VeLEÇON.
«L'âme
de l'homme est, dans son esprit, ce que l'œil est dans son corps ; tous les
deux voient; l'une les choses intelligibles et compréhensibles, l'autre les
choses sensibles; et laraison le veut sans
contradiction. »
« L'homme doit être l'objet de sa propre
observation. C'est la plus grande et la plus sublime élude qu'il puisse faire :
mais, pour arriver à ce haut degré de la science, il faut qu'il se sépare de
lui-môme; c'est-à-dire que l'être intellectuel domine tellement l'être
extérieur, qu'il puisse le juger comme s'il lui était aussi étranger que tous
ceux qui l'entourent dans l'ordre matériel. »
VeLEÇON.
Messieurs,
Dans la dernière séance, je vous ai annoncé que je vous ferais aujourd'hui
l'historique des divers systèmes qui avaient été établis pour rendre raison des
effets particuliers résultant de l'emploi de ce qu'on appelle le magnétisme
animais et qu'ensuite je vous entretiendrais de l'état actuel du magnétisme
en France.
Il n'entre pas dans mon plan de rechercher les premières traces de la
manifestation du pouvoir que nous croyons aujourd'hui exister en nous. Ce
pouvoir a dû nécessairement se manifester dans tous les temps, s'il est, comme
nous le pensons, le produit de notre organisation physique.
Il ne faut, en effet, que jeter un coup d'œil
sérieux sur l'histoire des divers peuples de
l'antiquité , leurs moeurs, leurs opinions, leurs nombreuses religions, et
leurs superstitions, etc., pour s'assurer que le magnétisme a été connu
de tous temps, et pour trouver de nombreuses traces de son existence.
La puissance de cet agent alternativement oubliée
et retrouvée, recherchée d'âge en âge, a été l'objet des travaux d'une foule de
philosophes : on sait quel pouvoir les anciens accordaient à certaines
pratiques.
L'usage des amulettes, abus du magnétisme que les
magnétiseurs font revivre aujourd'hui parmi nous, rattache l'époque actuelle
aux premiers temps. On les retrouve chez tous les anciens peuples : les
palladiums, les pénates, ne furent dans l'origine que des amulettes.
Les prêtres des anciennes religions étaient
médecins; ils avaient étudié plus particulièrement la nature, dont ils
célébraient l'auteur. C'est avec les connaissances qu'ils avaient acquises dans
cette étude, que les mages, les hiérophantes, les bramines les gymnosophistes,les druides, etc.,
etc., ces compagnies si révérées dans l'antiquité et surtout dans l'Orient,
dont les chefs étaient à la fois prêtres et rois, qu'ils parvinrent à opérer
des phénomènes si extraordinaires, en employant des verges, des bâtons, des
flèches; c'est à l'aide de ces connaissances, qu'ils faisaient éprouver des
sensations fortes, ou occasionnaient des douleurs, qu'ils se vantaient de
guérir et guérissaient des maladies par un simple attouchement, une simple
direction de la main, un simple regard; en un mot, qu'ils produisaient tant
d'effets merveilleux si célèbres dans l'histoire, auxquels on ne croit pas
aujourd'hui, parce qu'on en a oublié l'origine, parce qu'on en ignore la cause,
et parce qu'on juge mal à propos qu'ils ne sont appuyés que sur l'ignorance, la
crédulité, la superstition, etc. La fourberie devint un moyen tout simple
d'expliquer ce qu'on ne connaissait pas; le magnétisme passa pour une invention
superstitieuse, comme si la superstition inventait quelque chose.
C'est pour n'avoir pas vu que le magnétisme avait été la médecine
primitive, qu'on a traité de fables les guérisons qui s'opéraient dans les
temples des dieux.
N'allait-on pas dans celui deSérapis recouvrer le sommeil; n'allait-on pas dans
le temple d'Esculape (*) chercher la guérison ; n'y éprouvait-on pas des crises, des convulsions, et divers autres symptômes, même sans
avoir été touché ; n'en sortait-on pas, très-souvent, soulagé ou guéri?
Cependant on n'y prenait pas de remèdes.
(*) « Esculape fut le Dieu de la médecine, et estoit principalement adoré
en Epidaure, ville de la Grèce, laquelle, à cause du temple de ce Dieu, fut en grande estime, ainsi qu'escrit Solin : car,
qui cherchoit remède à quelques maladies, allait dormir en iceluy, et entendoit
en songe ce qui lui convenoit faire pour guérir. »
On pourrait citer un grand nombre de ces faits. L'histoire en est remplie.
Pline le jeune rapporte que de son temps on s'occupait beaucoup de leurs
recherches.
Apollonius de Thyane, fameux par ses prétendus miracles, se servait de
talismans. Ces talismans avaient la réputation de guérir del'épilepsie.
Périclès, suivant Plutarque, portait une amulette ; Gallien (*) lui-même,
le prince de la médecine, guérit, dit-on, des épileptiques en leur attachant au
cou des racines de péone : les cures qu'il opéra par des applications
magnétiques, le firent passer pour magicien, et le contraignirent de sortir de
Rome.
(*) Gallien avouait
qu'il devait une grande partie de son expérience aux lumières qui lui étaient
venues en songe.
Un respect de reconnaissance pour ces figures muettes, à cause de la vertu
qu'on leur supposait, les érigea peu à peu en divinités iutélaires; et
la superstition, toujours inconséquente parce qu'elle marche dans les ténèbres,
étendit la vertu de toutes ces choses à des objets ridicules, et on les
condamna comme dangereux. C'est ainsi, qu'au rapport de Spartien, on punissait
ceux qui en portaient au cou. (*)
(*) A cette époque, les malheureux magnétiseurs,
guérisseurs, ou sorciers, comme on le voudra,couraient de grands risques, s'ils n'avaient pas la
prudence de cacher leurs facultés.
Ammien Marcellin nous apprend : « Que l'empereur
Valens » fit mourir une vieille femme qui avait coutume, en prononçant »
quelques mots innocents, de guérir les fièvres intermittentes. » On l'avait
mandée, à la connaissance même de Valons, pour » guérir la propre fille de cet
empereur. Cette femme simple » rendit effectivement la santé a cette
fille ; et, pour récompense, » l'empereur la fit mettre à mort, comme coupable
et criminelle.»
Précieuses lumières de l'esprit, s'écrie Ammien
Marcellin, vous que le ciel accorde à ceux qu'il aime, quels abusn'auriez-vous pas prévenus, si vous eussiez pu
pénétrer dans ces temps ténébreux !
Le concile de Laodicée, tenu dans le quatrième siècle,
défendit aussi l'usage des amulettes, sous peine d'excommunication. Cette
défense, étendue aux anneaux, fut répétée par les conciles de Rome, en 712, de
Milan, en 1565, et de Tours, en 1583.
Par quel préjugé la médecine a-t-elle été longtemps pratiquée par divination, par incantation,
par imposition des mains? On menait le pauvre à la porte du temple ; le riche
était introduit sous les parvis, sans doute, pour y être traité avec plus de
soin.
L'habitude de masser s'est conservée dans l'Inde ;
l'habileté des brames à soulager et même guérir les malades par attouchement,
paraît avérée, soit qu'ils agissent par tradition et sans principes, soit que
les européens, ce qui est aussi vraisemblable, n'aient pas eu l'adresse ou le
discernement de leur dérober une science importante.
L'Inde, créatrice de nos institutions et de nos
arts, qui a vu toutes les nations tributaires de ses opinions et de ses idées,
paraît être le berceau de ces mystères savants et sacrés. Ne comptait-elle pas
des initiés à Memphis, à Héliopolis, à Eleusis, et dans l'îsle de Samothrace.
On ne pouvait y admettre que les hommes célèbres par leurs lumières, les
médecins renommés et les poètes fameux, doués pour l'ordinaire d'une
sensibilité extrême. La franc-maçonnerie moderne a conservé de ces mystères et
le secret et les épreuves, et quelques-uns des signes; mais la chose s'est
perdue, les signes sont restés.
« Loin de n'offrir qu'un recueil d'inepties et de
mensonges, les pages les plus merveilleuses de
l'histoire, bous ouvrent les
archives d'unepolitique savante et
mystérieuse, dont, en tous les temps, quelques hommes savants se sont servis
pour régir le genre humain, pour le conduire à l'infortune ou au bonheur, à la
grandeur ou à la bassesse, à l'esclavage ou à la liberté. » (*)
(*) Ne rejetons pas la sagesse des anciens sans
l'entendre ; enveloppée dans des paraboles et des allégories, que l'homme
extérieur prend pour des faits passés, elle renferme des vérités qui ne passent
pas. Un jour on méditera leurs écrits et on suivra leurs maximes; et alors :
Le sage qui écoutera, en sera plus sage, il
entendra la parabole, et l'interprétation du sens caché; il
comprendra les
paroles des sages, leurs énigmes et leurs dits
obscurs ; parce
que celui qui est instruit en la parole et en la
reconnaissance
du souille animant et spirituel de vie, trouvera
les biens et le souverain bonheur. »
Prov.
« Car, ceux qui trouvent ces choses
et leurs révélations, ont la vie etla santé de toute chair; les maladies fuient loin d'eux.»
Prov.
Quelle science n'a pas souffert de la rouille de
plusieurs siècles?
Qui ne connaît la faculté accordée par les
historiens à plusieurs rois, de guérir les malades en les touchant. En 1060,
les rois d'Europe s'attribuèrent ce pouvoir. Edouard le confesseur, roi d'Angleterre, obtint ce don curatif, suivant les
historiens, à cause de sa piété ; et c'est depuis ce prince, qu'on a nommé en
Angleterre le vice scrofuleux, le mal du roi. Son contemporain, Philippe Ier,
roi de France, ne resta pas longtemps sans annoncer qu'il avait lui-meme ce
pouvoir; et ce n'est que depuis lui, qu'on a accordé aux rois de France la
faculté de guérir les écrouelles en les touchant.
Raoul de Presle, avocat, confesseur, historien et
poète de Charles V, parle
de son application à guérir les humeurs froides, et Etienne de Conti, qui a fait
une histoire de France, rapporte les cérémonies observées par Charles VI, avant de procéder à
l'attouchement des malades.
