IVeLEÇON.
C'est un principe qui ne dépend plus de l'homme, ni
de la volonté de l'homme, ni de la raison, ni en un mot de rien qui soit de
l'homme.
• l'aconit et la cigûe y sont toujours à côté des
fleurs immortelles. »
« La nature est voilée à leur ignorance, ils ne
savent ni ne veulent voir en eux ce que la nature leur annonce y exister. »
IVeLEÇON.
Messieurs,
Dans la dernière leçon, je vous ai rapporté
quelques-uns des nombreux témoignages donnés par les médecins les plus
recommandables, qui constatent, et l'action magnétique, et certains phénomènes
physiques que produit cette action : l'insensibilité de la peau, etc., etc.
Je vous ai ensuite tracé brièvement l'historique
d'un état particulier, dans lequel peut entrer momentanément un individu : je
veux dire le somnambulisme; je vous ai fait connaître, une partie des
nombreuses facultés qu'on lui attribue ; et alors, vous m'avez encore entendu
vous citer des faits recueillis par une infinité de personnes revêtues d'un
caractère qui les met à l'abri de tout soupçon.
J'ai abrégé cependant autant que je l'ai pu, les
citations, parce que le somnambulisme est aujourd'hui si commun, si facile à
produire, que celui qui veut le constater, peut sans beaucoup de peine l'observer
fréquemment.
Laissant de côté pour le moment tout examen
critique, je vais vous entretenir de quelques effets rares que produit la
magnétisation; effets peu observés, et qui cependant méritent de l'être
attentivement.
Ils justifieront, de plus en plus, notre croyance
en la réalité d'un agent; et les craintes que nous vous avons manifestées,
relativement aux dangers qui résultent d'une application irréfléchie du
magnétisme, vous paraîtront plus que jamais fondées.
Vous vous prémunirez contre les assertions de
quelques magnétiseurs modernes, qui ne voient dans le magnétisme que des
dangers qui n'y existent pas,et méconnaissent les
véritables, qui sont inhérents à sa pratique.
Mon dessein est de vous faire connaître leur
doctrine, et les applications qu'ils en font au traitement des maladies; vous
verrez que, dans un grand nombre de cas, ils agissent en aveugles, sans pouvoir
se rendre compte de leur action, s'en rapportant entièrement à la bonté de
l'agent
qu'ils emploient, persuadés qu'ils sont, que le
magnétisme ne peut produire de fâcheux effets.
Cette croyance de leur part est sans fondement et
demande une prompte réfutation.
Je vous feraijuges du mérite de leurs observations, en vous exposant
les faits produits par ces mêmes magnétiseurs.
Si le magnétisme existe, Messieurs, il doit avoir
des lois, une manière d'agir particulière ; et, comme tous les agents de la
nature, faire du bien ou du mal ; c'est ce que son emploi doit faire
reconnaître : les magnétiseurs n'ont constaté que le bien, ce qui est
tout-à-fait contraire à l'avancement de la science.
Beaucoup de ceux qui se sont le plus livrés à la
pratique du magnétisme,ne possédaient, pour la
plupart, nulles connaissances en médecine : étrangers à cette science,ils n'ont tenu compte, dans leurs examens, d'aucun des
accidents de là nature ; ils se sont bornés à nous dire : nous avons guéri
telle maladie, nous avons guéri telle personne, sans nous apprendre autre chose
du fait, que le fait lui-même; ce témoignage était suffisant pour les gens du monde,
mais il ne l'est pas pour le médecin ce dernier doit rechercher en vertu de
quelles lois le malade a été guéri,
quelle marche a suivie la nature pour ramener
l'équilibre, etc.
Les observations bien faites sont rares, quoique
les expériences aient été nombreuses; aussi la science du magnétisme est restée
presque stationnaire, et nous a fourni peu de lumière, malgré la prodigieuse
quantité de personnes qui se sont occupées de son étude.
Une routine aveugle a même gagné les plus
instruits des magnétiseurs ; ils ont fait le bien , il est vrai, mais ils l'ont
fait sans rechercher quelle source leur en fournissait les moyens, cette
conduite peut être bonne en morale, mais ne suffît pointa la physique, l'on doit procéder d'une manière toute
différente.
Les médecins modernes méritent encore un autre
reproche : ils se sont occupés de la pratique du magnétisme, mus par un
sentiment particulier, celui d'arriver à une conviction; peu leur importait les
dispositions physiques dans lesquels ils se trouvaient pour observer; ils ne
tenaient, non plus, aucun compte de l'état des personnes qu'ils magnétisaient;
ils ne cherchaient qu'à faire naître des phénomènes; et lorsqu'ils avaient
obtenu ce qu'ils desiraient, il était trop tard pour se rendre compte des
sentiments et des causes qui les avaient
déterminés. Il leur faut, maintenant, recommencer cette étude, et suivre
une marche contraire à celle qu'ils ont adoptée, s'ils ne veulent encore porter
un jugement précipité, que le temps viendrait détruire. Le peu d'observations
publiées par eux, portent l'empreinte des dispositions que je viens de vous
signaler; ils ont jugé le magnétisme sur des faits isolés ; ils ont tiré de ces
faits des inductions qui ne sont nullement justifiées par la pratique éclairée
du magnétisme, et ils n'ont pas produit tout le bien que leurs noms et leurs
lumières avaient droit de faire espérer.
Il vous appartiendra bientôt d'examiner vous-mêmes la question que je
soulève ; ce sera à vous de redresser les erreurs qui ont été commises, mais il
est de mon devoir de vous signaler ici ce qu'une pratique de plusieurs années
m'a fait connaître de bon et de mauvais dans les doctrines enseignées et dans
les effets magnétiques obtenus par les procédés en usage maintenant.
Je reprends l'exposé des phénomènes produits par la magnétisation,
remettant à une séance prochaine , l'examen des doctrines.
Les faits magnétiques que je vous ai précédemment fait connaître, sont ceux
que l'on observe le plus communément; mais il en est d'autres, qui
naissent dans quelques circonstances rares, et qui
sont, par cette raison, très-peu connus, même des magnétiseurs exercés; je vais
vous en faire l'exposé.
Voici ce qu'on observe dans quelques cas : Lorsque
l'on magnétise pour la première fois, on est mu, en général, par un sentiment
de curiosité, de doute et de crainte. Si la personne que l'on magnétise dans
cette disposition est sensible à votre action, elle ne tarde pas à éprouver des
effets qui vous surprennent. Si l'on n'a aucune méthode pour les diriger, et
que l'intensité des phénomènes augmente, on veut aussitôt les faire cesser ;
mais loin d'y parvenir comme on le désire, ils prennent un développement
souvent effrayant; le patient, tout à l'heure dantun état naturel, entre dans un état de convulsions
extraordinaires : il se roule par terre, crie et se débat; et dans ce moment,
plus on le touche ou laisse toucher, plus on augmente ses angoisses. . Des
convulsions produites de cette manière ont duré quelquefois six et huit heures
sans interruption, et les personnes ainsi affectées restaient malades pendant
plusieurs jours, éprouvant un sentiment de brisement accompagné d'une horreur
profonde pour le magnétisme, et le magnétiseur;
ce mot seul prononcé devant eux, les agitait violemment. L'état de calme
finit par revenir ; mais j'ai vu dans quelques circonstances,' rares à la
vérité, les malaises résister au repos, aux antispasmodiques, et persister
pendant plusieurs semaines.
Ne croyez pas, Messieurs, que les femmes nerveuses éprouvent seules ces
effets; des hommes bien constitués, qui ne connaissaient que de nom ces sortes
de maladies, ont été ainsi désorganisés en quelques minutes, et ont éprouvé
tous les effets dont je viens de vous rendre compte.
Voici deux exemples de ces faits , que j'ai pris au hasard, car il y en a
un assez grand nombre, et ils se ressemblent tous dans le fond. .
M. de S.-C. ancien militaire, avait entendu parler vaguement du magnétisme.
Il voulut essayer de magnétiser sa fille, quoiqu'elle ne se plaignît d'aucun
mal, et seulement pour voir s'il ne pourrait pas lui faire éprouver
quelques effets. Pour cela, sans se douter de tout le mal qu'il allait faire,
il mit une main sur. l'estomac de sa fille. Après quelques minutes de
magnétisme , elle éprouva quelques mouvements convulsifs, qui, loin d'effrayer
le père, ne firent que l'encourager à poursuivre son expérience. Bientôt Mlle
de C. eut
des convulsions très-violentes, et son père ignorant la manière dont il
aurait pu les calmer, ne fit plus que les augmenter par sa présence, et même
par l'effroi qu'elle lui causait. Il fut forcé d'abandonner sa fille en cet
état, et elle passa la nuit suivante dans des convulsionscontinuelles. Cet état dura huit jours. (
T.D. M. )
Voici un autre fait dont le récit a été envoyé à M. de Puységur par M.
