IIeLEÇON.
« O philosophes abusés, naturalistes prétendus
perçants, tous » ne savez être
curieux qu'à demi, vous croyez voir et vous ne » voyez rien. Pénétrez plus
avant et sans vous arrêter aux » écorces superficielles de l'être qui vous
détournent des profondes vérités que ce même être physique vous montre autant »
qu'il le peut, lisez dans l'intérieur.
» En lui est la vie, et la vie est la lumière des
hommes. »
« Quel est donc cet agent qui a tant d'empire sur
le corps de » l'homme? Est-il moral ou physique? Une émanation de notre » âme
intellectuelle ou un rayon détaché de quelque astre bienfaisant? Chasse-t-il
devant nous la cohorte effrayante des maladies comme une vapeur légère?
Etablit-il enfin le régne de » la santé sur la terre ? »
IIeLEÇON.
Messieurs,
Dans ma première leçon, je n'ai fait que parcourir
rapidement l'historique de la découverte du magnétisme animal, et que vous
indiquer brièvement les difficultés qui ont retardé son établissement et son
enseignement dans les écoles.
Vous aurez remarqué combien les corps savants
avaient mis de partialité dans l'examen qu'ils avaient fait de la découverte de
Mesmer. J'aurais pu, m'appuyant d'une foule de témoignages écrits, ne laisser
dans vos esprits aucun doute à ce sujet; mais il ne s'agit plus de discussions
sur des faits anciens; il n'est plus question de savoir si le magnétisme
existait du temps de Mesmer ; ce qu'il importe , c'est de connaître s'il existe
au temps où nous vivons.
Produit-on sur la nature humaine des effets, en employant des procédés
particuliers? l'homme exerce-t-il cette action par l'intermédiaire d'un agent?
Quelle est la nature de cet agent?
La cause en a-t-elle toujours existé? et pourrons-nous , par la seule
application du principe que nous croyons posséder, guérir quelques maladies?
Telles sont, Messieurs, les questions que nous nous proposons d'examiner :
et de leur solution entière, doit découler pour nous le doute ou la croyance.
Laissant de côté toutes les hypothèses, nous n'allons nous attacher qu'à des
faits bien avérés, attestés par des hommes capables de bien observer, et que
nous pourrions reproduire, s'il en était besoin.
Je voudrais, Messieurs, adopter la marche que l'on suit pour l'étude des
sciences physiques, vous faire connaître les effets les plus simples du
magnétisme, avant de vous parler des effets les plus composés. Mais cette
méthode ne peut être employée que d'une manière arbitraire ; car les phénomènes
produits sur la nature vivante différent essentiellement de ceux que l'on
observe ailleurs.; Vous le savez, Messieurs, les lois physiques sont
constantes, invariables ; elles ne sont sujettes ni à augmenter ni à diminuer; tandis que les corps vivants, au moral comme au
physique, n'offrent presque jamais la môme manière d'être, et montrent, au
contraire, desmodifications infinies.
Je vais
cependant procéder de cette manière, et ne m'occuper d'abord que d'une série de
phénomènes présentant à peu près les mêmes caractères physiologiques. Je
laisserai décote tous ceux qui m'éloigneraient de cette marche et les reprendrai dans
une autre séance ; mais, je vous le répète, je vais suivre une méthode factice,
je vais employer une règle arbitraire, une règle que n'admet point l'étude
pratique, car les effets magnétiques les plus simples se présentent souvent
avec les effets les plus extraordinaires.
Quoiqu'il en soit, j'ai la persuasion que le magnétisme, ce principe actif
que nous possédons en nous, et qui, lorsque nous le voulons, se manifeste
extérieurement par ses effets, a des lois particulières et constantes;
seulement elles sont encore trop ignorées, pour qu'on puisse les établir d'une
manière rigoureuse et les suivre toujours dans leurs manifestations.
Messieurs, lorsque l'on sait que l'on possède en soi la faculté magnétique,
et que l'on est déterminé à la mettre en jeu, on ne tarde pas a voir
naître des effets qui paraissent en être le
produit, car l'individu sur lequel vous dirigez votre action éprouve des modifications
dans sa manière d'être habituelle. Quelquefois ces changements s'opèrent
brusquement, et sont très-apercevables, même pour l'observateur le moinsattentif; souvent votre action ne se fait sentir qu'à la
longue, et il faut, dans ce cas, pour les reconnaître, posséder des
connaissances physiologiques. (*)
(*)Les effets magnétiques ne
se manifestent pas toujours instantanément parce que nous n'avons pas comme la
torpille, un réservoir où le fluide puisse s'accumuler et d'où il puisse etre
lancé avec abondance.
Les phénomènes produits parla magnétisation sont nombreux. Quelques-uns de ses
effets peuvent être regardés comme provenant d'agents connus et déjà étudiés.
D'autres, au contraire, semblent être le résultat de causes insaisissables, et
par là se soustraire à toutes les lois de la nature, telles du moins que nous
les avons établies, et nous reporter au temps où tout était merveilleux, où la
crédulité n'avait point de limites. Cependant, Messieurs , rassurez-vous, ces,
phénomènes si extraordinaires pour les personnes qui les considèrent une
première fois, cessent bientôt d'être des prodiges pour celui qui a l'habitude
de les examiner, et si
l'on ne peut encore les soumettre à l'analyse et les expliquer, ce temps
arrivera immanquablement.
Cicéron disait, il y a deux mille ans : « Quelque » phénomène qui se
présente à vous, il est de » toute nécessité que la cause en soit dans la
nature ; quel qu'étrange qu'il vous paraisse, il ne » peut être hors de la
nature. Cherchez-en donc » la cause, et tâchez de la trouver si vous pouvez ; »
si vous ne la trouvez pas, tenez pour certain » qu'elle n'en existe pas moins,
parce qu'il ne » peut rien se faire sans cause; et toutes ces terreurs ou ces
craintes que la nouveauté de la » chose aurait pu faire naître en vous,
repoussezles de votre esprit, en considérant que ces phénomènes viennent de
la nature. »
La cause des effets magnétiques ne peut donc être hors de la nature, c'est
aux esprits attentifs qu'il appartient de la rechercher et de la développer.
Je vais vous tracer brièvement les effets qui résultent de la
magnétisation.
Quand un homme se soumet à l'action d'un autre homme, — quand on lui
applique ce qu'on a coutume d'appeler le magnétisme animal, voici ce qu'on
observe le plus communément : légers
picotements et clignotements des paupières, les battements du cœur
augmentent ou se ralentissent, la température du corps varie sensiblement, les
pommettes des joues se colorent ou pâlissent; des pandiculations se
manifestent, des bâillements ont lieu, on entend parfois des borborygmes ; le
besoin de se mouvoir se fait sentir, ou bien un état de calme avec un sentiment
de bien-être inaccoutumé, il semble au magnétisé que son sang circule avec plus
de facilité, il se complaît dans cet état, les inspirations éprouvent des
modifîcations marquées , et souvent, par une anomalie qui paraît bizarre, la
circulation augmente de force tandis que la respiration diminue et que
l'ampliation de la poitrine a lieu plus rarement.
Nous avons constaté dans un cas l'énorme changement que je rais citer : le
pouls donnait 65 pulsations et les inspirations étaient de 24 par minute, avant
l'opération ; après la magnétisation, on comptait de 115 à 120 pulsations et
les inspirations étaient réduites à 12.
On sent quelquefois des picotements dans les membres, un léger
fourmillement dans les intestins, d'anciennes douleurs se réveillent; dans
certains cas, l'agent magnétique semble ne rien produire, le patient ne sent
absolument rien,—
cependant vous reconnaîtrez plus tard que l'on ne magnétise jamais sans
que quelques modifications aient lieu dans l'organisation de celui qui s'est
soumis à vos expériences.
Tels sont les effets les plus simples et les plus fréquents, mais dans
certaines circonstances, qu'il est impossible de déterminer d'avance, le
magnétisé éprouve une série de phénomènes que nous allons parcourir.
Les effets résultant du magnétisme continuant, les paupières sont agitées
d'un mouvement convulsif, elles se ferment bientôt, contre la volonté du
magnétisé; il veut les ouvrir et ne peut y parvenir : en vain fait-il des
efforts, si le magnétiseur persiste dans sa volonté; la clôture des paupières
continue pendant un certain temps. Ces symptômes de sommeil sont, dans quelques
cas, accompagnés d'un sentiment de plaisir indéfinissable.
