interrogé en criminel,et je me croyais transféré en la grande » chambre
de la Tournelle. On finit enfin par me » présenter une formule à laquelle je ne
crus pas » devoir m'assujétir. Je ne voulus point signer, et » répétai à la
Faculté, pour lui prouver mon zèle » et ma soumission , que je n'avais pas
encore » trouvé dans cette méthode un degré d'utilité suffisant pour lui en
rendre compte, que j'y avais » observé quelques effets pouvant être attribués à
» l'action de la chaleur d'un homme sain, sur un » infirme;qu'il fallait, pour
magnétiser les malades dans leur lit, beaucoup de courage, de » force et de
santé, etc. Je sortis, un autre me » succéda.»
Voici quelle était la formule qu'on voulait faire signer à chaque docteur
régent :
Aucun docteur ne se déclarera partisan du magnétisme animal, ni par ses
écrits ni par sa pratique, sous peine d'être rayé du tableau des docteurs
régents, cet arrêté est du 27 août 1784.
Vous le voyez, Messieurs, il est aisé de vous
démontrer que les corps savants n'ont jamais suivi d'autre système que de
combattre aveuglément tout ce qui était vrai, tout ce qui était utile; je
pourrais, à l'appui de cette assertion, vous citer l'exemple si connu de
Galilée persécuté pour avoir mis en évidence le vrai système des cieux ; celui
de Christophe Colomb, annonçant en vain le nouveau monde ; celui de Harvey,
démontrant pendant trente années la circulation du sang, sans pouvoir y faire
croire. Plus tard on a vu combien de temps la faculté de médecine a condamné la
pratique du quinquina si précieux dans les fièvres intermittentes ; celle de
l'antimoine dont on fait un usage si fréquent aujourd'hui ; on sait qu'en 1636,
après de longues discussions et d'inutiles efforts de la part des partisans du
nouveau médicament, la Faculté flétrit et chassa de son sein un célèbre
médecin, parce que ce médecin avait, contre sa défense, fait usage de
l'émétique réprouvé. N'a-t-on pas, même de notre temps, vu l'inoculation proscrite
par la même Faculté, qui, dans un décret de l'année 1745, la traita de meurtrière,
de criminelle et de magique ?
C'est au milieu du dix-huitième siècle que la Faculté parlait ainsi de
l'inoculation ! non moins animée alors contre les inoculateurs qu'elle ne
l'a été depuis contre les magnétiseurs, elle les appelait bourreaux
et imposteurs, et donnait aux inoculés les qualifications de dupes et
d'imbéciles.
Tant de vérités méconnues et persécutées devraient , ce me semble, nous
rendre plus circonspects et nous empêcher de nier, sans examen , des faits
attestés, quelqu'étranges qu'ils puissent nous paraître.
Mais ce n'est pas ainsi que nous procédons : « L'expérience des siècles
passés est perdue pour » nous ; ou du moins nous n'en tirons que des »
instructions stériles, et qui ne nous servent plus » de rien, quand l'occasion
se présente d'en faire » usage; car telle est la nature de notre esprit, » que
les choses qui nous paraissent les plus claires, » quand nous les considérons
en elles-mêmes et » d'une manière générale, nous ne savons plus en » faire
l'application dans les cas particuliers, quand » nous sommes égarés par nos
préjugés et nos » préventions. »
Je reviens, Messieurs, au jugement inique prononcé par l'ancienne Faculté,
contre quelques-uns de ses membres, accusés de croire et de pratiquer le
magnétisme.
Plusieurs docteurs régents ne se soumirent point au jugement prononcé
contre eux : ils ne voulurent point transiger avec leur conscience; ils
furent impitoyablement rayés de la liste des docteurs régents,et privés des
honneurs et des émoluments qui étaient attachés à leurs fonctions. De ce nombre
étaient le docteur Deslon, premier médecin du comte d'Artois, et M. Varnier,
autre docteur régent , qui, disait-on, montrait dans sa pratique, dans ses
discours et ses écrits, trop d'obstination, pour le prétendu magnétisme animal.
Ce décret est du 23 avril 1784.
Il donna lieu à un mémoire de M. Varnier qui se
renditappelant : ce mémoire rédigé par M. Fournel, avocat, est un monument
précieux où la sagesse et la prudence, sont mises en opposition avec la sottise
et le délire de la Faculté. Ce mémoire est appuyé d'une consultation de
dix-sept avocats des plus distingués qui tous blâment la conduite de la
Faculté; surtout lorsqu'elle exigeait le serment de ne jamais croire au
magnétisme, et de ne s'en déclarer jamais partisan !
