VIIeLEÇON.
Les couleurs ne sont réellement rien pour un
aveugle, les sons n'existent pas pour un sourd ; le temps, le mouvement, l'étendue,
ne nous offrent que des rapports de proportion.
Les choses que nous appelons réelles pendant la
veille, n'existent donc réellement que dans nos sensations.
« Doutez-vous que l'âme puisse porter un regard sur
les » objets cachés aux yeux du corps, lorsque, souvent, quand nos » paupières
sont fermées par un sommeil bienfaisant, pleine de » vie, l'âme aperçoit les
choses distantes et les lieux éloignés, » dirigeant sa vue à travers les
campagnes, sur les mers et jusqu'aux étoiles, par la seule force de sa volonté?
»
VIIeLEÇON.
Messieurs,
Dans la dernière séance, je vous ai annoncé qu'aujourd'hui je vous
entretiendrais de quelques phénomènes particuliers, plus rares qu'aucun des
autres faits magnétiques que je vous ai fait connaître, mais cependant constatés
aussi de manière à ne laisser aucun doute sur leur existence.
Ces phénomènes, que l'on observe dans quelques maladies nerveuses peu
fréquentes, se présentent quelquefois dans le somnambulisme magnétique le plus
développé, et semblent résulter d'une disposition particulière des sujets
magnétisés.
Quoique vous fassiez, ils ne durent qu'un certain temps, lors meme que le somnambulisme se prolonge. (*)
(*) Je dirai un jour ce qu'il en coûte à ceux qui s'obstinent à vouloir le
maintenir.
Vous avez déjà vu que, contrairement aux règles tracées par les
physiologistes, il peut exister, dans certains cas, une perturbation de l'ordre
naturel de notre manière d'être; et par suite de cet état insolite, s'opérer le
déplacement d'un ou de plusieurs de nos sens.
Je vous ai fait entendre que l'action de la vue pouvait momentanément avoir
lieu sans le secours des yeux, et je vous ai promis de vous citer des exemples
de ces faits.
Je vais, en suivant la marche que je me suis tracée, prendre mes preuves
dans des ouvrages estimés. Ces phénomènes seront attestés par des hommes
respectables et tout-à-fait désintéressés dans la question du magnétisme.
Je pourrais trouver un grand nombre d'exemples de faits répandus partout,
mais comme ces allégations n'ajouteraient rien à celles que je vais vous
communiquer, je n'en parlerai point.
« Quiconque entreprendrait, Messieurs, de » réunir tous les témoignages
donnés en faveur » de la certitude du phénomène qui nous occupe,
en formerait une masse si imposante, quel'incrédulité la plus décidée ne
pourrait s'empêcher » d'en être subjuguée, et il en serait alors de la » vue
sans le secours des yeux, comme de la » chute des aérolithes. Il résulte d'un
relevé » exact, inséré dans l'Annuaire du bureau des » longitudes, qu'au
commencement de ce siècle, » il existait cent quatre-vingts exemples de chutes
» de pierres suffisamment constatés ; et cependant, à cette époque, c'était
avec le sourire de » la dérision, qu'on recevait, même à l'Institut, » ceux qui
venaient lire des mémoires dans lesquels ils établissaient la réalité de ce
phénomène » qu'on ne pouvait se décider à croire, parce qu'il » paraissait,
comme celui-ci, absolument inexplicable. »
Nous espérons que les savants se rendront de même à l'évidence du
magnétisme.
Permettez-nous, Messieurs, avant de vous faire connaître l'authenticité du
fait de la vue sans le secours des yeux, de vous entretenir, un instant, d'un
autre phénomène aussi digne de remarque et non moins inexplicable : je veux
parler de la faculté qu'ont les somnambules d'apercevoir les changements qui
doivent survenir dans leur état morbide,
de calculer avec une inconcevable
précision le moment de ce changement, changement
souvent éloigné de plusieurs jours, de plusieurs mois, etc.
Cette faculté aperçue de tous les temps se
présente presque toujours dans l'état particulier que nous savons faire naître,
le somnambulisme, mais elle accompagne aussi certaines maladies. Je dois vous
répéter, ici, que je n'adopte particulièrement aucune des explications qu'on a
données de ce phénomène : que ce soit l'âme, l'archer ou le fluide nerveux qui
le produise, cela est indifférent au résultat de la chose, mais il paraît de la
dernière évidence qu'il est dû dans tous les cas au même principe : L'accumulation
du fluide magnétique vers le cerveau, les plexus, ou dans quelques points des
trajets nerveux, que cet état ait lieu naturellement , comme cela arrive
quelquefois dans l'état extatique par exemple, ou bien qu'il soit provoqué par
le magnétisme.
« Bans son Traité de la sagesse, Charon dit :
l'âme est de soi toute savante sans être apprise, et ne fault point à produire
ce qu'elle fait, et bien exercée ses fonctions comme il faut si elle n'est
empêchée, et moyennant que ces instruments soient bien disposés. »
« Les hommes mélancoliques, maniaques, frénétiques etatteintsdecertainesmaladiesqu'Hippocrate appelle divines, sans
l'avoir appris parlent latin , font des vers, discourent prudemment et
hautement, devinent les choses secrètes et à venir. »
« Lesquelles choses les sots ignorants attribueront au diable ou esprit
familier, bien qu'ils fussent auparavant idiots et rustiques, et que » depuis
soient retournés tels après la guérison. »
« Il ne faut donc pas s'étonner, dit Plutarque, » que l'âme, pouvant saisir
ce qui n'est plus, » puisse prévoir ce qui n'est pas encore. L'avenir » la
touche même davantage, et est plus intéressant pour elle, elle tend vers le
futur, et l'embrasse déjà au lieu qu'elle est séparée du passé » et n'y tient
que par le souvenir. Les âmes ont donc cette faculté innée, mais à la vérité
faible » et obscure, elle n'agit qu'avec difficulté. Cependant,ajoute
Plutarque, il en est en qui elle « se développe tout-à-coup, soit dans les
songes, » soit quand le corps se trouve dans une position favorable à
l'enthousiasme , et que la partie raisonnable et contemplative, dégagée de
l'impression des objets présents qui troublaient son
action, applique l'imagination à prévoir l'avenir. »
Plutarque ajoute : « Les hommes pendant » qu'ils veillent n'ont
qu'un monde lequel est » commun à tous, mais en dormant chacun a le » sien à
part. »
Pendant le sommeil, ditTertullien,il nous est révélé non-seulement ce qui
tient à l'honneur, aux richesses, mais encore ce qui tient aux maladies , aux
remèdes et à la guérison.
Jamblique, au chap. des Songes, dit : «Quand nous sommes parfaitement
endormis » nous ne pouvons pas si bien et distinctement » remarquer ce
qui se présente en nos communs » songes, que quand c'est la divinité qui nous
les » envoie en particulier ne dormant à son bon » escient, car nous apercevons
bien plus clairement lors, la vraie et réelle vérité des choses, » que nous
n'avons accoutumé de faire en veillant ; » au moyen de quoi en ses visions-là,
consiste la » principale espèce de divination. Et de fait l'âme » a doublevie, l'une conjointe
avec le corps, et » l'autre séparable de toute corporéité. Quand » nous
veillons, nous usons la plupart du temps de la vie qui est commune avec le
corps, hormis
quelquefois que nous venons à être totalement » séparés d'icelui, mais en
dormant, notre esprit » peut être du tout délivré des liens corporels qui » le
détiennent comme en charte privée. »
Celui qui connaîtrait parfaitement les conjectures qu'il est possible de
tirer des songes, en » recueillerait un grand avantage dans le commerce de la
vie. L'âme veille par elle-même. » Lorsqu'elle est occupée du corps, et qu'elle
est » en quelque sorte répandue sur tous les points » qui le composent, elle ne
songe point à ellemême : elle donne toute son attention aux différents
besoins du corps, aux sens, à l'ouïe, à la » vue, au tact, au marcher. Elle
dirige l'action, a elle règle la pensée ; mais elle n'entre point dans »
la connaissance d'elle-même. Au contraire, » lorsque le corps est en repos,
l'âme se met en » mouvement; et abandonnant insensiblement les » diverses
parties du corps, elle se retire et se » concentre dans son domicile. Là, elle
s'acquitte « de toutes les fonctions du corps, car le corps, » lorsqu'il est
pris par le sommeil, ne sent rien ; » c'est elle qui veille alors, et qui
connaît. Elle » voit ce qui esta voir; elle entend ce qui est à » entendre; elle
va, elle touche, elle s'attriste,
elle raisonne plus promptement et plus
facilement. Pendant le sommeil elle remplit toutes » les fonctions, tant celles
qui lui sont propres, » que celles du corps. Si donc quelqu'un pouvait »
saisir, avec un jugement sain, cet état de l'âme » dans le sommeil, celui-là
pourrait se flatter » d'avoir fait un grand pas dans la science de la »
sagesse. » ( Ier Chap. du Livre des Songes par Hippocrate. )
« Lorsque l'âme sensitive est profondément
assoupie avec le corps, l'âme intellectuelle se lève » pleine d'éclat et de
sérénité... Les esprits relevés » qui méditent de grands desseins, ont quelque-»
fois des pressentiments nocturnes différents des > songes ordinaires ; car
l'âme travaille perpétuellement et sans que nous nous en apercevions ; ■ elle a
des raisonnements tacites, une idée qui » paraît oublier, parce que les
distractions du jour l'offusquent, s'enfonce dans l'esprit et revient » pendant
la nuit, élaborer en secret. La chaîne » des raisonnements intermédiaires nous
ayant » échappé, ou se faisant à notre insu, nous présente tout-à-coup quelque
vérité frappante; et » comme nous n'en voyons pas la source, elle » nous paraît
envoyée par inspiration ; c'est ainsi
qu'une fontaine qui se perd sous terre, reparaît »
plus loin, grossie dans son cours par des veines » inconnues.