Par fois le magnétisé sent ses membres s'engourdir, il éprouve le besoin de
dormir, il se sent obligé de changer de place s'il veut s'y soustraire;
lorsqu'il reste dans la position qu'il affectait , sa tête devient extrêmement
pesante ; entraînée par son poids, elle tombe sur sa poitrine ; quelquefois,
mais plus rarement, elle est portée
en arrière, ses paupières sont à demi fermées, le globe de l'œil se meut
lentement dans son orbite, on peut en suivre le mouvement : il est porté
de bas en haut, s'incline, demeure immobile et convulsé. Les membres du
magnétisé fléchissent et deviennent froids, sa respiration se fait entendre,
quelquefois des mucosités tombent des commissures des lèvres, le magnétisé dort
alors d'un sommeil profond ou léger. Si vous lui parlez dans cet état, vous le
voyez faire des efforts pour vous répondre; tantôt il ne peut y parvenir,
tantôt aussi il se réveille tout à coup, frotte ses yeux, vous regarde avec
étonnement, se rappelle ce que vous avez dit devant lui comme on se rappelle un
rêve, il pourra vous raconter les diverses sensations qui l'auront agité. Dans
cet état, évitez de le laisser toucher par quelqu'un, car il pourrait, avant ou
après son réveil, éprouver des convulsions.
D'autres fois, Messieurs, le magnétisé ne peut se réveiller, c'est alors
que, pour lui, commence une nouvelle existence, et, pour l'observateur, une
suite de phénomènes qui n'intéressent pas moins le physiologiste quelepsychologiste.
Quelle que soit la cause qui ait produit un semblable effet, nous n'allons
considérer que le phénomène en lui-même , et chercher à le constater.
Puisque ces phénomènes sont les premiers qui s'offrirent dès l'origine de
la découverte du magnétisme, je dois vous citer les nombreux témoignages qu'ils
reçurent de leur existence, vous ne pourrez les récuser. Je vous ai dit, dans,
la dernière séance, que plusieurs commissions avaient été nommées en1784 pour examiner
le magnétisme. Je vous ai dit que les commissaires avaient déclaré que le magnétisme
animal n'existait pas, et cependant ils avaient reconnu et constaté les
nombreux effets qui résultaient de l'emploi des procédés qui étaient censés
favoriser l'émission du principe magnétique. Vous jugerez bientôt si les causes
nouvelles que lescommissaires adoptèrent, étaient plus propres à rendre raison des
phénomènes qu'ils étaient appelés à reconnaître.
Lisons leur déclaration, qui reçut une grande publicité, puisqu'on prétend
que le rapport où elle était consignée fut tiré à vingt mille exemplaires.
« Les malades, disent les commissaires, offrent » un tableau très-varié par
les différents états où » ils se trouvent ; quelques-uns, calmes et
tranquilles, n'éprouvent rien; d'autres: toussent,
crachent, sentent quelques légères douleurs, » une
chaleur locale ou universelle, et ont des » sueurs; d'autres sont tourmentés et
agités par » des convulsions. Ces convulsions sont extraordinaires par leur
durée et leur force ; dès qu'une » convulsion commence, plusieursautres se déclarent. Les commissaires en ont vu durer »
quatre heures. Bien n'est plus étonnant (ajoutent-ils), que le spectacle de ces
convulsions ; » quand on ne l'a pas vu on ne peut s'en faire » une idée, et en
le voyant, on est également » surpris et du repos profond d'une partie de ces »
malades et de l'agitation qui anime les autres, » on ne peut s'empêcher de
reconnaître à ces effets constants une grande puissance qui agite » les
malades , qui les maîtrise, et dont celui qui » magnétise semble être le
dépositaire. »
Quels hommes attestèrent ces faits, Messieurs ?
les Lavoisier, les Bailly, les Franklin, lesBory, etc., et trente autres savants qu'il est inutile de
vous nommer, tous gens dont la réputation était à l'abri du moindre soupçon et
connus par une renommée plus qu'européenne.
Comme je vous le disais tout à l'heure, ces
témoignages qui seraient suffisants pour établir la réalité des effets que
Mesmer produisait, nous
sont inutiles aujourd'hui, il ne s'agit plus de
faits passés. Je vous les rappelle seulement pour vous faire remarquer
l'identité qui existe entre eux et ceux que nous produisons maintenant, afin
que, lorsque nous expliquerons les derniers, ceux-là se trouvent tout
naturellement éclaircis.
Reprenons notre exposé des effets du magnétisme.
L'individu que vous avez magnétisé ou, si vous
l'aimez mieux, l'être devant lequel vous avez étendu simplement les mains et
fait des passes, avec l'intention d'agir sur lui magnétiquement, est tombé dans
un état particulier, il dort {*) : j'emploie ce mot parce qu'il a été consacré
par le temps, mais ce n'est pas un véritable sommeil;
(*) Extrait d'une conversation de M. de Puységur
avec M. de Pontleroy, officier-général mis en état de somnambulisme,
tout ce que j'éprouve. Il faut être dans l'état où je suis pour pouvoir
l'apprendre. » « C'est plus qu'entendre, c'est plus que voir, mais je ne cessais aucun mot
qui puisse expliquer cette perception. Un autre somnambule. »
« Pourquoi, me demanda-t-il, désignez - vous ainsi
l'état où je suis? Le mot somnambulisme porte avec lui l'idée de sommeil
, et certainement je ne dors pas.... il faudrait, ajouta-t - il, trouver un mot
composé qui exprimât les diverses sensations que j'éprouve. D'abord un état de
calme et de bonheur qui se sent mieux qu'il ne peut se rendre; ensuite, un
oubli total de toute affection étrangère à mon bien-être; troisièmement un rapport
intime avec vous; en quatrième lieu, une connaissance parfaite de
moi-même. A l'aide du grec ou du latin, vous pourriez composer un mot, mais,
ajoutait-il, tous les mots possibles ne vous donneraient jamais qu'un bien
faible aperçu de
il vous entend, ne peut quelquefois vous répondre que par signes ; ses
mâchoires sont fortement serrées, il éprouve de la difficulté à les ouvrir; sa
peau conserve parfois sa sensibilité habituelle, dans certains cas elle est
même augmentée, mais souvent aussi elle est entièrement éteinte; on peut
impunément piquer le dormeur, le pincer , 'lui faire même des brûlures, il ne
se réveille point et la sensibilité ne se montre nulle part.
L'ammoniaque concentré, porté, par la respiration , dans les voies
aériennes, ne détermine aucuns changements, et ce qui, dans l'état habituel,pourrait donner la
mort, reste sans effet dans cette espèce de somnambulisme.
Le patient est néanmoins dans un état où la vitalité se montre d'une
manière remarquable, mais seulement dans quelques parties de l'organe de
l'intelligence ; mais cet isolement si .extraordinaire, si incompréhensible,
par un mystère qui vous sera expliqué bientôt, n'existe que pour tout ce qui
n'est pas le magnétiseur, car ce dernier est vivement senti, le contact le plus léger de sa part est
perceptible au somnambule, et c'est souvent la seule voie de communication
qu'il ait avec les corps extérieurs.
Si la sensibilité est éteinte, L'ouïe ne semble pas moins dépourvue
d'action. Aucun bruit ne peut se faire entendre ; la voix, la chute ou
l'agitation des corps sonores ne communiquent aucun son aux nerfs acoustiques ;
ils semblent être dans un état complet de paralysie ; des coups de pistolet
tirés à l'orifice du conduit auditif, tout en meurtrissant les chairs, laissent
croire encore à la privation de ce sens. Mais cet état existe seulement pour
tout ce qui n'est pas le magnétiseur, car ce dernier peut faire entendre les
moindres modulations de sa voix ; sa parole arrive de loin et se fait
comprendre à des distances où une personne dans l'état naturel n'entendrait
rien et ne pourrait même voir le mouvement des lèvres.
L'odorat n'existe également que pour les choses que le magnétiseur présente
lui-même à percevoir; de l'agaric brûlé dans les fosses nasales d'un
somnambule, tombé dans l'état que nous venons de décrire, n'a pas été senti, et
les membranes muqueuses qui tapissent ses parties ont
été altérées dans leur structure, sans communiquer au cerveau la moindre
perception.
Je sens, Messieurs, qu'avant d'entrer plus avant dans la description des
faits, il est besoin de vous donner l'assurance que les phénomènes que je viens de vous exposer ont été vérifiés,
car ils sortent tellement de l'ordre des choses habituelles de la vie, que vous
pourriez me prendre pour un rêveur, si je ne les appuyais à l'instant de
preuves authentiques.
Vous savez déjà que de nombreuses expériences sur le magnétisme furent
faites par moi à l'Hôtel-Dieu de Paris en 1820. Vous savez que le somnambulisme
s'offrit à notre observation et qu'un grand nombre de médecins incrédules
attirés par la nouveauté du spectacle, furent témoins et demandèrent à
s'assurer par eux-mêmes de la vérité de ce que je leur annonçais. Je les •
laissai faire tout ce qu'ils voulurent, car pour des phénomènes extraordinaires
on ne doit croire que le témoignage de ses sens. La présence de beaucoup de
monde n'empêcha point la production du somnambulisme, et une fois cet état
produit, les assistants mirent tout en usage pour constater la non sensibilité
des magnétisés. On commença par leur passer des barbes de plume
très-légères sur les lèvres et sur les ailes du nez ; puis on leur pinça la
peau, de telle sorte que des échimoses en étaient les suites ; puis on
introduisit de la fumée dans les fosses nasales; on mit dans un bain de
moutarde fortement sinapisé et dont l'eau était à un très-haut degré de
chaleur, les pieds d'une somnambule.