Louis XIII chercha à opérer de pareilles guérisons; et on
connaît le mot du duc d'Epernon, qui, apprenant le pouvoir exorbitant donné par
le roi à Richelieu, lorsque ce dernier fut nommé généralissime contre les
Espagnols, s'écria : «Quoi! Louis ne s'est donc réservé que le pouvoir de
guérir les écrouelles ?» Ses successeurs ont conservé l'usage de toucher les
scrofuleux dans la cérémonie de leur sacre, et Louis XVI s'y est conformé : après
l'application de la main de ce prince sur chaque malade, on leur a dit encore,en 1775, la formule ancienne : Le roi te touche,
Dieu te guérisse. La même faculté fut accordée par
les Allemands
aux comtes de Hasprug : et Boyle assure qu'un
médecin de son temps lui avait confié que, pour
guérir la même maladie, il avait employé plusieurs
fois le même moyen. Mais, Messieurs, nous trouvons
partout des
hommes qui s'attribuent le meme pouvoir. Plutarque
nous apprend que Pyrrhus et l'empereur Vespasien guérissaient les malades en
les touchant. Il dit du premier : « Il n'y avait pas d'homme si pauvre et si
abject qu'il ne soulageât lorsqu'il en était prié. »
Dans les siècles derniers, nous savons qu'il
existait une foule de thaumaturges, dont les plus célèbres, Valentin, Greterek
et Gassener, guérirent un grand nombre de malades et cesguérisons sont attestées par une infinité de médecins.
Toutes ces guérisons, je ne crains pas de le dire,
n'ont eu d'autres causes que le magnétisme animal (*).
(*) Pour peu que l'on recherche les traces do
magnétisme, on s'aperçoit bientôt que toutes les religions y ont puisé des
moyens pour se constituer, les miracles, les révélations, les vues à distance ,
appartiennent au magnétisme. — La médecine, elle-même, n'a pas d'autre origine.— C'est dans les
inscriptions somnambuliques et magnétiques, exposées et attachées aux murs des
temples anciens, que les descendants d'Esculape, ainsi qu'Hippocrate lui-même,
puisèrent une partie des principes et des recettes qui constituèrent d'abord
l'art de la médecine.
Aux époques reculées, quelques associations
avaient seules le dépôt sacré des lumières et des connaissances ; elles
n'étaient transmises que sous le sceau du secret. Les savants disaient alors :
« Le sage étudiera là sagesse des anciens et s'exercera dans les prophéties. —
L'homme prudent et sage ne divulguera point le secret de la science. » Tandis
que la science est un bien qui appartient à tous les hommes. Ce n'est que depuis
quelques siècles que les philosophes ont pu rechercher les lois de la nature et
écrire librement le résultat de leurs observations sur tout ce qui semblait
appartenir à un pouvoir occulte, et les répandre dans le monde savant.
Sans nous occuper davantage de ces recherches
approfondies, nous allons vous signaler ici quelques-uns des premiers
observateurs qui rassemblèrent, en corps de doctrine, les opinions qui
dominaient de leur temps sur les causes des effets magnétiques que l'on crut
reconnaître dans les corps organisés, et vous serez conduits tout-à-l'heure à penser que Mesmer n'a rien découvert de
nouveau ; que toutes les idées par lui émises étaient répandues depuis
plusieurs siècles et qu'il n'a fait que les rassembler et les mettre en corps
de doctrine. Nous ne lui en devons pas moins beaucoup de reconnaissance pour
avoir rappelé les esprits vers l'étude des forces occultes, mais il est naturel
et juste de rappeler que nombre de philosophes ont les mêmes droits.
Le magnétisme animal, d'après la définition de M.
de Mesmer, est « la propriété du corps animé qui le rend susceptible de
l'influence des corps célestes et de l'action réciproque de ceux qui
l'environnent, propriété. manifestée par son analogie avec l'aimant. » (*)
Les premières traces du magnétisme, définies par
Mesmer, se trouvent dans les écrits de Paracelse, médecin chimiste, qui naquit
en Souabe, en l'an 1500.
(*)Cette proposition fausse
était bien propre à arrêter les progrès du magnétisme; l'action des corps
célestes, inventée sans doute pour cacher la simplicité de l'acte magnétique,
n'est pour rien dans le pouvoir que nous pouvons exercer. Les effets de cette
action ont peu d'analogie avec l'aimant : enfin, l'action réciproque d'un individu
sur un autre, ne peut avoir lieu, d'une manière sensible, que lorsqu'ils savent
quelles sont les conditions nécessaires à son développement.
« Paracelse avait lu le traité de Gilbert sur l'aimant, dont les phénomènes
ont toujours été l'ecueil de la philosophie; il en était imbu. Il crut
apercevoir dans les êtres animés une vertu secrète, analogue à celle de ce
minéral, une qualité attractive qu'ils tiraient des astres, et qu'il nomme magnale.
»
Quelques exemples de sympathie , d'antipathie, parmi les animaux : le
mouvement de certaines planètes, qui semble suivre le cours du soleil, l'action
de certains remèdes plutôt vers certaines parties que sur d'autres,
fortifiaient cette opinion. Dès lors, on ne vit plus que magnétisme ou
attraction dans la nature. C'est dans la connaissance de ces sortes de
phénomènes que consistait toute la physique du temps : on commençait par des
expériences sur l'aimant, on finissait par l'examen des différentes espèces de
magnétisme.
On soupçonna dans l'aimant naturel ou artificiel, des propriétés
applicables aux maladies ; et des cures obtenues de cette manière, parurent si
merveilleuses, si faciles à. foire, que chacun chercha à les pratiquer, à les
expliquer, les uns les regardant comme un effet de la sympathie, d'autres comme
un don de Dieu ; d'autres enfin, comme le résultat d'une vertu particulière.
« Paracelse pose comme fondement de toutes les
sciences occultes, la prière par laquelle nous demandons et il nous est
accordé, nous cherchons et nous trouvons, nous frappons et il nous est ouvert.
A la foi rien n'est impossible.
L'imagination, qui, si elle s'enflamme dans notre
esprit, s'accorde facilement avec la-foi.
La foi, dit-il dans un autre endroit ,surpasse la
lumière naturelle, et, en conséquence, la force et la puissance de toutes les
créatures.
En outre, dit-il, l'imagination est confirmée et
reçoit tout son développement dela foi. Elle reçoit tout
son développement pour qu'elle vienne à l'acte ; car tout doute Brise l'ouvrage
et le laisse imparfait dans le sein de la nature. La foi fortifie donc
l'imagination ; la foi termine la volonté ; celui qui croit en la nature,
obtient de la nature suivant l'étendue de sa foi. »
Léon Suavus, auteur des Commentaires sur
Paracelse , qui ont paru en 1567, avait étudié lui-même le magnétisme. Au liv.
1er, page 236, il s'exprime ainsi :
« Tous les phénomènes de la volonté ne sont » pas
incroyables à ces sages, qui comprennent » parfaitement les vertus et là
noblesse de l'esprit
humain ; elle n'est arrêtée que par la
simple interposition du corps; dans tout le reste, elle est censée égale aux
anges.
Nous passons sous silence les fascinations et les
différents modes par lesquels l'esprit produit; à l'extérieur des effets bien
étonnants.
Rien ne coopère davantage à produire ces
merveilleux effets que l'imagination de celui qui a la plus grande confiance
dans l'objet vers lequel il est porté, soit qu'il soit réel, soif qu'il ne soit
qu'en idée. »
Les premiers partisans de la doctrine magnétique,
après Paracelse, furent, parmi les gens peu instruits, un nommé Rumelius
Pharamond, le chevalier Digby ; et, parmi les hommes plus éclairés, Crollius,
Bartholin etAnman, quiproposèrent leur doute sur quelques pointe, ta plupart de
ces idées étaient passées en France, où elles eurent pour partisans Loysel,
Dolé, Gaffarel, etc.
Au commencement du quatorzième siècle, Arnaud de
Villeneuve,. doué d'un esprit vaste et pénétrant, mais d'une imagination trop
ardente, versé dans la connaissance des auteurs arabes, y puisa la doctrine
magnétique, et l'employa dans les traitements des maladies : les signes dont il
se
servit passerent bientôt
pour magiques. Médecin deMontpellier,
il fut déchiré dans les écrits de ses confrères, et condamné par la Sorbonne.
Aigri par le malheur, sur la fin de ses jours, affaissé sous le poids des
peines d'esprit, son imagination s'alluma et ne lui présenta que des objets à
redouter; il crut, comme J.-J. Rousseau, être devenu le but de la haine
de tous les hommes.
Bientôt après, parut Pierre Pomponace, si célèbre par son esprit et surtout
par les chagrins que ses idées métaphysiques lui attirèrent. Son ouvrage
surles enchantements, de Incantationum occulta potestate, fit le
plus grand bruit. H y témoigné qu'il ne croit pas à la magie, mais il
assure que la vertu qu'ont certains hommes de guérir les maux est inhérente en
eux, et qu'ils peuvent opérer des cures par attouchement, sans sortileges et
sans miracles.
Il ne manque, comme vous
le voyez, que le nom dé magnétisme à ce système. Il raconte qu'il n'est pas
incroyable que « la santé puisse être produite à l'extérieur par l'àme qui
l'imagine ainsi qu'elle le désire. »
- Il trouve aussi : « que son opinion n'est pas la même que celle des
Arabes; suivant Avicène, l'âme n'agit que par sa seule connaissance et
son seul empire; selon lui, au contraire, l'âme
» n'agit qu'en attirant, et par les vapeurs qu'elle » envoie aux malades. » Il
est dans l'esprit de l'homme, dit-il, une certaine vertu de changer, d'attirer,
d'empêcher et delier les hommes et les
choses à ce qu'il désire, car tout lui obéit lorsqu'il est porté à un grand
excès de passion ou de vertu, mais en tant qu'il surpasse ceux qu'il entend
lier.
Corneille Agrippa, qui naquît à Cologne en 1486,
poussa très-loin les effets de la foi et de l'imagination; mais il parle
très-raisonnablement, lorsqu'il dit : « les passions de l'âme qui suivent » la
fantaisie, lorsqu'elles sont très-véhémentes, » non-seulement peuvent changer
le corps propre, mais peuvent agir sur le corps d'autrui, et » même peuvent aussi
donner ou guérir certaine » maladie d'esprit ou de corps ; car les passions de
» l'âme sont la cause principale de notre tempérament. D'où il suit que
l'âme fortement élevée » et enflammée par une imagination véhémente, » envoie
la santé ou la maladie, non-seulement » dans son propre corps, mais même dans
les corps » étrangers. »
Agrippa tire des faits observés par lui une
conséquence morale pour la conduite de la vie. « II y a des hommes, dit-il, qui
agissent sur vous
par leur seule affection, par la seule habitude
qui les environne. En conséquence, les philo-» sophes vous ordonnent de
fuir la communication des hommes méchants et malheureux ; car » leur âme pleine
de rayons nuisibles, infecte » ceux qui les approchent, d'une contagion de »
malheur. Par la raison contraire, il conseille la » société des gens heureux. »
Plus tard encore, Nicolas de Lucques avait écrit
sur le magnétisme du sang; Laurent Strause sur la sympathie magnétique; et
Pierre Borel, médecin du roi, associé à l'Académie des Sciences, avait soutenu
toute sa vie la même doctrine. Dans une dissertation qu'il publia sur les
cures sympathiques, il admit, non-seulement l'influence du fluide général
sur l'économie animale, mais encore celle de la volonté.