» L'âme peut acquérir quelquefois un développement
surnaturel, et recevoir de Dieu un surcroit de lumière et de force.
» L'homme n'invente rien, que selon la mesure » du
don qu'il a reçu.... Qu'est-ce qui le remplit » du germe de ses inventions et
de ses connaissances, si ce n'est une lumière divine. » ( Virey, antagoniste
du Magnétisme. )
« Ces communications de l'âme avec un ordre » de
choses invisibles, sont rejetées de nos savants » modernes, parce qu'elles ne
sont pas du ressort » de leurs systèmes et de leurs Almanachs ; mais » que de
choses existent, qui ne sont pas dans » les convenances de notre raison et qui
n'en ont » pas été même aperçues. »
( Etudes de la Nature, par Bernardin de
Saint-Pierre. )
Jourdain Guibelet rapporte une histoire fort
singulière d'une demoiselle affectée de suffocations hystériques. Dans ses
accès, qui duraient ordinairement plus de 24 heures, sans aucune apparence de
mouvement ni de sentiment, « quoique la langue ou les autres parties qui servent à » la formation de la
voix ne fussent point empechées, elle discourait avec tant de jugement et » de
délicatesse d'esprit, qu'il semblait que sa maladie lui donnât de
l'entendement, et lui fût plus » libérale que la santé. On n'a jamais vu
raisonner » avec tant d'art et discourir avec tant de facilité. » On pourrait
dire, ajoute notre auteur, que le » corps étant comme mort pendant la violence
du » mal, l'âme se retirait chez elle et jouissait de » tous ses privilèges :
les conceptions de Pâme » doivent être d'autant plus nettes et plus relevées, »
qu'elle est plus débarrassée des liens du corps » et de la matière. »
Ecoutez encore ce que dit un autre philosophe, Cabanis :
« J'ai vu, dit ce médecin célèbre , des malades » dont le goût avait acquis
une finesse particulière, qui désiraient et savaient choisir lesaliments et même les
remèdes qui paraissaient leur » être véritablement utiles, avec une sagacité
qu'on » n'observe pour l'ordinaire que dans les animaux... (*) On en voit qui
sont en état d'apercevoir dans le temps de leurs paroxismes, ou » certaines crises qui se
préparent, et dont la terminaison prouve bientôt après la justesse de » leurs
sensations, ou d'autres modifications attestées par celles du pouls, ou des
signes plus «certains encore.
(*) « M. Bourdois, membre de l'Académie de médecine, » appelé auprès d'un
homme de moyen âge, accablé, depuis » plus de trente-six heures, par un
choléra-morbus tres-intense, pressée en telle façon qu'elle puisse venir
jusqu'à la divination et langage non appris, les » exemples en sont
fréquents, non pas à toutes » sortes de personnes, mais à quelques-uns doués »
d'une vive imagination, qui es fortes maladies » et fièvres chaudes disent des
choses à quoy ils » n'avoient jamais pensé, prédisent même les » choses
futures, principalement quand ils sont » proches de la mort, et lorsque l'âme
approchant » de sa liberté reçoit des rudes secousses par l'effort des maladies
et chaudes vapeurs qui montent au cerveau. Et c'est, lorsqu'il se fait une »
collision des objets fantasiez avec les organes, comme il sort du feu
d'un caillou et fusil frappezl'un contre l'autre, qui
n'estoit manifestement en l'un n'y en l'autre. Ou comme il sort » une odeur etforce d'aucunes herbes estant prèssées et frottées
rudement entre les doigts, qui » n'eust pas paru sans ce froissement. »
« L'esprit, dit encore Cabanis, peut continuer » ses recherches dans les
songes, et il peut être » porté, par une certaine suite de raisonnements, » à
des idées qu'il n'avait pas. »
« C'est pour montrer qu'il ne faut pas mesurer » la puissance de nos âmes à
l'aulne ordinaire par laquelle elle ne fait ordinairement rien d'admirable. Si
elle n'est pressée, on n'y aperçoit rien » que ce qu'elle a puisé des sens qui
est chose » commune à toutes. Or, que l'âme puisse être
crut entendre le malade proférer dans son délire
le mot pêche. » Cet habile praticien, profitant de cette sorte de
mouvement » instinctif, fit apporter un de ces fruits.
Le malheureux agonisant » le mange avec avidité, il en demande un second, qui
est également accordé. Les vomissements, jusqu'alors opiniâtres et » déterminés
par la moindre gorgée de tisane, ne reparaissent plus; leur absence enhardit le
médecin. Enfin le malade mangea, » ou plutôt dévora dans une nuit, une
trentaine de pêches, non » seulement sans accidents, mais même avec un tel
avantage, que « le lendemain sa guérison était parfaite. »( Dictionnaire de
Médecine en 18 volumes ; vol. 5, p. 190. )
« Cette faculté de prévision se trouve, quelque »
incompréhensible qu'elle vous paraisse, appuyée » sur des faits si nombreux et
si positifs, qu'aucun » des hommes qui ont observé le somnambulisme, l'extase
ou quelques-unes des affections » qui s'en rapprochent, n'ont pu
échapper à cette » vérité.
» On est étonné de la foule de noms que l'on »
peut citer à l'appui de l'existence de ce pbénomène.
» Parmi ces noms se trouvent ceux d'Aretée, »
d'Aristote, de Platon, de Porphyre, et de tous » les philosophes de l'école
d'Alexandrie, d'un » grand nombre de médecins qui, beaucoup plus » tard, ont
écrit et professé sur ce sujet, et tout » récemmentM. le professeur Moreau de la Sarthe » dans un article
intitulé, Médecine mentale, a » reconnu l'existence de cette étonnante
faculté ; » il en est de même de M. Deseze, et tant de témoignages
pourraient-ils se réunir en faveur » d'une faculté contre laquelle la raison se
révolte» » si des phénomènes réels n'avaient pas triomphé » de tout le
scepticisme des observateurs ? »
Dans le Traité du somnambulisme du docteur
Bertrand, on y lit que ce médecin fut témoin de plus de soixante accès
convulsifs de la nature la plus grave, qu'il était absolument impossible de
simuler , et qui tous avaient été prédits, tant pour leur commencement que pour
leur terminaison (à la minute ). Le même médecin assure qu'une somnambule lui a
annoncé quinze jours d'avance un délire de quarante-trois heures, qui eut lieu
comme elle l'avait prédit; et il s'était assuré que
cette somnambule ne conservait aucun souvenir au réveil.
Sauvage, dans sa Nosologie, cite une observation de Descartes, qui
rapporte que deux jeunes filles hystériques se prédisaient mutuellement
d'avance les différentes crises de leur maladie. Il en rapporte au même endroit
une de Cavaliers, qui dit avoir vu à Fréjus « Quatre hydrophobiques » qui
avaient prédit le jour, et même l'heure de » leur mort, et qui moururent au
jour et presqu'à l'heure prédite; moi-meme, ajoute-t-il, » j'ai vu un
sexagénaire prédire le jour de sa mort » un mois auparavant, et il mourut d'une
fièvre » épiai au jour indiqué. » (*)
(*) Sauvage, Nosologie, tome 2, page 738.
Les médecins chargés de l'examen du magnétisme, ont constaté des phénomènes
semblables. Des épileptiques en somnambulisme ont prédit plusieurs jours,
plusieurs mois d'avance, leurs accès; et à l'heure indiquée, malgré toutes les
précautions prises pour leur cacher le moment de l'invasion de cette crise, ils
en étaient atteints.
Mais, Messieurs, tant de témoignages sont,
j'ose le dire, superflus; car ce phénomène s'observe dans tous les cas de
somnambulisme, et
vous savez que. cet état se voit communément, il ne faut que faire quelques
essais magnétiques pour s'en assurer.
Ce fut aussi le premier phénomène que les docteurs Rostan et Georget
constatèrent à l'hôpital de la Salpêtrière ; voici ce que dit l'un d'eux :
« J'ai vu, positivement vu, un assez grand » nombre de fois, des somnambules
annoncer » plusieurs heures, plusieurs jours, vingt jours » d'avance, l'heure,
la minute meme de l'invasion » d'accès épileptiques et hystériques de
l'irruption des règles, indiquer quelle serait la durée, » l'intensité de ces
accès ; choses qui se sont exactement vérifiées. »
Moi-même j'ai observé un grand nombre de fois tous ces faits, et si je ne
vous en offre pas le tableau, c'est que mon témoignage n'ajouterait aucun poids
à toutes les preuves que je viens de vous donner.
Je ne m'arrêterai donc pas plus longtemps à vous entretenir de ce phénomène
si singulier; car vous pourrez vous-mêmes bientôt, si vous le désirez, vérifier
mes assertions, puisque, comme je viens de vous le dire, la prévision est un
des phénomènes fréquents qu'offre le somnambulisme.
J'arrive, Messieurs, à vous parler du déplacement
du sens de la vue.
Je devrais ici rappeler à votre mémoire, une
partie des phénomènes magnétiques dont je vous ai parlé dans ce Cours ; vous
montrer comme ils s'enchaînent, et vous amener par degré à ceux que je crois
devoir vous foire connaître.
Si tout vous a semblé merveilleux, étonnant, dans
ce que je vous ai raconté, combien ce qui va suivre dépasse encore, s'il est
possible, mes précédents récits.