Aucun de ces moyens ne détermina le plus léger changement, pas la plus
légère marque de souffrance ; le pouls interrogé n'offrait aucune altération.
Mais au moment du réveil toutes les douleurs qui devaient être la suite
immédiate de ces expériences furent vivement senties, et les malades
s'indignèrent du traitement qu'on leur avait fait subir.
Rappelez - vous ce que je vous ai dit tout à l'heure, que ces expériences
étaient faites par des incrédules et non par moi.
Toutes les personnes qui en furent témoins, les trouvèrent concluantes;
j'ai leur témoignage écrit.
Quelques-uns des médecins qui assistèrent à ces expériences apprirent de
moi le moyen de faire naître des phénomènes magnétiques, et ils ne tardèrent
pas à en produire de semblables à ceux qu'ils avaient vus. Mais avec eux naquit
chez le magnétiseur le désir d'explorer' et de pousser
plus avant leurs recherches, sans attendre ce que le hasard viendrait
offrir. Ils voulurent obtenir des preuves plus positives de l'extinction de la
sensibilité, ils cherchèrent donc des moyens qui dussent, par leur nature, ne
laisser aucun doute dans leurs esprits.
Ici, Messieurs, vous allez entendre les observateurs eux-mêmes ; ce n'est
plus moi, et le blame ou la louange, si vous en accordez, ne m'appartiennent
pas.
Voici le texte d'un procès-verbal rédigé en présence des faits, par le
docteur Roboam, qui était alors attaché à l'Hôtel-Dieu de Paris. « Je
soussigné, certifie que le 6 janvier 1821, M. Récamier, à sa visite, m'a prié
de mettre dans le sommeil magnétique le nommé Starin, couché au n° 8 de
la salle Sainte-Madeleine; il l'a menacé auparavant de l'application d'un moxa,
s'il se laissait endormir ; contre la volonté du malade , moiRoboam l'ai fait
passer dans le sommeil magnétique pendant lequel M. Récamier a lui-même
appliqué un moxa sur la partie antérieure un peu externe et supérieure de la
cuisse droite, lequel a produit une escarre de 17 lignes de longueur et de 11
lignes de largeur; que Starin n'a pas donné la plus légère marque de
sensibilité,
soit par cris, mouvements, 'ou variations du pouls; qu'il n'a ressenti les
douleurs résultant de l'application du moxa que lorsque je l'eus fait sortir du
sommeil magnétique. Etaient présents à cette séance Mme
Sainte-Monique, mère de la salle, MM.Gibert, LaPeyre, Bergeret, Carquet,
Truche, etc., etc. »
Voici encore un autre procès-verbal du môme médecin.
« Je soussigné certifie,que le 8 janvier, à la prière de M, Récamier, j'ai
mis dans le sommeil magnétique la nommée Le Roy (Lise), couchée au n° 22 de la
salle Sainte-Agnès ; il l'avait auparavant menacée de l'application d'un moxa,
si elle se laissait endormir. Contre la volonté de la malade, moi Roboam , l'ai
fait passer dans le sommeil magnétique, pendant lequel M. Gibert a brûlé de
l'agaric à l'ouverture des fosses nasales et cette fumée désagréable n'a rien
produit de remarquable ; qu'ensuite M. Récamier* a appliqué lui-même, sur
la région épigastrique un moxa qui a produit une escarre de 15 lignes de
longueur sur 9 lignes de largeur; que pendant son application, la malade n'a
pas témoigné la plus légère souffrance, soit par cris, mouvements, ou
variation du pouls; qu'elle est restée dans un état d'insensibilité parfaite ; que sortie du sommeil, elle a
témoigné beaucoup de douleur.
Etaient présents à cette séance MM. Gibert, Créqui, etc., etc.
Signé Roboam, Docteur Médecin.
S'il vous restait quelque doute sur l'authenticité du fait, j'ai ici le
discours de M. Récamier à l'Académie de Médecine, qui justifie complètement la
relation que je viens de vous faire d'un phénomène, jusqu'ici sans exemple.
Voici, Messieurs, d'autres expériences qui feront naître bien des
réflexions dans vos esprits.
Quelques chirurgiens de l'Hôtel-Dieu changèrent de résidence. Un d'entre
eux M. Margue fut placé dans le vaste hospice de la Salpétriére. Là M. Margue
s'occupa du magnétisme, et bientôt encore le somnambulisme se développa non sur
une seule malade, mais sur plusieurs. M. Esquirol, alors médecin en chef de cet
hospice ne s'opposa pas d'abord à ces expériences; il souffrit même qu'elles
devinssent publiques, la foule des curieux était grande et les incrédules
nombreux.
On répéta sur ces pauvres femmes les expériences de l'Hôtel-Dieu;
puis ensuite, croyant
sans doute que jusqu'à un certain point, on pouvait sentir la douleur sans
la manifester, que la brûlure la plus forte pouvait encore se dissimuler, on ne
crut mieux faire que de présenter à respirer aux somnambules de l'ammoniaque
concentré. A cet effet, on en fut chercher, à la pharmacie de l'hospice, un
bocal qui en contenait quatre onces, et on le déposa, plusieurs minutes de
suite, sous le nez de chaque somnambule, en s'assurant toutefois que
l'inspiration portait bien dans la poitrine, le gaz délétère qui s'échappait du
vase. On répéta cette expérience à plusieurs reprises et jamais il ne fut
possible aux observateurs de surprendre la plus légère manifestation de gêne et
de douleur.
J'abandonne encore cette expérience à vos réflexions, Messieurs, cependant
je dois ajouter à mon récit une circonstance singulière : un médecin sans doute
plus incrédule que les autres médecins présents, voulut s'assurer par lui-môme
si, réellement, le bocal contenait bien de l'ammoniaque , et, s'étant approché
pour le sentir, faillit payer de sa vie cette imprudente curiosité.
Vous penserez comme moi,Messieurs, que ces expériences étaient suffisantes
et ne devaient laisser aucun doute chez ceux qui en étaient les
témoins : cependant plusieurs des dormeuses furent encore soumises à de nouvelles épreuves;
on les piqua, àl'improviste, avec de
grandes épingles que l'on enfonçait profondément dans leurs membres.
Les somnambules réveillées n'avaient point le
moindre soupçon des dangers qu'elles avaient couru, elles sentaient seulement
les douleurs résultant des déchirures et des contusions occasionnées par les
pincements et les piqûres d'épingle , et jamais il ne leur vint dans l'esprit
de les attribuer aux causes qui les avaient fait naître.
J'avoue que je voudrais passer rapidement sur ces
expériences, car elles ne peuvent s'excuser que par un très-grand désir
d'acquérir la preuve d'une vérité longtemps contestée. Malheureusement, nous ne
sommes pas encore arrivés au point où les expérimentateurs s'en rapporteront à
la parole de ceux qui les ont devancés, dans l'affirmation des faits ; je
crains beaucoup que des accidents ne viennent bientôt troubler la sécurité des
faiseurs d'expériences, et justifier mes prévisions; car je suis loin de croire
que l'on puisse agir ainsi, sans faire courir de grands dangers aux patients.
Avant la fin de mes leçons, vous verrez, Messieurs, que mes appréhensions n'étaient
que trop fondées.
Voilà donc un phénomène bien constant pour un
grand nombre de personnes, il est certain que beaucoup de somnambules perdent
avec leur état naturel, leur sensibilité, et la faculté de percevoir
physiquement ce qui intéresse leur organisation. Je vais maintenant vous
démontrer qu'il est aussi impossible de les faire entendre que de les faire
sentir. Voici de nouvelles preuves de ces phénomènes. Tous les moyens avaient
été employés à l'Hôtel-Dieu pour faire entendre une
somnambule, un bruit aigu et instantané ne put rien produire; on pouvait
impunément injurier la somnambule , l'insulter, sans que la plus petite émotion
se fît apercevoir sur les traits de la malade, et cette malade était une jeune
fille de dix-sept ans de la plus grande timidité.
Ecoutez lé rapport des témoins. ( Page 20 d'une
brochure qui a été publiée en 1821. )
« Catherine Samson endormie au bout de quinze »
minutes, plusieurs des spectateurs, essaient » de se faire entendre de la
somnambule, en » criant fortement dans ses oreilles, collectivement ou
séparément. On frappe à grands coups » de poing sur des meubles, on n'obtient
aucun » signé d'audition.
7 septembre. » La somnambule endormie en » trois
minutes, M. Récamier lui lève les paupières; la secoue fortement, la prend par
les » moins, frappe sur les meubles,pince cinq fois » la malade; la soulève de son siège et
la laisse » retomber, on n'aperçoit aucun changement, et » rien qui puisse
faire croire que la malade a entendu ou senti. Le magnétiseur lui parle, elle »
l'entend; M. Récamier entrecoupe de ses questions les demandes du
magnétiseur, la somnambule reste muette pour lui.