Ces doctrines avaient jeté de profondes racines en
Allemagne.
Dès l'an 1608, Goclénius, professeur de
médecine à Marbourg, avait fait paraître sur les cures magnétiques, un traité
assez long, dans lequel il essaie de prouver que ces sortes de guérisons
s'opèrent d'une manière très-naturelle, qu'il cherche même à expliquer.
En 1621, Vanhelmont, disciple de Paracèle,
publia son Traité de lacure magnétique des plaies,, ouvrage dans lequel il venge son maître des
attaques dirigées contre sa doctrine par plusieurs pères jésuites.
L'inquisition, étonnée des profondes connaissances
de Vanhelmont, dans la médecine, le regarda comme un magicien etle fit arrêter. Echappé de ses prisons, il alla comme
Descartes dont il fut le contemporain, chercher la paixet la liberté en Hollande. C'est là qu'il publia, chez
lesElzevir, son ouvrage intitulé : des
Effets du magnétisme sur le corps de l'homme. Il y développa des idées
fortes et neuves.
« Le magnétisme, dit Vanhelmont, agit partout; il
n'a rien de nouveau que le nom, il n'est un paradoxe que pour ceux qui se
moquent de tout, et qui attribuent au pouvoir de Satan ce qu'ils ne peuvent
expliquer. »
« En supposant, dit-il, qu'une sorcière opère des
maléfices, ce n'est point par l'opération du diable, qui ne saurait lui
communiquer une puis? sance qu'il n'a pas ; c'est par une faculté propre à
l'homme, inhérente à la nature humaine, et dont nous pouvons faire un
bon ou mauvais usage, comme de toutes les autres facultés dont nous sommes
doués. »
« Suivant Vanhelmont, l'âme est douée d'une »
force plastique, qui, lorsqu'elle a produit une idée la revêt d'une substance,
lui imprime une » forme, et peut l'envoyer au loin et la diriger » par la
volonté : cette force infinie dans le créateur, est limitée dans les
créatures, et peut conséquemment être plus ou moins arrêtée par les »
obstacles. Les idées ainsi revêtues d'une substance, agissent physiquement sur
les êtres vivants, par l'intermède du principe vital ; elles » agissent plus ou
moins, selon l'énergie de » la volonté qui les envoie, et leur action peut »
être arrêtée par la résistance de celui qui les » reçoit. »
Quelques savante du temps de Vanhelmont croyaient
que la puissance sympathique émanait des astres. Vanhelmont soutenait le
contraire.
« J'en vois la source, disait-il, dans un sujet »
plus rapproché de nous. Ce sont les idées qui » dirigent; et ces idées sont
produites par la charite, ou par une volonté bienveillante.
» Aussi, dans l'action sympathique, je mets » ces
astres de notre intelligence (l'attention et la » charité ) bien au-dessus des
astres des cieux. » Les idées excitées par le désir de faire du bien »
s'entendent au loin;elles sont dirigées sur l'objet que la volonté leur désigne à quelque dis—
tance qu'il soit. »
II est impossible d'avoir des idées plus justes sur la
nature de l'agent magnétique ; il est fâcheux que ces vérités soient accolées à
des choses peu vraisemblables. Vanhelmontfut
soutenu dans lalutte qui survint, par Robert
Flud, écossais, auteur de plusieurs ouvrages sur la philosophie.
Suivant Robert Flud, l'homme a ses pôles, comme la
terre; pour que son magnétisme ait lieu, il faut que le corps soit dans une
position convenable. Après avoir examiné, sur ce point, l'opinion des auteurs,
surtout celles de Platon, de Pythagore, d'Aristote, et d'Empédocle, il
conclut , qu'outre l'action des pôles dans l'homme, qu'il admet comme démontré,
il existe deux principes qui agissent continuellement sur lui.
Lorsque deux personnes s'approchent, dit-il, et
que les rayons qu'elles envoient, ou leur émanation, se trouvent repoussés,
réfléchis,répercutés de la circonférence au
centre, l'antipathie existe, et le magnétisme est négatif. Si au
contraire, il y a abstraction de part et d'autre, et émission du centré a la circonférence, le magnétisme est positif.
Il admet plusieurs sortes de magnétisme ; et les
recherches auxquelles il se livre pour donner des
preuves de ses assertions, sont extrêmement curieuses.
Robert Flud, dans l'origine des choses, n'admet
qu'un principe ou élément primitif, d'où dérivent tous les autres, qui n'en
sont que des modifications ou des métamorphoses. Cette idée, d'une grande
beauté, est développée dans toute son étendue. Il considère l'âme comme une
portion de ce principe, qu'il nomme universel ou catholique.
Il définit le magnétisme en deux mots : le
consentement des esprits. Cesentiment
entre deux corps animés, lorsqu'il est amical de part et d'autre, s'appelle
sympathie. Il prend les noms d'antipathie, d'horreur des dissemblables,
lorsqu'il est désagréable ; d'où résulte la distinction du magnétisme, en
sympathéisme et en antipathéisme.
Robert Boyle, fondateur de la Société royale de
Londres, mathématicien profond, physicien éclairé , entrevit l'action et la
réaction, que les individus pouvaient exercer entre eux, et il admit un fluide
général qui les produisait.
Dans son traité justement estimé, sur les
effluences corporelles, en prouvant leur admirable subtilité, il établit leur pouvoir
et leur influence.
Les mêmes recherches avaient été faites par l'espagnol Balthazard-Gracian :
l'attraction qu'il semble avoir reconnue est appelée par lui, avec assez de
justesse, la parenté naturelle des esprits et des cœurs. 11 entrevit ce
flux et ce reflux permanent du principe vital et des humeurs corporelles , dans
l'homme, sans lequel le mouvement dela vie s'arrête; et il expliquait ces effets de la
sympathie et de l'antipathie, qui deviennent plus naturels et moins merveilleux
d'après son explication. L'atmosphère particulier à chaque individu, dit-il,
retient du fluide général l'attraction et la répulsion qui lui sont propres.
Dans les croisements divers de ces atmosphères individuelles, telles émanations
sont plus attractives, entre deux êtres, et telles autres plus répulsives, etc.
Cette doctrine ne s'éloigne guère de celle de l'ancien rabbin Abraham
Benhannas. « L'aimant, disait-il, attire le fer; le fer est partout : tout est
donc soumis au magnétisme. Ge n'est qu'une modification du principe général qui
unit ou divise les hommes, et fait naître entre eux la sympathie , l'antipathie
et les passions. »
Le père Kircher, quirend compte de l'ouvrage de Robert Flud, à la fin
du sien , dit : que cette œuvre ne peut être sortie que de l'école du
diable.
Cependant, dans son ouvrage, le pèreKircher donna beaucoup plus d'extension que les autres, à
tous les exemples de sympathie et d'antipathie connus, ainsi qu'à tous les
genres d'affinité qu'on observe dans la nature et qui lui parurent autant
d'espèce de magnétisme. Il en distingue plusieurs genres : le magnétisme des
corps métalliques, celui du soleil, de la mer ; celui des animaux, ou
magnétisme animal, qu'il nomme zoo-magnetismos.
Kircher abondait tellement dans sou sens, que
toute la nature lui parut magnétique.
Un autre auteur, Jean-Baptiste Porta, dont la
maison fut le rendez-vous de tous ceux qui cultivaient les lettres, et qui
fonda à Naples l'Académie des secrets, de secreti, parce que pour y être
admis, il fallait apporter un secret ou une découverte, adopta en partie les
idées de Kircher; et publia un livre sur la philosophie corpusculaire, qui
contient plusieurs recettes magnétiques, et un Traité de magie naturelle. Les
cures; opérées par Porta, parurent si extraordinaires à la cour de Rome, qu'y
soupçonnant dela magie, elle lui fit
défendre de guérir,
Coclès et Porta, abusant du magnétisme, et y
réunissant mal apropos l'étude de l'astrologie judiciaire, se mêlèrent
de prédire l'avenir. Le
hasard fit deviner au premier le genre de sa mort,
et annoncer à Caponi, son assassin, qu'ayant la nuit il commettrait un crime
dont en effet il fut la victime. Le second prédit au génois Spinola ses succès,
s'il voulait suivre la carrière des armes, prédiction que ce dernier remplit.
Wirdig, professeur de médecine à Rostoch, se
persuada qu'il y avait dans la nature et dans les corps, plus de vie, plus de
mouvement, plus de magnétisme, plus d'intelligence, qu'on n'en avait admis.
Doué de beaucoup de génie, il anima tout ; il étendit le système de Kepler.
Celui qu'il créa parut sous le titre de Médecine nouvelle des esprits; il
l'adressa à la Société royale de Londres, et il fut imprimé en 1675.
Selon Wirdig, l'influence magnétique a lieu
non-seulement entre les corps célestes et les corps terrestres, mais cette
influence est réciproque; le monde entier, dit-il, est soumis à la puissance du
magnétisme. La vie se conserve par le magnétisme , tout périt par le
magnétisme.
On trouve dans Wirdig, un ordre, un plan, un
enchaînement d'idées,une marche, une liaison. C'est un autre Prométhée, qui
dérobe le feu du ciel et le communique à tous les êtres ; tout s'anime par le
feu de son génie, les astres, les
éléments. l'homme, la terre, les plantes, les eaux,
les minéraux, tout, jusqu'aux ténèbres, se trouve doué d'une sorte
d'intelligence et d'activité. On aime à voir, dans le développement et le
détail, comment ces esprits régisseurs de l'univers, circulent , se meuvent, se
choquent, s'évitent, donnent lieu par leur rencontre à de nouveaux corps,
retournent à leur source, ou forment des masses, en dessinent les formes, en
épanouissent les couleurs, et les détruisent enfin, parleur combat, pour se reproduire eux-mêmes, sous d'autres
formes, sans jamais périr.