Jusqu'à présent vous avez pu en quelque sorte lier
vos idées, et même, à un certain point, vous expliquer les effets produits par
le magnétisme ; mais ici, tout semble échapper à notre jugement, nos lumièresparaissent ne plus suffire, et cependant ce sont encore
des phénomènes physiques que nos sens peuvent apprécier; mais peu accoutumés à
leur apparition, nous nous effrayons de leur existence ; et frappés de la
vérité, nous voudrions que cette vérité n'existât pas, car elle vient déranger
la marche de nos idées, et nous reporter vers un ordre de choses dont
l'investigation semble se soustraire à nos moyens d'analyse.
Nous devons cependant en entreprendre l'étude, et
considérer que toute découverte importante dans
les sciences, produit sur nous le meme effet, jusqu'à ce que familiarisés
avec les phénomènes nouveaux, ils n'offrent plus rien qui nous paraisse
contraire aux lois de la nature.
Ne vous étonnez pas, Messieurs, si dans cette circonstance j'accumule les
citations : je le dois, car l'importance du phénomène ne me permet pas de vousdire seul, je l'ai vu ; il faut un
grand nombre de témoignages' pour justifier notre croyance,et vousdonner quelque confiance en la réalité
d'un fait, qui paraît inexplicable dans l'état actuel de nos connaissances.
L'esprit,dans l'extase, dit Aristote, s'élance, va au-devant des causes et
des effets, en saisit l'ensemble avec la plus grande vitesse, et le confie à
l'imagination pour en tirer le résultat futur. Les mélancoliques, à cause de la
véhémence de leur tempérament, sont plus propres à ces opérations
conjecturales.
Quintus,dans le traité de la divination de Cicéron, soutient « que tout est lié par
un enchaînement éternel ; que lé passé reproduit leprésent, et que le présent est gros de
l'avenir; que de même que la vertu de tout ce qui doit être produit, est
contenue dans les semences, de » même les choses futures sont renfermées dans
» leurs causes; que ceux qui ont des visions en »
songe, voient distinctement cet enchaînement » éternel de toutes choses,
que la vaticination et » les conjectures ne sont que le développement de »
cette chaîne. »
Tout ce qui se peut connaître de la nature est
manifesté en nous.
L'homme, dit l'éloquent Buffon, réunit en » lui
foutes les puissances de la nature, il communiquepar ses sens avec les objets
les plus éloignés, son individu est un centre où tout se rapporte, un point où
l'univers entier se réfléchit, » un monde en raccourci. »
Cette grande vérité est aperçue dans tout son jour
par la découverte du somnambulisme. Dans cet état singulier où la vie semble
abandonner quelques parties de l'individu, pour en animer doublement d'autres
points, notre corps parait être le jouet d'un être incompréhensible qui se
plaît à manifester sa puissance par les aberrations les plus choquantes des
fonctions de nos organes et par l'exercicedessens, là où la nature semblait avoir tout mit pour ne point les y
admettre et nous montrer qu'il est une autre lumière que celle en rapport avec
nos yeux de chair.
Qu'ils sont blâmables ,les gens qui, pénétrés de la
vérité de l'existence du magnétisme,
emploient leurs moyens à en restreindre la pratique (*), et combien ils sont
aveugles ceux qui se refusent à tout examen; car si quelque chose aujourd'hui
peut nous fournir de nouvelles lumières, s'il est une voie pour nous affranchir
du joug des anciennes routines, c'est sans contredit l'étude des lois de la
vie.
(*) Oh ! Messieurs les médecins, quelle occasion
vous avec perdue! Les hommes les plus ambitieux en cherchent toute leur vie de
pareille et ne la trouvent point; ou s'ils la trouvent, ils meurent contents en
l'embrassant : et vous, Messieurs, elle vous cherche elle-même, et vous la
repoussez ! Ces hommes si avides de l'estime de leurs semblables, se croient
heureux quand ils peuvent montrer une fois, aux yeux de quelques-uns, un peu de
supériorité, soit par le cœur, soit par l'esprit; et vous, Messieurs, vous
pouviez (ce qui ne se rencontre presque jamais) prouver à la fois et à tous, et
votre cœur et votre esprit. Vous pouviez, en vous montrant les amis généreux de
la seule humanité, vous voir déférer le titre de réformateurs d'an art dont on
vous a crus les esclaves; il ne fallait peut-être qu'un
peu de patience et être équitables pour faire éclater les plus grandes
lumières, et mériter le plus grand honneur. Non,Messieurs, non, cette occasion est passée pour ne revenir
jamais.....
Homme, connais-toi toi-même, avaient dit d'anciens philosophes ; on a
répété bien souvent cette inscription, mise sur la porte d'un temple, mais peu
de personnes se sont livrées à cette étude qui était, il est vrai, hérissée de
difficultés ; aujourd'hui cependant, il n'en est plus de même, nous pénétrons
dans l'intérieur de notre organisation, noustenons l'un des. fils qui en font mouvoir les ressorte,
nous pouvons assister à quelques-unes des scènes de la vie qui semblaient pour
toujours devoir êtresoustraitesà nos regards. Honneur, cent fois honneur à Mesmer ! il a
soulevé le voile qui nous cachait plusieurs opérations de la nature. A Athènes,
à Lacédémone on eût élevé des autels à un tel homme : on l'a couvert de mépris
et de ridicule; sa fortune, sa vie ont été exposées aux plus grands dangers ;
il a subi le sort de Galilée, poursuivi par le fanatisme de son siècle pour
avoir soutenu le mouvement de la terre ; on l'a traité de visionnaire, comme le
célèbre Harvey, qui enseignait la circulation du sang; on l'a persécuté comme
Christophe Colomb qui découvrit le nouveau monde ; enfin, on l'a joué sur le
théâtre comme Socrate, pour le faire haïr du peuple. (*)
(*) « Ainsi tout grand bienfait, en naissant fut an
crime, Tout grand génie un fou, souvent une victime ; Et depuis Dieu, qui vint,
subissant notre sort, Instruire par sa vie et sauver par sa mort ; Jusqu'aux
sages mortels dont les vives lumières
Je m'écarte de mon sujet, Messieurs; mais lequel d'entre vous resterait
froid et méthodique en présence d'une vérité qui lui serait démontrée, si cette
vérité intéressait l'humanité tout entière ; car ce n'est pas seulement comme
phénomènes physiques et physiologiques, que les effets magnétiques nous sont
utiles à connaître. Mais c'est que de l'étude de leurs lois découle la
connaissance des causes d'une foule de maladies nerveuses dont le traitement,
incertain parles procédés de la médecine ordinaire, devient facile et assuré par le
magnétisme; et de nombreux faits nous prouvent cette vérité. C'est qu'avec
cette étude nous sortons du cercle tracé depuis longtemps autour des
connaissances de l'homme ; cercle que l'on ne croyait pouvoir franchir, et nous
trouvons' enfin l'explication naturelle de beaucoup de phénomènes que notre
ignorance nous faisait classer au rang des fables.
Nous allons rencontrer partout des observations faites avec toutes les précautions convenables et
pardes gens pourvus des connaissances nécessaires,
des observations qui vont justifier complètement les assertions que nous avons avancées sur le
phénomène de la vue sans le secours des yeux.
Au jour de la raison ouvrirent nos paupières,
Toujours le inonde, sourd aux sublimes voix, Eut pour ses bienfaiteurs des
bûchers et des croix. »
Bans non récit j'aurai soin de laisser parler les
expérimentateurs eux-mêmes et de ne vous citer mes observations particulières
qu'à la suite de leurs témoignages.
Voici un premier fait tiré de la Gazette de Santé,
et qui est rapporté dans le Journal de Paris du 24 brumaire, an XIV.
« Les journaux, dit le rédacteur, retentissent en
» ce moment des prodiges d'une femme somnambule de Lyon, qui, les yeux fermés,
lit une lettre » cachetée, devine la pensée, et rend compte des » sensations
qu'on éprouve, etc.; ce qu'il y a de » plus singulier, c'est que cette femme
est bien née » et que, soit à raison de son éducation, soit à raison »
de sa fortune, elle est au-dessus du soupçon de simuler ces étranges scènes : au reste, les personnages
les plus graves, les médecins les plus » instruits,des savants estimés de Lyon paraissent » très-convaincus
de ces prodiges. »
M. Deleuze, bibliothécaire et professeur
d'histoire naturelle au Jardin des plantes, rapporte dans un mémoire sur la Clairvoyance
des somnambules, l'historique que voici : « La jeune malade, dit M.
Deleuze, m'avait la fort couramment
sept ou huit lignes, quoique ses yeux fussent masqués de manière à ne
pouvoir s'en servir, ensuite elle avait été obligée de s'arrêter, étant,
disait-elle, trop fatiguée : quelques jours après, voulant convaincre des
incrédules qu'il ne pouvait mener chez la somnambule, l'auteur lui présente une
boîte de carton fermée dans laquelle étaient écrite ces mots : amitié,
santé, bonheur. Elle tint longtemps la boite dans sa main, éprouva beaucoup
de fatigue, et dit que le premier mot était amitié, mais qu'elle ne
pouvait lire les autres ; pressée de faire de nouveaux efforts, elle y consent
et dit eu rendant la boîte, je n'y vois pas assez claire, je crois cependant
que ces deux mots sont bonté, douceur : elle se trompait sur ces deux
derniers mots ; mais, comme on le voit, ces mots avaient la plus grande
ressemblance avec ceux qui se trouvaient écrits, et une pareille coïncidence ne
peut pas être attribuée au hasard. »
Voici des attestations récentes, qui sont plus concluantes :
M. Rostan, professeur à la Faculté de médecine, connu depuis longtemps par
plusieurs écrits qui ont fixé l'opinion publique sur son compte, pouvait
craindre de perdre beaucoup de l'estime qu'on lui portait en avouant les
phénomènes de lucidité somnambulique ; il n'a pas hésité cependant, et l'article magnétismedansleDictionnaire des
Sciences médicales, contientplusieurs faits extrêmement curieux et qui se
rapportent à ceux dont je vous entretiens.