10 novembre. » La malade endormie en une » minute,
on lui passe aussitôt des barbes de » plume sur les lèvres et sur les ailes du
nez, » elle ne sent rien : on lui dit alors, qu'elle s'amuse à tromper, que
cette conduite est indigne, » qu'elle joue la comédie, et qu'on va la mettre »
à la porte : on contrefait la voix du magnétiseur on ne petit obtenir de
réponse,aucune » altération ne se fait
remarquer dans ses traits. 10 novembre au soir. » La malade est magnétisée dans
son lit. Au bout de quelques minutes » elle est endormie, et on la laisse toute
la nuit » en somnambulisme, les personnes chargées de » la surveiller pendant
son sommeil, remarquent » qu'elle n'exécute pas un mouvement. Où lui
chatouille la plante des pieds, on lui tire et » arrache des cheveux,
mais on ne remarque rien » d'apparent. »
Tous ces faits, Messieurs ont été examinés avec la plus scrupuleuse
attention et, si vous en doutiez, M. Husson, Bricheteau, Delens et une foule de
médecins, pourraient les certifier au besoin. J'ai au reste leur témoignage
écrit. Les procès-verbaux rédigés par eux-mêmes., ont été déposés chez un
notaire a Paris,M. Dubois; l'expédition en a été insérée dans une brochure qui a reçu la
plus grande publicité. Au surplus, jamais aucun désaveu n'est venu contester
l'authenticité de ces faits. Je continue: Voulez-vous de nouvelles preuves de
l'extinction dela sensibilité, en voici une que je tire d'une lettre qui m'a été adressée,
il y a quelques années, par. un de nos jeunes professeurs les plus distingués,
non moins versé dans l'étude des phénomènes physiques, que dans les sciences
métaphysiques, M. Bouillet, professeur de philosophie au collège dé
Sainte-Barbe.
Il rend
compte des observations qu'il avait faites, sur une malade somnambule. Sa
lettre est du mois de septembre 1823, je l'ai aussi publiée.
« Plusieurs personnes ( dit M. Douillet) m'ayant
manifesté le désir d'être témoins de quelques »
phénomènes magnétiques, je fis venir chez moi » la somnambule, après avoir
réuni plus de vingt « personnes. Ce futàpeu près une répétition des » séances les plus orageuses
de l'Hôtel-Dieu; on » employa tous les moyens de se faire entendre » d'elle ou
de l'empâcher de m'èntendre, on la » tourmenta de mille manières, sans vaincre
son » insensibilité. Un jeune homme, M. Alexandre » Bautier, présent à cette
séance, voulant faire » une expérience décisive, s'était muni, sans m'en »
prévenir, d'un pistolet, et lui tira à l'oreille, » au moment où personne ne
s'y attendait. Tous » les assistants, surpris de cette détonation inattendue,
tressaillirent, plusieurs dames poussèrent » des cris d'effroi ; pour notre
somnambule, elle » continua paisiblement une phrase qu'elle m'adressait, sans
se douter de rien. Cependant le » coup avait été tiré de si près, que le bonnet
et la » collerette de la pauvre fille avaient été brûlés, » et qu'il lui était
entré dans le cou ungrand » nombre de grains
depoudre; au réveil, la sensibilité
ayant été rendue aux parties qui en «avaient été momentanément privées,
elle » éprouva dans le cou de vives douleurs qui lui » durèrent plus de
quinze jours, et découvrit
bientôt, avec indignation, l'état où on l'avait «mise à mon grand regret.
»
Vous le voyez, Messieurs , ce n'est plus sur un fait isolé, que vous avez à
porter votre attention, mais sur un grand nombre, présentant tous les memes
caractères.
On a répandu le bruit qu'il n'y avait que les personnes placées dans une
position malheureuse, qui fussent susceptibles de l'état somnambulique. C'est
une erreur grave, si ce n'est une imposture manifeste. Les lois dela nature ne font
acception de personne. Le magnétisme a produit le somnambulisme chez des
individus qui par leur caractère et leur mérite ne le cédaient en rien à des
hommes dont on vante aujourd'hui les rares capacités. Dans cet état, véritables
automates, ils n'avaient de volonté que celle qu'on leur imprimait; de
sentiments que ce qu'on leur en accordait. Rien ne les affectait que leur
magnétiseur, alors devenu pour eux un centre vers lequel toutes leurs facultés
allaient aboutir.
Ecoutez encore un témoignage non équivoque, recueilli pendant les débats de
la question du magnétisme; il est de M. Husson, alors président de l'Académie
de médecine.
M. Husson,dans son discours, disait à cette
savante société : «On est parvenu pendant ce »
singulier état (le somnambulisme), à paralyser, » à fermer entièrement lés sens
aux impressions » extérieures, à ce point qu'un flacon contenant » plusieurs
onces d'ammoniaque concentré, était » tenu sous le nez pendant cinq, dix,
quinze minutes,ou plus, sans produire le moindre effet, » sans empêcher
aucunement la respiration, sans » même provoquer l'éternuement; à ce point que
» la peau était également d'une insensibilité » complète, lorsqu'on la pinçait
de manière à la » faire devenir noire; bien plus, elle était absolument
insensible à la brûlure du moxa, à la «vive irritation, déterminée par l'eau
chaude » très-chargée de moutarde : brûlure et irritation » qui étaient
vivement senties et extrêmement douloureuses lorsque la peau reprenait sa
sensibilité normale. »
Je pense que ces preuves doivent suffire, parce
qu'elles sont toutes données par des personnes dont les lumières sont généralement
connues.
Il sera donc prouvé qu'on peut modifier d'une
manière très-sensible, l'organisation d'un individu, en face duquel on exécute
certains gestes, avec une intention particulière.
J'abandonne ici, pour un instant, tous les
autres phénomènes du
magnétisme, pour ne m'attacher qu'à ceux-ci : des individus magnétisés ont
éprouvé des effets physiques tellement prononcés, que les lois de la vie qui
veillaient à leur conservation ont été atteintes et changées; il y a eu, pour
un instant, perturbation d'un grand nombre de fonctions et dans cette tourmente
du corps et de l'esprit est apparue une vie physique et morale toute
particulière, Que cet état soit du somnambulisme, de l'extase, dela catalepsie, cela ne diminue en rien le merveilleux
des phénomènes.
Quelle est donc la cause de ces effets si extraordinaires? nous allons
commencer L'examen de cette grande question , et tâcher d'en rendre la solution
facile.
Nous espérons faire pénétrer dans votre esprit la conviction que nous avons
acquise. Nous sommes certains que les effets produits par la magnétisation sont
tous dûs à l'émission d'un agent que vous nommerez comme vous le voudrez : que
ce soit l'arche de Vanhelmont, le principe vital de Barthez, le fluide
universel, le fluide magnétique, etc., les faits qui prouvent une influence
directe des êtres vivants, indépendamment des agents physiques, se sont
accumulés, et l'on a donné lenom de magnétisme animal à la cause qui
les produit.
Peu nous importe le nom qu'on a choisi : quant à
présent, il s'agit de prouver seulement que les explications des antagonistes
du magnétisme sont sans fondement.
Dévelopons les hypothèses de nosadversaires:
« Les effets prétendus magnétiques sont dûs à »
quatre causes : l'imagination, la chaleur animaie, l'érêthisme
de la peau, et l'imitation. » Veuillez me suivre, Messieurs, et examiner
avec moi, si les magnétiseurs qui adoptent un agent particulier sont dans
l'erreur, ou, si elle n'est pas tout entière du côté de leurs antagonistes.
Reconnaissons d'abord que ces derniers ont pour
eux les rapports des anciens commissaires que nous vous avons déjà relatés;
disons que ces rapports doivent inspirer quelque confiance, et ajoutons qu'ils
ont encore pour eux, de très-beaux raisonnements : nous, Messieurs, nous avons
simplement les faits, et nous allons les faire parler.
Nous commençons par convenir que l'imagination, la
chaleur animale, l'imitation , etc., produisent des effets dans certains cas,
que ces effets sont même incontestables.
Mais nous ajoutons, ensuite, que le magnétisme
peut agir, sans qu'aucune de ces causes
puisse intervenir et expliquer suffisamment les effets qu'il produit.
Voici les motifs de notre croyance. L'action magnétique peut s'exercer de
plusieurs manières : quelques magnétiseurs, touchent leurs malades, leur
prennent les pouces, les frictionnent; d'autres , au contraire, se contentent
de diriger simplement leurs mains en face de l'individu qu'ils magnétisent ;
d'autres enfin, ne font que les regarder, et penser à eux : tous, cependant,
malgré des méthodes si différentes, obtiennent la production des memes
phénomènes.
Maintenant, examinons si ce sont les causes que nous avons spécifiées qui
agissent, ou si ce n'est pas-plutôt notre agent.
Voyons d'abord la chaleur animale. Mais pour que cette cause agisse, il
faut que l'on touche le malade, et nous venons de nous convaincre que cela
n'était nullement nécessaire, et que l'on pouvait agir à plusieurs pas de
distance.