L'acte d'iniquité d'un corps qui devait se
respecter , contribua beaucoup à augmenter les partisans de la nouvelle
doctrine ; et ce qui devait encore donner plus de fondement au système de
Mesmer, et ébranler le respect, que quelques personnes conservaient encore pour
la décision
des savants qui l'avaient jugé, ce fut la
résolution de M. de Jussieu, qui ne voulut pas signer le rapport fait
par Mauduyt, Andry et Caille, avec lesquels il avait également été
chargé de l'examen. M. de Jussieu fit un rapport particulier, dans lequel,
sans admettre entièrement le système de Mesmer, il semble pourtant y
reconnaître quelque fondement. (*)
(*) Mesmer, écrivant à un de ses amis, en 1783,
disait : « Mon » existence ressemble absolument à celle de tous les
hommes, » qui en combinant des idées fortes et d'une vaste étendue, sont »
arrivés aune grande erreur ou à une grande vérité ; ils appartiennent à
cette erreur ou a cette vérité ; et selon qu'elle est » accueillie ou rejetée,
ils vivent admirés ou meurent mal-* heureux. Mais quoi qu'ils tentent pour
recouvrer leur indépendance primitive, c'est-â-dire pour séparer leur
destinée de » celle du système dont ils sont les auteurs, ils ne font que
d'inu-tiles efforts. Leur travail est celui de Sysiphe, qui roule malgré » lui
le rocher qui l'écrase ; rien ne peut les soustraire a la tâche » qu'ils se
sont imposée. »
M. de Jussieu fit un acte de grand courage en se
séparant de ses confrères, et ne craignit pas de braver les traits du ridicule
qui poursuivait, dans le inonde savant, tous les partisans du magnétisme , et
peut-être môme les menaces du pouvoir.
Partout en France se formaient des sociétés sous le
nom de sociétés de l'harmonie : beaucoup de personnes distinguées étaient
initiées aux secrets de Mesmer; Lyon, Bordeaux, Rouen, Strasbourg, Nantes, avaient des
traitements publics, où étaient guéris gratis, un grand nombre de
malades.
La société de la seule ville de Strasbourg comptait 180 membres.
Des procès-verbaux constatant les guérisons qui s'opéraient dans ces
traitements, étaient imprimés et répandus avec profusion. (*)
(*) Ce qui prouve bien la bonne foi des partisans de Mesmer et la réalité
des cures qu'ils opéraient, c'est qu'en même temps qu'ils déposaient chez le
notaire les originaux des certificats constatant les guérisons de maladies, ils
déposaient également des fonds spécialement destinés a la vérification des
faits et & leur réfutation s'ils étaient tronqués. La médecine ordinaire ne
nous a jamais offert de semblables exemples.
Malgré les faits éclatants et positifs de l'existence du magnétisme, Mesmer
était joué sur la scène; des poëmes burlesques étaient imprimés contre sa
doctrine, et des chansons où lui-même était travesti, circulaient dans Paris.
Le magnétisme était le sujet de toutes les conversations.
Mesmer avant de quitter la France se rendit à Spa, où le dérangement de sa
santé le retint quelque temps. Plusieurs malades d'un rang distingué et d'une fortune considérable, avaient suivi Mesmer à Spa pour ne
pas interrompre leurs traitements : ces malades partageaient vivement la
douleur de celui auquel ils croyaient devoir le soulagement de leurs maux.
Attachés au magnétisme dont ils ressentaient les effets bienfaisants, ils
résolurent d'assurer sa propagation en France, en procurant, au moyen d'une
souscription, à l'auteur de la découverte, une fortune indépendante qui le mît
à même de la répandre de la manière qu'il jugerait le plus convenable.
Cette souscription eut lieu en effet : Mesmer accepta la proposition qui
lui fut faite de former des élèves ; et le nombre des souscripteurs qui devait
être de cent, dépassa de beaucoup, ce nombre, quoique le prix de chaque
souscription fût de cent louis.
Les membres dé cette société, instruits de la doctrine de Mesmer,
exécutèrent le projet qu'ils avaient formé.; ils répandirent gratuitement la
connaissance du magnétisme dans les provinces , et Mesmer quitta la France,
pour n'y plus revenir.
Vous devez trouver étrange, qu'après avoir fait tant de bruit, il se soit
éclipsé tout-à-coup :
eh ! Messieurs ! vous savez tous qu'une agitation
bien autrement grande que celle qu'il avait causée, survînt en France ; on eut
alors d'autres intérêts à défendre que ceux de la science; chacun, dans le
tumulte des affaires publiques, songea à soi, et s'occupa peu d'une vérité qui
n'était plus rien, en présence des événements majeurs qui captivaient toutes
les attentions et changeaient toutes les existences.
Le magnétisme abandonné comme toutes les sciences
libérales, fut oublié avec les membres qui en possédaient la connaissance ; les
élèves de Mesmer tous riches et titrés furent obligés de s'expatrier pour
sauver leur vie, qui n'était plus en sûreté dans leur pays ; ils reportèrent la
découverte du magnétisme à son berceau ; l'Allemagne, la Hollande profitèrent
de ses bienfaits, et quelques-uns des élèves de Mesmer la portèrent même en
Amérique.