Segrettier, propriétaire à Nantes.
« Une jeune personne distinguée par sa naissance , et qui paraissait jouir
dela
meilleure santé, se trouvant au château de M. le marquis de B., son parent, se
mêlait, comme le reste de la compagnie, de plaisanter sur le magnétisme. M. de
B... son oncle renchérissant sur les autres, gesticulait à tort et à travers.
Il dirige sur sa nièce sa prétendue influence, et les voilà à se magnétiser
réciproquement. D'abord la jeune fille rit beaucoup ; mais on ne tarda pas à
voir que ce rire n'était pas naturel, et bientôt on passa de la surprise de ce
phénomène à une terreur inexprimable, en s'apercevant qu'elle perdait par degré
la raison et l'usage de ses sens. Elle vint en effet au point de ne plus voir,
de ne plus entendre, de ne plus parler; et les yeux fixés, le cou tendu,
semblable
exactement à un aimant plus faible qui est entraîné par un aimant plus
fort, elle suivait son magnétiseur partout, et n'obéissait qu'à ses diverses
impressions. On voulut les séparer, mais cela ne produisit que des convulsions
affreuses : son magnétiseur éprouvait, de son côté, des sensations
extraordinaires qui, jointes au saisissement que lui avait occasionné l'état de
sa nièce, le rendait méconnaissable par sa pâleur et son abattement.
Au bout de quelques heures, l'état de la magnétisée se dissipant, elle se
plaignit de beaucoup souffrir de l'estomac.
La journée et la nuit qui suivit furent passées tantôt en convulsions,
tantôt en sommeil magnétique , et cet état ne cessa entièrement qu'au bout de
plusieurs jours. »
Le magnétisme produit dans d'autres circonstances un effet non moins
bizarre que celui dont vous venez d'entendre le récit. L'individu soumis à une
expérience sent, petit à petit, ses membres s'engourdir; il perd le sentiment
de leur position : si vous persistez dans votre action sur lui, les muscles du
thorax peuvent être affectés d'une paralysie momentanée, une difficulté
s'ensuit dans les mouvements des muscles inspirateurs, et une espèce de râle se
fait entendre; le patient se plaint,
demande du secours, et si vous ne savez faire
cesser cet état, le malade peut courir des dangers. J'ai vu deux fois naître
des effets semblables. On se rendit maître des accidents, mais je sais que dans
l'un des principaux hôpitaux de Paris, un fait semblable s'est présenté à
l'observation de ceux qui expérimentaient alors. N'étant point prévenus de
l'existence de ce singulier effet, ils furent fort effrayés, lorsqu'ils
voulurent débarrasser la malade de l'oppression qu'elle éprouvait, de ne
pouvoir y parvenir de suite; ils ne purent
obtenir la cessation dela paralysie qu'au bout
de 23 à 30 minutes. La malade avait parcouru, pendant ce temps, tous les degrés
de l'asphyxie : la respiration était devenue d'abord entrecoupée, puis
insensible, la peau était violacée, les veines extraordinairement gonflées, et
il y avait eu perte de la mémoire pendant plusieurs minutes. Il n'en résulta
rien de fâcheux, mais tous ceux qui furent témoins de cette expérience
pensèrent que si les obstacles opposés à la circulation eussent tardé encore
quelque temps à disparaître , la malade serait infailliblement morte dans cet
état.
Ceci doit vous faire tenir en garde contre une
action que vous étiez sans doute portés à croire toute bénigne, et lorsque vous
entendrez quelques enthousiastes vous assurer que le magnétisme n'a été donné à l'homme
que pour faire le bien, vous vous rappellerez le fait que je viens de vous
citer, et vous ferez peu de cas de leurs assertions, parce qu'elles ne sont
nullement propres à servir de règles.
Dans le sommeil magnétique ordinaire, il se présente quelquefois un état
particulier peu observé, et que les magnétiseurs craignent beaucoup de
rencontrer; parce que peu d'entre eux possèdent les moyens de le conduire à
bien.
Je vais vous le décrire :
Une personne endormie du sommeil magnétique (et en général ce sont les
individus dont le sommeil est le plus profond), tombe dans un état
extraordinaire, dont voici les principaux symptômes. Le somnambule qui vous
entendait parfaitement, cesse tout-à-coup de vous entendre, il ne vous sent
plus, vous qui auparavant, étiez dans un rapport intime avec lui, et qui
pouviez imprimer quelques modifications à ses organes, vous avez perdu votre
empire, il n'obéit plus à vos injonctions; il est muet pour vous comme pour
tout le monde; ses mâchoires sont fortement serrées, et il serait plus facile
de les briser que de les ouvrir; H n'exécute aucun mouvement,
il obéit aux lois de la pesanteur, et son corps
est entraîné vers la terre.
Un phénomène non moins digne de remarque, c'est
que les pulsations diminuent de nombre et de force ; la température du corps
baisse sensiblement , et vousavez
sous les yeux le spectacle d'une mort apparente. Si vous êtes familiarisé avec ce
phénomène, et que vous n'ayez pas quitté le patient, il revient par degrésde cet état de concentration ; son pouls reprend son
rythme habituel, et tout se passe comme auparavant; si vous l'interrogez
sur-le-champ , il vous dira les choses qui t'ont affecté pendant son état
léthargique ; mais, par une anomalie bizarre, il peut à peine, quoique toujours
en somnambulisme, se les rappeler pendant cinq minutes de temps; il les oublie
ensuite complètement et ne sait plus rien vous dire des sensations qu'il a éprouvées,
quoiqu'elles eussent pour lui un charme inexprimable.
Aucun symptôme ne peut faire connaître l'instant
où arrivera ce phénomène, je l'ai observé un grand nombre de fois, et c'est
souvent lorsque je pensais à faire cesser le sommeil magnétique ordinaire, que
le somnambule tombait tout-à-coup et sans ma volonté dans cet état singulier,
pour
n'en sortir quelquefois qu'au bout de plusieurs
heures.
Cet état, Messieurs, le plus extraordinaire du
magnétisme, et le plus dangereux peut-être, est aussi celui qui peut fournir le
plus de lumières, quand l'on sait interroger à propos ces sortes d'extatiques.
Si vous savez entrer dans les idées qui les dominent, tous obtenez les révélations les plus instructives ; mais
vous n'avez qu'un moment pour cela, il faut saisir l'instant où, sortant de
leur extase , ils rentrent dans le somnambulisme ordinaire; car ils perdent
bientôt le souvenir de ce qu'ils ont éprouvé.
Celte crise semble être la limite d'un état de chose
tout nouveau, que nous ne pouvons connaître qu'avec une extrême difficulté.
C'est là ce que l'on pourrait appeler la magie de la vie, car tous les
phénomènes qui naissent échappent à l'explication, et il y en a un grand nombre
qui effrayent notre raison. « Le mystère est immense et l'esprit s'y confond. »
Je regarde cette crise comme très-dangereuse et
pouvant amener des accidents fâcheux, si le magnétiseur abandonnait à lui-meme
celui qu'il a plongé dans ce sommeil profond.
Je viens de vous dire, Messieurs, que j'avais été
témoin de plusieurs de ces crises, je pourrais
donc vous donner des détails très-circonstanciés ; mais je dois, pour faire
plus d'effets sur votre esprit, puiser ailleurs que dans ma pratique un exemple
de ces faits.
M. Chardel, membre de la Chambre des députés et
conseiller de la Cour royale de Paris, s'est beaucoup occupé de magnétisme ; et
dans un ouvrage qu'il a récemment publié, on trouve le fait suivant :
« Un jour, en magnétisant une somnambule, » dit M.
Chardel, plein de sécurité, je la laissais » promener dans l'appartement avec
une amie; » elles causaient ensemble et je ne m'occupais » plus du mode
extraordinaire d'existence que je » venais de produire, quand les deux amies,
je ne » sais à quel propos, me prièrent de réciter une » scène des
tragédies de Racine ; je me livrai im» prudemment aux sentiments que cet
auteur ex» prime si bien, et je ne m'aperçus de l'émotion » de ma somnambule
qu'en la voyant tomber sans » mouvement à nos pieds» Jamais privation de »
sentiments ne fut plus effrayante : le corps » inanimé avait toute la souplesse
de la mort, » chaque membre que l'on soulevait retombait de » son poids, la
respiration s'était arrêtée, le pouls
et les battements du cœur ne se faisaient plus sentir, les lèvres et les
gencives se décolorèrent, et la peau que la circulation n'animait plus, prit
une teinte livide et jaunâtre. Tout semblait m'annoncer que je n'avais plus
qu'un cadavre sous les mains ; heureusement je ne me troublai point, la pureté
de mes intentions donnait à mon dévouement une énergie calme, mais positive, et
je me possédais trop pour ne pas sentir que je pouvais exercer une grande
puissance sur ma somnambule. Je commençai à magnétiser sur les plexus,
j'inspirai ensuite un souffle dans les narines, dans la bouche et sur les oreilles;
et peu-à-peu ma somnambule recouvra l'usage de la parole : cette parole était
d'abord faible, mais bientôt elle se fit entendre assez distinctement pour
répondre à mes questions. J'appris que rien n'avait altéré la santé de ma
somnambule, etc. »
Tous ceux qui éprouvent ces effets bizarres sont loin de s'en plaindre ;
ils désireraient au contraire leur prolongation.