Ce médecin cite l'observation d'une somnambule qui lui a indiqué exactement
et à plusieurs reprises, l'heure que marquait une montre placée derrière sa
tête.
Voici cette expérience :
Après avoir parlé des facultés somnambuliques en général, M. Rostan
s'exprime ainsi :
« Mais si la vue est abolie dans son sens naturel, » il est tout-à-fait
démontré pour moi qu'elle existe » dans plusieurs parties du corps.Voici une expérience
que j'ai fréquemment répétée : cette expérience a été faite en présence de M.
Ferrus. Je » pris ma montre, que je plaçaià 3 ou 4pouces derrière l'occiput. Je demandai à
la somnambule » si elle voyait quelque chose ; certainement, je » vois
quelque chose qui brille; ça mefait mal. Sa » physionomie exprimait la douleur ; la nôtre
devait exprimer l'étonnement ; nous nous regardames, et M. Ferrus, rompant le
silence, me » dit que puisqu'elle voyait quelque chose briller, » elle dirait
sans doute ce que c'était. » Qu'est-ce que vous voyez briller ? Ah ! je ne sais pas, je ne puis vous le dire. Regardez bien : » Attendez..
ça me fatigue... Attendez, c'est une » montre. Nouveau sujet de surprise.
Mais si elle » voit que c'est une montre, dit encore M. Ferrus, » elle verra sans
doute l'heure qu'il est : Pourriez-vous dire quelle heure il est? Oh !
non, c'est » trop difficile. Faites attention, cherchez bien? » Attendez»..
je vais tâcher... je dirai peut-être » bien l'heure, mais je ne pourrai
jamais voir les » minutes. Et après avoir cherché avec la plus »
grande attention, il est huit heures moins dix minutes; ce qui était
exact. M. Ferrus voulut répéter l'expérience lui-même, et il la répéta avec »
le même succès. Il me fit tourner plusieurs fois » les aiguilles de sa montre,
nous la lui présentâmes sans l'avoir regardée, elle ne se trompa » point. (Extrait
du Dictionnaire de Médecine, imprimé à Paris en 1827, article
Magnétisme. ) AI. Georget, autre collègue de M. Rostan, affirme avoir
observé une somnambule qui lui a présenté des phénomènes fort étonnants de
prévision et de clairvoyance, tellement, ajoute-t-il, que dans aucun ouvrage de
magnétisme, pas même dans celui de Pététin, je n'ai rien rencontré de plus
extraordinaire, ni même dans tous les phénomènes que j'ai été à même
d'observer.
« Mettra-t-on en doute la bonne foi de ce médecin?
Mais qu'avait-il à gagner en publiant ses » observations? rien que du mépris si
le magnétisme ne triomphait pas; il n'a écouté aucune considération
personnelle, et il a dit la vérité. »
Le docteur Rostan se rend garant de la véracité de
son confrère, il dit : « Tout ce qu'a publié M. Georget, je l'ai vu, plusieurs
des expériences ont été faites chez moi, nous n'avions d'autre but l'un et
l'autre que celui de nous instruire. Nous apportions tous deux un esprit de
doute. Si nous pensions qu'il eût été dupe, voudrions-nous partager un pareil
reproche ? et s'il était un fourbe, pourrions-nous assumer une semblable
complicité?
M. Chardel, député, auteur que je vous ai déjà
cité, rapporte, dans un ouvrage qu'il a publié, il y a quatre ans, sur le
magnétisme , plusieurs exemples de vue sans le secours des yeux.
Voici l'un de ces faits :
« La somnambule revenue à elle, elle venait »
d'avoir une syncope, me demanda de l'eau, j'allai sur la cheminée prendre une
carafe ; elle » se trouva vide, je l'emportai pour la remplir, » dans la salle
à manger, où j'avais remarqué une » fontaine filtrante ; je tournai le robinet,
l'eau ne
vint pas, cependant la fontaine était pleine; » j'imaginai qu'il fallait déboucher
le robinet, et » je me servis d'un rotin que je fendis : l'eau n'arriva pas
davantage. Je supposai alors que le » conduit aérien du réservoir était
obstrué, et » comme il était fort étroit, il fallait de nouveau » fendre le
rotin pour l'introduire : mais je n'eus » pas plus de succès. Je pris enfin le
parti de revenir avec une carafe pleine d'eau non filtrée. Ma somnambule était
encore dans l'attitude où je » l'avais laissée. Elle m'avait constamment vu,
elle » avait suivi tous mes mouvements, etme les raconta sans omettre une
circonstance ; cependant » il se trouvait entre elle et moi, le salon et deux
murs, et ma conduite contenait une foule de » détails qu'on ne pouvait
imaginer. » (*)
(*) « Non, la vue de l'âme ne dépend point d'une étroite prunelle, c'est
une flamme vive, un feu qui s'élance, fend la nue et pénètre dans le vaste
abîme de l'inconnu. » Illis viva acies, nec pupula parva, sed ignis Trajector
nebulae, vasti et penetrator operti est.
Monsieur Chardel ajoute : « Je pourrais citer » plusieurs autres exemples
de vue semblables et » même à des distances bien plus considérables ; » mais
les circonstances n'en seraient pas plus concluantes. »
AUREL. PRUDENCE.
Voici, Messieurs, des attestations données par des
personnes non moins dignes de foi..
« M. Francœur, mathématicien distingué, a » lu en
1826, à la Société Philomatique, un mémoire contenant les faits les plus
curieux ; s'étant trouvé aux eaux d'Àix en rapport avec des » médecins
respectables, et notamment le docteur Despine, médecin en chef de
l'établissement, qui lui avait raconté avoir été témoin» » pendant des mois
entiers, du phénomène si » singulier du déplacement des sens, qu'il croyait »
dans l'intérêt de la vérité devoir en rendre » compte à la Société. »
Dans la première observation de ce mémoire, on y
lit que la malade qui en fait le sujet, avait la faculté de voir, d'entendre et
d'odorer par les doigts.
La seconde observation est beaucoup plus curieuse
; elle fut faite sur la fille de M.*** qui jouit de l'estime de toute la ville
de Grenoble, où il vit retiré , et que la maladie de sa fille désolait
extrêmement. Il faisait tous ses efforts pour cacher cette maladie et refusait
toute visite de curieux.
.
Parmi les différents états que présenta cette
malade, et que le docteur Despine décrit avec
beaucoup de détail, il insiste particulièrement
sur celui de somnambulisme. Je transcris textuellement le passage le plus
positif sur la translation du siège dela
vue.
<< Non-seulement notre malade
entendait par »la paume de là main, mais nous l'avons vue » lire sans le
secours des yeux, avec la seule extrémité des doigts, qu'elle agitait avec
rapidite au-dessus de la page qu'elle voulait lire,, » et sans la toucher,
comme pour multiplier » les surfraces sentantes, lire, dis-je, une page »
entière d'un roman de Madame de Montolieu.
» Nous l'avyons vue d'autres fois, choisir sur un
«paquet de plus de trente lettres, l'une d'entre » elles qu'on lui avait
indiquée; lire sur le cadran et à travers le verre l'heure qu'indiquait » une
montre ; écrire plusieurs lettrés, corriger, » en les relisant, des fautes qui
lui étaient échappées, recopier une des lettres, mot pour mot. ». Pendant
toutes les opérations, un écran de » carton épais interceptait de la manière la
plus » étroite tout rayon visuel qui aurait pu se rendre » aux yeux.
» Les mêmes phénomènes avaient lieu à la » plante
des pieds et sur l'épigastre ; et la malade
semblait éprouver un sentiment de douleur par » le simple
toucher.»
Messieurs, vous trouverez encore des faits très-circonstanciés de vue sans
le secours des yeux, dans un mémoire curieux du docteur Delpit, sur deux
affections nerveuses. (*) « L'une des malades lisait, dit l'auteur, et lisait
três-distinctement, lorsque ses yeux étaient entièrement » fermés à la lumière,
en promenant ses doigts » sur les lettres. Je lui ai fait lire ainsi, soit au »
grand jour, soit dans l'obscurité la plus profonde, les caractères imprimés, en
ouvrant le » premier livre qui me tombait sous la main ; et » quelquefois des
caractères écrits, en lui remettant des billets que j'avais préparés exprès »
avant de me rendre chez elle. Etait-ce le sens » du toucher qui suppléait alors
à celui de la » vue? Je l'ignore ; mais j'affirme qu'elle lisait » très-couramment
en promenant ses doigts sur » les lettres. »
(*) Bibliothèque médicale, t. 56, page 308.
Voilà certes un témoignage positif, et un témoignage rendu par un homme
auquel de pareils faits sont venus se présenter sans qu'il les cherchât , sans
qu'il se doutât même de la possibilité
de leur existence, et qui, frappé de leur inconcevable singularité, n'a
pris la plume que pour les consigner.
Monsieur Delpit, dans des réflexions fort courtes placées à la suite de ces
observations, invoque l'autorité de plusieurs auteurs connus, et
particulièrement celle de Dumas. « II y a cinq ans, » dit
cet auteur célèbre, qu'une jeune personne » du département de l'Ardeche, venue
à Montpellier pour consulter les médecins sur une affection hystérique
accompagnée de catalepsie, » donna l'exemple d'un phénomène étrange. Elle »
éprouvait, pendant toute la durée de ses attaques, une telle concentration de
la sensibilité » vers la région précordiale, que les organes des » sens y
étaient comme entièrement fixés ; elle » rapportait à l'estomac toutes les
sensations de » la vue, de l'ouïe, de l'odorat, qui ne se produisaient plus
alors dans les organes accoutumés. » Ce phénomène rare, observé chez une
personne bien digne d'intéresser, fut un objet » d'attention pour les médecins,
et de curiosité » pour le public.