Aussi pendant un espace de plusieurs années, nous
ne voyons en France nulle trace du magnétisme : seulement quelques individus
isolés agissaient dans le silence et faisaient le bien autour d'eux, sans
publier le résultat de leur pratique.
Bientôt arrivèrent les Puységur animés d'une
philantropie que des infortunes personnelles n'avaient point altérée; ils rapportèrent et
entretinrent le feu sacré qu'ils avaient reçu de leur maître Mesmer. Avec eux
on vit bientôt s'ouvrir de nouveaux traitements, et malgré les sarcasmes et les
railleries des gens qui, sans avoir rien vu nient tous les faits, ils
publièrent de nouveaux ouvrages, où ils exposèrent une doctrine nouvelle,
appuyée par de nouveaux et nombreux faits. La découverte du somnambulisme par
M. de Puységur prétait de nouveaux charmes à l'étude de la magnétisation; et la
physiologie, et la psychologie , s'enrichirent d'une découverte qui fera
bientôt votre admiration.
Si l'enthousiasme qui accompagna la seconde
apparition du magnétisme parmi nous, fut moins grand, il fut aussi plus durable
; on fit moins parade de cette vérité nouvelle et plus d'hommes s'occupèrent,
dans le silence du cabinet, à méditer sur ses résultats.
Quelques hommes osèrent cependant rompre des
lances avec les incrédules, mais n'ayant eux-mêmes aucunes règles pour se
conduire et ne sachant pas d'une manière certaine reconnaître les faits vrais
de ceux qui pouvaient n'être que simulés , ils ne purent faire le bien qu'à
demi. L'abbé Faria fut un de ces derniers : il ouvrit un
cours public de magnétisme et attira chez lui
beaucoup de savants. Sans juger encore les doctrines de ce magnétiseur, nous
devons lui rendre pleine justice ; il contribua beaucoup à répandre le
magnétisme en France. Doué d'une puissance presque incroyable (si on ne savait
que cette puissance augmente par l'exercice), il força quelques savants à
reconnaître une force qui leur était inconnue : nous étions alors dans un
siècle plus positif; et, comme plus que jamais, on reconnaissait qu'il n'y avait
point d'effet sans cause, les nouveaux convertis au magnétisme crurent qu'il
était de leur dignité de ne pas dédaigner l'étude de cette découverte. Ils
s'attachèrent donc et suivirent de plus en plus l'homme à prodiges; ils
apprirent eux-mêmes à magnétiser; ils reconnurent bientôt que ces effets
magnétiques se produisaient par une cause naturelle» dépendante de notre
volonté : que cette faculté était commune à tous ; et que l'abbé Faria ne
faisait que la mettre en jeu avec plus d'énergie, mais sans privilège spécial.
. Des ouvrages majeurs parurent; le nom de leurs
auteurs, la réputation dont ils jouissaient dans le monde, fixèrent enfin d'une
manière durable l'opinion de beaucoup de gens instruits ;
non que ces derniers crussent pour cela à tout ce
qu'on racontait de la faculté magnétique ; mais prenant en considération lé
mérite bien connu des gens qui disaient avoir expérimenté, leur bonne foi et
leur désintéressement, ils ne pouvaient sans témérité taxer de mensonges des
faits si bien attestés. L'incrédulité fléchit devant la vérité : le doute
pénétra de toutes parts dans les rangs des corps savants; chacun fut alors plus
soigneux de sa renommée, on n'osa plus écrire contre ce que l'on ne connaissait
pas, on abandonna les épithètes peu honorables dont on se servait
habituellement pour désigner les personnes qui s'occupaient à répandre la
connaissance du magnétisme.
Mais seulement on opposa une force d'inertie
désespérante; on se refusait à voir des faits, à les examiner. Il y avait bien
ça et là, quelques individus qui, à force d'instances, consentaient à voir,
mais la majeure partie des savants qui se souvenaient d'avoir été juges dans
cette question et de s'être prononcés pour la négative, n'osaient pas courir le
risque d'être forcés de donner une rétractation ; ils craignaient d'être
convaincus et accusés de légèreté.
M. de Puységur leur facilitait pourtant les moyens de revenir avec honneur de leur première
décision.
Voici quel était le langage de cet homme
estimable.