« Pourquoi me rappeler à la vie, disait une » somnambule dans l'exaltation
magnétique. Si » vous vous éloigniez, ce corps qui me gêne, se » refroidirait,
et mon âme n'y serait plus à votre
retour; et je serai parfaitement
heureuse. » (*) Toutes, vous tiennent à-peu-près le même langage; mais vous
devez lien vous garder de vous arrêter à leurs discours ; il faut au contraire
vous empresser de les faire sortir de cet état, dans le doute où vous êtes si
sa prolongation n'amènerait pas des désordres irréparables. Il est encore un
autre motif qui doit vous engagera en agir ainsi, c'est que vos forces
s'épuisent, vous perdez votre énergie, et il peut arriver un moment où vous ne
pourriez plus agir , quoique ayant la volonté de le faire, car cette volonté ne
pourrait plus mettre en jeu le mobile nécessaire. Rappelez-vous toujours que
vous n'êtes qu'une machine sécrétant l'agent magnétique, et qu'il faut à la
nature un certain temps pour le reproduire, lorsque par une cause quelconque
vous l'avez épuisé.
(*) Cette crise donne souvent au somnambule le
moyen de trouver ce qu'il lui faut pour opérer sa guérison ou celles des
personnes avec qui il a été mis en rapport, lorsque dans son somnambulisme
ordinaire il ne l'avait pas aperçu.
Que de réflexions se présentent a notre esprit,
lorsque nous sommes témoins de semblables scènes ; c'est bien alors que la vie
nous paraît un mystère inexplicable. Le philosophe qui a dit : « Rien n'est
après la mort, la mort même n'est rien, » pourrait bien s'être trompé. C'est
une question que le somnambulisme résoudra un jour.
Tenez de l'huile en réserve, si vous ne voulez que votre lampe s'éteigne. (*)
Je ne fais qu'esquisser le tableau des phénomènes qui naissent dans cet
état extrême du somnambulisme; mais ce que je vous en dis, doit vous faire
comprendre qu'il peut être dangereux de s'en rapporter à ceux qui vous disent qu'il
suffît
d'une bonne intention pour prévenir tout danger. Vous le voyez,, il faut plus. —Il
fout des connaissances, et une grande force morale que certaine constitution
physique ou des liens de parenté ôtent presque toujours dans les circonstances
critiques que je viens de vous signaler. C'est pourquoi la présence d'une
personne instruite du magnétisme est nécessaire dans un traitement où le
somnambulisme s'offre accompagné de crises semblables ; crises où vous placez
l'âme vis* à-vis d'elle-même; où l'âme se sent elle-même.
(*) C'est en raison dé cette vérité, que souvent
vous ne menez point abien des effets qui naissent pendant l'application
du magnétisme ; vous voyez tous les symptômes du sommeil arriver et se suivre ;
il ne faut plus qu'un pas pour obtenir le somnambulisme ; et cependant, malgré
vos efforts, cette crise ne se produit point, et le patient retourne a son
premier état ; la cause cessant ou diminuant d'intensité, l'effet cesse ou
s'amoindrit : ce n'est pas une des plus faibles preuves de l'existence de
l'agent magnétique.
Je le dis avec conviction, c'est aux personnes qui
auront des connaissances approfondies de cet état physiologique, qu'il
appartiendra de diriger les traitements magnétiques, car on peut bien
magnétiser vingt fois, cent fois, sans faire naître des effets inquiétants;
mais du moment où vous acquérez la certitude que ce cas peut arriver,
vous ne devez vouslivrer à la
pratique du magnétisme qu'en connaissant parfaitement les effets qu'il peut
produire, et en possédant les moyens defaire
tourner ces effets au profit du malade ; autrement vous pourriez vous préparer
des regrets , car vos actes magnétiques ont la vie en puissance : en prenant du
feu dans votre sein, craignez que vos habits ne brûlent.
Lorsque je vous parlerai de l'action thérapeutique
du magnétisme, vous reconnaîtrez que son application demande quelques
ménagements et un grand discernement dans le chois des maladies que vous voulez
traiter.
Vous verrez quelquefois agir cet agent comme le
ferait un violent excitant, déterminer, en cette qualité, des effets funestes,
quand les organes de l'individu que vous magnétisez sont incapables de soutenir
l'impulsion qu'il leur communique. Je vous ai dit, dans la dernière séance,
qu'une
malade magnétisée par moi à l'Hôtel-Dieu de Paris,
présentait 60 à 65 pulsations par minutes, avant l'opération ; eh bien,
l'action magnétique, en moins de cinq minutes, faisait monter le pouls d'une
manière extraordinaire; on comptait alors 115 et 120 pulsations dans le même
espace de temps.
Ainsi, voilà une augmentation de près du double ,
dans les battements du cœur. Magnétisez un malade affecté d'une tumeur
anévrismale, ou d'une phthisie avancée, et vous reconnaîtrez que cet agent
physique possède plusieurs des inconvénients des autres agents de la nature.
Autre observation :
Si l'action magnétique une fois mise en mouvement
, peut s'exercer sans votre participation, quelle prudence ne doit-on point
avoir pour l'employer?
Il est reconnu par moi, et un grand nombre de
faits me prouvent que je ne suis pas dans l'erreur , il est reconnu, dis-je,
que la personne que l'on magnétise peut, dans certains cas, ne rien ressentir
de votre action pendant la séance, et en éprouver tous les effets plusieurs
heures après, au moment où vous n'êtes plus à même de les diriger.
Il est reconnu que des individus placés près des
personnes que vous magnétisez, peuvent éprouver tous les effets d'un magnétisme
direct, et ces effets être d'autant plus bizarres, que cette action ne
s'adressait point à ces individus. —J'ai quelquefois produit le somnambulisme
de cette manière, et je vais vous en citer un exemple.
II n'y a pas longtemps que je fus appelé pour donner mes
soins à un jeune enfant, fils de M. le comte de B..., on ne me dissimula point
que l'enfant était très-mal, et que mes soins étaient réclamés comme une
dernière ressource, de laquelle cependant on espérait encore.—Comme le malade
était d'une faiblesse extrême, unejeune femme,
qui lui portait un tendre intérêt, le tenait sur ses genoux. Je le magnétisais
dans cette position, entouré de quelques personnes qui eussent voulu aux dépens
de ce qu'elles possédaient rappeler cet infortuné à la vie. Une faible lampe
éclairait ce tableau, et un profond silence régnait autour de nous. —Mon action
dirigée sur le malade, et à un pied de distance environ, ne tarda pas à
produire un effet salutaire. Les douleurs que l'enfant éprouvait, et qu'il
manifestait par des cris et, des mouvements convulsifs, se calmèrent
promptement, et il jouit de quelque tranquillité.
Il en fut tout autrement à l'égard de la personne
qui le tenait sur ses genoux: ses yeux s'étant fermés, elle tomba dans un état
complet de somnambulisme, bientôt de grosses larmes inondèrent ses joues ; nous
voulûmes prendre l'enfant qu'elle n'avait point quitté ; mais elle le retint,
et ne s'en dessaisit qu'à mon invitation fortement exprimée, et après nous
avoir donné des preuves d'une grande lucidité.
Le lendemain elle s'endormit de la même manière ,
etc.
Mais, Messieurs, souvent les sensations éprouvées
de cette manière, ne vont point jusqu'à produire le sommeil, il eu résulte
quelquefois des spasmes, des convulsions; et un état insolite rompt l'équilibre
qui paraissait exister avant l'opération.
Le 28 septembre dernier, je magnétisais une dame
qui éprouvait peu d'effets sensibles du magnétisme ; une personne qui
accompagnait cette dame, sentit pendant l'opération tous ses membres
s'engourdir, et eut des picotements aux paupières.
Le lendemain, magnétisant la même personne sans
songer à produire d'autres effets que sur elle-même, la dame qui l'accompagnait
éprouva
encore plus d'effets que la veille, et elle fut
courbaturée toute la journée.
Le 50, le sommeil magnétique se déclara chez elle,
et cependant comme je viens de le dire , je ne songeais nullement à produire
cet effet : elle se réveilla bientôt, mais succombant de nouveau au sommeil, se
rendormit et s'éveilla de même; et ce singulier état se prolongea malgré moi
pendant plusieurs heures.