» Je ne me dissimule point, poursuit M. Delpit, que les faits de ce genre,
en opposition » avec toutes les lois connues de la nature, ne
doivent point obtenir sans difficulté ni sans » restriction,
l'assentiment des esprits sages qui » craignent d'être abusés; mais si l'on
multiplie » les observations à cet égard, si l'on constate » avec scrupule les
moindres circonstances de » chaque observation, il faudra bien
reconnaître » la possibilité d'un phénomène qui ne semble » peut-être aussi
merveilleux, que faute par nous » d'avoir beaucoup de faits auxquels nous
puissions le comparer, »
Ces faits sont récents, et ils sont d'une telle nature, qu'il n'était pas
possible de se tromper. Voilà des témoignages rendus par des auteurs vivants et
au-dessus de tout soupçon d'imposture.
On serait fort embarrassé de trouver les motifs de semblables assertions si
les faits n'eussent pas été évidents. D'ailleurs, ils se renouvellent à chaque
instant. Voici une observation publiée dans la Gazette de Santé de
septembre 1829.
Ecoutez ce que dit le journaliste :
« Magnétisme animai. —Il y a en ce moment, dans les salles de M.
Fouquier, une malade chez laquelle le magnétisme a développé des phénomènes
curieux et quelquefois incroyables. Sans nous ranger parmi les amis du
merveilleux, il est de notre devoir de tenir compte des faits quand ils sont authentiques.
Or, ceux que nous allons rapporter, ayant été observés par un grand nombre de
personnes à la fois, nous croyons pouvoir les offrir à nos lecteurs comme
dignes de toute leur confiance.
» La nommée Pétronille Leclerc, âgée de 26 ans, ouvrière en linge, était
entrée à la Charité, pour se faire traiter d'une affection cérébrale
spasmodique; épileptiforme, d'une constitution très-nerveuse, pâle, épuisée par
d'anciennes souffrances, excessivement irritable, elle avait éprouvé, à la
suite d'accès de colère, un renversement en haut des globes oculaires, qui
avait résisté à toutes les médications; il vient à M. Sbire, qui la pansait,
l'idée d'essayer l'emploi du magnétisme, il en fit la première
application le 29 août dernier, la répéta plusieurs fois depuis : voici les
circonstances les plus remarquables qui ont été notées, et dont quelques-unes
se sont passées sous nos yeux.
» Dans la première séance, la somnambule donne plusieurs preuves de
lucidité. La personne qui l'avait magnétisée lui présenta quelques objets ,
tels qu'un flacon rempli, du sucre, du pain, qu'elle caractérisa parfaitement
sans les voir, elle avait un bandeau sur les yeux : d'ailleurs, pour
répondre aux questions qui lui étaient adressées, elle se tournait du côté
opposé, et s'enfonçait le visage profondément dans son oreiller. Sans être
interrogée, elle dit à la môme personne qui lui tenait la main : vous avez
une douleur de tête. Le fait était réel ; mais pour éprouver son embarras,
l'élève lui répondit qu'elle se trompait ; voilà qui est singulier, reprit-elle,
j'ai touché alors quelqu'un qui avait une douleur de tête, car je l'ai bien
senti. Elle distingua encore différents individus présents à l'expérience, par
quelques particularités de leurs vêtements. Une des circonstances les plus
remarquables est celle-ci : le magnétiseur s'était retiré en lui promettant de
revenir vers cinq heures et demie pour la réveiller. Il devança l'heure de son
retour, là somnambule lui fit observer qu'il n'était pas cinq heures et demie ;
ce dernier lui répondit qu'une lettre qu'il venait de recevoir l'avait forcé de
revenir auprès d'elle. Ah!oui, reprit-elle sur-le-champ, c'est cette lettre
que vous avez dans votre portefeuille, entre une carte bleue et une carte
jaune; le fait se trouva de la plus grande exactitude.
» On lui plaça une montre derrière l'occiput, et on lui demanda l'heure,
quatre heures six minutes , il était quatre heures sept minutes. »
Le numéro 17 du même journal contient une note où on raconte que la môme
malade a eu, comme elle l'avait prédit, une inflammation assez intense de la
bouche et de l'arrière-bouche avec salivation ; elle a été accompagnée de
constipation, ainsi que la somnambule l'avait annoncé.
Ces assertions feront beaucoup d'effet sur vous, Messieurs, lorsque vous
saurez que les rédacteurs de ce journal furent longtemps opposés au magnétisme
; les magnétiseurs n'étaient rien moins, à leurs yeux, que des empoisonneurs.
Voici un autre extrait de la Gazette Médicale de Paris, 2 octobre
1832.
« On observe en ce moment, à l'hôpital Della-Vitta de Bologne, un
phénomène de magnétisme animal fort extraordinaire. Il se trouve dans cet
hôpital un malade qui, de trois jours en trois jours, est attaqué, à onze
heures précises du matin, d'une convulsion tellement forte, qu'il perd
entièrement la faculté de percevoir des sensations : la vue, l'ouïe, l'odorat,
disparaissent complètement ; les organes des sens ne font plus aucune fonction
; les deux mains se ferment si étroitement qu'il est impossible de les ouvrir ;
en employant la force, on briserait infailliblement les doigts. Cependant le
docteur Cini, fils du peintre,
qui lui donne des soins, a découvert, après de longues etattentives
observations, que l'épigastre, à la distance de deux doigts au-dessus de
l'ombilic, recevait, pendant la crise convulsive, toutes les perceptions des
sens au point de les remplacer. Si Ton parle au malade en touchant l'épigastre
du bout du doigt, il répond, et si on le lui commande, il ouvre les mains de
lui-même; si l'on place un corps sur l'épigastre, le malade en décrit la forme,
l'odeur, la qualité, la couleur. Pendant le contact du doigt, la convulsion va
en diminuant et semble disparaître ; mais si l'on place le doigt sur le cœur,
la convulsion se reproduit et dure aussi longtemps que le doigt conserve cette
position. Si l'on joue de la flûte en touchant l'épigastre, le malade entend la
musique, et lorsque, sans interrompre le jeu de l'instrument, le doigt quitte
un instant l'épigastre pour se porter vers le cœur et revient immédiatement à
l'épigastre, le malade demande pourquoi on cesse de jouer par intervalle.
» Les expériences ont été faites, dans les premiers jours de septembre, en
présence des professeurs et des étudiants ; elles ont excité une
surprise extrême. »
J'ai, moi-même, vu et fait constater ce phénomène, et c'est surtout parmi les gens les plus éclairés que je prenais mes
juges.
Il y a une année au plus, traitant une malade somnambule, j'ai pu observer,
pour la vingtième fois peut-être, le phénomène de la vision sans le secours des
yeux. Une foule de personnes ont été témoins de cette singularité, car la
malade se prétait avec plaisir à ces sortes d'expériences. Cet état de sommeil
incompréhensible cessa au bout de quelque temps avec la maladie qui l'avait
fait naître, et la relation entière du traitement et des phénomènes observés
n'ont jamais été contredits.
Cette malade, traitée par d'habiles médecins de la capitale, notamment par
M. Fouquier, ne fut guérie que par le magnétisme. Le sommeil avait lieu au bout
de quelques minutes de magnétisation.
Voici comment, dans son somnambulisme, elle s'y prenait pour exercer son
sens interne.
On appliquait sur son estomac ce qu'on voulait lui faire lire, en ayant
soin de couvrir le papier avec la main. Bientôt son estomac se gonflait d'une
manière sensible, et elle indiquait d'abord une lettre, puis une autre, et
ainsi de suite jusqu'à la fin ; mais, par une bizarrerie inconcevable, c'était
toujours par la terminaison des mots que sa lecture avait commencé, et on était
obligé de les recomposer, mais toutes les lettres et leur valeur étaient parfaitement exactes.
Elle assurait sentir, pendant cette opération, la présence d'une boule dans
son estomac, qui la fatiguait beaucoup. Interrogée comment elle voyait, elle ne
savait nous répondre ; ce n'était pour elle ni voir ni sentir, mais quelque
chose entre ces deux états.
Elle portait elle-même, au centre épigastrique, les objets qu'on lui
donnait à percevoir.
Un jour, on lui remit une tabatière bien fermée : après l'avoir considérée
avec attention, elle nous dit que cette tabatière contenait dans son intérieur
un petit papier très-petit. Tout le monde ignorait cette particularité, car la
boîte n'avait pas encore été ouverte depuis sa sortie de chez le marchand, et
la personne qui venait de l'acheter ne s'était nullement préparée à une
expérience; mais la somnambule, continuant son opération, dit qu'elle voyait
quelque chose d'écrit sur ce petit papier, elle traça avec ses doigts les
chiffres 2 et 5 ; on ouvrit la boîte et on trouva effectivement le papier ,
grandd'une
ligne et demie, et dessus, les deux petits chiffres qu'elle avait assuré devoir
s'y trouver (*).
{*) « Croyez-vous que l'âme ne voie que par les yeux, et qu'elle soit circonscrite par la portée de nos regards? Celui qui »
croirait de la sorte serait dans une grande erreur.
Notre étonnement fut on ne peut plus grand, car celte expérience, dont le
hasard seul était cause, était tout-à-fait concluante ; pas un seul doute ne
pouvait exister sur son résultat.
Ce n'est pas seulement en France qu'on observe ce phénomène, mais partout
où l'on s'occupe du magnétisme animal.
Dans un écrit très-curieux, imprimé en Allemagne il y a quelques années, on
trouve, sur la même faculté, des faits qui ne paraissent pas moins concluants ,
et ces faits sont également attestés par de bons observateurs (*).