« Toute découverte dans les sciences, disait-il,
devant, pour être admise, être revêtue de la sanction des savants, c'est à eux
seuls qu'il appartient de prononcer, tant sur l'existence que sur l'utilité du
magnétisme animal; certain de la réalité des faits que j'ai observés, autant je
mets de prix à les en persuader, autant je leur soumets avec docilité tous les
aperçus et toutes les conséquences que mon esprit ou mon sentiment en auraient
pu tirer. Quelque sévère que soit leur jugement à mon égard, il ne pourra que
satisfaire au désir que j'ai de n'admettre que des vérités, mais qu'il n'en
soit généralement reconnu qu'autant qu'elles seront sanctionnées par leur
lumière et revêtues de leur autorité. L'utilité des sciences et l'estime que je
leur porte me feront toujours être flatté des leçons que je recevrai des
savants et n'être affligé que de leur indifférence. »
M. de Puységur est mort sans être parvenu à son
but; les savants ont gardé le silence.
Les mêmes hommes cependant se sont enquis avec
ardeur des phénomènes de la lumière, de
ceux de l'électricité, etc., et aujourd'hui même ils recherchent avec
empressement ceux que présente le galvanisme, et ils ferment opiniâtrement les
yeux sur les phénomènes qui proviennent de la vie elle-même; ils ont
complètement approfondi ou s'occupent d'approfondir la nature de tous ces
fluides étrangers à la vitalité, et les effets surprenants du fluide vital leur
sont entièrement inconnus; ces effets si importants à étudier pour parvenir à
la connaissance véritable de l'homme, n'ont encore obtenu que leur dédain.
Aussi, nous voyons se confirmer ce que je vous disais en commençant, que
c'est aux jeunes gens à propager la découverte du magnétisme ; vous verrez
qu'au sein même de nos académies ce sont les plus jeunes membres qui se sont
prononcés pour l'examen, que ce sont eux seuls qui ont expérimenté et reconnu
les vieilles erreurs de leurs devanciers, et qui ont osé, secouant le joug d'un
préjugé, qui pesait sur eux de toute l'autorité de la chose jugée, reconnaître
et proclamer hautement la vérité.
Lorsque nous vous aurons convaincus de l'existence du magnétisme animal,
nous espérons que vous joindrez votre voix à la nôtre pour en propager la
connaissance et l'usage.
Vous accuserez la tiédeur des savants et surtout
des médecins, car rien de ce qui intéresse la vie des hommes ne doit leur être
indifférent; vous leur reprocherez de laisser dans l'oubli une vérité aussi importante que l'est celle du
magnétisme ; appelés chaque jour à prononcer sur des effets dontla cause leur échappe, chaque jour ils se voyent réduits
à la nécessité malheureuse de corriger la nature, qu'ils ne connaissent point,
par les procédés d'un art que souvent ils ne connaissent pas davantage ; chaque
jour ils ont donc des souhaits à former, pour qu'une révolution avantageuse au
progrès des sciences développe enfin quelques germes de vérité, sur le sol
ingrat qu'ils cultivent depuis si longtemps , avec tant de constance et si peu
de succès. (*) Vous vous plaindrez hautement de les voir reculer devant un
examen sérieux et attentif.
(*) « On lit dans la plupart des livres modernes
qu'à l'époque » du renouvellement des sciences, la médecine s'est
perfectionnée; que tes découvertes immenses qu'on a faites en anatomie, en
physique, en chimie, ne permettent pasde révoquer ses progrès en doute ; qu'elles ont appris
aux praticiens » des routes nouvelles; qu'elles lui ont fait voir de nouvelles
» forces ; que l'économie animale est mieux connue et qu'il est » plus aisé
d'en rétablir les ressorts lorsqu'ils sont dérangés. Mais > si cela est vrai,
pourquoi donc, malgré les secours d'une » théorie lumineuse, la pratique
a-t-elle si peu changé ? guérit on plus sûrement? prévoit-on mieux la terminaison
des maladies?»
Vous interrogeant, vous vous demandez sans doute, pourquoi l'Académie de
médecine n'a pas encore pris de résolution sur ce sujet, bien qu'un rapport, où
tous les intérêts de corps ont été ménagés , lui ait été lu le 28 juin 1831,
par M. Husson, nommé rapporteur par la commission du magnétisme.
Vous chercherez les motifs d'un semblable refus d'examen! d'un semblable
déni de justice! et votre étonnement sera grand lorsque je vous donnerai
connaissance des faits que contient ce rapport : ils sont d'une telle nature
que la commission composée de 11 membres de l'Académie s'est déclarée
convaincue, bien que la plupart des membres de cette commission fussent incrédules
avant l'examen.
Vous verrez que l'un des commissaires soumis lui-même à la magnétisation
(*) en a éprouvé les effets les plus évidents, et les moins contestables, non
seulement dans une séance, mais dans plusieurs, toujours devant ses confrères et
dans des circonstances qui n'étaient cependant nullement favorables aux
expériences.
Desézb , d. m. (*) C'est moi qui
le magnétisais.