Le même fait m'est arrivé il y a peu de temps,
chez une malade, femme d'un conseiller d'état. -La femme de chambre de cette dame, qui assistait aux
séances, afin de me suppléer en cas de besoin, fut prise de mouvements nerveux
qui devinrent effrayants.—Je me levai pour les faire cesser, mais cette
personne s'enfuit en criant qu'elle ne voulait pas que je l'approchasse, et que
je lui faisais du mal ; elle revint bientôt, cependant, un peu plus calme et
attribuant a son imagination les effets
qu'elle avait éprouvés : bien rassurée elle s'assit à sa place accoutumée, et
je continuais comme avant cette scène, de magnétiser sa maîtresse. — Mais au
bout de cinq minutes, et sans que je cherchasse à agir ailleurs que sur ma
malade, elle fut prise de nouveau des mômes accidents, et courut s'enfermer
dans sa
chambre en poussant des sanglots et se plaignant d'une gène dans la
respiration, qui la fatiguait beaucoup. — Cet état dura plusieurs jours, et
servit bien plus à la conviction des personnes qui m'entouraient, que les
effets thérapeutiques que j'aurais pu produire.
Vous le voyez, Messieurs, les phénomènes produits par le magnétisme,
présentent une très-grande variété, et nous sommes loin , je crois, de les
connaître tous (*); cependant, vous pouvez suivre partout son action
physique.—Il n'est plus possible d'expliquer ses divers effets par d'autres causes
que par celles de l'émission d'un agent particulier, agent soumis à notre
volonté, et qui semble être constamment à notre disposition, dans tous les cas,
surtout, où les organes qui le contiennent et le forment sont dans leur
intégrité; mais agissant au dehors, en vertu de lois qui lui sont alors
particulières, et qui ne nous sont pas encore bien révélées.—Pour achever de
vous convaincre de cette double vérité et vous empêcher de chercher d'autres
explications contraires à celles que je viens de vous donner, voici
d'autres observations, peut-être plus décisives ;
(*} Beaucoup de magnétiseurs ont cessé de magnétiser, lorsqu'ils eurent
reconnu l'existence de phénomènes si bizarres. Ne croyant point ala
possibilité de les diriger, ils se sont soustraits à la crainte de les
produire.
Dites-moi pourquoi prés d'une personne qui dort du
sommeil naturel, ne loi voyez-vous rien éprouver de contraire à ce qui se passe
ordinairement dans cet état?—C'est parce que vous êtes restés dans un état
passif, et que votre magnétisme est latent, permettez-moi cette expression.
Mais si au contraire, vous dirigez sur le dormeur
la force que vous avez appris à reconnaître en vous, bien que placés à quelques
pas de distance dans l'état ou
vous étiez avant, comment se fait-il qu'au bout de quelques instants succède à
ce calme, un état d'agitation sensible, et que le patient exécute quelques
mouvements; et si vous ajoutez à cet indice du changement qui s'opère en lui,
d'autres symptômes tels que la difficulté de respirer, et le réveil instantané,
comme si on l'eût touché avec une bouteille de Leyde légèrement chargée, si
vous pouvez reproduire ces effets dans beaucoup de circonstances semblables; en
employant les mêmes précautions, il faut bien nécessairement avouer que le
système nerveux de l'individu que vous avez magnétisé a subi l'impression de
quelque chose d'étranger; et cela me paraît si évident, que je n'ose insister
davantage.
Je passe encore à d'autres expériences. Vous vous rappelez que j'ai
endormi, à l'Hôtel-Dieu, une malade à travers des cloisons fort épaisses ; le
fait ne peut être douteux, je l'ai répété plusieurs fois, et les précautions
étaient prises par les témoins, de manière qu'ils ne pussent être dupes d'une
mystification.
Mais, comme un fait isolé ne peut être concluant, je vais vous en citer
d'autres.
Lorsque vous avez obtenu le somnambulisme par les procédés mis en usage
maintenant, il vous est facile de produire cette crise en variant votre manière
d'agir. Votre somnambule qui ne s'était endormi qu'au bout d'un temps souvent
fort long, finit, après quelques séances, par s'endormir très-promptement;
quelquefois même ce temps n'excède pas trente secondes. Lorsque vous êtes
parvenu à lui imprimer cette mobilité, vous pouvez l'endormir sans faire aucun
geste qui puisse trahir votre intention. Votre volonté fortement exprimée
produit ce résultat. Ce n'est certainement pas la volonté seule, car il n'est
pas prouvé que. son empire puisse s'exercer au dehors (*), mais elle a mis en mouvement le véritable principe
agissant, un agent qui s'irradiant dans un espace qui n'est pas encore connu,
va pénétrer le genre nerveux du sujet que vous voulez endormir, et causer le
somnambulisme qui n'est lui-meme qu'un des nombreux effets que son mode
d'action peut produire.
(*) La volonté seule et sans fluide n'opérerait rien. (Réponse d'une
somnambule).
Cela paraît si vrai, que vous n'agissez point sur
le patient, lorsque faisant des passes et des mouvements , vous n'avez point
l'intention ou une intention contraire à celle qu'il vous faut pour endormir,
le magnétisé vous avertit lui-même du peu d'effets qu'il éprouve ; mais si vous
changez tout-à-coup votre disposition morale, et que vous vouliez l'endormir,
vous le voyez fléchir et céder promptement à un pouvoir qu'il sent être
irrésistible.
Quand vous êtes distrait en magnétisant, les
effets sont beaucoup plus lents à se manifester, et vous n'en obtenez aucun, si
votre attention est absorbée par une occupation de votre esprit sur des choses
qui ne sont point relatives au magnétisme. (*)
(*) La volonté est une grande pièce, de très-grande
importance , et doit l'homme étudier surtout à la bien régler.
( Charon. ) « Vous voulez des lèvres ,mais votre cœur est loin de vouloir. »
Ces faits, Messieurs, ne sont point des faits observés par quelques
individus isolés ; interrogez tous ceux qui se sont occupés du magnétisme avec
quelque attention , ils vous répondront qu'ils les ont vérifiés.
Veuillez bien vous rappeler ce que je vous ai dit d'une séance expérimentale
qui eut lieu à l'Académie de Médecine, sur un somnambule qui les yeux tamponnés
et la face couverte d'un triple bandeau, sentait néanmoins mon approche ou mon
éloignement; rappelez - vous qu'il m'était facile de déterminer dans ses
extrémités des mouvements convulsifs qui cessaient et reprenaient à ma volonté,
et cependant j'étais à sept ou huit pas de lui, aucune parole n'était proférée,
et le signal pour agir m'était donné par des tiers, qui avaient pris les plus
grandes précautions pour vérifier ce fait étonnant.
Souvenez-vous encore que j'ai magnétisé l'un des commissaires chargés de
l'examen du magnétisme , et qu'il en a éprouvé lui-même les effets les plus
évidents et les moins contestables, dans des organes qui n'étaient point soumis
à sa volonté ; que ces effets physiques arrivaient toujours de la même manière,
et dans le môme espace de temps. Je ne finirais pas, s'il me fallait, Messieurs
, tous entretenir de tous les
faits prouvant d'une manièrepositivel'existence du magnétisme animal. Mais comme mon
intention est bien moins de tous convaincre
par eux, que de tous engager à
expérimenter vous-memes, je borne ici cet exposé. Je tous enseignerai bientôt des procédés qui, vous facilitant
les moyens de produire vous-même des faits, bâteront votre croyance, persuadé
que je suis, que personne n'a en privilège la faculté magnétique, qu'elle est
le résultat de notre organisation, le produit de la vie et d'un mouvement que
nous pouvons imprimer à nos organes, dans des circonstances particulières; il
vous sera donc facile de vous convaincre de la vérité de tout ce que nous vous
avons dit; et un jour, j'en ai l'espoir, vous
nous direz que nous n'avions rien avancé qui ne fût fondé, si vous avez surtout
la prudence de ne vous prononcer qu'après avoir magnétisé, non pas une seule
personne, mais plusieurs, et si vous vous placez dans les circonstances
favorables que nous vous aurons appris à distinguer. (*)
(*) « Combien est grande l'inconstance des mortels
et leur témérité, en matière d'expériences nouvelles! Car, si l'effet ne
réussit selon leur désir, ils abandonnent aussitôt l'entreprise commencée, et
tournent hâtivement a leurs premières coutumes, se reconcilient arec elles.
Je vais continuer de poursuivre le développement
de l'action magnétique, vousla
montrer agissante dans notre organisation et y faisant naître des effets
analogues à ceux que produit notre principe vital.
Vous reconnaîtrez encore dans cette circonstance
l'action indépendante de l'individu qui la reçoit et de celui qui la donne,
soumise elle-même à de nouvelles lois ; il ne vous sera plus possible de vous
méprendre sur ces résultats, et d'attribuer les phénomènes qui se
manifesteront, à d'autres causes que celles que notre volonté met en jeu.