Ilen est de même pour l'éréthisme de la peau : pour agir sur cette partie
il faut encore la toucher, la frotter; et les procédés qui enseignaient cette
méthode ont cessé d'être employés sans que les effets magnétiques aient
disparu.
L'imitation. Cette cause peut agir dans une
assemblée, lorsque vous magnétisez plusieurs
personnes ensemble; mais, si dans le silence et le recueillement, seul avec
votre magnétisé, Vous obtenez des effets plus marqués qu'en public, vous devez
encore récuser l'imitation.
J'arrive à l'imagination, l'argument favori de
ceux qui n'ont jamais approfondi la question etqui n'ont examiné aucun fait.
Je pourrais leur demander d'abord ce qu'ils
entendent par imagination, peut-être seraient-ils fort embarrassés de nous
donner de ce mot une définition rigoureuse, mais nous voulons leur épargner cet
embarras.
Pour agir avec, ou par l'imagination, comme on
voudra, peu importe, il faut que l'individu sur lequel vous voulez agir, soit
instruit des effets que Ton compte lui faire éprouver, qu'il soit prévenu que
vous avez une grande puissance; il faut qu'il sache que vous pouvez agir sur
lui par des causes occultes, ou bien, que vous lui imposiez, soit par votre
attitude", vos regards,etc; certainement avec chacune de ces circonstances, vous pouvez parvenir à
ébranler son imagination. Mais si nous prouvons que l'action que nous exerçons
est d'autant plus forte que l'individu sait moins que nous agissons sur lui, si
nous établissons par
des faits certains, positifs, qu'un individu magnétisé à son insu, même à
travers d'épaisses cloisons. est sensible au magnétisme ; si nous voyons les
enfants en bas âge, et les animaux dont l'organisation se rapproche le plus de
la nôtre» éprouver des modifications dans leur état, lorsqu'ils sont soumis à
la magnétisation, il fout bien admettre que l'imagination ne peut être regardée
comme cause déterminante de ces phénomènes, et d'ailleurs ce que l'imagination
a fait, l'imagination peut le détruire, et jamais les effets magnétiques ne
cessentque par la volonté du magnétiseur.
Pour achever de dissiper vos doutes à cesujet, nous disons que de
nombreuses expériences faites par nous sur des individus dormant du sommeil
naturel, nous ont fourni des preuves suffisantes pour nous faire penser que
cette disposition, toute passive, était la plus favorable, pour le développement
le plus prompt des effets magnétiques.
Pour réfuter tous les arguments de nos adversaires, je ne suis
qu'embarrassé du choix des preuves; je me bornerai néanmoins à vous citer des
faits scrupuleusement vérifiés, des faits reproduits souvent dans mes expériences.
Je laisse de côté lesguérisons bien attestées d'une foule de
maladies que l'imagination ne guérit point et n'a
jamais pu guérir.
Ecoutez d'abord la lecture d'une déclaration que
j'ai faite et signée; cette déclaration est entre les mains de la commission
chargée de vérifier les faits magnétiques, et, quoiqu'elle soit
très-importante, cette commission ne m'a jamais sommé de la justifier par des
faits, ce qui peut faire présumer qu'elle n'a pas besoin de cette nouvelle
preuve pour être convaincue du magnétisme.
J'ai déclaré que les individus dormant du sommeil
naturel étaient très-sensibles au magnétisme et que cet agent produirait sur
eux des effets physiques, semblables à ceux produits par les autres agents de
la nature, le galvanisme, par exemple, avec cette différence, cependant, que le
contact n'était nullement nécessaire.
Si j'ai bien observé, dites-moi, Messieurs, où
trouverez-vous dans ces faits d'action à distance sur des gens passifs et qui
ne peuvent savoir que vous agissez sur eux, dites-moi où vous trouvez la
moindre preuve en faveur des causes précitées ; si vous n'adoptez l'hypothèse
d'un agent, tout vous manque pour donner une explication raisonnable des
phénomènes ainsi obtenus. Mais puisque cette découverte dernièrèn'a pas
été généralement vérifiée par ceux qui se sont occupés de magnétisme, je
dois la laisser de côté et vous citer des faits qui aient reçu la sanction de
quelques savants.
J'avais assuré à beaucoup de membres de l'Académie de médecine que je
possédais un somnambule doué d'une, telle mobilité qu'il sentait mon approche
ou mon éloignement, et que placé à douze ou quinze pas de lui, je pourrais,
quand je voudrais, et sans qu'il en fût prévenu, lui donner des convulsions.
Vous pensez bien qu'il avait été convenu que les observateurs prendraient
toutes les précautions qu'ils, jugeraient convenables pour que les expériences
fussent concluantes et que la bonne foi du somnambule et la mienne ne pussent
être mises en doute. Aussi, dès que celui-ci fut arrivé à l'Académie de médecine,
on me pria de l'endormir; on commença alors à lui tamponner la cavité des yeux
avec des gants, puis on lui mit plusieurs bandeaux autourde la tête, et ces bandeaux couvraient
parfaitement toute la face; pour plus de sûreté, on résolut de ne pas proférer
une seule parole et de faire par écrit les propositions d'expériences. Je me
soumis à tout : les expériences commencèrent. — Eh bien, messieurs! à toutes
les injonctions je répondis en accomplissant les faits
dont, par écrit, l'on m'avait demandé la production.
Pour prouver que dans cette circonstance, il n'y
avait pas en moi plus de Sorcellerie que dans les examinateurs, je mis ceux-ci
à même de produire des phénomènes analogues en agissant mentalement
comme je venais de le faire, et ils y réussirent complètement.
Après plusieurs heures d'essais, je réveillai le
somnambule dont le système nerveux était violemraent agacé par les excitations
nombreuses produites par ce genre d'expérimentation* Ces faits ont été attestés
dé la manière la plus formelle par MM. Husson, Marque Tillay, Fouquier, Gueneau
deMussy, etc.
Je vais vous lire la partie du rapport de
l'Académie de médecinequi les contient. « C'est
principalement sur M. Petit, âgé de 32 ans, instituteur à Athis, que les
mouvements convulsifs ont été déterminés avec le plus de précision par
l'approché des doigts du magnétiseur. M. Dupotet le présenta à la commission le
18 août 1826, en en lui annonçant que ce M. Petit était très-susceptible
d'entrer en somnambulisme, et que dans cet état, lui, M. Dupotet, pouvait, a sa
volonté,
et sans l'exprimer par la parole, par le seul
approche de ses doigts, déterminer dans les parties que la commission aurait
indiquées par écrit, des mouvements eonvulsifs apparents. Il fut endormi
très-promptement ; et c'est alors que lu commission, pour prévenir tout soupçon
d'intelligence, remit à M. Dupotet, une note rédigée en silence à l'instant
même, et dans laquelle elle avait indiqué par écrit les parties qu'elle
désirait qui entrassent en convulsion, Muni de cette instruction, il dirigea
d'abord la main vers le poignet droit qui entra en convulsion; il se plaça
ensuite derrière le magnétisé et dirigea son doigt en premier lieu vers la
cuisse gauche ; puis, vers le coude gauche, et enfin vers la tête» Ces trois
parties furent presqu'aussitôt prises de mouvements convulsifs. M. Dupotet
dirigea sa jambe gauche vers celle du magnétisé, celui-ci s'agita de manière à
ce qu'il fut sur le point de tomber. M. Dupotet dirigea ensuite son pied vers
le coude droit de M. Petit, et ce coude droit s'agita ; puis il porta son pied
vers le coude et la main gauche, et des mouvements convulsifs très-forts se
développèrent dans tous les membres supérieurs. Un des commissaires, M. Marc,
dans l'intention de prévenir davantage encore toute espèce de supercherie, lui mit un bandeau sur les yeux, et les expériences précédentes
furent répétées avec une légère différence dans le résultat !... MM. Thillay et
Marc dirigèrent les doigts sur diverses parties dû corps, et
provoquèrent quelques mouvements convulsifs; ainsi M. Petit a toujours
eu par l'approche des doigts, des mouvements convulsifs, soit qu'il ait eu ou
qu'il n'ait pas eu un bandeau sur les yeux, et ces mouvements ont été plus
marqués quand on a dirigé vers les parties soumises aux expériences, une tige
métallique ne fut-elle qu'une clef ou une branche de lunette; »
Le magnétism il y a quelque temps un personnage distingué dans la société;
il éprouvait des effets1 très-sensibles de mon action magnétique, le
somnambulisme se déclara au bout de quelques jours de traitement, le convoquais
encore des membres de l'Académie pour leur faire constater quelques phénomènes
physiques que j'avais remarqués , ils commencèrent par s'assurer de
l'état du pouls du malade, puis je le magnétisai devant eux, bientôt il fut en
somnambulisme : je dirigeai alors mes mains sur son cerveau,à plusieurs pouces
de distance, et nous vîmes le cuir chevelu et les oreilles agités de mouvements
convulsifs, tandis que les muscles de la face étaient dans une immobilité complète.
Le pouls remarqué fît apercevoir un changement sensible dans sa fréquence.
Le procès-verbal des faits a été signé par toutes les personnes présentes.