(*) Beaucoup d'ouvrages ont paru depuis quelques
années, mais aucuns n'ont été traduits en français ; plusieurs le méritent
cependant, et pourraient nous éviter des recherches.
L'auteur de l'ouvrage dont nous parlons, et témoin oculaire des faits qui y
sont contenus, a joint à la relation qu'il a faite, celle de trois médecins
distingués qu'il avait fait appeler auprès dela somnambule, et ces trois relations
s'accordent merveilleusement avec la sienne.
Voici quelques-uns des principaux faits de vue sans le secours des yeux.
AUREL.
PRUDENCE..
La somnambule voit un papier écrit par M. le baron de Strombeck, elle
indique que cet écrit contient deux alinéa, et combien chaque alinéa a de
lignes.
J'allai chercher le papier, ajoute l'auteur, je comptai les lignes, et je
frissonnai comme je l'aurais fait à la vue d'un spectre.
La meme extatique voit à un étage supérieur, dans la chambre de M. de
Strombeck, et sur son bureau, une épreuve de son imprimeur, que lui-môme ne
savait pas être apportée.
Elle indique la place de plusieurs objets situés derrière elle, et dont on
avait à dessein dérangé secrètement la position.
La malade indique, à la minute, l'heure que marque la montre du docteur
Schmidt, qui ne se trouvait d'accord avec aucune de celles qui étaient dans
l'appartement.
Elle indique que le docteur Marcard a de l'argent sur lui, dans une
bourse longue, verte et rayée, telle qu'on n'en portait plus
depuis longtemps; ce médecin ne portait cette bourse sur lui que depuis
quelques jours, et il assurait ne l'avoir jamais tirée de sa poche hors de chez
lui.
Si nous ouvrons l'ouvrage de Pétetin, nous trouvons des phénomènes
absolument semblables
et ce n'est plus sur une seule personne seulement qu'on les constate, mais
sur sept femmes toutes tombant en catalepsie.
Une de ces cataleptiques distingue successivement plusieurs cartes que l'on
avait glissées sous sa couverture et placées sur son estomac; elle dit l'heure
que marque une montre renfermée dans la main d'une personne, et reconnaît une
médaille antique dans la main d'une autre personne.
Un autre jour la môme malade reconnaît une lettre placée sous la veste de
Pétetin, puis une bourse qui y avait été glissée par un incrédule, et indique
le nombre de pièces d'or et d'argent qui se trouvaient de chaque côté de cette
bourse : à la suite de cette dernière expérience, elle annonce qu'elle va dire
successivement ce que chaque personne a de plus remarquable, ce qu'elle fait en
effet. Elle aperçoit au travers d'un paravent, que M. Pétetin, en sortant,
prend le manteau de son mari pour le sien, et le fait avertir de son erreur.
Une autre malade donnait des preuves de vision sans le secours des yeux,
non moins extraordinaires. Soumise aux expériences de plusieurs personnes ,
elle sut reconnaître un petit morceau de
platine renfermé dans du papier, une boule de cuivre cachée dans un mouchoir,
un cachet à trois faces tenu dans la main, et distinguer ce qui était gravé
dessus ; sur l'une des faces était une devise en italien, écrite en si petits
caractères qu'il fallut àPétetin une grande attention pour la lire. La
malade désigna aussi deux livres placés dans la poche d'un spectateur ; enfin,
elle lut une ordonnance renfermée dans un papier cacheté, et dit quel en était
le contenu, une once de quinquina et un gros de valériane.
Le docteur Bertrand, qui rend compte de l'ouvrage de Pétetin, fait les
réflexions suivantes :
« Si Pétetin n'a pas menti, dit-il, il faut franchement reconnaître que les
malades dont il a consigné l'histoire, avaient la faculté d'acquérir, sans le
secours des yeux, la connaissance de la forme et de la couleur des corps ; et
si les faits qu'il atteste nesont pas vrais, non-seulement il faut qu'il ait
menti, lui en particulier, mais on est obligé de faire la môme supposition
relativement aux parents de ses malades, à leurs amis, et aux médecins ,
d'abord incrédules, et qui ont fini par se déclarer convaincus : or, je ne
crains pas de le dire, le concours d'un aussi grand nombre de témoins choisis
parmi des personnes graves, éclai
rées, et qui n'avaient aucun intérêt à vouloir tromper; ce concours,
dis-je, pour attester des faits qui ne seraient que d'insipides mensonges,
offrirait le plus singulier phénomène moral ; car l'ouvrage de Pétetin renferme
l'histoire de sept somnambules, qui toutes ont présenté les mômes phénomènes;
et par conséquent, il aurait fallu que ce merveilleux concours, pour une
imposture inutile et pleine d'effronterie, se fût sept fois renouvelé, et cela
est impossible à supposer. »
Il y a peu de temps, Messieurs, je ne craignis pas de m'exposer à
convaincre un corps savant, de la réalité du phénomène de la lucidité. Je
convoquai un grand nombre de médecins pris dans le sein de l'Académie de
médecine, je demandai que les expériences fussent faites au grand jour, et de
manière à ne laisser aucun doute sur leurs résultats.
Je vais vous citer quelques-unes des expériences qui furent faites dans
cette circonstance.
Un jeune homme magnétisé par moi fut aussitôt endormi. On chercha à le
faire lire, il déchiffra quelques mots, mais avec difficulté. Il contempla avec
plaisir un portrait que lui présenta le professeur Adelon.
On plaça devant lui plusieurs jetons, dont un
avait été choisi par un des expérimentateurs et magnétisé par moi ; il le
reconnut chaque fois que l'on fit cette expérience.
De deux verres d'eau dont un était magnétisé, il prit celui-ci sans
hésiter, quoiqu'on les eût changés de place de manière que je ne susse pas
moi-même lequel j'avais touché.
Dans cette même séance, le somnambule joua à l'écarté, successivement avec
M. Adelon, et avec M. Ampère, membre de l'Académie des sciences. Il lui arriva
par moment de reconnaître les cartes sans qu'elles fussent retournées ; enfin,
il vit plusieurs fois l'heure à la montre de M. Ampère ; le cadran retourné de'
manière que le somnambule ne pût rien voir que le boîtier, et les aiguilles
ayant été dérangées sans que personne ait jugé et reconnu leur direction.
En se retirant, ces Messieurs me manifestèrent la satisfaction que leur
avait causée des expériences qui leur semblaient concluantes sur la plupart des
points. Ils parurent désirer être de nouveau témoins des mômes expériences, et
je n'eus rien de plus pressé que de me rendre à leur invitation. Dans cette
nouvelle séance, à laquelle assistèrent de nouveaux témoins, le somnambule fut
endormi en moins de quatre minutes, des bougies
allumées furent tenues à deux pouces de ses yeux pendant tout le temps des
expériences, et l'on ne put jamais apercevoir le moindre mouvement des
paupières dont les cils étaient entrecroisés ; on lui ouvrit les yeux de force
et il ne se réveilla point. On remarqua que la prunelle était portée en bas et
inclinée vers le grand angle de l'orbite.
Les yeux étant hermétiquement fermés, M. Ribes lui présenta un catalogue
qu'il tira de sa poche ; le somnambule, après quelques efforts qui paraissaient
le fatiguer, lut très-distinctement ces mots : Lavater,il est bien
difficile de connaître les hommes. Ces derniers mots étaient imprimés en caractères très-fins.
M. Bourdois tire de sa poche une tabatière sur laquelle était un camée,
encadré en or ; le somnambule ne put d'abord le voir distinctement : le cadre
d'or l'éblouissait, disait-il ; quand on eut couvert le cadre avec les doigts,
il dit voir l'emblème de la fidélité ; pressé de dire quel était cet emblème,
il ajoute : je vois un chien, il est comme dressé devant un amour; c'était là ,
en effet, ce qui s'y trouvait représenté.
On lui montre une lettre fermée, il ne peut rien découvrir du contenu, il
suit seulement la direction des lignes avec les doigts ; mais il lit fort
Lien l'adresse quoiqu'elle contienne un nom fort difficile, à M. de
Rokenstroh.
Toutes ces expériences ayant fatigué le somnambule, on le laissa reposer un
instant. Puis on lui proposa de jouer aux cartes, ce qu'il fit avec la plus
grande dextérité. On essaya plusieurs fois de le tromper en jouant une carte
autre que celle que l'on annonçait ; mais toujours il reconnut la fraude, ilen était de même
pour les points que marquait son adversaire ; il releva plusieurs fois des
erreurs que ce dernier faisait exprès pour exciter la sagacité du somnambule.
Pendant tout ce temps on n'avait cessé d'examiner les yeux et de tenir auprès
d'eux une lumière, et toujours on les vit exactement fermés.
Le procès-verbal constatant les faits dont je viens de vous donner
connaissance a été dressé et signé par les personnes présentes sans aucune
réclamation, tant l'évidence des faits paraissait grande.
Je ne veux pas, Messieurs, prolonger des récits de faits qui sont tous
identiques; je vous ai cité assez de témoignages pour vous faire croire à leur
possibilité ; car s'ils étaient rejetés , il faudrait mettre également en doute
les phénomènes de la nature,les plus positifs, les plus avérés ; et
notre esprit de doute a des bornes lorsque nous
avons à juger des phénomènes physiques. Nous ne pourrons donc récuser les
effets magnétiques, puisqu'ils ne sortent pas du domaine des choses positives.