Voyons le magnétisme, appliqué comme moyen
thérapeutique, et dirigé en cette qualité sur des organes malades; examinons
son action, et les modifications qu'éprouvent les parties qui y sont soumises.
Vous allez reconnaître que la vie se trouve
augmentée ou diminuée, que tous ces effets semblent provenir de la saturation
des organes malades , par un principe essentiellement actif et pénétrant ; vous
vous expliquerez alors les bons ou mauvais effets qui résultent de l'emploi de
ce moyen de guérir; et l'étude de cet agent vous deviendra plus facile, à
mesure que son existence matérielle vous sera démontrée.
Lorsque je commençai mon instruction magnétique,
je croyais ce qu'avaient écrit des hommes graves; j'adoptais comme article de
foi leurs axiomes; je ne pouvais penser qu'ils eussent affirmé des choses dont
ils n'avaient pas la certitude. Je n'ai pas tardé à être désabusé, et j'espère
vous convaincre de leurs erreurs.
Les premiers faits bien tranchés qui vinrent
m'éclairer, méritent de vous être racontés : ils serviront à votre instruction
, sijamais vous magnétisez, et vous
donneront dans tous les cas des idées plus justes sur le magnétisme, et de
nouvelles preuves de l'effet physique de cet agent.
Dans beaucoup d'ouvrages sur cette science vous
lisez : que rien n'est comparable en vertu,à l'action magnétique, son influence est une véritable
panacée; magnétiseurs, vous pouvez tout,même
des miracles, si vous savez bien employer votre puissance.
La tête exaltée, après avoir réellement
obtenu quelques succès;je me croyais capable de guérir les maladies les
plus invétérées. Je magnétisais donc des malades affectés de maladies
pulmonaires très-avancées, et déclarées tout-à-fait incurables par d'habiles
médecins.
Je pensais que cette maladie affreuse devait
céder aux bienfaits de l'action magnétique; car
j'avais lu que l'on avait réussi à en guérir de semblables. Voici ce que
j'obtins dans cette disposition.
Les malades magnétisés avec une grande énergie ne
tardèrent pas à ressentir vivement mon action ; ils éprouvèrent d'abord un
grand calme, suivi d'un sentiment de bien - être : mais à cet heureux effet
succédaient bientôt des accès de toux, qui, se déclarant avec une violence
inaccoutumée, étaient suivis de sueurs et d'un état d'angoisses, qui forçaient
les malades à me prier de cesser. Je les engageais au contraire, tant était
grande ma confiance, à persister ; pensant que ces mauvais effets étaient le
résultat d'un effort de la nature pour se débarrasser du mal ; mais les
symptômes fâcheux continuaient de se développer, les pommettes se coloraient,
les yeux devenaient brillants, et une expectoration forcée amenait des stries
de sang vermeil : j'étais alors contraint de suspendre le magnétisme (*).
(*) Un semblable effet serait capable, lorsque ces
maladies sont moins avancées, de produire des crises favorables qui
assureraient le retour de la santé; mais on attend jusqu'au dernier moment,
pour essayer l'emploi du magnétisme.
J'ai répété quelquefois cette expérience, et j'ai
toujours vu le même effet avoir lieu.
Pans ces cas, le magnétisme agissait bien
évidemment comme un agent physique puisqu'il portait le trouble dans beaucoup
de fonctions, et augmentait considérablement la circulation du sang. Ce
phénomène explique très-bien les effets fâcheux qui avaient lieu, car dans ces
maladies, tout ce qui agit comme excitant est pernicieux; ce ne pouvait être
l'imagination des malades qui avait produit le trouble, car ce trouble avait
lieu dans des organes soustraits à la dépendance de leur volonté; je promettais
à ces malheureux leurs guérisons : vous savez que dans ces maladies on se berce
jusqu'à la fin de douces illusions. Plusieurs croyaient que réellement je
pouvais les sauver; ils auraient donc éprouvé, si leur imagination y eût eu
quelque part, un changement favorable , et le contraire avait lieu.
Je passe sur ces faits pour vous en citer d'autres
aussi concluants.
Vous trouverez encore dans les recueils de pièces
sur le magnétisme, que l'on peut, lorsqu'on le veut, réveiller un malade que
l'on a rendu somnambule. — Eh bien ! Messieurs, ils vous arrivera, dans
quelques cas, ce qui m'est arrivé : des malades endormis par moi en quelques
minutes ne purent être réveillés qu'au bout
de plusieurs heures; je mettais cependant en usage
les procédés recommandés en pareils, cas. Mais, vains efforts, plus je voulais
obtenir le réveil, et plus l'intensité du sommeil se faisait remarquer, et
souvent, à force de passer mes doigts sur les paupières, pour déterminer leur
ouverture, je produisais des échimoses qui n'étaient nullement senties, et le
réveil ne s'opérait qu'au bout d'un temps très-long ; en sortant de ce sommeil,
les somnambules passaient dans un autre état, et le moindre bruit alors opérait
seul leur réveil.
Je pourrais vous citer un grand nombre de faits
semblables qu'il est impossible d'expliquer sans recourir à l'hypothèse d'un
agent dont nous subissons les lois.
J'espère que vous serez désormais disposés à
accepter cette vérité, et que vous rejetterez
comme
non fondées toutes les explications qui paraissent
opposées à l'admission, comme réel, d'un agent
physique.
Je termine ici l'exposé des faits particuliers qui
sortent de l'ordre habituel des phénomènes produits par le magnétisme, et je
les résume tous afin que vous ne puissiez les perdre de vue, puisque les faits
sont seuls écoutés maintenant, et
qu'on les regarde, avec raison, comme faisant loi.
Je vous ai dit qu'un homme placé de certaine manière, et connaissant le
magnétisme, pouvait agir sur son semblable et déterminer dans son organisation
des phénomènes presque toujours appréciables, surtout pour des personnes
auxquelles l'étude des lois de la vie n'était pas étrangère. Je vous ai fait
l'énumération des principaux effets attribués aux propriétés de l'agent
magnétique , en vous prévenant qu'ils ne naissent point dans l'ordre que
j'indiquais. Je vous ai dit que cela paraissait dépendre de quelques causes
cachées, et en outre de l'idiosyncrasie de chaque individu, et j'ai ajouté que
le plus petit symptôme de votre action était quelquefois suivi d'un dérangement
marqué dans le jeu de la machine humaine.
Je vous ai cité beaucoup de ces phénomènes en m'entourant toujours de
témoignages qu'il vous eût été impossible de récuser.
Vous avez pu vous apercevoir que, lors môme que ces témoignages
n'existeraient pas, je pourrais vous parler avec autant d'assurance de
l'existence du magnétisme, puisque les phénomènes qui naissent de son
application sont très-faciles à obtenir, et que l'onne récuse personne pour les
faire naître et pour en devenir juge. Vous aurez été frappés des phénomènes
étranges qui arrivent quelquefois à la suite de la magnétisation; je veux
parler du somnambulisme et de ses nombreuses merveilles.
Enfin je vous ai entretenu de quelques effets particuliers, bien capables
de faire craindre que, dans certains cas, le magnétisme ne produisît entre des
mains inhabiles des accidents qui pourraient devenir irréparables.
Vous vous serez dit, sans doute, qu'il fallait, pour tirer un grand parti
médical du magnétisme, l'avoir étudié d'une manière spéciale et être versé dans
les connaissances physiologiques, et vous aurez trouvé mes conclusions
conformes à votre manière de voir.
Mais, Messieurs, lequel d'entre vous pourrait rester froid au récit de tant
de choses extraordinaires, et, en apprenant que la nature l'a doué de la
puissance la plus utile, puisqu'elle tend à notre conservation, se refuserait à
acquérir les moyens de lui donner le développement dont elle est susceptible,
et d'apprendre l'art de soulager son prochain, quand il ne lui faut, pour y
parvenir, qu'un peu de travail et de bonne volonté ?