Je dois vous donner connaissance, ici, d'une autre expérience également
faite devant les membres de la commission chargée de l'examen du
magnétisme et sur l'un des commissaires; voici ce que dit le rapport : « Une
action magnétique » prononcée a été observée sur un membre de »la commission, M. Itard, magnétisé par
M. Dupotet, le 27 octobre 1827 ; il a éprouvé de l'appesantissement sans
sommeil, un agacement » prononcé des nerfs de la face, des mouvements convulsifs dans les ailes
du nez, dans les musclés de la face et des mâchoires, un afflux dans » la
bouche d'une salive d'un goût métallique,
sensation analogue à
celle qu'il avait éprouvée » par le galvanisme. Les deux premières séances »
ont provoqué une céphalalgie qui a duré plusieurs heures, et en môme temps
les douleurs » habituelles ont beaucoup diminué. »
Après ce fait, le rapporteur ajoute : « Ce n'est » point sur des hommes de
notre âge, et comme
nous toujours en garde contre les erreurs de notre
esprit et de nos sens, que l'imagination, telle que nous l'envisageons ici, a
de la prise : elle est, à cette époque de la vie, éclairée par la raison, et
dégagée de ces prestiges qui sé-duisent si facilement la jeunesse, c'est à cet
âge qu'elle se tient en éveil et que la défiance, plutôt que la confiance
préside aux diverses opérations de notre esprit. Ces circonstances se sont
heureusement rencontrées chez noire col-lègue, et l'Académie le connaît trop
bien pour ne pas admettre que ce qu'il dit avoir éprouvé, il ne l'ait
réellement éprouvé, etc. »
Vous est-il possible d'admettre dans tous ces
faits, que je pourrais multiplier à l'infini, les causes adoptées par nos
adversaires? non, aucune d'elles ne saurait leur être applicable. Ils ont menti
à la science; ils ont écrit sur des choses qu'ils avaient peu vues ou mal
observées; et, par leurs fausses connaissances ou leur incurie volontaire, ils
ont retardé les progrés importants que le magnétisme eût pu faire. S'ils
eussent été armés de moins de préventions, et d'une bonne foi plus entière,
peut-être cette science serait aujourd'hui l'une des découvertes les plus
utiles à l'humanité. Les faits sont plus forts que tous les
raisonnements. N'a-t-on pas argumenté contre la rotondité de là terre et
contré les faits les mieux établis aujourd'hui? Vous savez qu'on écrivit que,
s'il y avait des antipodes, ils auraient nécessairement la tête en bas, ce qui
semblait le comble de la déraison ; on sait à quoi s'en tenir
aujourd'hui sur ces assertions.
Je vais vous citer encore quelques faits dégagés de toutes les
circonstances qui pourraient paraître douteuses, afin de ne laisser dans votre
esprit aucune incertitude, et de vous convaincre que si nous adoptons
l'existence d'un moteur particulier, comme cause des effets magnétiques, notre
croyance est fondée sur des faits scrupuleusement observés.
4 novembre 1820.—Expérience de l'Hôtel-Dieu.
Nous étions tous rendus dans la salle ordinaire de nos séances, la malade
exceptée ; M. Husson, médecin de cet hospice, me dit : Vous endormez la malade
sans la toucher et cela très-promptement. Je voudrais que vous essayassiez
d'obtenir le sommeil sans qu'elle vous vît et sans qu'elle fût prévenue de
votre arrivée ici. Je répondis que je voulais bien essayer, mais que je ne
garantissais . pas le succès de cette expérience, parce que l'action.
à distance, à travers des corps intermédiaires,
dépendait de la susceptibilité particulière de l'individu.
Nous convînmes d'un signal que je pourrais
entendre. M. Husson qui tenait alors des ciseaux à la main , choisit le moment
où il les jetterait sur la table. On m'offrit d'entrer dans un cabinet séparé
de la pièce par une forte cloison, et dont la porte fermait solidement à clef.
Je ne balançai pas à m'y enfermer, ne voulant éluder nulle difficulté et ne
laisser aucun doute aux hommes de bonne foi ni aucun prétexte à la
malveillance.
On fit venir la malade, on la plaça le dos tourné
à l'endroit qui me recelait : et à trois ou quatre pieds environ. On s'étonna
avec elle de ce que je n'étais pas encore venu. On conclut de ce retard que je
ne viendrais peut-être pas : que c'était mal à moi de me faire ainsi attendre ;
enfin on donna à mon absence prétendue, toutes les apparences de la vérité.
Au signal convenu, quoique je ne susse pas où et à
quelle distance était placée MlleSamson, je commençais à magnétiser, en observant le plus
profond silence, et évitant de foire le moindre mouvement qui pût l'avertir de
ma présence. Il était alors neuf heures trente-cinq minutes : trois
minutes après elle était endormie, et dés le commencement de la direction
de ma volonté agissante, on vit la malade se frotter les yeux, éprouver les
symptômes du sommeil, et finir par tomber dans son somnambulisme ordinaire.
Je répétai cette expérience le sept novembre suivant, devant M. le
professeur Récamier. Celui- • ci prit toutes les précautions possibles et le
résultat fut en fout conforme à notre premier essai.
Voici les détails de cette expérience :
« Lors de mon arrivée, à neuf heures et un quart, dans le lieu de nos
séances, M. Husson vint me prévenir que M. Récamier désirerait être présent et
me voir endormir la malade à travers la cloison. Je m'empressai de consentir à
ce qu'un témoin aussi recommandable fût admis sur le champ. M. Récamier entra
et m'entretint en particulier de sa conviction touchant les phénomènes
magnétiques. Nous convînmes d'un signal; je passai dans le cabinet ou l'on
m'enferma. On fait venir la demoiselle Samson ; M. Récamier la place à plus de
six pieds de distance du cabinet, ce que je ne savais pas, et y tournant le
dos. Il cause avec elle et la trouve mieux; on dit que je ne viendrais pas ;
elle veut absolument se retirer.
» Au moment où M. Récamier lui
demande
si elle digère la viande (c'était le mot du signal convenu
entre M. Récamier et moi) je commence de la magnétiser ; il est neuf heures
trente-deux minutes; trois minutes après, M. Récamier la touche , lui
lève les paupières, la secoue par les mains, la questionne, la pince, et nous
acquérons la preuve qu'elle est complètement endormie.
Mais ce n'était pas assez de ces deux faits pour
admettre un phénomène aussi étrange; nous voulûmes encore multiplier les expériences
en les variant, en changeant les heures et les circonstances accoutumées.
Voici ce que nous fîmes.
Je me rendis, un soir, accompagné de M. Husson et
autres médecins, dans la salle où était la malade. L'on me fit mettre à
plusieurs lits de distance , en observant le plus grand silence de manière à ce
que je ne pusse être vu. Je magnétisai la. malade à sept heures huit minutes :
à sept heures douze minutes nous nous approchons tous, et nous nous assurons
que le sommeil et l'insensibilité qui le caractérisait habituellement existent
au plus haut degré.
II est inutile de dire que le jour d'expérimentation avait
été choisi parle médecin en chef et non
par moi; qu'on s'était assuré, avant l'expérience,
que la malade ne dormait point, et enfin que mon
action avait été dirigée à vingt pieds de distance environ.
Messieurs, pour détruire toute espèce
d'incertitude sur le résultat de cette action prodigieuse, voici ce que nous
fîmes, ou plutôt ce qu'on m'ordonna de faire.
M. Bertrand, docteur médecin de la faculté de
Paris, avait assisté aux séances. Il y avait dit qu'il ne trouvait pas
extraordinaire que la magnétisée s'endormît, le magnétiseur étant placé dans le
cabinet, qu'il croyait que le concours particulier des mêmes circonstances
environnantes amènerait sans ma présence, un semblable résultat; que du reste
la malade pouvait y être prédisposée naturellement. Il proposa donc
l'expérience que je vais décrire.
Il s'agissait de faire venir la malade dans le
même lieu, de la faire asseoir sur le même siège et à l'endroit habituel, de
tenir les mêmes discours à son égard et avec elle; il lui semblait certain que
le sommeil devait s'ensuivre. Je convins en conséquence de n'arriver qu'une
demi-heure plus tard qu'à l'ordinaire. A neuf heures trois quarts, on commença
à exécuter vis-à-vis de la demoiselle Samson ce que l'on s'était promis;
on l'avait fait asseoir sur le même fauteuil, où elle se
plaçait ordinairement, et dans la même position; on lui fît diverses questions.
Puis on la laissa tranquille ; on simula les signaux employés précédemment,
comme de jeter des ciseaux sur la table, et on fît enfin une répétition exacte
de. ce qui se pratiquait ordinairement ; mais on attendait vainement l'état
magnétique qu'on espérait voir se produire chez la malade ; celle-ci se
plaignit de son côté, s'agita, se frotta le côté, changea de place et ne donna
aucun signe de besoin de sommeil m naturel, ni magnétique.