Stahl, à qui la chimie doit tant de lustre et de
gloire, trouva dans les anciens la doctrine du magnétisme, et en fit des
applications nouvelles et heureuses. Sa Vraie théorie médicale, imprimée
en 1708, annonça le génie étendu avec lequel il savait lire toutes les. parties
de son art. On y trouve des pensées profondes, qui sont toutes fondées sur
l'existence d'un principe vital qui circule dans tous les êtres, qui les
modifie, qui entretient leur jeu, qui a dans l'homme une sorte de flux et de
reflux comme tous les courants, et dont l'absence produit en lui des
obstructions, des paralysies, des épilepsies, des mouvements convulsifs, et la
mort.
Maxwell, médecin écossais, qui vint avant Stahl, avait eu les mêmes idées ;
il fit un corps de doctrine de toutess ses observations, les réduisit en principe et s'occupa de perfectionner
la médecine magnétique, qu'il se flatte d'avoir tirée le premier du
cahos.
Son ouvrage parut à Francfort.
Ferdinand Santanelli le réduisit en aphorismes. " Au milieu de
Beaucoup de choses, înintelligiblés pour ceux qui né sont pàs familiarisés avec
l'étude dëschoses occultes, on y rencontre par fois des idées ingénieuses servant à
expliquer l'action qu'un individu exerce sur un.
autre, et quelquefois sur sa propre organisation.
Il s'émane, dit-il,
de tout corps, desrayons corporels qui Sont autant de véhicules, par
lesquels l'âme transmet son
action, en leur com» muniquant son énergie et sa puissante pour>> agir; et ses rayons non-seulément sont cor pôrels, maisils sont meme composés de diverses matières.
Lorsque l'esprit, intimement uni aux qualités' d'un corps, cômmunique âvéc un autré corps il se forme, par un
flux etreflux mutuel des esprits de l'un à l'autre corps, une sorte de sympathie et d'union, qu'il n'est pas
aussi facile de dissoudre,
que celle qui est l'ouvrage de l'imagination. » Le remède
universel, n'est autre chose que l'esprit vital, renforcé dans un sujet
convenable. Selon l'intention première de la nature, aucun sujet ne reçoit que
l'esprit vital nécessaire pour sa conservation selon son espèce; il est
cependant possible que la nature, par le travail d'un philosophe, produise des
choses supérieures à leur principe.
Voulez-vous opérer des prodiges, retranchez! de la corporéité des êtres,
procurez au corps une plus grande somme d'esprit, tirez l'esprit de son état
d'assoupissement. Si vous ne faites quelques-unes de ces choses, si vous ne
savez lier l'idée qui prépare une régénération, vous ne ferez jamais rien de
grand. »
Nous ne parlerons pas ici d'une foule d'autres auteurs qui soutinrent les
mêmes doctrines. Les plus grands philosophes en étaient imbus et croyaient à
l'action qu'un individu peut exercer sur un autre; il est meme probable que
Cette action a été la première médecine.
« Avant Hippocrate, dit Denarius medicus, il » s'est trouvé
plusieurs hommes habiles qui n'ont » point fait usage de là médecine
corporelle, » mais bien uniquement des facultés de l'âme.
Ainsi ils connaissent deux puissances pour guérir
des maladies et pour faire des choses extraordinaires : l'une, qui agit
directement sur le corps, et qui réside dans les propriétés de certaines
plantes, de certains minéraux, etc. L'autre, qui agit par la seule volonté, le seul regard, la seule imagination, je le veux, je l'ordonne,
sans autre secours. »
Nous arrivons à Mesmer : vous connaissez déjà
l'histoire de ce médecin ; je ne dois vous tracer ici que son système : vous
allez reconnaître qu'il offre plus d'un point de ressemblance avec ceux que je
vous ai cités.
Voici le résumé de sa doctrine, exposée en
vingt-sept aphorismes :
1°Les corps célestes, la
terre et les êtres vivants exercent réciproquement une action les uns sur les
autres.
2° L'intermède de cette action est le fluide
universel, qui pénètre et entoure tout.
3° Cette influence mutuelle agit d'après des lois
mécaniques, mais qui sont inconnues.
4° Elle produit des effets alternatifs, que l'on
peut comparer avec le flux et le reflux.
5° Les propriétés de la matière
et des corps dépendent de cette influence réciproque.
6° Tout agent agit immédiatement sur les nerfs et donne lieu, dans le corps
de l'homme, à des phénomènes analogues à ceux que produit l'aimant ; il y a des
pôles divers, opposés dans le corps.
7° Le magnétisme animal est la qualité du corps animal qui donne la
réceptivité pour ces agents généraux.
8° Le magnétisme passe, avec une promptitude incroyable, d'un corps dans un
autre, que ceux-ci soient vivants ou inertes.
9° Il agit à des distances considérables, sans avoir besoin d'intermèdes.
10° Il est réfléchi, comme la lumière, par un miroir.
11° Il est augmenté,
propagé et communiqué par le son.
12° Il y a des corps vivants qui ont une propriété tellement contraire au
magnétisme animal, que leur présence détruit tous les effets de ce dernier.
13°
Cette force opposée peut être également accumulée, propagée ; elle pénètre de
même tous les corps, et c'est par conséquent une force positive.
14° L'aimant est aussi susceptible du magnétisme animal, sans que son
attraction pour le fer en éprouve la moindre altération ; le magnétisme
animal est donc totalement différent du magnétisme minéral.
15°On peut,à l'aide de ce principe, guérir immédiatement les
maladies nerveuses, et médiatement toutes les autres ; il nous explique
l'action des médicaments et provoque les crises.
Et c'est avec son secours, que la médecine peut
être portée à son plus haut point de perfection.
Vous connaissez, Messieurs, l'examen qui a été
fait de cette doctrine par les Bailly, les Lavoisier, les Franklin, etc.
Vous savez que ces savants reconnurent tous les effets de la magnétisation ,
mais qu'ils adoptèrent d'autres causes à leurs explications, que le fluide
universel de Mesmer, ses pôles et ses baquets ; ils crurent que le pouvoir de
l'imagination, la tendance à l'imitation, pouvaient rendre suffisamment raison
des effets extraordinaires qu'ils étaient appelés à constater.
II n'entre point dans mon plan de vous détailler toutes les
expériences qui furent faites et celles qui furent proposées pour juger la
théorie de Mesmer; plusieurs de ces propositions ne pouvant soutenir l'examen,
le système entier croula de toutes parts.
Mais avec ce système, comme sans lui, on continua d'obtenir des effets; alors tous les
magnétiseurs, s'apercevantque, dans certains cas,
l'imagination, l'imitation, l'attouchement, ne pouvaient expliquer les effets
qu'ils obtenaient, jugèrent les rapporte des commissaires comme portant à faux,
et ne rendant point suffisamment raison des phénomènes qu'ils produisaient.
Il survint alors une foule de doctrines nouvelles
: les magnétiseurs, en grand nombre, répandus par toute la France et
l'Allemagne, s'empressèrent de donner des explications aux effets produits par
le prétendu magnétisme. Les uns crurent reconnaître la puissance de Dieu,
d'autres la puissance du diable. Plusieurs crurent à l'existence d'un fluide
magnétique, d'autres la nièrent. Mais ce qui est positif, c'est que tous ceux
qui magnétisèrent, obtinrent des effets physiques etdesguérisons, n'importequelle fût leur croyance.
La découverte du somnambulisme par M. de Puységur,
vint apporter quelques changements dans la pratique et dans la manière
d'entendre et de s'expliquer le magnétisme ; on remarqua que la volonté jouait
un grand rôle dans la production des faits; dès lors, on abandonna une partie
de la doctrine de Mesmer, et on adopta le système de M. de Puységur, système
qui était renfermé dans ces deux mots : Croyez et veuillez,
Les magnétiseurs s'attachèrent à bien vouloir et à
avoir le plus de foi possible; ce n'étaient cependant pas les seules conditions
pour réussir, il fallait encore diriger l'action de la volonté sur le patient,
pendant un certain temps.
Les magnétiseurs les plus célèbres de cette époque
n'avaient point d'autre méthode ; un seul cependant prétendit qu'une partie de
ces conditions était inutile. Voici comment il procédait : il faisait placer
dans un fauteuil la personne qu'il voulait rendre sensible au magnétisme.
II l'engageait à fermer les yeux en se recueillant, puis lui
faisait quelques passes sur les membres et sur le tronc, et tout-à-coup il
prononçait d'une voix forte le mot : dormez.—Si la première tentative ne
réussissait pas, il soumettait le patient à une seconde épreuve, quelquefois
même à une troisième, après cela il le déclarait incapable d'entrer dans le
sommeil lucide.
L'abbé Faria, auteur de ce système, ne croyait
point à l'existence de l'agent magnétique ; il expliquait les divers effets que
ces procédés lui faisaient obtenir, par des causes particulières; les mots
magnétisme et magnétiseur étaient remplacés par les mots concentrateur et
concentré.
Le mot somnambule par l'expression grecque Epopte
; mais l'explication qu'il donne de la cause du somnambulisme ne nous
paraît nullement fondée. Voici cette explication, qui ne tous paraîtra, probablement, pas plus
claire qu'à nous.
En indiquant, dit l'abbé Faria, comme cause du
sommeil lucide, la concentration, que nous avons substituée au mot magnétisme,
nous n'avons voulu que signaler ici la cause immédiate qui provoque le sommeil
en général.
Les sommeils ont leurs nuances, celui qui est le
plus profond, est ce que nous avons appelé le sommeil lucide. Ce sommeil
n'existe qu'avec une extrême liquidité dans le sang.
La liquidité dans le sang contribue non-seulement
à la profondeur du sommeil, mais aussi à sa promptitude.
L'expérience m'a fait voir> ajoute-t-il, que
l'extraction d'une certaine dose, de ce fluide rendait époptes dans
vingt-quatre heures ceux qui n'y avaient aucune disposition antérieure. Voilà
la véritable cause de ce qu'on appelle le somnambulisme naturel; causé jusqu'à
présent regardée comme mystérieuse parmi lès enfants d'Escu-lape, etc. L'abbé
Faria aurait dû nous dire ce qu'il
entendait par liquidité dans le sang. II n'est pas vrai qu'une
saignée rende somnambule.
D'autres systèmes vinrent bientôt s'enter sur ceux
que je vous ai fait connaître. Comme ils ne vous apprendraient rien et que je
dois ménager votre temps, je ne vous en entretiendrai pas.