Tous ces faits que je vous signalerai ont été consignés
dans des procès-verbaux qui furent signés par tous les membres de la
commission.
Vous penserez que cen'estpas remplir son mandat
que de taire une vérité qui peut être utile à l'avancement de la science, et à
notre bonheur, s'il est vrai toutefois que l'action magnétique exerce une
influence salutaire sur l'économie animale.
Négliger d'approfondir la théorie du magnétisme et
les moyens de rendre ses effets plus sensibles , ne point chercher si son
influence plus ou moins grande ne pourrait déterminer le siège de nos maux,
c'est ressembler aux habitants d'Ephése. ~ « Si parmi nous, disaient-ils,
quelqu'un veut exceller ou trouver un nouvel art, qu'il soit banni ; qu'il
aille porter ailleurs sa supériorité et ses lumières. »
Ce langage est dur, mais la conduite des savants
et des médecins semble le justifier complètement; car quels sont les motifs qui
pourraient s'opposer à l'adoption du magnétisme? Serait-ce parce qu'on a crié
au miracle en apercevant quelques phénomènes étranges?
« Eh! messieurs, il n'y a rien de merveilleux »
dans le magnétisme animal. C'est un agent naturel, encore inaperçu, inouï pour
plusieurs et voilà tout. Il n'y a de merveilles, de miracles » que pour les sots. Plus
les peuples sont igno-v) rants et plus il y a de miracles, parce que igno-»
rant la plupart des phénomènes de la nature, il » y a un plus grand nombre de
faits qui échappent » à leurs connaissances, et leur paraissent étrangersàsesloix:plus les peuples s'instruisent,
plus » leurs connaissances s'étendent, et moins il existe » de faitsquiles surprennent.
Lorsqu'ils enrencontrent de nouveaux, ils ne s'étonnent plus, ils ne » crient pas au
miracle, ils ne les nient même pas, » mais ils les étudient et les rapprochent
d'autres » faits analogues déjà connus. Ainsi s'accroît par » des anneaux
successifs la chaîne des connaissances » humaines. Il est à remarquer que tout
ce qui est » nouveau et surtout inaccoutumé, excite en nous » le rire, le
mépris ou l'étonnement. Le sage ne » doit ni mépriser, ni s'étonner, il doit examiner. » La
plupart des phénomènes de la nature sont » tous au moins aussi surprenants que
ceux du » magnétisme animal : certes la lumière parcourant 4 millions de lieues
par minute, nous donnant la faculté de reconnaître l'existence d'objets placés
à plusieurs milliards de lieues de nous, » et cela dans un instant, faisant
pénétrer le spectacle de l'immensité de la nature entière par
une ouverture de la grandeur d'une tête d'épingle, est un miracle bien
autrement surprenant que l'influence d'un individu sur un autre » à la
distance de quelques pieds.
» L'attraction régissant l'univers, se faisant » sentir sans intermédiaire
à des distances énormes d'un astre à un autre, maintenant ainsi » dans leur
cours les globes célestes , n'est-elle » pas encore une merveille bien
autrement surprenante ? et cependant qui fait attention à la » magie de la
lumière et de l'attraction ? A peine » quelques hommes s'en occupent-ils;- le
reste » jouit de leurs bienfaits sans s'en étonner et » même sans y songer.
Pourquoi? parce que ce » sont des choses habituelles. »
Il est téméraire, il est même insensé de vouloir imposer des bornes à la
nature, et il n'y a plus aujourd'hui que l'hypocrisie qui se serve de ces
moyens pour arrêter l'essor du magnétisme, car rien dans ses effets ne viole
les lois de la nature. On a dit et répété que le magnétisme favorisait la
superstition. Eh! messieurs, qui ne reconnaît que cette assertion est un
mensonge intéressé. Le magnétisme, au contraire, détruit toute espèce de
superstition, et c'est un de ses grands bienfaits. Mais que ne dit-on pas d'une
chose dont on ne veut pas reconnaître l'utilité ?
Vous vous livrerez donc, Messieurs, à l'examen que nous venons vou3
proposer, vous y apporterez cet esprit de doute qui consiste à ne croire ou à
nier que lorsqu'on a examiné, vu, appliqué ses sens. C'est la seule règle, la
seule cause de toute connaissance positive et de tout progrés dans les
sciences.
Messieurs, la pratique du magnétisme nous dispose à la philosophie ; non à
cette philosophie orgueilleuse qui veut dominer l'opinion, mais à cette.
philosophie douce et tranquille qui rapproche les hommes, qui nous fait voir un
frère dans celui qui a besoin de nous, qui, après les devoirs que nous avons à
remplir, nous inspire le besoin de consacrer nos moments de loisirs à des actes
de charité ; qui nous éloigne des discussions politiques, nous porte âne pas nous attacher
à des systèmes, mais à rectifier notre jugement par des faits ; qui nous
démontre la spiritualité de l'âme, la puissance de la volonté, l'usage que nous
pouvons faire de cette volonté; qui nous détache des plaisirs frivoles et nous
inspire le goût des bonnes mœurs; qui nous montre enfin que les hommes sont
fils d'un même père, unis par des relations physiques et morales; qu'ils sont
comme les membres d'un
même corps, qu'ils sympathisent les uns avec les
autres, et qu'ils peuvent tous exercer une influence salutaire sur leurs
semblables.