Le délai expiré, je me rends à l'Hôtel-Dieu. J'y
entre à dix heures cinq minutes, la malade déclare n'avoir aucune envie de
dormir, elle remue la tête, et se trouve endormie dans l'espace d'une minute et
demie, mais ne répond qu'une minute après.
Nous nous assurâmes de la réalité du sommeil en
constatant de nouveau l'état d'insensibilité de la malade. Plusieurs fois j'ai
fait cette expérience.
Déjà, Messieurs, en 1784 , on avait constaté le
même phénomène. Voici ce qu'on écrivait de Lyon à cette époque, dans une lettre
consignée dans un ouvrage qui a pour titre : Réflexions impartiales sur le
magnétisme.
«Plusieurs
fois on a fait l'expérience suivante : une personne très-susceptible a été
laissée avec d'autres personnes prévenues, qui cherchaient à la distraire ;
pendant ce temps, on la magnétisait à son insu, de la chambre voisine, et
l'effet était aussi prompt et presque aussi sensible que si l'on eût été,auprès d'elle; la
seule différence qu'on y ait remarqué, c'est que ne sachant pas qu'on opérât
sans elle, elle se contraignait dans le commencement de l'action, prenant pour
un mal-aise naturel ce qu'elle ressentait, et elle ne cessait de se
contraindre, que lorsque l'action, portée avec force, ne lui laissait plus la
liberté de se dissimuler qu'elle était magnétisée. Une seule expérience
n'aurait pas été décisive, on les a multipliées ; on a constamment réussi à
produire des effets plus ou moins marqués selon le degré de sensibilité de la
personne magnétisée. »
Le rapport précité de l'Académie de médecine contient un fait d'action
magnétique à distance que je dois également vous faire connaître pour vous
mettre hors de doute cette faculté.
« Le 10 septembre 1827 , à sept heures du soir, la commission, dit le
rapporteur, se réunit chez M. Itard, pour continuer ses expériences sur
Cazot. Ce dernier était dans le cabinet où la conversation s'est engagée et
a été entretenue avec lui jusqu'à sept heures et demie, moment auquel M.
Foissac arrivé depuis lui, et resté dans l'antichambre séparée de lui par deux
portes fermées et à une distance de douze pieds, commença à le magnétiser.
Trois minutes après, Cazot dit : je crois que M. Foissac est là, car je me sens
abasourdi; au bout de huit minutes il était complètement endormi. »
Cette faculté prodigieuse que nous a donnée la nature n'est point douteuse,
elle a été vérifiée etre-connue par un grand nombre de personnes. « II » y a déjà longtemps que Vanhelmont s'en était
expliqué. J'ai différé jusqu'ici (dit-il dans ses ouvrages ) de dévoiler un
grand mystère : c'est » qu'il y a dans l'homme une énergie telle que » par sa
seule volonté et par son imagination , il » peut agir hors de lui, imprimer une
influence » durable sur un objet très-éloigné. »
Messieurs, cette faculté est une propriété physique résultant de notre
organisation; c'est en vain qu'on allègue pour la combattre des essais
infructueux. Cent faits négatifs ne détruisent pas un fait positif. Eh !
Messieurs, il est trop heureux pour nous que nous ne puissions faire usage, de
ce pouvoir toutes les fois que l'envie nous en prendrait : nous devons
désirer qu'il en soit toujours ainsi, car, je vous le demande, dans quel état
de perturbation serait la société si nous pouvions à chaque instant troubler
chacun de. ses membres ! C'est déjà beaucoup trop que nous le puissions dans
certains cas, puisque cela n'a aucun degré d'utilité et que les inconvénients
en sont immenses.
La nature, en mettant des bornes à notre pouvoir, s'est montrée prévoyante.
Messieurs, le fluide magnétique animal ou la cause invisible des
effets magnétiques, passe à travers tous les corps de la nature, ou tous les
corps sont conducteurs de ce fluide.
Le fluide magnétique animal peut s'incorporer dans tous les corps de
la nature, ou chaque corps peut recevoir ce fluide, le retenir et produire par
lui des effets magnétiques.
La liaison entre le fluide magnétique animal et les corps qui l'on
reçu, est si étroite qu'aucune force chimique ou physique ne peut le détruire.
Les réactifs chimiques et le feu n'ont point d'effets sur le fluide
magnétique animal lui-même.
Il y a très-peu d'analogie entre les fluides impondérables que les physiciens connaissent et le
fluide magnétique animal.
Quelques expériences appuyent ces propositions.
Un corps vitreux magnétisé, qui avait fait
dormir un somnambule en quelques secondes, fut lavé avec de Veau et
frotté avec du linge, puis présenté de rechef au même sujet. Il s'endormit en
une minute et demie.
Le même verre magnétisé, lavé avec de l'alcool, produisit le sommeil en
une demi-minute.
Un verremagnétisè, lavé avec de l'ammoniaque, produisit le
somnambulisme en un quart de minute.
Le même verre fut mis dans de l'acide nitrique
fumant; après y avoir séjourné pendant cinq minutes , il fut mis dans une
tasse de faïence avec de l'eau, et de cette eau le jeune somnambule le prit et
s'endormit aussitôt qu'il l'eut dans ses mains.
La même expérience fut répétée avec de l'acide
sulfurique concentré. L'effet était absolument le même.
Dans ces expériences, aucun réactif chimique ne
put détruire la force magnétique du verre magnétisé; on crut s'apercevoir que
cette force ne s'attache pas comme les odeurs, l'électricité et d'autres fluides semblables, à la surface des corps, mais qu'elle pénètre
dans leur intérieur. L'expérience suivante paraît confirmer cette conclusion.
Un gros piston de marbre magnétisé fut entièrement enfoncé dans de
l'acide muriatique, jusqu'à ce que l'acide en eût enlevé à peu près la moitié
de la masse, puis il en fut ôté, lavé et présenté au somnambule : il s'endormit
aussi vite que par l'attouchement du marbre entier.
Les autres fluides impondérables et expansifs sont entr'eux dans un tel
rapport que l'un d'eux étant attaché à un corps solide, il n'en peut être
séparé que par l'effet d'un autre fluide expansif. Par exemple le fluide
magnétique est chassé de l'aimant naturel pu artificiel par l'ignition et par
le coup électrique, et la combustion change entièrement tous les rapports des
corps avec les fluides expansifs, tels que leurs facultés conductrices , leurs
capacités, etc. Ainsi, pour étudier la nature du fluide magnétique, on ne
pouvait pas se dispenser d'exposer les corps magnétisés à différents degrés de
température et à la combustion môme.
On a donc fondu la cire, le colophane, le soufre, et l'étain magnétisés, et après les avoir
versés dans des formes cylindriques semblables à celles
qu'ils avaient eues d'abord, on éprouva leur effet
sur le somnambule; il n'indiqua aucune différence dans l'effet avant et après
cette opération, il s'endormit aussitôt qu'il les eut pris dans ses mains.
Une baguette de fer magnétisée fut mise dans le
feu et rougie. Toute rouge elle fut jetée dans une tasse avecde l'eau et présentée au jeune homme par la même personne
qui avait fait l'opération. Il s'endormit aussitôt qu'il l'eut dans ses mains.
Une grande feuille de papier entortillée et
magnétisée fut brûlée sur une assiette de faïence. Le charbon et les
cendres qui étaient restées sur l'assiette, furent présentées au somnambule,
qui en prit autant qu'il put avec sa main et s'endormit en peu de moments.
On fit plusieurs contre-épreuves avec des
objets qui étaient journellement entre les mains de tout le monde. On lés lui
mit sur les cuisses et dans les mains, mais, il n'en fut aucunement affecté.
Les objets magnétisés, conservés avec soin,
produisirent au bout de six mois les mêmes effets. Ils semblaient n'avoir
rien perdu de leur force magnétique.
Toutes ces expériences faites avec le plus grand
soin par le professeur Reuss et le docteur Loewenthal, médecins à Moscou,
ont été répétées par moi sur plusieurs sujets magnétiques, avec une légère
différence dans les résultats. J'ai reconnu , en outre, que toutes les fois
qu'un somnambule, éveillé ou endormi, s'approchait d'un lieu qui recelait des
objets magnétisés, il éprouvait dans son état physique des changements
remarquables. Dans le plus grand nombre de mes expériences j'avais eu le soin
de bander les yeux des somnambules, et dans aucune il ne m'est arrivé de leur
faire connaître le but de mes essais. Un jour, après avoir expérimenté et
cherché avec opiniâtreté si quelques corps de la nature n'isolaient pas le
somnambule de l'action de son magnétiseur , je m'avisai de prendre, dans la
bibliothèque de la personne chez laquelle je faisais des expériences, un
in-folio volumineux. Je magnétisai le somnambule à travers les couvertures du
livre, en dirigeant mes doigts en pointes; bientôt il éprouva les effets de la
magnétisation comme si aucun corps n'avait été entre lui et moi. Je magnétisai
alors lesomnambule à travers l'in-folio entier,.et bientôt je vis avec surprise que
l'épigastre, que je cherchais à actionner n'éprouvait rien, tandis que la tête
et les pieds ressentaient l'action
magnétique d'une manière visible; ce ne fut qu'en insistant, un peu de
temps que l'épigastre ressentit à son tour l'effet du magnétisme, mais d'une
façon plus faible. Je répétai cette expérience sur d'autres organes et toujours
ces organes éprouvèrent très-peu mon action, lorsque tout le reste du corps en
était convulsé. Des essais répétés dans toutes les circonstances ne me
permettent pas le doute sur ce fait extraordinaire; c'est que ce qui isole le
plus de tous les corps connus est le papier superposé en grand nombre de
feuilles.