C'est une découverte bien précieuse que celle
qui, après tant de théories incertaines, fournit
enfin quelques principes incontestables au plus dangereux de tous les arts,
celui de conserver et de guérir ; une découverte qui, dansune science jusqu'à présent conjecturale, offre des
routes lumineuses, où nous n'apercevions que sentiers obscurs ou d'inévitables
écueils ; une science qui en mérite à peine le nom, dit M. de Laromiguière : «
Qu'est-ce qu'une science qui n'a ni principes » arrêtés, ni matériaux fixes, ni
méthodes constantes? Qu'est-ce qu'une science qui change » de nature et de
forme au gré de tous ceux qui » la professent ? Qu'est-ce qu'une science qui
n'est » plus aujourd'hui ce qu'elle était hier; qui, tourà-tour,vante comme autant d'oracles, Hippocrate, Galien,
Boerhave, Fréderic Hoffmann, » Brow, etc., etc. Et pour tout dire
enfin, qu'est-.» ce qu'une science dont on a demandé, non pas » si elle était,
mais si elle était possible? »
La médecine, telle que nous la pratiquons
aujourd'hui, est nécessairement dangereuse, parce qu'il est impossible,
quoiqu'on en dise, de la faire résulter de régies certaines. Pour qu'elle
résultât de règles certaines, il faudrait qu'elle nous fournît un moyen constant
de trouver dans le corps organisé le lieu où réside l'obstacle qui s'oppose au
mouvement réparateur de la nature : il faudrait de
plus qu'elle nous fit connaître exactement comment agissent les forces,
c'est-à-dire les remèdes que nous pouvons employer pour vaincre cet obstacle,
et la quantité de leur action dans chaque circonstance donnée; or, qui osera
nous dire que cet obstacle n'est pas souvent caché de telle sorte qu'il échappe
à la sagacité la plus exercée ! Qui est-ce qui a saisi, je le demande, les
rapports qui peuvent se trouver en une organisation malade, et le remède
employé pour la délivrer de la douleur ? Qui est-ce qui a mesuré l'action des
remèdes à travers la prodigieuse variété des tempéraments et des âges? Et si
presque jamais vous ne pouvez rassembler que des doutes, et sur le mal qu'il
vous faut combattre, et sur l'effet des ressources que vous mettez en œuvre
pour le détruire, oh ! combien de fois ne peut-il pas arriver que vous vous
trompiez et sur le mal et sur le remède, que vous agissiez contre la nature qui
veut guérir, et non pas contre le mal dont vous vous êtes empressé de suspendre
les progrès; et qu'est-ce alors que l'art de la médecine pour l'homme qui a le
plus de génie, qu'est-il autre chose que l'art d'assembler assez souvent, si
vous le voulez, d'heureuses conjectures? Mais, dans les mains de l'homme
qui n'a point de génie, dans les mains de cette
foule d'hommes médiocres qui le pratiquent chaque jour avec tant d'effronterie
dans la société, qu'èst-il ? Quand vous mesurez ses ravages, n'êtes-vous pas
tenté cent fois de le regarder comme le droit funeste dedicter des
proscriptions et d'exercer des vengeances ?
« MM. les savants et surtout les médecins sont
opposés au magnétisme animal, ils le traitent avec mépris, cela n'est pas
très-moral, mais cela est très-naturel. Le champ des sciences ressemble au sol
de la Sicile qui ne doit sa fertilité qu'aux agitations du volcan qui brûle
dans son sein : il faut qu'à de certaines époques, ce champ se bouleverse sous
les pas de ceux qui le cultivent, il faut que le génie, comme l'Etna, travaille
puissamment et parmi des secousses profondes, les germes que ce champ recèle,
et que, pour le parer d'une fécondité nouvelle, il sème pendant quelques
instants sur sa surface désolée le désordre et la tempête. Mais les pâtres de
la Sicile voient-ils sans murmurer leurs paisibles demeures ravagées, leurs
riches moissons envahies par les torrents enflammés; et quand un homme de génie
vient ébranler dans le champ des sciences une masse d'idées, je le répète,pourquoi veut-on que les hommes qui
vivent en repos sur cette masse, demeurent spectateurs indifférents du
bouleversement qu'il produit?
» Pourquoi veut-on qu'ils contemplent d'un œil sec leurs masures
philosophiques chancelantes? Pourquoi verraient-ils avec indifférence la terre
qui les a nourris, après diverses agitations, se couvrir tout-à-coup deplantes inconnues,
qui ne peuvent devenir leurpâture? Sans doute on ne résiste pas plus au génie
qu'à la nature : tous les deux sont puissants comme la nécessité; mais si ces
hommes croient avoir un moyen d'arrêter le génie, quel que soit ce moyen,
excusés par l'instinct de leur conservation, pourquoi craindraient-ils d'en
faire usage? est-on jamais coupable en défendant ses foyers? »
Vous, Messieurs, qui n'avez point d'intérêts de corps, vous vous livrerez à
l'élude du magnétisme ; car ce n'est pas seulement comme phénomènes curieux que
le magnétisme s'offre à nous et réclame notre attention; c'est comme moyen de
guérison, comme principe d'existence. En effet, sous son empire, tout paraît se
revivifier, les sens reprennent leurs fonctions et la nature semble se
renouveler. Nous vous avons déjà fait remarquer que ses divers effets
modifiaient d'une manière
remarquable notre organisation et changeaient
parfois les symptômes qui caractérisent la légion de nos organes : de
mémorables exemples nous apprennent ce qu'on en a obtenu de bien, des guérisons
inespérées ont eu lieu, c'est en vain que l'on chercherait à les contester,
quand les antagonistes du magnétisme en conviennent eux-mêmes. Nous pouvons
donc espérer que l'action de ce nouvel agent, mieux connu, rendra son
application plus facileet plus sûre, et que l'on
évitera les dangers que je vous ai signalés.
Sans considérer le magnétisme comme une panacée,
nous devons cependant vous signaler tous ses avantages.
On trouve dans le rapport de l'Académie de
médecine les réflexions suivantes. Le rapporteur après avoir cité des
expériences extrêmement curieuses faites sur deux malades, ajoute :
« Nous voyons, dans cette observation, un » jeune
homme, sujet depuis dix ans, à des attaques d'épilepsie pour lesquelles il a
été successivement traité à l'hôpital des enfants, à SaintLouis,et exempté du service militaire. Le magnétisme agit sur
lui quoiqu'il ignore complétementce qu'on lui
fait. Il devient somnambule. » Les symptômes de sa maladie s'améliorent ; les
accès diminuent de fréquence ; les maux de » tête, son oppression,
disparaissent sous l'influence du magnétisme, il se prescrit un trai-»
tement approprié à la nature de son mal, et » dont il se promet sa guérison.
Magnétisé à son » insu et de loin, il tombe en somnambulisme et » en est retiré
avec la même promptitude que » lorsqu'il était magnétisé de près. Enfin il
indique avec une rare précision un et deux mois » d'avance le jour et
l'heure où il doit avoir un » accès d'épilepsie, etc. »
M. Husson vient de rapporter dans tous ses détails l'histoire d'un
somnambule, et dit : « Les conclusions à tirer de cette longue et curieuse observation
sont faciles. Elles découlent naturellement de la simple exposition des faits
que nous vous avons rapportés, et nous les établissons de la manière suivante :
1° un malade qu'une médecine rationnelle faite par un des praticiens les plus
distingués de la capitale n'a pu guérir de la paralysie, trouve sa guérison
dans l'emploi du magnétisme etdans l'exactitude avec laquelle on suit le
traitement qu'il s'est prescrit. —2° Dans cet état ses facultés sont
naturellement augmentées.—3° Il nous donne la preuve la plus irrécusable qu'il
lit ayant les
yeux fermés.—4° II prévoit l'époque de sa guérison,
et cette guérison arrive. »
II a fallu beaucoup de courage au rapporteur pour
venir avouer en pleine académie des faits d'une telle nature, et pourtant ces faite
sont la vérité môme.
Vous le savez, Messieurs, la chirurgie a déjà
profité plusieurs fois d'un des singuliers états du somnambulisme :
l'insensibilité. Quelques opérations ont été faites sur des somnambules. M.
Cloquet, chirurgien distingué, a pu faire une opération qui a duré 12minutes, et qui lui a permis d'enlever un sein cancéreux
sans que l'opérée ait ressenti la moindre douleur pendant l'opération.
M. Cloquet a rendu compte de ce phénomène
étonnant, à l'Académie de médecine. Gomme vous le pensez, de semblables
assertions ont trouvé beaucoup d'incrédules ; mais cela n'altère en rien
l'existence du fait matériel.
Vous savez encore que M. Recamier a appliqué
lui-même des moxas sur plusieurs individus dormant du sommeil magnétique, et
bien que ces moxas aient produit des escarres de dix-huit lignes de longueur
sur autant de largeur, les malades ne se réveillèrent point, et ne
manifestèrent par aucun signe la douleur qui devait en résulter» Vous
savez que ces douleurs sont extrêmement vives. M.
Recamier est convenu de ce fait au sein de l'Académie, eu déniant toutefois
l'utilité du magnétisme. Mais il n'est pas, heureusement pour le magnétisme, le
seul juge de cette question.
Je dois vous rappeler encore ici le fait non moins
important que ceux que je viens de vous faire connaître : l'épileptique,
endormi par le docteur Frappart, et qui a été plongé durant son sommeil, et
d'après ses ordres, dans une cuve pleine d'eau à la glace, où il est resté un
certain temps. Ce fait s'est passé dans un des premiers hôpitaux de Paris, au
Val-de-Grace, en présence du médecin en chef M. Broussais, et de plusieurs
autres médecins, le même somnambule subit une opération qui devait être
encore plus douloureuse, car on lui appliqua, toujours d'après ses ordres, un
large cautère actuel au mollet; ce qui a contribué à sa guérison.