On peut ajouter que l'étude du magnétisme joint à
la vérité de l'histoire l'intérêt du roman et le merveilleux de la féerie ;
qu'il produit les effets les plus curieux, les plus intéressants et les plus
utiles; qu'il procure les plus grandes jouissances ; qu'il faut môme de grands
efforts pour ne pas s'exalter au dernier point à la vue de toutes les
merveilles du magnétisme de l'homme.
Il fait voir un nouvel ordre de choses, il vous
transporte dans un nouvel univers, répand un nouveau jour sur tous les objets
du ressort de la physique, agrandit le domaine de nos connaissances dont on
peut dire qu'il est la clef; il manifeste d'une manière éclatante la toute
puissance et les merveilles du souverain être, et remplit le cœur de l'homme de
la plus profonde vénération pour l'ordre, l'harmonie et les rapports qui
régnent dans l'univers, d'où dérivent plusieurs lois tant physiques que
morales, lois primitives et essentielles qu'on ne peut transgresser sans
éprouver les peines attachées à cette transgression. 11 procure des plaisirs
qui sont autant au-dessus des autres plaisirs que la science du magnétisme
est au-dessus des autres sciences : plaisirs si vifs qu'ils ont fait dire à
l'illustre auteur des mémoires de Busancy, qu'ils donnaient trop d'existence.
Avant de terminer cette leçon, je dois vous entretenir des causes
particulières qui m'ont engagé à prendre la défense du magnétisme.
Il y a quatorze ans qu'un étudiant en médecine eut occasion de foire devant
une nombreuse assemblée de médecins une série d'expériences dont le résultat a
été très-connu.
Voici le fait :
On parlait un jour devant M. Husson, médecin del'Hôtel-Dieu, d'expériences magnétiques
faites dans le monde sur des malades qu'on prétendait avoir guéris de cette
manière. On contestait devant ce savant médecin l'existence du magnétisme ,
pensant qu'il partageait le doute manifesté par les personnes qui composaient
alors sa clinique. Mais M. Husson répondit, qu'ayant de nier une chose il
fallait avant tout l'examiner, et que, si on lui amenait un magnétiseur, il
s'empresserait de le mettre à l'épreuve, pour juger si, en effet, le magnétisme
existe, ou si ce n'était qu'une jonglerie.
On pensait généralement que la hardiesse des
partisans du magnétisme n'irait pas jusqu'à s'exposer à venir, en face
d'aussi bons juges, jouer un rôle qui ne pouvait que faire naître le dédain et
le ridicule.
Mais contre toute attente, le magnétiseur, prévenu de cette disposition,
arriva le lendemain à la visite du professeur : vous dire comment il fut reçu,
vous pouvez le deviner : il n'y eut que M. Husson qui conserva sa gravité.
Bref, une malade fut choisie, non par le magnétiseur, mais par les
assistants; on prit une jeune fille extrêmement malade, pensant que si le
magnétisme la guérissait, ce ne serait qu'un jeu pour lui de guérir tout
l'hôpital. Tous les moyens que fournit la médecine avaient été employés sans
succès. Douze cents sangsues, vingt saignées, autant de vésicatoires, l'eau
glacée, les affusions froides, l'opium, le musc, la diète la plus
rigoureuse, etc., etc., rien n'avait pu arrêter des vomissements de sang
qui menaçaient les jours de la malade ; et réduite au dernier degré de marasme,
elle attendait sa fin prochaine, placée sur un brancard; on la porta dans une
chambre séparée, où les expériences devaient commencer; l'étudiant magnétiseur
s'approcha d'elle sans cependant la toucher, étendant simplement la main
en face la région épigastrique et la dirigeant sur
les principaux viscères des cavités splanchniques, il continua cette
manœuvre pendant 20 minutes seulement.
Pendant ce temps aucun changement ne s'était fait
apercevoir chez la malade, elle fut reportée à son lit et chacun pensait
qu'elle avait été déplacée inutilement.
Mais, Messieurs, à dater de ce moment, plus de
vomissements ; quelle était donc la cause d'un aussi grand changement? La
malade suivait son régime habituel, et depuis plus de neuf mois on n'avait rien
vu de semblable.