Nous terminerons cette leçon par quelques réflexions ingénieuses, suggérées
par ces dernières expériences à M. de Eschenmeier, célèbre philosophe de
Tubingen.
« Il y a donc, dit-il, un principe actif qui résiste à toutes les forces
mécaniques, physiques et chimiques, qui s'attache aux corps par un lien
indissoluble, qui pénétre dans leur substance comme un être spirituel, et
triomphe même de l'action du feu. Mais son existence, indubitable par les
effets qu'il produit, ne se dévoile pas aux sens de l'homme dans son état
ordinaire ; il n'y a que cet épanouissement de notre personnalité,
effectué par le rapport magnétique, qui nous met à même de voir, d'entendre et
de sentir ce principe de vie;qui
reçoit sa vigueur dela volonté de l'homme et
agit avec une énergie proportionnée à la force de cette volonté. Quand il agit
avec une grande énergie sur un organe doué d'une force égale, mais négative, ce
qui suppose toujours l'existence d'un contraste spécifique (comme lorsqu'un
homme fort le dirige sur un garçon faible), alors ce principe agit comme
l'éclair et paraît anéantir tout-à-fait la vie. Pans l'état de veille
ordinaire,l'homme n'est que dans un rapport
général avec les êtres qui l'environnent; il défend, dans cet état,
l'individualité de sa personne par la force de sa volonté contre toute
influence qui attaque la partie spirituelle de son existence, et cette volonté
tient plus ou moins l'équilibre avec la volonté et l'action des autres
créatures. Mais cette résistance ne subsiste qu'autant que le corps et l'âme
conservent leur union intime} c'est dans cet état que nous jouissons de
la connaissance parfaite de nous-mêmes, et les notions, les sensations et la
volonté, enharmonie avec le bien-être du
corps, conservent aussi entre elles la juste proportion. Dans cet état, qui
peut être regardé comme intermédiaire entre celui purement spirituel et celui
des animaux, l'homme a devant lui, d'un côté, un monde idéal, de l'autre côté, un monde corporel. Mais
aussi longtemps que sa personnalité tient ferme et qu'il conserve la
connaissance de lui-même, il ne peut pas réellement entrer ni dans l'un ni dans
l'autre de ces deux mondes; il ne peut qu'abaisser son idée en donnant
l'empreinte de la vérité,, de la beauté et de la bonté à ses notions, à ses
sentiments et à ses actions; mais il n'est pas en état de se transporter lui-même
dans cette région ou l'idée parvient à l'état de pureté et de clarté. Ce
n'est que libre des entraves du corps qu'elle y arrive. Voilà les deux
limites entre lesquelles se tient l'existence de l'homme dans l'état de veille
ordinaire.
L'existence d'un nouveau rapport spécifique peut
changer cet état. Une impulsion quelconque, principalement une volonté
étrangère, peut pénétrer dans ce cercle d'indifférence qui détermine l'état
ordinaire, elle en ouvre les barrières et en écarte les contrastes, jusqu'à un
certain degré; alors, d'un côté la partie humaine devient plus spirituelle,
elle ne part plus de son premier point de vue, elle ne se contente plus de
contempler la région de l'idée comme une constellation éloignée, mais
elle s'y transporte elle-même, elle franchit les limites des sens et acquiert
des organes nouveaux. De l'autre côté la partie organique devenue
plus matérielle commence à agir comme les fluides impondérables de
l'électricité , du magnétisme minéral, etc. Dans cet état de contrastes
exaltés l'homme est capable de recevoir objectivement le principe vital même,
ou de le voir, de l'entendre et de le sentir; dans l'état ordinaire, c'est
impossible, puisqu'alors ce même principe est activement ce qui entend, voit et
sent, et ne peut donc être en même temps, entendu, vu et senti passivement.
Dans l'état de veillé magnétique, où les contrastes se trouvent exaltés, la
partie spirituelle est moins liée à la partie organique; l'œil de la fantaisie,
devenu lui-même plus intelligent, se place au-dessus du principe vital et le
reçoit objectivement. On ne peut pas expliquer autrement et les constants
effets des substances magnétisées sur les somnambules et les influences
immédiates du magnétisme. Dans la veille magnétique, la partie spirituelle
s'affranchit de l'empire du principe vital et le regarde comme un être
subordonné; c'est par la même raison que les somnambules étant sujets à
l'influence énergique de la volonté du magnétiseur , peuvent envoyer leur
propre principe vital comme un messager pour prendre connaissance
des régions les plus lointaines. Leur œil,
semblable à un rayon de lumière s'étend à des distances immenses, ne prenant
que la direction prescrite par la volonté du magnétiseur. C'est le même
principe vital, qui s'attache aux corps par un lien indissoluble, sans y être
aperçu dans l'état de veille ordinaire, parce que cet état n'admet aucun
rapport spécifique et s'oppose plutôt à toutes les influences ; mais il est
très-bien senti dans la veille magnétique par un organe réceptible. »
On ne pourra blâmer un essai qui a pour but de
rapprocher de notre contemplation ces mystères de la nature, qui échappent à
nos yeux :. l'acte de la génération, la formation, le mouvement, la guérison,
ne sont-ce pas des mystères? Concevons-nous comment l'âme est liée avec son
instrument, sur lequel elle fait résonner les accords infinis de ses notions,
les mélodies de ses sentiments, les harmonies de ses idées et de ses
résolutions ? La hauteur de l'explication doit être proportionnée à la
sublimité du problème; tout l'ordre physique et organique des êtres et tous
les principes établis à ce sujet ne peuvent résoudre ces problèmes du
magnétisme animal qui appartiennent proprement à la psychologie, où les expériences physiques et
chimiques ne peuvent plus servir.......... On ne peut
souffrir aucun mysticisme dans la nature; les
opérations qu'elle a couvertes du plus profond mystère ne sont secrètes que
pour nos sens, elles ne le sont pas pour l'entendement et pour le principe qui
peut encore les produire à la lumière.
Qu'il plaise enfin à la philosophie de descendre
de ses substances universelles, de ses esprits, de ses lumières et autres
notions générales, aux faits qui demandent si impérieusement son explication;
qu'elle essaie enfin l'application de ces principes généraux aux faits
généralement reconnus, tels que l'acte de la génération, de la formation, de la
guérison, de l'apperception sensuelle, de l'influence physique de l'âme sur son
corps, etc. : alors on verra si la pompe avec laquelle on annonce ces principes
ne fera pas place à une très-grande modestie et à l'aveu qu'ils ne mènent pas
loin. Cette tâche est bien plus-difficile à remplir que de s'amuser à poser des
principes généraux, que l'on trouve déjà tout établis dans les écoles.
ionienne, éléatique, pythagoréenne et platonicienne. Venons-en à leur
application, et je crains bien qu'ils soient tout-à-fait insuffisants.
Dans la prochaine séance je reviendrai sur les
phénomènes dont je vous ai entretenus, afin de justifier complètement notre
croyance. Je crains, cependant, de vous fatiguer par un grand nombre de
citations, mais il est nécessaire de bien établir les preuves de l'existence du
magnétisme avant de vous parler des effets thérapeutiques que nous lui
attribuons. Je vous entretiendrai plus tard du somnambulisme et des principales
facultés qui sont inhérentes à cet état.
Nous ferons en sorte de ne vous citer que des
faits vérifiés par un grand nombre de médecins : leur témoignage, sans doute,
sera d'un grand poids pour vous.
Mais rappelez-vous toujours que les mêmes faits
sont attestés par une foule de personnes instruites , qui, pour être étrangères
à la médecine, n'en méritent pas moins beaucoup de confiance, et bien que je
choisisse de préférence les assertions de médecins, je ne crois pas pour cela
qu'eux seuls doivent être juges. Les phénomènes magnétiques ne demandent pour
être appréciés et reconnus que l'exercice des sens, et, grâce à Dieu, nous en
sommes tous pourvus. Dans cette circonstance c'est un triomphe pour nous de
prendre nos preuves chez ceux qui s'opposèrent avec
le plus de constance aux progrès du magnétisme, ceux qui, pendant
longtemps, accablèrent de leurs dédains et de leur supériorité les personnes
qui venaient leur raconter avec naïveté et conscience les phénomènes dont ils
avaient été et les témoins et les agents.
Ce sera, Messieurs, une preuve de plus en faveur des esprits persuadés
qu'il faut tôt ou tard rendre hommage à la vérité.
FIN DE LA DEUXIÈME LEÇON.
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