J'arrive, Messieurs, à vous parler des doctrines
d'un homme dont les lumières et le savoir sont généralement connus, auteur de
plusieurs ouvrages sur le magnétisme.
M. Deleuze, professeur d'histoire naturelle et
bibliothécaire au jardin des plantes, est toujours descendu dans l'arène quand
il s'est agi de défendre le magnétisme contreles attaques auxquelles il a été
en butte. Cet homme respectable employa constamment dans sa défense la logique
des faits. Ses ouvrages resteront comme des modèles qu'il sera difficile
d'imiter. Traduits dans toutes les langues, ils ont porté partout la
connaissance du magnétisme; mais en rendant justice à M. Deleuze, nous ne
devons cependant pas rester muets sur les vices de sa théorie, qui, à notre
avis, contient un grand nombre d'erreurs : la pratique du magnétisme vous les
révélera bien mieux que je ne pourrais le faire ici; je vais seulement vous
citer quelques passages de ses ouvrages, qu'il m'a paru nécessaire d'examiner.
Sans le premier chapitre de son instruction pratique, M. Deleuze dit :
« L'homme est composé d'un corps et d'une » âme, et l'influence qu'il
exerce participe à la » fois de l'un et de l'autre. Il s'ensuit qu'il y a »
trois actions dans le magnétisme, 1° l'action physique, 2°l'action
spirituelle, et3°l'action mixte.» Il assure ensuite, qu'il est facile de
distinguer quels phénomènes appartiennent à chacune de ces actions.
Sans rechercher jusqu'à quel point cette assertion est fondée, nous devons
dire ici, que ces distinctions d'actions , qu'il est impossible de prouver,
sont nuisibles, en ce que plusieurs magnétiseurs partent de là pour se croire
capables de faire des miracles, et répandre dans le public des faits erronés. A
croire ces magnétiseurs, rien ne résiste à leur puissance spirituelle, pourvu
toutefois que vous ayez une grande croyance j mais si vous leur parlez du magnétisme
animal, ils souriront de pitié : l'agent qu'ils emploient, est bien plus
relevé, c'est une portion de la Divinité, qu'ils ont à leur disposition, et
qu'ils exploitent par privilège.
II leur suffît, pour cela, d'avoir beaucoup de confiance en
eux et de ne pas avoir à faire à des réprouvés : c'est ainsi qu'ils qualifient
ceux qui ont le malheur de ne rien ressentir de leur intercession.
M. Deleuze est très-loin d'autoriser de semblables
pratiques. Mais nous devons le dire, on peut puiser dans ses œuvres toutes
espèces de croyances et de méthodes. Beaucoup de faiseurs de miracles ont une
doctrine mystique qui ne s'éloigne guère de certains principes qui font la base
du système de M. Deleuze.
Les procédés magnétiques, enseignés par cet
auteur, ne sont pas, non plus, exempts de critiques.
On peut, avec plus de certitude, obtenk la
production de phénomènes magnétiques, en suivant une méthode plus simple que la
sienne; il n'est pas besoin de se toucher les pouces, d'avoir les genoux et les
pieds contre les genoux et les pieds de celui qu'on magnétise) les passes,
faites delà manière que M. Deleuze indique, ne sont pas non plus rigoureusement
nécessaires, vous pouvez les faire en long, en large, en travers, en
descendant, en remontant, pour obtenir le même effet, sous la condition
cependant, qu'elles soient
faites en face du trajet des nèrfe des principaux
organes de l'individu que vous magnétisez ; mais je vous expliquerai cela dans
un autre moment.
Ce magnétiseur admet que les femmes doivent
magnétiser les femmes. Sans «contester qu'elles puissent le faire avec succès,
je ne crois pas qu'elles doivent s'y livrer, dans le cas où le somnambulisme
existe accompagné de l'extase.
Si un seul des faits que je vous ai cités dans la
dernière séance est vrai, je vous demande en quelle situation terrible se
trouverait une femme en présence d'accidents qui peuvent menacer la vie de
Celui que l'on magnétise.
On peut encore reprocher à cet écrivain de n'avoir
pas assez généralisé l'emploi que Ton peut faire du magnétisme dans nos
maladies ; de n'en avoir pas assez précisé les véritables dangers et d'adopter
comme nécessaires une foule de conditions morales et physiques qui sont loin
d'être utiles.
Par les procédés que vous indique cet auteur, vous
allez lentement au but, qui est d'arriver à la production des phénomènes
magnétiques; vous courrez moins, il est vrai, les risques de faire du mal, que
si vous vous abandonniez sans règles et sans guide à toute l?énergie
de votre action ; mais
aussi, pour cela même que vos effets sont moins
prononcés, les guérisons sont plus rares.
Je passe rapidement sur toutes les autres
observations qu'il y aurait à faire relativement à la manière dont M. Deleuze
entend et explique le . magnétisme ; il est fâcheux pour la science,
qu'il n'ait pas développé et appliqué plus rigoureusement qu'il ne l'a fait, un
des axiomes qu'il a émis; axiome qui semble en contradiction avec ce que je
vous ai cité tout-à-l'heure.
« Je crois à une émanation de moi-même, dit v M.
Deleuze, parce que les effets magnétiques » se produisent sans que je touche
le. malade : » ex nihiîo nihil. J'ignore la nature de celte éraa-»
nation, je ne sais si elle est naturelle ou spirituelle, je ne sais à quelle
distance elle agit, » mais je sais qu'elle est lancée et dirigée par ma »
volonté j car, lorsque je cesse de vouloir, elle » n'agit plus. »
C'est cette action qu'il fallait étudier.
M. Deleuze était sur le chemin de la vérité, il
n'a pas poursuivi.
Voici, Messieurs, une autre doctrine qui contredit
en tout point celle de M. Deleuze.
M. le docteur Bertrand, après avoir publié sa
croyance au magnétisme et au fluide, et s'être déclaré le partisan 4e M. Deleuze, ce docteur a fait une rétractation complète.
Il ne croit plus:entendons-nous cependant, il croit encore, non au fluide, mais
à tous les effets produits par la magnétisation, et il adopte une nouvelle
manière de les expliquer (*). Le somnambulisme n'est plus pour lui que
l'extase, et sa manifestation, de nos jours, qu'une épidémie, que Ton doit
attribuer à des causes accidentelles que met en jeu le magnétisme. Il est vrai
de dire que ce médecin glisse légèrement sur. les difficultés qu'il rencontre,
et qui semblent le contrarier : l'action à distance, la communication des
pensées, et bien d'autres phénomènes , qu'il adopte cependant, mais qui ne
l'empêchent point de courir au but qu'il s'est proposé d'atteindre, et où il
croit être arrivé.
(*) L'imagination, la conviction, l'imitation, la sympathie.
Il rattache tous les phénomènes du magnétisme, du somnambulisme, à ceux
qu'ont présentés les convulsionnaires de tous les pays, les possédés, les
trembleurs des Gévennes, etc.
En lisant attentivement les faits que le docteur Bertrand admet comme
démontrés et tout à fait incontestables , on pouvait espérer que ce médecin
serait revenu à l'explication naturelle, et la seule traie, qu'il avait précédemment adoptée sur
la cause de la production des phénomènes magnétiques. Malheureusement ce
médecin est mort dernièrement, et sa perte est grande pour les sciences. Malgré
le changement d'opinion de M. Bertrand, ses ouvrages n'en sont pas moins
très-instructifs, et méritent d'être consultés par tous ceux qui
s'occupent de l'étude du magnétisme.
On peut ranger dans la catégorie des magnétiseurs
qui rejettent l'hypothèse d'un agent magnétique , le baron d'Hénin de
Guvillers, auteur qui a écrit plusieurs volumes sur cette science. Rien n'est
plus contradictoire que les faits qu'il cite; et le tout est accompagné de sarcasmes
et de déclamations contre ses collègues qui ont le malheur de ne pas adopter
ses idées. La possibilité de l'existence d'un agent le révolte, il se féche, et
sa colère le fait sortir des bornes d'une critique mesurée. II me faudrait trop de temps
pour vous faire connaître les doctrines de M. d'Hénin, mais je dois vous dire
qu'il adopte eomme vrais les phénomènes les plus merveilleux du magnétisme ; et
pour vous convaincre et vous faire juges dé la valeur de ces explications,
voici des faits rapportés par cet auteur : nous allons le laisser parler.
« Une dame indienne, qui demeure à Paris, et » qui
possède une grande force magnétique, a été » sollicitée par une dame avec qui
j'étais de nous » donner une preuve de l'énergie de sa volonté. » Elle avait à
son service une femme qu'elle traitait par le moyen du magnétisme, et
qu'elle » mettait souvent en somnambulisme. Elle était ». alors à travailler
dans une chambre entièrement » séparée de nous ; on a demandé à cette dame »
indienne si cette femme pouvait se présenter » devant nous d'après son ordre mental.
Aussitôt », la maîtresse se recueillit un instant et la ma-». gnétisa de
l'endroit où elle était, sans parler et » sans faire aucun mouvement ; quelques
minutes » après, nous avons vu entrer la servante dans la » chambre où nous
étions, qui venait demander » à sa maîtresse quels ordres elle avait à lui »
donner. »
M. d'Hénin ajoute les réflexions que voici : « Il
» se trouvera des personnes assez raisonnables » pour ne pas croire que je me
suis laissé trom-b per par
une si forte illusion, et- pour être » persuadés que je ne me serais pas
hasardé à » affirmer un fait de cette espèce, si je n'en avais » pas été
convaincu d'une manière évidente. »
Si ce fait est vrai, ce que je ne mets point en
doute, que deviennent tous les arguments de M. d'Hénin contre l'agent
magnétique. Il semble lui-môme n'être pas Bien certain de la solidité de son
système, comme je vais le faire connaître. Il dit:
« On peut de môme aussi, du bout du doigt, » par des gestes et sans gestes,
ou par des » passes, etc., mais toujours accompagnés d'un » acte de volonté,
faire mouvoir comme un au-9 tomate le somnambule en crise, sur lequel on »
exerce une influence magnétique animale , et le » réduire à penser, à obéir et
à agir, au moyen » d'un seul acte mental et sans le concours de l'i-»
magination du patient, etc. »
Un autre auteur, M. Georget, médecin, semble venir tout exprès pour
renverser à son tour les doctrines du docteur Bertrand et du baron d'Hénin. II adopte franchement le magnétisme. L'existence de
l'agent lui paraît démontrée. Ecoutez-le parler :
« Il est nécessaire, dit-il, que les deux pièces » de l'élément
magnétique dirigent autant que «possible, exclusivement et fortement, toute
» l'action cérébrale vers la production du pbénomène en question; que le
magnétiseur et le » magnétisé aient l'intention, veuillent que le somnainbulisme soit déterminé; rien ne m'a été plus facile
que de constater ce fait. Toutes les » fois que j'étais distrait, que ma pensée
était » toute à des idées étrangères, que j'étais tourmente par quelques
affections morales, que je » ne pensais point à l'action que j'allais entreprendre, souvent je ne pouvais produire absolument aucun phénomène.