Le magnétisme était encore récusé, car on n'avait
pas aperçu de changement apparent pendant son application; dans le doute, les
expériences recommencèrent et on vit bientôt naître tous les phénomènes les
plus extraordinaires du somnambulisme. L'insensibilité aux moxas, aux piqûres,à
l'ammoniaque, et enfin un isolement complet pour tout ce qui n'était pas le
magnétiseur ; des faits si étranges racontés par des médecins qui en avaient
été les témoins, attirèrent une affluence considérable. Parmi les curieux il y
en eut plusieurs qui furent mécontents de ces expériences, et qui, quoique
convaincus, disaient-ils, de la réalité du magnétisme, jurèrent
cependant d'employer leur crédit à en arrêter la propagation. Ils ne se
bornèrent pas à cette menace, ils cherchèrent bientôt à faire planer sur
l'étudiant en médecine, des soupçons injurieux à son caractère et à sa
franchise. Cette conduite repréhensible ne fit qu'enflammer le zèle de l'étudiant
pour la vérité. Il se promit, à son tour, d'employer ses facultés et tout son
temps à la répandre et de se venger par la publicité, des moyens qui, dans
cette circonstance, venaient de lui faire remporter le plus beau triomphe que
tout homme généreux puisse envier.
La malade fut guérie, elle sortit de l'Hôtel-Dieu
au bout de quarante jours, et existe encore aujourd'hui malgré l'assertion
contraire de M. Re-camier l'un des antagonistes du magnétisme, qui ne craignit
pas de dire en pleine académie que c'était à tort qu'on se vantait de cette
guérison, que la malade était morte dans ses salles ; il attesta ce fait de la
manière la plus formelle.
Messieurs, la personne qui fit ces expériences
vient remplir son vœu; heureuse si elle peut vous déterminer à essayer
vous-mêmes le moyen qui lui fit obtenir quelque succès ; vous l'aiderez de
cette manière à justifier le magnétisme et les magnétiseurs des calomnies sans nombre qu'on s'est plu à répandre sur eux.
Je suis aise, Messieurs, de pouvoir vous annoncer un commencement de
justification ; une nouvelle thèse sur le magnétisme animal, vient d'être
soutenue à la faculté de médecine par un jeune médecin, M. Albert Jozwik,
étranger distingué. Les examinateurs ont parfaitement accueilli M. Jozwik et
l'ont encouragé dans ses recherches.
Je vais vous donner
connaissance des faits
magnétiques qui servent de bases à cette thèse.
Ils vous laisseront regretter qu'ils ne soient pas
plusnombreux.
Voici cette thèse :
10 août 1834.
MM. Pelletan, Dumeril, Andral, Rostan, Chomel, examinateurs.
Effets obtenus par l'emploi du magnétisme animal dans une asphyxie
par commotion.
J'appelle asphyxié par commotion une asphyxie dont les auteurs n'ont pas
parlé et qui a lieu dans le cas suivant :
PREMIER FAIT MAGNÉTIQUE.
Au mois de juillet 1829, dans le camp sous Varsovie, un sous-officier au 3e
régiment de chasseurs à pied de l'armée polonaise, se donna la mort en mettant
le canon de son fusil dans sa bouche; le médecin de son régiment lui porta à
l'instant même du secours, mais ce fut en vain. ( On me fit un rapport du fait,
car j'étais alors chargé du service de la division. ) On avait porté le cadavre
à l'infirmerie du régiment moi, après avoir reçu le rapport, je me rendis où était
le cadavre, et , l'ayant encore trouvé chaud, je le magnétisai. Après
une demi-heure de magnétisation, le malheureux a commencé à respirer : je le
pansai alors, et le renvoyai à l'hôpital dit Uiazdow.
IIeFAIT MAGNÉTIQUE.
Effet du magnétisme dans une affection appelée danse
de Saint' Guy.
M. Joseph Skrodzki, capitaine, âgé de vingt-et-un
ans, ayant été atteint de la maladie dite ci-dessus, a été traité par les
médecins de Besançon , qui lui appliquèrent les cautères sur la région lombaire
et sur les bras, et lui firent plusieurs saignées. Apres avoir reconnu que les
antiphlogistiqués et les autres médicaments indiqués pour de semblables cas
n'avaient produit aucune amélioration; ils conseillèrent au malade de faire un voyage à Paris. Il vint en effet dans
cette ville, et fut reçu à l'hôpital de la Pitié, où il fut de nouveau saigné
et soumis à l'application des moxas sur la région de la nuque. Tous ces moyens
indiqués et suivis avec exactitude ne produisirent également aucun effet
sensible dans l'amélioration de la maladie. Le malade vint me trouver comme son
ancien médecin ; son état ne me permit pas de faire un pronostic favorable : je
lui proposai cependant de le traiter pendant quinze jours; car c'était alors
seulement que je pourrais lui dire si je pouvais le guérir.» Le malade était
sorti de l'hôpital de la Pitié au mois de juillet 1832. Je commençai l'emploi
du magnétisme aussitôt sa sortie. A la première séance de magnétisation les
paroxysmes qui avaient eu lieu au commencement de la journée, ne reparurent
plus, ils se sont bornés aux prodromes; pendant les jours suivants les
prodromes ont été plus rares. Au bout de sept jours , le malade se trouva
guéri, et les parties qui étaient en état de suppuration furent guéries à l'aide
de l'eau magnétisée.