Messieurs, cet état si incompréhensible qui permet
l'emploi de moyens si actifs, moyens que les plus courageux des hommes
envisagent toujours avec une sorte d'effroi; cet état, dis-je, nous offre
encore d'autres ressources.
Ce somnambule dont la peau et les muscles, à une
très-grande profondeur, sont devenus insensibles, a cependant des perceptions cérébrales Beaucoup plus actives que
dans l'état de veille, et si ces nerfs ne lui apportent plus rien du dehors,
par une compensation libérale , la nature a voulu que son intelligence s'en
accrût.
C'est surtout dans cet état, où on connaît la sagesse infinie du créateur
de toutes choses, l'être le moins favorisé des dons de l'esprit possède
souvent, à un degré bien supérieur, les moyens de pourvoir à sa conservation,
et à celle des personnes mises en rapport avec lui.—Nous voyons se manifester
dans cette espèce d'extase des phénomènes moraux incompréhensibles, qui
n'auraient point lieu dans l'état ordinaire.
Cet individu qui ne vit plus physiquement possède une existence
intellectuelle bien surprenante, il a des sensations qu'il ne nous est pas
permis d'éprouver, il semble avoir le plein exercice d'un sixième sens qui lui
permet d'apprécier le désordre qui existe dans ses organes et de trouver le
moyen d'y rétablir l'harmonie. Bien qu'il se trompe quelquefois, les exemples
où il juge sainement sont bien plus nombreux, et semblent justifier
l'empressement que certains magnétiseurs mettent à rechercher cette crise. Ces
divers phénomènes,. vrais dans tous les points feront, Messieurs, que
vous accorderez quelque indulgence aux personnes
qui, considérant la découverte du magnétisme animal comme devant être la seule
médecine ont répété ce que disait un ancien philosophe, Sénèque, ad idsufficit, natura quodposcit.
La nature suffit à ce qu'elle demande.
Avant de terminer cette leçon, permettez-moi de
vous faire connaître quelques faits de guérison pour vous convaincre de la
puissance du magnétisme employé comme moyen de traitement, vous allez
reconnaître que les maladies les plus rebelles à la médecine ordinaire peuvent
être guéries par le magnétisme. La raison qui vous dit que vos soins peuvent
être infructueux vous trompe souvent. — C'est pourquoi vousdevez dans tous les cas possibles
essayer l'emploi du magnétisme, persuadés que bien dirigés, il ne fera pas de
mal, s'il ne fait pas le bien que vous en attendez.
Voici un exemple frappant du faux jugement des
hommes, et de l'inépuisable bonté de la nature , secondée par le magnétisme.
Caroline Baudoin, âgée de vingt ans, d'un
tempérament lymphatique, passa sa première enfance à Genève; là, sa mauvaise
constitution se développa davantage, soit par l'action du climat, soit par
l'usage des mauvais aliments. Tout le
système glanduleux s'entreprit; la gorge, les
seins, les aisselles, présentèrent des engorgements d'une nature tout-à-fait
scrofuleuse, plusieurs de ces engorgements s'ouvrirent et donnèrent issue à une
suppuration abondante et sans cesse renaissante. On combattit cette maladie
avec les moyens les mieux indiqués. On réussit à fermer plusieurs de ces
émonctoires; mais d'autres engorgements se formèrent et s'ouvrirent; un
surtout, au bras gauche, intéressa les os et les chairs, de manière à
nécessiter l'amputation du bras ; elle fut résolue et pratiquée du consentement
de la malade, qui, fatiguée de souffrir de cette énorme plaie, regardait comme
un bienfait d'en être débarrassée.
Ce fut à l'hôpital Saint-Louis que cette opération
fut pratiquée. Elle eut tout le succès possible : la cicatrisation eut lieu, un
peu lentement cependant , et la malade put sortir de l'hôpital, où elle avait
passé plusieurs mois parfaitement traitée. Mais sa constitution infectée de
scrofules, ne lui laissa aucun repos. Une plaie s'ouvrit au sein , et résistait
aux traitements les mieux indiqués. C'est dans cet état que je connus cette
jeune fille qui, sans aucune fortune, était destinée à souffrir et mourir jeune
dans un hôpital. Emu au récit de
ses souffrances, je me décidai à la magnétiser,
plutôt par instinct que par conviction du bien que je pouvais lai faire ; car
je ne croyais point qu'il fût possible de guérir une maladie semblable.
Au bout de trois minutes de magnétisation , elle
s'endormit. Elle commença par me dire que si elle m'eût connu sept mois plus
tôt, elle eût conservé son bras ; il y en avait trois qu'il était amputé : elle
s'indiqua des moyens de cicatrisation pour les plaies du bras et du sein, et
ces moyens employés réussirent complètement. II restait à faire la chose la plus
importante, changer sa constitution ou la modifier de telle manière que les
accidents passés ne reparussent plus, et que ceux à venir fussent neutralisés.
Le magnétisme avait développé assez de lucidité pour permettre à cette personne
de donner des conseils à d'autres malades, mais pas encore assez pour trouver
des moyens de guérison pour elle-même. Un jour qu'elle s'occupait d'un malade
et paraissait très-préoccupée de son rétablissement, elle interrompit cette
consultation et me déclara que le24 août, à
neuf heures du soir, elle tomberait dans un état de sommeil profond qui
durerait pendant trente heures ; que ce sommeil serait très-tranquille , si
deux jours avant elle n'était point contrariée ; que dans le cas opposé, elle serait
très-agitée, et que par une envie inexplicable, elle chercherait à mordre ses
chairs, qu'on eût à prendre les précautions nécessaires pour empêcher un si
funeste penchant, et que la surveillance fut de tous les instants. Elle déclara
que pendant cette crise de trente heures, elle ne prendrait absolument rien,
qu'elle n'aurait aucune évacuation , et que toute l'humeur scrofuleuse se
rendrait aux intestins pour être ensuite évacuée par un devoiement, qui
durerait pendant douze heures ; elle assura que l'on entendrait, pendant son
sommeil, un bruissement à l'épigastre, bruissement occasionné par le transport
de l'humeur scrofuleuse. Elle prédit ensuite sa guérison parfaite et la
cessation de son sommeil lucide. Elle fit cette déclaration le 14 juillet 1833.
Je la lui fis répéter le 21 du même mois, devant quinze personnes qui
dressèrent et signèrent un procès-verbal , après avoir toutefois constaté
l'état scrofuleux de cette fille, qui était on ne peut plus manifeste.
Dans l'intervalle qui nous était laissé, plusieurs
personnes prirent connaissance de la déclaration et de l'état de la malade, et
se promirent de vérifier un fait si étonnant de prévision.
Le 24 août, à 8 heures du soir, plusieurs
personnes devaient se rendre directement chez la malade, au Petit-Carreau.
J'avais recommandé aux personnes qui devaient
surveiller la malade , avant le développement entier de sa crise, de la faire
coucher une demi-heure avant, afin d'éviter avec le plus grand soin qu'elle fût
tourmentée. Tout fut enfin exécuté ponctuellement. A 9 heures précises, nous
nous rendons en grand nombre près de la malade. En arrivant, nous apprenons que
son état de crise s'est développé seulement quelques minutes plutôt qu'elle ne
l'avait prédit, mais qu'il était complet. Nous entrons dans la chambre, et nous
trouvons cette pauvre fille, la face gonflée, la langue sortie de la bouche et
serrée et presque coupée par les dents ; une extrême raideur des membres et des
mâchoires , qu'il eût été plus facile de briser que d'ouvrir. Après avoir
magnétisé les masseters, de manière à faire cesser l'état de raideur des
mâchoires , je fis rentrer la langue qui était déjà devenue noire , et qui fort
heureusement n'avait été entamée que dans une petite partie. Personne ne
s'était aperçu encore qu'un doigt avait été non-seulement mordu, mais qu'il y
avait perte de substance ; le morceau manquant avait été par elle
avalé au commencement de son sommeil. La main fut
pansée : il s'échappait de la plaie, non pas du sang, mais une grande quantitéde lymphe rosée, ce que tout le monde put constater. La
gravité de cette crise ne me permit pas de m'éloigner ; je restai pendant les
trente heures près dela malade. Je n'eus qu'à
me louer de ma détermination ; car, pendant plusieurs heures, elle fit des
efforts inouïs pour porter sa main à sa bouche et la remordre; elle ne put
qu'atteindre le drap, et en enlever un morceau.
Toutse passa
comme elle l'avait prédit et je me félicitai de mon nouveau succès.