Tout-à-coup, Iorsque je croyais avoir fini l'opération, lasomnambule
ouvrait les yeux en me disant qu'elle ne » ressentait rien ; et pourtant, moi
seul, je pour vais juger de la situation de mon esprit. Il en » était
à-peu-près de môme, lorsque la personne » influencée ne voulait pas; cependant,
j'ai déterminé le somnambulisme malgré celle-ci, et quelquefois à
leur grand déplaisir, d'autres fois à leur insu, comme par exemple, pendant des » accès d'épilepsie, où
il y a perte complète de » connaissance ; la même chose avait lieu lorsqu'il »
s'agissait de la cessation du somnambulisme. » M. Georget ajoute quelques
réflexions à son récit. « Comment expliquer, dit-il, par cette supposition
(l'imagination, ou l'ennui) la production » du sommeil, en quelques minutes,
malgré la » personne, laquelle assure ne vouloir où n'avoir » point envie de
dormir; des paralysies et autres phénomènes que l'on détermine sans être soupçonnés d'avance, et sans être aperçus? Comme il n'a pas d'effet
sans came, il est nécessaire d'admettre un agent de communication
entre les deucc pièces de l'élément magnétique.
Quelle réflexion faire ici? 11 faut nécessairement
que l'un ou l'autre de ces deux docteurs soit dans l'erreur ; mais M. Georgret
a un avantage, c'est qu'il n'est pas seul de son opinion. Les rails qu'il
annonce ont été vérifiés très-attentivement par un autre observateur, M. Rostan,
médecin de l'hôpital de la Salpêtrière, à Paris.
Il les confirme entièrement-, il fait plus, il
cite, dans le Dictionnaire de médecine, des expériences faites par lui, qui
mettent dans tout son jour l'existence de cette nouvelle vérité, que les
phénomènes magnétiques sont dus à l'action que produit sur notre système
nerveux, l'émission d'un principe particulier qui semble soumis à notre
volonté. Il ajoute que cet agent n'est autre que le fluide nerveux; et partant
de ce point, il indique des procédés pour obtenir le somnambulisme.
Je vous ai dit, dans la dernière séance, que ces
observateurs s'étaient trop pressés de conclure, et que le petit nombre des faits
recueillis par eux, ne permettait pas qu'ils jugeassent en connaissance
de cause toutes les conditions nécessaires à
l'action magnétique j aussi, leurs règles sont quelquefois vicieuses. Ils
admettent dans le magnétisme des dispositions qui ne sont pas toujours
nécessaires. On reconnaît aisément qu'ils ont été influencés par les idées
dominantes de leur époque, idées que le talent et le rang de M. Deleuze ont
soutenues malgré leur peu de solidité. Il importe fort peu, en effet, que le
magnétisé veuille être endormi , qu'il le désire, pour que la production du
sommeil ait lieu d'une manière plus prompte; je dirai plus, cette disposition,
selon moi, neutralise les effets magnétiques, et, jusqu'à un certain point,
retarde leur développement.
J'ai remarqué que, toutes choses égales
d'ailleurs, un individu qui ignore complètement ce que vous faites et ce que
vous attendez de lui, éprouve plus d'effets de votre action que celui qui,
prêtant attention à ce qui va se passer, s'attend à éprouver des modifications dans
sa manière d'être; il semble, dans ce cas, que la résistance soit plus grande à
surmonter, en raison des opérations qui s'exécutent dans son esprit, opérations
qui augmentent et prolongent son état de veille.
Malgré quelques erreurs de ce genre, les observations de M. Rostan et Georget (*) ont fixé d'une
manière beaucoup plus précise, que l'on ne l'avait fait avant eux, les lois de
là manifestation des effets magnétiques ; on regrettera toujours que ces
observateurs judicieux n'aient pas poussé plus avant leurs recherches. Jamais
cependant phénomènes n'ont été aussi dignes d'attention» « Mais » la pratique
du magnétisme absorbe les facultés sans y joindre une déclaration importante. En 1821,
dans mon ouvrage sur la Physiologie au système nerveux, j'ai hautement
professé le matérialisme. L'année précédente, j'avais publié un Traité sur la
folie, dans lequel sont émis des principes contraires, où du moins sont
exposées des idées en rapport avec les croyances généralement reçues ( pages
48,51,52 et 114 ). Et à peine avafa-je mis au jour la Physiologie du système
nerveux, que de nouvelles méditations sur un phénomène bien extraordinaire, le somnambulisme,
ne me permirent plus de douter de l'existence , en nous et hors
de nous, d'un principe intelligent, tout à fait différent des existences
matérielles. Ce sera, si l'on veut, l'âme et Dieu. Il y a
chez moi, à cet égard, une conviction profonde, fon&esur des faits que
je crois fncouiestobles.
(*) M. Georget constata, par de nombreuses
expériences, les plus curieux phénomènes du somnambulisme lucide. Il en avait
étudié la cause, et se proposait de Taire un travail sur an sujet si
intéressant, quand la mort le frappa. C'est ainsi qu'elle éteint souvent de
précieuses lumières, & l'instant où leur clarté allait se répandre. Il a
laissé on testament dont voici un passage:
a..........Je ne terminerai pas,
dit-il, cette pièce, du magnétiseur. II faut qu'il fesse momentanément
le sacrifice de son temps, de ses affaires, » et par conséquent d'une partie de
sa fortune. » Ce sont des efforts, qui, pour beaucoup de personnes, ne
peuvent durer qu'un certain temps » et non tQiite la vie. La pratique du
magnétisme » n'aura un succès constant et inébranlable, que » lorsque le
gouvernement, éclairé sur ses véritables intérêts, voudra se déterminer à
s'en déclarer le protecteur. »
Il me resterait, Messieurs, à vous parler de
beaucoup d'autres médecins modernes qui ont émis leur opinion sur le
magnétisme; mais comme ils n'ont apporté aucune doctrine nouvelle, et que les
faits avoués par eux sont identiques à ceux que je vous ai fait connaître, je
m'abstiendrai d'en. parler j je dois seulement vous faire connaître la logique
et le langage des antagonistes du magnétisme. Je le dois : « Car il ne faut pas
que la même renommée demeure à l'homme de bien et à l'homme méchant ; et avec
des intentions pures et la certitude d'avoir travaillé au bonheur de ses
semblables, il me semble qu'on manque à la vérité et à la vertu, quand on se
tait devant la calomnie* » levais prendre quatre des plus célèbres de nos
adversaires, et les traduire devant vous tous apprécierez jusqu'où peut
aller le fanatisme de l'aveuglement.
Parmi les auteurs qui ont écrit contre Mesmer et
sa doctrine, il n'en est pas un seul qui ait commencé par se rendre témoin des
faits.
Le docteur régent Touret avouait n'avoir
rien vu, et prévenant l'objection qu'on pourrait lui faire à ce sujet, il
cherche à montrer « comment » il est plusieurs choses qu'on juge plus sainement
» quand on les considère d'un certain éloignement. »
Toute l'érudition de M. Touret se réduit ensuite à
nous faire voir que la doctrine du magnétisme n'est pas aussi nouvelle qu'on
veut le faire croire, et qu'elle a été enseignée par des médecins et des
physiciens des siècles précédents.
D'où il conclut que, n'ayant point été admise dans
ce temps-là, on doit la regarder comme jugée définitivement.
Montègre, autre antagoniste du magnétisme,
conseille très-fortement aux gens du monde, d'éviter avec le plus grand soin de
se rendre témoins des scènes de magnétisme. M. Montègre a fait un livre où il a
entassé toutes les mauvaises raisons que les gens comme lui avaient débitées
pendant vingt ans contre le magnétisme.
M* Bouittaud, professeur de médecine, n'a
rien ««/mais dans un article sur le magnétisme, article dont il a appauvri
un nouveau Dictionnaire de médecine, il n'en prononce pas moins ana-thème
contre le magnétisme : tous les magnétiseurs sont des charlatans, etc., etc.
M* Virey, connu par de nombreux ouvrages, a
été un des plus acharnés contre les magnétiseurs ; Une s'est cependant jamais
annoncé comme ayant observé un seul cas de somnambulisme; et voulez-vous
connaître comment il traite les personnes qui se sont occupées de répandre
cette découverte, écoutez:
« La plupart des magnétiseurs ou des croyants » au
magnétisme, dit ce docteur, sont des individus ignobles par le défaut de
toute instruction, )> des empiriques, d'infâmes charlatans, des im-»
posteurs, des mystagogues, des hommes sans » honneur et sans probité,
des fanatiques, des » séducteurs de sots, des arrogants, des gens qui »
ressemblent à ceux qui habitent les taudis de » la sottise, ou les huttes des
lapons ; des fous, » des fous dignes des petites maisons, des individus ignobles,
marqués sur le front, du signe » de la bête. »
Il est triste» n'est-ce pas, Messieurs, d'user sa
vie à propager une vérité, lorsqu'on ne doit
trouver, pour récompense des peines qu'on éprouve à ce métier pénible,
que des gens qui vous flétrissent et vous jettent de la boue au visage. Ah !
Messieurs Virey, Bouillaud, Dubois d'Amiens et compagnie, vous êtes
certainement de très-illustres savants et surtout des hommes fort polis.
Ce n'est pas moi qui vais répondre à tant
d'injures. C'est un homme qui fut plus avancé dans la science, et qui, dans la
hiérarchie médicale, eut un rang aussi élevé que M. Virey.
Voici comment s'exprimait un médecin, qui, fatigué
de l'injustice et de la mauvaise foi de ses confrères, mit à nu leurs mauvaises
passions.