IIIeFAIT MAGNÉTIQUE. Effet du
magnétisme obtenu dans la maladie appelée ascite. Un enfant de huit ans,
sans causes connues,
fut atteint d'une ascite, et ensuite il lui survint un ulcère sur la jambe
droite. Le médecin qui le traitait voulut pratiquer l'opération de la
paracentèse, et» dans cette vue, il me demanda un conseil. Je proposai de
retarder de quelques jours l'opération, et de soumettre l'enfant au magnétisme,
il voulut bien me le permettre. Dès le deuxième jour de magnétisation, les
évacuations alvines devinrent plus abondantes que pendant l'administration des
remèdes, qui, dans cette vue, avaient été précédemment donnés. Après la
troisième séance, les évacuations furent moins nombreuses, mais les urines,
furent rendues presque sans cesse. À la quatrième séance, les urines furent
plus rares, mais la transpiration se manifesta dans le jour suivant; elle
devint très-distincte, et le vingtième jour de traitement l'enfant fut guéri.
Chez toutes les personnes dont je viens de parler, le pouls fut naturel ou
diminué; elles éprouvèrent pendant la magnétisation de légères secousses ou
commotions qui étaient précédées par un sentiment de chaleur et accompagnées
par une impossibilité d'ouvrir la bouche et de mouvoir les membres, état qui
cessait aussitôt que je cessais la magnétisation et que j'influais
sur leur réveil. En sortant de cet état de torpeur
elles ont éprouvé une sensation semblable à celle que l'on éprouve lorsqu'on
souffle sur une personne.
Messieurs, dans la prochaine séance je vous
entretiendrai des faits qui prouvent d'une manière évidente l'existence du
principe que l'on appelle magnétisme animal.
Vous jugerez de la valeur des grands mots employés
par nos adversaires pour servir à expliquer ses effets, l'imagination, la
chaleur animale, l'imitation, l'éréthisme de la peau, et tout récemment le
mot extase.
Vous reconnaîtrez que le magnétisme a une manière
d'agir qui lui est propre et se trouve tout-à-fait indépendante des causes qui
lui ont été assignées ;
Qu'il ne faut point de foi pour l'employer, ou le
recevoir, qu'il n'est le privilège de personne en particulier;
Que nous le possédons tous, et qu'étant le
résultat de notre organisation, la mort seule peut nous en priver.
Lorsque cette vérité vous sera démontrée, nous
vous parlerons des phénomènes particuliers qu'il produit sur nous et notamment
du somnambulisme et des facultés qu'on acquiert dans cet
état, facultés les plus étranges de toutes.
Nous rechercherons le magnétisme dans l'antiquité
et nous en trouverons de nombreuses traces dans les auteurs anciens et modernes
et dans les traditions populaires de tous les pays : les Oracles, la Pithie,
sur son trépied, les Sibylles, les Possédés, les Visions,
lés Prédictions, les Magiciens, les sortilèges, les sorts, les charmes
offrent des indices assez évidents pour quelqu'un qui examine sans prévention.
Nous vous ferons connaître ensuite les dangers qui
résultent d'une application irréfléchie et exercée comme elle l'est maintenant
par une foule de personnes qui ne l'ont pas étudiée d'une manière spéciale.
Nous examinerons les doctrines qui ont servi de
base au magnétisme, celles surtout qui régnent aujourd'hui, et nous vous
tracerons des procédés qui nous semblent plus en harmonie avec l'état actuel de
cette science et la seule route à suivre pour arriver à une conviction solide,
conviction qui ne doit être basée que sur des faits physiques et purement
matériels.
Pour vous faire bien comprendre les procédés
enseignés par moi, je magnétiserai devant vous quelques personnes pour vous montrer comment on
peut obtenir la production des phénomènes magnétiques en vous mettant en
évidence cette vérité, que chaque individu porte en soi-même sa vie et sa mort
comme la santé et la maladie.
Que tout ce qui se peut connaître de la nature est
manifesté en nous.
Et enfin, que l'on peut, en imitant la nature,
l'obliger à foire un effort au-delà de ses productions ordinaires en l'aidant,
par industrie, à guérir une foule de maladies que la nature seule, ou aidée
d'un habile médecin ne pourrait guérir.
FIN DE LA PREMIERE LEÇON.
|