Encore d'autres exemples:
Une femme de quarante ans épuisée par d'anciennes
souffrances, ne pouvant plus faire un pas sans béquilles, décidée à faire essai
du magnétisme, arrive à Paris en litière : elle met deux jours à faire quatorze
lieues : plusieurs syncopes ont eu lieu pendant le trajet : magnétisée à son
arrivée, elle tombe en somnambulisme, mais le sommeil ne présente point de
lucidité. Les effets magnétiques que le magnétiseur développe sont d'une telle
nature (*), qu'il ne craint pas d'annoncer que dans
quelques jours, la malade marchera sans béquilles. Il invite la malade à
venir à un jour fixe assister à une soirée dansante qu'il donne dans sa maison:
le doute dela malade et des assistants n'effraie point le magnétiseur ; il prévient au
contraire beaucoup de monde pour reconnaître et constater son annonce, et le
triomphe du magnétisme. La malade est magnétisée tous les jours, le matin; et
tous les jours, on peut constater un nouveau progrès; au onzième jour, elle
commence à faire quelques pas, soutenue sous les bras seulement, et abandonne
ses béquilles. Le dix-septième, elle vient à la soirée du magnétiseur, elle
monte l'escalier seule, se promène et reste jusqu'à une heure du matin, rentre
chez elle, sans avoir éprouvé d'autre fatigue que celle qu'aurait
ressentie une personne bien portante.
(*) Pour celui qui aurait vu
galvaniser un cadavre, les effets eussent été les memes. La malade, d'une
maigreur et d'une pâleur extrême, immobile avant la magnétisation, était tout-à-coup remuée
arec violence, et retombait dans son immobilité, à l'instant où cessait la
magnétisation.
Après de tels faits, quel médecin pourrait dédaigner un auxiliaire si
puissant, lorsqu'il ne lui fout qu'un travail consciencieux, pour apprendre ce
qu'il en peut tirer d'avantages ?
Mademoiselle Lacour, fille d'un commissionnaire au Mont-de-Piété, demeurant
à Paris, cour
des Fermes, jeune personne de dix-huit ans, malade depuis cinq ans et demi,
après avoir au commencement de sa maladie, éprouvé quelques améliorations par
l'emploi de divers traitements, cesse tout-à-coup , après une chute, de pouvoir
marcher : une luxation du fémur, parfaitement caractérisée, survient. Des
médecins habiles sont appelés, les moyens indiqués par eux sont employés sans
succès. Ces médecins annoncent que la maladie a un caractère scrofuleux, ce qui
la rend tout-à-fait incurable. Cette déclaration est faite aux parents
de. la malade. M. Dupuytren confirme cette déclaration, et conseille
l'amputation de la jambe : on essaye encore cependant l'emploi des moxas,
conseillé par M. Broussais : la malade ne va pas mieux. On parle du magnétisme
, comme moyen douteux , mais le seul qui restait à essayer. On me demande si je
veux en faire l'emploi : je m'y refuse d'abord, pensant que la maladie était
trop grave, et devait être incurable; pressé de nouveau, je cède aux
sollicitations : je me rends chez la malade, qui ignorait absolument ce que
c'était que le magnétisme. Après cinq minutes de magnétisation, elle s'endort :
je l'interroge; elle déclare devant plusieurs personnes qu'elle marchera le 25
juillet à midi,
sans béquilles, et sans boiter, et qu'elle n'aura
jamais de rechute : elle demande seulement à être magnétisée pendant quinze
jours de suite ; puis de deux jours l'un, jusqu'au jour indiqué. Nous en étions
à cinq semaines ; je me conforme entièrement à son indication : j'engage
plusieurs médecins à suivre son traitement. Douze de mes élèves l'examinent
attentivement, et s'y rendent plusieurs fois par semaine. Le temps prédit
arrive; toute la famille, qu'une maladie si affreuse affligeait cruellement, ne
peut croire à un rétablissement si prochain; ce serait un miracle, et personne
ne croit plus aux miracles ; mais, moi, j'étais bien certain que la malade
marcherait. Les effets produits par le magnétisme étaient manifestes pendant
chaque séance; une sueur très-abondante et gluante, venait avertir que les
articulations se nettoyaient de l'humeur qui les obstruait; la peau avait
changé de teinte ; les forces reparaissaient aussi ; les digestions étaient
redevenues bonnes; il n'y avait plus que la jambe malade, qui d'abord plus
grande que l'autre, et ensuite plus courte, qui présentât encore un
raccourcissement assez sensible. Le 24, la malade affirme de nouveau que le
lendemain elle marchera à midi, sans béquilles et sans boiter. Il y
avait alors six mois qu'on ne l'avait levée, et
cinq ans et demi qu'elle était malade; le 25, à onze heures et demie, je vais
chez elle.: tout l'appartement était envahi par une foule de personnes venues
pour être témoins d'une guérison presque sans exemple ; l'incrédulité est
peinte sur toutes les figures : on me taxe d'enthousiaste , dejeune homme; chacun croit qu'une mystification
m'attend. J'avoue que tous ces discours avaient porté dans mon âme un trouble
inexprimable ; une sueur froide coulait de mon front; j'étais pâle et
tremblant; et cependant, quelque chose me disait que dans un instant j'allais
recueillir le prix de mes peines, et que ma foi aux prévisions somnambuliques,
éprouvée par un grand nombre deprédictions toutes
réalisées, allait être encore justifiée. A midi précis, je m'approche de la
malade; elle était dans son lit, habillée ; je la magnétise devant tout le
monde. Lorsqu'elle fut endormie, je lui rappelle sa promesse, je la somme de la
tenir : je lui commande avec force de se lever et de marcher : elle sort du
lit, lentement, et pose ses pieds à terre, pour qu'on lui mette des souliers.
La foule immobile fixe ses jeux sur la jeune fille et sur moi ; et reste
muette, impressionnée par un spectacle si nouveau ! A un signe de ma volonté, on s'écarte pour ouvrir «a passage; je
commande de nouveau à la malade dé marcher; elle tâte d'abord le sol avec son
pied malade ; elle semble mal assurée, fait un pas, se recueille, et enfin
avance jusqu'à l'extrémité de l'appartement, sans être soutenue, ni appuyée sur
personne. Elle revient à son lit, chacun la suit : je la réveille brusquement
et lui dis de marcher; ce qu'elle ne sait pas encore avoir fait; elle tâtonne
de nouveau le sol, et marche avec la mêmehésitation;
mais bientôt, prenant de l'assurance, elle fait plusieurs fois le tour de
l'appartement.
Je m'arrête, Messieurs, car il est hors de mes
forces et de mon sujet, de vous peindre toutes les impressions que ce spectacle
si sublime venait de produire sur la foule assemblée.
Les anciens philosophes, par leur intelligence,
avaient pénétré dans les plus secrets ressorts spirituels de la nature. Ils
avaient pensé que non seulement le principe spirituel de vie est dans la nature
de chaque être, pour son existence et pour sa réparation, et suivant l'axiome des
sages :
Nature contient nature, nature sêjouît en nature;
nature surmonte nature; nulle nature n'est amandee, sinon en sa propre nature.
« Apprenez, disaient-ils encore,que c'est de la nature seule que vous recevez la guérison
et la santé, pourvu que vous sachiez l'aider. Comme vous ne craignez pas que
votre lampe s'éteigne tandis que vous avez de l'huile pour y mettre ; ne
craignez pas non plus que les maladies vous assaillent, tandis que la nature
aura en réserve un si grand trésor. Cessez donc de vous fatiguer nuit et jour
dans la recherche de mille remèdes inutiles, et ne perdez pas votre temps dans
de vaines sciences, ni dans des opérations fondées sur de beaux raisonnements,
en vous laissant entraîner par l'exemple. »
Je viens,Messieurs,
de vous donner la preuve que l'on peut, sans aucuns remèdes, guérir beaucoup de
maladies regardées aujourd'hui comme incurables, et justifier quelques-uns des
axiomes des médecins de l'antiquité.
Désormais, vous considérerez le magnétiseur comme
une machine électrique, mettant en mouvement, par ses propres forces, un fluide
doué des propriétés les plus admirables. Les nerfs conducteurs de ce feu
principe, le recevant, le porferont dans toutes les parties de l'individu
soumis à la magnétisation, il s'y répandra comme une rosée salutaire, pour
humecter les parties mobiles et délicates qui doivent se toucher, sans jamais
se réunir; entraînant avec lui la matière nutritive qui doit les soutenir, les
développer et les réparer, il établira entre tous les organes une sorte de
sympathie conservatrice qui les fera concourir au soulagement les unes des
autres ; il se mêlera dans l'estomac avec les aliments, deviendra le premier
agent de la digestion et enfin le premier remède auquel auront recours les
malades qu'un sot aveuglement ne fera pas préférer une médecine inventée par
les hommes vains et orgueilleux, à un moyen simple et universel que la nature a
établi comme une loi nécessaire à son équilibre.
Dans la prochaine séance, je vous entretiendrai dû
magnétisme dans l'antiquité, et de son état actuel en France.
FIN DE LA QUATRIÈME LEÇON.
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