Sans nous faire le défenseur du somnambulisme
factice, nous en admettons l'existence et reconnaissons pour vraies toutes les
merveilles que nous avons racontées dans plusieurs leçons de ce Cours. La
découverte s'en est faite, elle ne se perdra pas : le temps la mûrira ; et semblable
au ruisseau qui ne devient limpide qu'après avoir roulé dans les sables et y
avoir déposé son limon, ainsi le mesmérisme, roulant à travers les
contradictions de l'intérêt, ou à travers les critiques de la fausse science,
le mesmérisme déposera tout ce que la jalousie lui a suscité d'ennemis, tout ce
qu'elle lui a prêté de ridicules, tout ce qu'elle lui a supposé de dangers; et,
épuré par le temps, il renaîtra dans tout l'éclat dont est susceptible une si
belle découverte ; les passions qui l'ont poursuivi s'éteindront, etforcée à se taire, la postérité accueillera avec
empressement tous les secours dont on se refuse à reconnaîtreaujourd'hui tous les avantages.
Messieurs, on a cherché la cause du somnambulisme
naturel dans la dépravation d'une des quatre humeurs fondamentales. Dans l'état
du cerveau, on a cru reconnaître la cause immédiate du somnambulisme dans la
tension ou la rigidité des fibres de cet organe.
Sennert voulait en trouver la source dans l'action d'une
vapeur narcotique qui assoupissait les sens.
Musitan s'appropria cette idée en l'étendant, et crut
trouver l'explication naturelle du somnambulisme dans l'existence d'une vapeur
semblable à celle qui agite les gens ivres. Mais on s'aperçoit combien toutes
ces explications sont peu satisfaisantes.
Dans le 16e siècle on donnait le nom de
malbaptisés aux somnambules, parce qu'on croyait que cette affection
avait sa source dans l'oubli de quelque parole sacramentale, ou d'une autre
cérémonie, lorsque le prêtre les baptisait.
Horstius ne fait pas difficulté d'admettre
dans le somnambulisme plusieurs phénomènes hyper-physiques ou divins,
parmi lesquels il compte un esprit plus pénétrant, une intelligence plus élevée
dans les somnambules que dans les gens éveillés.
Mais tout cela ne dit pas quelle est la cause du
somnambulisme.
Cet état paraît être une modification du sommeil.
Il n'y a pas de somnambulisme sans sommeil.
L'on pourrait même ajouter qu'il n'y a pas de sommeil
sans somnambulisme, et que tout homme est né somnambule.
Cette proposition, qui paraît un paradoxe, n'est
pas moins incontestable, pourvu qu'on ne se presse pas de donner trop
d'extension au terme de somnambule. Le sommeil parfait est un temps de
repos pendant lequel les sensations sont réduites à un état de concentration
qui ne laisse paraître an-dehors aucun autre signe de vie que la respiration et
le mouvement du pouls.
Le sommeil imparfait est celui où cette
concentration n'est pas complète, de manière qu'il laisse encore quelques accès
au jeu extérieur des organes. Il est rare qu'on jouisse de la première espèce
de sommeil.
Dans le sommeil le plus profond et le plus
heureux,la personne endormie conserve une
portion de veille.
Le commun des hommes pousse plus loin le
somnambulisme, puisqu'il y a une infinité de personnes qui parlent en dormant , font des
gesticulations , tiennent des discours d'une longue étendue, adressent la
parole à ceux dont elles se croient environnées. (*)
Ces singularités sont si ordinaires, qu'il n'y a
presque pas de famille où l'on n'en rencontre quelques exemples.
Hippocrate l'a reconnu, et s'exprime
à ce sujet en termes formels.
Aristote en fait aussi mention
d'une manière non moins précise : Sunt enim qui dormientes et ambulent,
videntes comodo quo vigilant.
Galien, qui avait refusé de croire
à l'existence du somnambulisme, en fut convaincu par sa propre
expérience, lorsqu'il lui arriva de dormir en marchant pendant la nuit.
(*) Dans un de mes rêves, dit Voltaire, je
soupais avec » M. Touron, qui faisait les paroles et la musique des vers
qu'il » nous chantait. Je lui fis ces quatre vers dans mon songe :
» Mon cher Touron, que tu m'enchantes, » Far
la douceur de tes accents ! » Que (es vers sont doux et coulants! » Tu les fais
comme tu les chante.
» Dans un autre rêve, je récitais le
premier chant de la Henriade tout autrement qu'il n'est ; je rêvais qu'on nous
disait des » vers a souper : quelqu'un prétendait qu'il avait trop d'esprit; »
je lui répondis que les vers étaient une fête qu'on donnait à » l'âme, et qu'il
fallait des ornements dans les fêtes. »
Diogène Laërce rapporte dans la vie de Pirrhon, que le philosophe Théon se
promenait en dormant, et qu'un esclave dePériclès se levait au milieu de son
sommeil, et parcourait les toits tout endormi.
Lorsque le somnambulisme acquiert quelques nuances de plus, il produit des
choses extraordinaires.
C'est alors que l'on voit le dormeur écrire, travailler , ouvrir les
portes, etc.
Ce qui nous ramène à cette proposition, que tout dormeur est en
somnambulisme commencé, que quiconque se livre au sommeil, est dans un état
prochaindu somnambulisme, qui doit se développer d'une manière plus ou moins
frappante, en raison de la constitution physique du dormeur, de la nature de la
maladie, etc.
De là, il est aisé de concevoir qu'un malade déjà porté,ou par tempérament,
ou par la nature de sa maladie, à un somnambulisme un peu prononcé, est
susceptible de recevoir, avecle sommeil magnétique, une plus grande
détermination vers le somnambulisme; que le somnambulisme soit salutaire ou
non, toujours est-il vrai qu'il est une
des dépendances du sommeil, qu'il s'introduit ' avec lui, et qu'il doit par
conséquent se développer plus ou moins, et c'est ce que nous voulions établir.
Je vous ai fait connaître toutes les nuances du
sommeil magnétique et naturel.
Ce sont ces merveilles qu'il me reste à rendre
concevables, mais il est des problèmes qu'on ne peut résoudre qu'à la faveur de
suppositions; les conséquences que l'on en tiré, si elles sont justes,
découvrent l'inconnu; et la solution est admise, si les suppositions dont elles
dérivent peuvent être rigoureusement démontrées.
Voici les explications que des magnétiseras
modernes ont hasardées pour rendre raison des effets du magnétisme animal. Ils
sont loin de donner pour fondées, dans tous leurs points, ces explications; ils
pensent même que plusieurs sont erronées ; mais les erreurs se rectifieront à
mesure que l'on avancera dans la science , et que de nouveaux faits viendront
l'éclairer.
Théorie des magnétiseurs actuels.
« Nous pensons, ont-ils dit, que tous ces
phènomènes appartiennent au système nerveux, dont toutes les fonctions ne
nous étaient point encore connues; que c'est à une modification, à
une extension de ce système et de ses propriétés, qu'on
doit attribuer les effets dont nous parlons»
» Dans l'état actuel de la science, tout porte » à considérer le cerveau
comme un organe sécrétant, une substance particulière dont la » propriété
principale est detransmettre ou de » recevoir le vouloir et le sentir. Cette substance, »
quelle qu'elle soit, paraît circuler dans les » nerfs, dont quelques-uns sont
consacrés an » mouvement ( à la volonté ); ceux-là partent de » l'encéphale ou
de ses dépendances, et vont se rendre aux extrémités, les autres au sentiment ;
» ceux-ci vont se rendre à l'encéphale : les premiers sont actifs et les
seconds passifs.
On peut aujourd'hui regarder ces propositions comme démontrées.
» Lorsque nous voulons mouvoir un membre, » notre cerveau envoie au muscle
destiné à exécuter ce mouvement une certaine quantité » d'agent nerveux qui
détermine la contraction a musculaire ; cette transmission se fait au moyen »
d'un nerf que l'anatomie démontre; et si nous » le coupons, ou si nous en
faisons la ligature, » il nous devient impossible d'exécuter le mouvement, il y
a paralysie. Le même phénomène » a lieu pour les nerfs du sentiment ; si on les
détruit, la sensibilité est anéantie dans la »
partie d'où ils procèdent. Ces faits, connus de » temps immémorial, sont
incontestables et généralement adoptés. Us avaient fait penser que la »
fonction de l'innervention était une véritable » circulation. H y avait des
vaisseaux nerveux » afférents, c'étaient ceux de la volonté ; il y en »
avait d'efférents, c'étaient ceux de la sensibilité.
» Les travaux récents de M. Bogros, semblent » prouver
matériellement ce que le raisonnement » avait fait admettre.
» Mais de quelle nature est cet agent'? Les
nouveaux travaux de Messieurs Prevost et Dumas » portent à croire que cet agent
a la plus grande » analogie avec le fluide électrique. Ces physiologistes ont
démontré que la contraction musculaire était le résultat d'une véritable
commotion électrique.
» Le savant professeur Béclard assurait, »
qu'ayant mis à nu, et coupé un nerf d'un assez » gros volume sur un animal
vivant, il avait » fait souvent dévier le pôle de l'aiguille aimantée, en
mettant en rapport ce nerf et cette » aiguille.
» Tout le monde sait que le galvanisme, substitué
à l'influence nerveuse, fait contracter les
muscles qu'on soumet à son action. L'on sait » comment Galvani et Volta
virent et prouvèrent » l'existence d'un fluide particulier, que plus » tard on
a reconnu pour être le même que l'électricité.
» L'on sait aussi que certains animaux ont la » singulière propriété de
sécréter, au moyen » d'un appareil que la nature a disposé pour » cela, une
grande quantité de fluide électrique , » avec lequel ils donnent de fortes
commotions ; » commotions quelquefois si violentes, qu'elles » peuvent tuer, aune certaine
distance, d'autres » poissons, ou même des hommes.
» Lagimnote électrique, le silurus electricus,. » le tetraodon, le
torpedo unimaculata, marmorata, et beaucoup d'autres, possèdent
cette » faculté.