« Parlez à nombre de médecins du magnétisme »
animal, ils souriront d'un air supérieur à votre » crédulité ; ils ne
vous laisseront apercevoir que » l'indifférence la plus 'calme; vous fournirez
» tout au plus quelques aliments à leur gaîté, et » ce sera beaucoup s'ils
daignent aller jusqu'à se » moquer ouvertement de la chose et de vous. »
Tout cela n'est qu'un jeu mal concerté. Voulezvous le faire cesser? écartez
les plaisanteries qui » ne vont pas au but. Substituez-en de plus directes, ou
bien faites parler la raison et les faits. » Bientôt vous verrez, suivant le
caractère de
chacun, les traits de leur visage s'altérer, leur
» front se rider ou s'animer, leur langue s'emporter, car ils ne se posséderont
plus et l'injure » naîtra sur leur bouche, pour en découler avec » amertume,
» Animés parle même intérêt, pressés des mêmes »
désirs, réveillés par la crainte commune qu'il » ne s'égare quelques portions
de l'or qu'ils couvent des yeux, ils tâchent d'écraser sous leurs » pieds la tète
de la vérité; et dussent-ils n'arriver » à cette victoire qu'à travers les
dégoûts et les mépris, ils comptent y parvenir, parce qu'ils savent bien que
tout est faiblesse au souvenir » des souffrances, et que tout est terreur à
l'aspect » de la mort. La vérité, destructive de tant d'abus, » perceramalgréeux, plus tard, sans
doute, qu'elle » n'aurait dû, mais elle percera. »
Docteur Deslong,
doyen de la faculté, premier médecin du comte d'Artois.
Oui, M. Deslong, la vérité triomphera et laissera
sur le front de ces Messieurs la tache qu'ils ont voulu imprimer sur le nôtre.
Car on pardonne à l'ignorance, mais à la mauvaise foi, jamais !
Je reviens à M. Virey : que devons-nous penser de
lui ? Voici ce que nous trouvons dans ses ouvrages.
« Nous pouvons montrer que notre âme a des » mouvements
spontanés, plus prompts que la » pensée et qu'elle tend à la conservation du
corps. » Entre les déterminations involontaires de l'instinct,qui ne connaît
toutes les actions des mensambules ! »
Ailleurs (*) le même auteur dit que : « L'instinct
» des mensambules découvre la cause des maladies » et indique les remèdes d'une
manière plus clairvoyante que ne peut le deviner le médecin le » plus instruit.
»
(*) Art de perfectionner l'homme, t. II, p. 324.
Plus loin encore, M. Virey convient que le
magnétisme, dans la plupart des névroses, aoffert des cures éclatantes; car il agit uniquement sur le
système nerveux.
Il ajoute, en parlant du fluide nerveux : «
Quoique ce principe ait peut-être plus de subtilité que la lumière, il
paraît être une substance » corporelle, capable de s'accumuler, et même » de
passer d'un corps dans un autre.
» Aimer, dit-il, c'est exhaler sa vie ; elle
jaillit » dans les regards.... Tous les corps vivants se » soutiennent de
concert, par cette transpiration » de principe vital.
» L'animal est une fontaine de vies, il en perd »
chaque jour et il en recueille de nouvelles dans » les corps environnants.
» Et qu'on ne dise pas que la crédulité et surtout
la disposition corporelle fassent toute la » réalité de ces pressentiments
nocturnes.... Car » notre âme peut se mettre en telle harmonie » avec une autre
âme, qu'elle en devinera plusieurs accidents, quoique les corps soient
éloignés.
» Lorsque les volontés se conjoignent, les âmes »
s'entendent et conversent ensemble malgré les » distances. »
Maintenant réfléchissez si ce que M. Virey
reconnaît n'est pas précisément ce que nous cherchions à prouver !
« Mais les antagonistes du magnétisme ont toujours
procédé de cette manière : au lieu de se borner à examiner, ils ont déclaré que
l'examen était une mauvaise méthode, et n'en ont pas moins prononcé sur la
validité des observations faites par des personnes qui ne leur étaient
nullement inférieures en talents. » Eh ! Messieurs, vous allez entendre de bien
grandes preuves de ce que je vous avance, et votre étonnement va redoubler.
Voici comment s'exprimaient, à l'époque des
publications dont je vous ai donné un extrait, MM. Cuvier et Laplace.
Le premier de ces écrivains célèbres dit dans ses
Leçons d'Anatomie comparée, t. 2, page 117 :
« Il faut avouer qu'il est très-difficile, dans les
» expériences qui ont pour objet l'action que » deux systèmes nerveux peuvent
exercer l'un » sur l'autre, de distinguer l'effet de l'imagination de la
personne mise en expérience d'avec » l'effet physique produit par la personne
qui » agit sur elle... Cependant, les effets obtenus sur » des personnes déjà
sans connaissance, avant que » l'opération commençât, ceux qui ont eu lieu »
sur d'autres personnes, après que l'opération » même leur a fait perdre
connaissance, et ceux » que présentent les animaux, ne permettent » guère de
douter que la proximité de deux » corps animés dans certaine position et
certains » mouvements n'ait un effet réel, indépendant de » toute
participation de l'imagination d'un des » deux; il paraît assez clairement
aussi que ces » effets sont dus à une communication quelconque qui s'établit
entre leurs systèmes nerveux, etc. » M. de Laplace, autorité non moins
imposante, dans son Traité
Analytique du calcul des probabilités, page 358:
« Les phénomènes singuliers qui résultent de » l'extrême sensibilité des
nerfs dans quelques » individus, ont donné naissance à diverses opinions sur
l'existence d'un nouvel agent que » l'on a nommé magnétisme animal... Il est
naturel de penser que l'action de ses causes est » très-faible, et peut être
facilement troublée » par un grand nombre de circonstances accidentelles :
ainsi, de ce que, dans plusieurs cas, » elle, ne s'est point manifestée, on ne
doit pas en conclure qu'elle n'existe jamais. Nous sommes si éloignés de
connaître tous les agents de » la nature et leurs divers modes d'action, qu'il
» serait peu philosophique de nier l'existence » des phénomènes, uniquement
parce qu'ils sont «inexplicables dans l'état actuel de nos connaissances. »
Qu'opposera-t-on à de semblables témoignages? —des dénégations, elles ne
sont pas admissibles ; elles ne peuvent renverser des faits.
Vous venez de voir, Messieurs, combien de personnes se sont occupées du
magnétisme : les écrits sur cette découverte sont nombreux, on peut les compter
par centaines.
Partout on peut trouver des théories et des
procédés enseignés par des gens instruits; mais nulle part on ne trouve d'unité
dans les croyances.
La connaissance du magnétisme est répandue
partout; dans toutes les villes il a des partisans, et comme toutes les vérités
physiques démontrées, aucuns de ceux qui ont expérimenté, ne se rétractent;
seulement presque tous envisagent la cause des phénomènes qu'ils obtiennent
d'une manière différente.
Si nous jetons nos regards sur Paris, nous voyons
combien le magnétisme y a fait de progrès : ce ne sont plus des individus
isolés qui le mettent en. pratique, la majeure partie des gens éclairés a
vérifié les phénomènes qu'il présente; on a d'abord procédé froidement à son
étude, mais l'enthousiasme et le charlatanisme ont fini par l'envahir, il en
est résulté des abus. Deux fois en peu de temps les tribunaux ont eu à
prononcer sur des causes graves, résultant d'accidents majeurs produits par le
mauvais emploi du somnambulisme; tous n'ont cependant pas été révélés et je ne
suis pas chargé de les divulguer, je ne dois pas non plus citer les noms des
personnages marquants qui croient devoir leur santé au magnétisme et au
somnambulisme.
Pour vous prouver l'existence du magnétisme animal, j'ai pris mespreuves parmi les
savants les plus distingués, ceux connus surtout pour très-peu crédules, et
placés par leur position au-dessus de toute influence.
Ajouterai-je de nouveaux noms à ceux que je vous ai cités? il me serait
facile de les multipliera l'infini. Mais je n'ai pas besoin de nouvelles
preuves pour vous convaincre. Celles que je tous
ai données sont suffisantes, car il n'y a que l'ignorance qui puisse les
rejeter.
Messieurs, les vérités restent quelquefois stationnâires, mais elles ne
font point de pas rétrogrades.
Il faut, tôt ou tard, se rendre à l'évidence; et ici la croyance est
commandée par des faits.
Les médecins ne peuvent pas rester étrangers à une question que l'on dit
intéresser au plus haut point la physiologie et la médecine (*).
(*) « Ils veulent qu'on pense que personne n'est
plus instruit » qu'eux; c'est pourquoi ils ne veulent pas vous écouter.—
• Ces médecins vont venir,ils ont beaucoup parlé de moi; » celui qui est trop
savant ou trop peu, dira après que mon » cheveu sera rendu : Je suis
très-fâché de n'avoir pas été » présent. Ils sont bien mécontents ; ils
sont comme cet homme » qui était dam un tonneau et qui disait à
Alexandre : Ole-
• toi
de devant mot.—Ici, croyant achever la pensée de la
Quand, de tous côtés dans le monde, des gens
éclairés assurent avoir vu , avoir expérimenté et reconnu l'existence du
magnétisme, continueront-ils de garder le silence ? Et d'ailleurs la
multiplicité des accidents causés par cet agent, fera que bientôt on leur
demandera des conseils. Que répondront-ils s'ils n'ont pas cherché à s'éclairer
sur la valeur réelle du magnétisme ?
Quelle sera alors leur position ? le crains qu'ils
ne sentent pas toute l'importance de la découverte de Mesmer, et qu'ils
laissent échapper une occasion, qu'ils ne trouveront plus, car la nature se
laisse rarement pénétrer, et le titre de bienfaiteur de l'humanité ne s'obtient
jamais par des résistances a la vérité,
Ne croyez point, Messieurs, que les dangers du
magnétisme en fassent abandonner l'emploi; les phénomènes qui naissent ont cela
de particulier, qu'ils flattent l'amour-propre de celui qui les produit, et que
la curiosité n'est jamais satisfaite, à cause du merveilleux qui vous
accompagne constamment dans cette étude.
» somnambule, j'ajoutai : Tu m'otes mon soleil, n'est-ce pas ? » Non, reprit
gravement la malade : Tu m'otes ma vis »
Extrait d'une Relation d'un Traitement magnétique,
imprimée dans l'Hermès, journal du magnétisme,dixième cachier.
Le magnétisme triomphera malgré ses antagonistes
et malgré les doctrines absurdes de quelques-uns de ses partisans.
Permettez-moi d'entrer dans quelques détails à ce sujet, et de vous signaler
ici les causes qui empêchent lemagnétisme de faire de
plus rapides progrès.