» On est parvenu à apprécier la quantité et la » qualité de leur fluide
électrique, au moyen » d'électroscopes et d'électromètres très-sensibles ; » on
s'est assuré que ce fluide était sécrété par » le cerveau de ces animaux,
puisqu'en enlevant celui-ci, ou les nerfs qui se rendent à » l'appareil, on
anéantissait les effets électriques, » ce qui n'avait pas lieu en enlevant les
organes » de la circulation.
» Ainsi, il est bien démontré que, dans quelques animaux, le cerveau
sécrète du fluide » électrique; que la contraction musculaire peut avoir lieu
par un excitant électrique, etc.; » considérations qui nous font fortement
présumer que l'agent nerveux est du fluide électrique, ou un fluide ayant avec
celui-ci une grande analogie.
» Nous passons sous silence les preuves que » l'on pourrait tirer de
l'acupuncture et du perkinisme. »
Vous le voyez, Messieurs, toutes ces probabilités sont puissantes, et
peuvent faire admettre la circulation d'un agent nerveux. (*)
(*) J'ai toujours été, je l'avoue, très-porté à penser que l'électricité
modifiée par l'adtion vitale, est l'agent invisible qui
parcourt sans cesse le système nerveux.....
Cabanis.
Les êtres organisés, et spécialement le corps de
l'homme, composés par l'assemblage d'un grand nombre de substances hétérogènes
en contact, nous présentent de véritables appareils électriques compliqués,
dans lesquels le principe dont les nerfs sont les conducteurs, semble agir
d'une manière analogue à celle de l'électricité.
Physiologie de Richerand, t. 2,p.263.
« Mais cet agent ne s'arrête pas aux muscles ou » à la peau, il s'élance
encore au dehors avec une certaine force, et forme ainsi une véritable
» atmosphère nerveuse, une sphère d'activité » absolument semblable à celle des
corps électrisés. »
Cette opinion est celle des plus habiles
physiologistes de nos jours, Reil, Autenrieth, et M. de Humboldt.
Dès lors ,tous les phénomènes du magnétisme nous
semblent susceptibles d'une explication plausible.
L'atmosphère nerveuse, active, du magnétiseur,
augmentée sans doute par l'impulsion que lui donne sa volonté, « se mêle, se
met en rapport avec l'atmosphère nerveuse, passive de la » personne magnétisée
, » et vient augmenter cette dernière, à tel point, que dans certains cas, il
semble y avoir une véritable saturation du système nerveux, susceptible,
lorsqu'il y a excès, de se mettre, par des décharges, en équilibre avec les
corps ambiants ; et l'on ne pourrait expliquer, par une autre hypothèse, les
secousses qu'éprouvent parfois les magnétisés.
Le système nerveux du magnétisé, ainsi influencé,
et éprouvant des modifications en raison de sa sensibilité particulière,
expliquerait toutes les perturbations que l'on observe, et rendrait
parfaitement raison de la communication des désirs, de la volonté, des
pensées même de celui qui magnétise.
« Ces désirs, cette volonté, étant des actions du » cerveau, celui-ci les
transmet au moyen des » nerfs jusqu'à la périphérie du corps et au-delà. » Et
pourquoi ce principe ne conserverait-il pas chez le magnétisé quelques-unes de
ses propriétés? C'est ce que nous croyons en particulier.
« Dans cet aperçu, nous n'avons peut-être pas » dévoilé le vrai mécanisme
de la production des » effets magnétiques. Cependant notre hypothèse, » qui ne
s'éloigne pas beaucoup des faits physiologiques et physiques généralement
adoptés, » expliquerait d'une manière assez satisfaisante la » majeure partie
des innombrables effets que produit ce que l'on appelle le magnétisme animal,
». et peut-être sera-t-on conduit un jour, par cette » voie, à la révélation
complète des mystères les » plus admirables de la vie animale. »
Cette explication est due en partie au docteur Rostan, médecin fort
estimable ; mais, Messieurs, on peut dire dès à présent qu'elle n'est pas
entièrement fondée : le magnétisme a une autre manière de procéder, un autre
mode d'action; et
d'ailleurs, le magnétisme n'est pas le somnambulisme. (*) Mais cependant,
d'après tout ce qui précède on peut reconnaître que le magnétisme n'est
pas un remède contre nature, qu'il est au contraire la nature elle-même, la
nature augmentée et dirigée, la nature en plus.
(*) Dès qu'on admet dans les volontés créées une
puissance d'agir sur les corps et de les remuer, il est impossible de lui
donner des bornes, etcette puissance est
indéfinie. En effet : « Dans le mesmérisme, l'instinct animal monte au plus
haut » degré admissible dans ce monde. Le clairvoyant est donc un » pur
animal, sans aucun mélange matériel ; ses opérations sont » celles d'un esprit.
11 est semblable a Dieu ; son regard pénètre » tous les secrets de la nature.
Si son attention se fixe sur des » objets de ce monde, sur sa maladie, sa
bien-aimée, ses amis, » ses parents, ses ennemis ; en esprit, il les voit agir,
il pénètre » les causes et les suites de leurs actions; il devient médecin, »
prophète, devin, etc. »
Ocken, Instructions sur la
Philosophie de la nature.
Les facultés des somnambules sont des mystères qui
ne pourront jamais être expliqués par des moyens humains. Indiquer des remèdes
convenables pour opérer les effets qu'on désire, n'avoir dans son état de
veille la connaissance d'aucun de ces remèdes, ni même des mots qui servent
& les désigner; découvrir, al'instant qu'on y porte sa vue, ce qui
se passe dans des pays éloignés, en détailler toutes les particularités,
composer ou exécuter, dans ce sommeil des sens, des œuvres que l'on serait
incapable de faire dans l'état organique de veille ordinaire ; ces exploits
merveilleux de l'âme humaine, cette universalité de connaissances, cette grande
puissance de vouloir, à quelle cause les attribuer, sinon acelui qui
possède en lui-môme l'universalité de la puissance souveraine, et qui peut en
départir un rayon à qui il lui plaît? »
Messieurs, je ne me suis pas appesanti dans ce
Cours sur une multitude de phénomènes que présentent le magnétisme et le
somnambulisme. Je n'ai voulu que vous donner le goût de l'étude de cette
découverte, en vous signalant les phénomènes merveilleux qui s'offrent à
l'observation de celui qui cherche à les connaître et à les faire naître, et
vous foire juge des raisons de ceux qui se refusent à tout examen. Si j'ai
gardé le silence sur. beaucoup de phénomènes magnétiques, connus peut-être par
quelques-uns d'entre vous, ce n'est pas que j'ignore leur existence ; mais
comme ces phénomènes semblent sortir du cercle que nous nous sommes tracé, nous
avons jugé prudent de ne pas vous en entretenir, attendant pour cela que la
croyance au magnétisme soit plus généralement répandue, et que plus d'hommes ,
dans le silence du cabinet, aient médité sur ses résultats.
Mais ma réserve ne doit pas vous empêcher
d'examiner ; loin de là, elle doit vous faire entrevoir une mine féconde, qui,
bien exploitée, enrichira la science, car tout n'est pas découvert en magnétisme, nous ne
possédons pas même toutes les découvertes faites en des temps antérieurs.
Je vous ai signalé les écueils qui vous attendaient dans cette étude. Tous
pourrez maintenant les éviter et faire de plus rapides progrès sans
compromettre la santé des individus confiés à vos soins, et sans être alarmés,
vous-mêmes, sur les suites de vos explorations.
Si vous ne magnétisez que pour guérir, rappelez-vous encore que le
magnétisme peut devenir entre vos mains un instrument rival de la nature,
portant dans l'économie animale un trouble qui favorise le retour des crises
que la médecine ordinaire ne saurait produire ; Hippocrate lui-même en avait
désespéré : ce grand homme a bien trouvé et décrit la marche des crises dans
les maladies aiguës ; mais il s'est arrêté là. Dans ces maladies, dit-il, la
nature seule guérit. Elle a de la force, elle fait elle-même la plus grande
partie de l'ouvrage : il n'y a qu'à l'aider; mais dans les maladies chroniques,
il ne vit que les bornes de son art. En effet, les retours périodiques y sont
trop variés et trop incertains pour être saisis, trop longs et trop compliqués
pour être étudiés, trop faibles pour être aperçus. Tandis que la nature ne
fait que des efforts insuffisants pour retourner à la vie, elle ajoute
chaque jour un autre pas à ceux qu'elle a déjà faits vers la mort. Toujours
traînants, toujours languissants, nous nous voyons mourir sans savoir comment
nous mourons. Aussi, dans ces cas malheureux et trop fréquents, Hippocrate
défendait-il expressément les remèdes et ne prescrivait-il que régime,
exercice, bains, frictions et patience. Depuis sa mort rien n'a été ajouté à la
médecine. Par sa découverte, Mesmer aura porté le système des crises dans le
champ des maladies chroniques, ce dont Hippocrate avait désespéré. Nous voyons
en effet que l'agent magnétique, renforçant la nature, accélère et redouble ses
efforts, et la force à reprendre une marche progressive vers un retour à la
santé. Tous les effets magnétiques nous prouvent cette vérité et quelle
plus grande preuve peut en exister pour nous que de Voir successivement
disparaître les affections sympathiques déterminées par la maladie principale;
de voir se localiser cette dernière, devenue bientôt après le foyer d'une
action particulière qui tend sans cesse à sa destruction.
Ainsi, on peut le dire avec certitude, le magnétisme employé comme moyen de
traitement est, en dernier résultat, l'action constante de
la force qui conserve, sur la cause qui détruit. Faisons donc, Messieurs, que le
magnétisme, qui est aujourd'hui le dernier moyen de guérison réservé à l'homme
souffrant, en devienne le premier. Nous suivrons l'indication de la nature et
nous aurons bien mérité de nos semblables.
FIN.
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