L'esprit de l'homme marche au hasard,, quand c'est
le vague des opinions qui le conduit.
Je vous ai déjà dit que presque tous les
magnétiseurs français, allemands, ou russes, avaient une manière différente
d'envisager les phénomènes magnétiques. Pour peu de magnétiseurs le magnétisme
est une science physique, les autres ne mettent point de bornes à leur
croyance, ils ne considèrent le magnétisme que comme un talisman qui dispense
de toute instruction; s'ils ont vu quelques phénomènes extraordinaires qu'ils
n'ont pu tout-à-coup expliquer, ils partent de là pour vous raconter avec un
rare sang froid les prodiges les plus inouïs ; prodiges qui, s'ils étaient
vrais, renverseraient toutes les lois de la nature; ils font plus que les
raconter, ils en font imprimer les récits.
D'autres magnétiseurs,aussi peu raisonnables que
ces derniers, pénétrés cependant de l'existence d'un agents inventent les
choses les plus bizarres
à l'appui de leur croyance, comme si les effets
que produit cet agent sur la nature humaine, ne suffisaient paspour en démontrer là réalité d'une manière rigoureuse.
Aussi, Messieurs, ces magnétiseurs cherchent le
magnétisme partout où il n'est pas; ils n'ont pas vu que les phénomènes
magnétiques ne peuvent se manifester que sur des êtres sensibles, qu'il faut,
pour en éprouver les effets, avoir un système nerveux bien organisé en action
vitale, car le fluide magnétique est une sécrétion de la machine humaine, qui
ne peut avoir son analogue que chez les animaux, un fluide qui paraît être
l'âme sensible des corps vivants, et qu'une somnambule appellait flamme
coulante dont le trajet se fait par les nerfs.
Ils n'ont pas vu que ce principe échappe à toute
analyse; que c'est en vain qu'on prétend lé retenir, que rien ne l'isole, et
qu'il n'offre avec les autres agents de la nature qu'un seul point de
ressemblance, qu'ils n'ont point reconnu.
La science douteuse ne produit que des effets
douteux.
De la, les faux jugements qu'ils portent sur le
magnétisme. Ils ont signalé des dangers qui n'existent pas dans sa pratique, et
ont laissé ignorer les
véritables dangers qui sont cependant inhérents à
la magnétisation; ils se sont attachés à faire craindre l'emploi du magnétisme
d'homme à femme, laissant soupçonner, et disant môme que les mœurs y étaient
intéressées : ignorance complète de son action : ils n'ont pas reconnu que le
sentiment très-vif qui se développait, quelquefois, chez le magnétisé, pour le
magnétiseur, ne pouvait être de l'amour, puisque les hommes éprouvent ce
sentiment de même que les femmes et que les enfants, et les animaux n'y étaient
point étrangers.
Ils n'ont pas vu que le rétablissement de la santé
anéantissait complètement les affections nées pendant la maladie; et s'il
m'était permis de dire ici toute ma pensée, vous apprendriez que l'action
magnétique ne fait que développer chez les personnes malades un instinct de
conservation, plus fort qu'il ne l'est dans l'état ordinaire; que ce sentiment,
qui fait que les malades recherchent avec empressement les êtres qui leur font
du bien, et qui les empêchent de voir avec indifférence le partage de leurs
soins, n'est qu'un pur égoïsme; et cela est si vrai, que vous voyez cesser par
degré et à mesure que le magnétisé peut se
passer du magnétiseur, ces témoignages de reconnaissance, ces expressions vives qui devaient
durer autant que la vie, et qui durent autant seulement que l'on a besoin de
vos soins.
Messieurs, les dangers sont dans la pratique • du
magnétisme lorsqu'on l'applique mal, lorsqu'on laisse dormir des somnambules
pendant cinquante heures dans'un état d'isolement complet, comme cela est
arrivé à certain magnétiseur, qui n'a pas craint de publier ces hauts faits.
Cet état prolongé de somnambulisme s'oppose à tous les efforts de la nature
contre la maladie, augmente l'aberration. C'est le cas de l'arc toujours tendu,
qui perd de son élasticité (*).
(*) Les racines 'des arbres et les semences des
végétaux se nourrissent d'eau et vivent d'eau ; mais s'il y en a en trop grande
abondance, elles se noient et meurent. En cela comme en toutes choses, il faut
de la prudence.
Les dangers existent, lorsque vous empêchez le
développement de certaines crises qui seraient utiles et dont vous ne pouvez
plus, quoi que vous fassiez, obtenir la manifestation. Ils existent, lorsque,
par amour du merveilleux, ou par ignorance, vous voulez obtenir la cessation
subite de certaines affections du système nerveux. La nature alors violentée,
obéit. Le malade marche. Votre orgueil est satisfait ! on crie au miracle !
mais
une rechute rend la maladie incurable, lorsque avec moins de précipitation
vous pouviez en espérer la guérison.
Les dangers existent encore, lorsque abusant de la puissance que vous avez
su prendre sur le somnambule, vous le forcez de faire des choses contraires à
son rétablissement, comme de prolonger sa lucidité au-delà du ternie que la
nature avait fixé. Il est encore d'autres abus qui deviennent criminels,
mais.on peut tous les éviter, en ne confiant ni sa santé ni sa vie à des êtres
immoraux, qui se font un jeu de vos souffrances, et qui, pour satisfaire leur
vanité ou leur cupidité, éternisent un état qui est toujours de peu de durée,
lorsqu'il est bien dirigé.
Les filtres, les amulettes, les conjurations, et le magnétisme animal n'ont
jamais rendu amoureux ceux qui ne devaient pas l'être dans les conditions de la
vie habituelle.
Le magnétiseur n'est pas plus à redouter avec son magnétisme, que le
médecin avec ses ordonnances ; les dangers sont égaux.
S'il me fallait, Messieurs, relever toutes les absurdités que l'on a
débitées sur le magnétisme, il me faudrait un cours entier. Mais vous ferez
vous-même justice des doctrines erronées. Vous
en userez ainsi, lorsque l'on vous parlera de la puissance de certains
hommes qui ont la réputation de faire des miracles ou d'endormir le premier
venu ; vous vous rappellerez la fable des bâtons flottants.
Vous élaguerez tout le merveilleux et toutes les erreurs que l'on a
attribués au magnétisme, parce qu'elles ne sont que le produit de l'imagination
et non de la nature.
Mais vous vous garderez de rejeter de môme la plus grande des vérités qui
ait été surprise à la nature.
Vous reconnaîtrez que l'homme, dans certaines circonstances que vous
apprendrez à distinguer, peut exercer sur son semblable une action qui produit,
dans son organisation, les phénomènes les plus curieux et peut-être les
plus utiles, un développement d'intelligence que vous pouvez rendre permanent
pendant un certain temps, et dont vous ne pouvez trouver d'exemples que dans
quelques maladies extrêmement rares.
Plus sage que beaucoup de magnétiseurs, vous vous tiendrez en garde contre
votre propre imagination. Lorsque vous obtiendrez des guérisons, vous ne
croirez point opérer de miracles et vous n'irez point chercher ailleurs qu'en
vous la cause
des effets que vous aurez obtenus; car toute propriété est inhérente au
corps, elle ne peut exister autre part. Vous ne vous rebuterez point non plus,
lorsque vous aurez à magnétiser des malades qui auraient déjà été soumis à un
magnétisme mystique, parce que là où la grâce n'a point opéré, le magnétisme
peut encore donner quelques résultats utiles. Avec cette manière de procéder,
vous arriverez à avoir des idées justes sur le magnétisme , vous reconnaîtrez
quelques-unes des lois qui n'avaient point été aperçues, et un jour vous
aiderez à tracer des règles certaines pour l'emploi d'un moyen de guérir que
l'on dit être le plus puissant de tous.
Gardez-vous de croire, cependant, que toutes les maladiessoient curables;
malheureusement : il n'en est point ainsi. Vos soins seront souvent
infructueux, quelquefois môme un dernier effort dela nature vous trompera et vous fera trop
espérer des suites de votre traitement, ce mécompte est cruel. C'est pour cela
qu'il ne faut pas trop promettre, et ne croire véritablement à votre triomphe
qu'après la disparution de tous les symptômes de la maladie.
En général, le magnétisme guérit beaucoup de maladies pourvu que les
ressources de la nature
ne soient pas entièrement épuisées (*) et que la patience soit à côté du
remède, car il est dans la marche de la nature de rétablir lentement ce qu'elle
a miné. Quoi que l'homme désire et fasse dans son impatience, il est peu de
maladies d'une année dont on guérisse en un jour.
(*) « Médecine est seulement aydente à nature; car si nature n'y est, elle
ne peut avoir effet. » (Avicène et Rasis. )
La funeste habitude des médicaments opposera longtemps des obstacles aux
progrès du magnétisme : les maux auxquels nous livre la sévère nature , ne sont
ni si communs, ni si longs, ni si résistants que les maux accumulés sur nos
têtes par cette faiblesse. Un jour cette vérité sera démontrée. En attendant,
il est juste d'observer que si le magnétisme guérit quelquefois des médicaments
déjà pris, il ne guérit jamais de ceux qu'on prendra par la suite.
« Messieurs, c'est surtout par votre bienfaisance et votre humanité, que
vous inspirerez le » désir de vous croire et de se rapprocher d'une » vérité
dont l'expérience attestera chaque jour » l'utilité; secourez donc l'homme
souffrant par » des procédés simples et faciles; dégagez-les de
tout appareil imposant, enseignez-les avec la »
même simplicité, à la mère tendre et sensible ; » vous ne l'étonnerez point, la
nature avant vous » les grava dans son cœur! Donnez au fils la » jouissance de
soulager et de prolonger la vieillesse de ses parents; et, puisque vous savez
tout » ce qu'un tendre intérêt peut ajouter à vos soins, » dites-lui que s'il
est vertueux et sensible, il leur » rendra la santé, en les pressant contre son
sein. » Un regard paternel le pénétrera de cette vérité, » il en jouira,
et vous l'aurez rendu meilleur, plus » tendre et plus heureux. »
C'est ainsi, Messieurs, qu'en présentant d'abord
et uniquement à l'homme des vérités qui parleront impérieusement à son cœur,
vous le préparerez, vous l'accoutumerez à recevoir avec confiance l'ordre et la
chaîne des grandes vérités que vous aurez long temps étudiées et profondément
méditées.
FIN DE LACINQUIÈME LEÇON.
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