UN PEU DE SAGESSE PRATIQUE
Dans les
leçons précédentes nous avons comparé les deux fonctions de l'esprit à deux
frères-jumeaux qui se sont associés; nous continuerons la comparaison pour la
clarté des explications qui vont suivre:
L'associé «
actif » est, nous l'avons vu, un compagnon étrange, d'une psychologie complexe
et diverse qui n'est point facile à saisir. ll est tour à tour influencé,
quoique dans une mesure inégale, par la conversation, l'extérieur, les
manières, la voix, le regard, etc.
La
conversation joue un rôle prépondérant dans le phénomène de la suggestion; elle
est un moyen puissant entre les mains de l'opérateur; mais encore faut!!
qu'elle soit bien comprise,bien maniée.(1) La première condition qu'elle doit
remplir est une condition d'adaptation. L'opérateur doit savoir l'approprier au
-caractère, aux goûts et aux connaissances du patient. -Elle deviendra alors
pour lui un moyen admirable d'insinuation. Elle lui permettra d'avoir raison
des défiances, des antipathies, des résistances inévitables auxquelles il se
heurte. Le malade, rassuré et conquis, s'ouvrira à
lui sans arrière-pensée et son abandon fera: plus pour sa guérison que les
innombrables médecines dont- l'accablent généralement les hommes de l'art_
Mais cette
conversation doit être conduite avec soin, avec discernement, avec
intelligence. Il faut que l'opérateur s'y efface, s'y oublie progressivement
et que le malade s'y abandonne et l'occupe de plus en plus.. L'opérateur n'a
plus dès lors qu'à écouter et qu'à encourager de son attentioh et de son
intérêt les confidences qu'on lui fait.
On apprend
à écouter comme on apprend à parler, par des efforts successifs, par une étude
méthodique. Le silence comme la parole a sa science. ll faut, de toute
nécessité, que l'opérateur la possède; ce n'est qu'à ce prix qu'il fera
vraiment la conquête de son malade. Connaissez-vous l'anecdote sur Carlyle? Le
grand et redoutable écrivain reçoit un jour la visite d'une personne qui
désirait le connaître, mais qui en redoutait l'abord. Le visiteur se présente
très ému; il est reçu froidement et son émotion s'en aggrave d'autant. Mais il
ne se déconcerte pas. Connaissant un des sujets de prédilection du grand
écrivain, il l'abor- -de; il y entre discrètement, il y fait surtout entrer son
interlocuteur, puis il s'efface. Carlyle, poussé ainsi au premier plan et sur
un terrain qui lui était familier et agréable, ne tarde pas à y déployer
toutes ses ressources. ll parle, il s'échauffe, il s'exalte. Le visiteur
écoute, le temps passe et, quand après trois heures de silence il se décide à
se retirer, l'illustre écrivain l'accompagne jusqu'à la porte, lui prodigue
les marques les plus chaleureuses d'intérêt et de sympathie et sur un cordial
« Good-bye » le quitte en lui disant: « Quelle charmante conversation no is
avons eue et comme votre visite m'a été agréable! Ne manquez point de la
renouveler souvent ».
Faites
comme le visiteur de Carlyle, soyez habile; choisissez bien votre sujet;
abordez-le avec décision • et netteté, mais laissez à votre interlocuteur le
soin' de le développer. Laissez lui croire qu'il est intéressant, qu'il est
profond, qu'il est persuasif et que se science, sa
sagesse, son art de convaincre et de plaire sont inimitables.
Mais que
votre abandon ne soit qu'apparent, que votre raison veille, que nul sophisme ne
l'abuse! Laissez le frère « actif » se fatiguer, s'étourdir lui-même de ses
propres paroles et, débarrassé de sa vigilance, allez droit au frère « passif »
qui se livrera à vous du moment qu'il ne sera plus surveillé.
Ne négligez
pas non plus votre extérieur; évitez la recherche mais évitez plus encore le
laisser-aller. Que vos vêtements soient décents et soignés sans extravagance.
Un luxe criard choque tout autant qu'une négligence sordide scandalise; il
faut savoir se tenir entre les deux extrêmes. Ne portez jamais par exemple de
chapeaux crasseux ou de souliers éculés, Il n'y a rien qui attire plus
l'attention et qui choque davantage le bon goût que la coiffure et les
chaussures quand elles sont négligées. Une personne qui se coiffe et qui se
chausse décemment est presque toujours convenable même si le vêtement qu'elle
porte est quelque peu usé ou fané; elle n'est jamais décente, au contraire,
même avec des vêtements de prix si elle exhibe un feutre déformé ou si elle
traine des souliers misérables,
Soignez
aussi votre linge; soignez-le d'une façon toute particulière. Que votre
chemise, que votre col, que vos manchettes, que votre cravate soient toujours
d'une blancheur immaculée. Rien n'est plus pitoyable et ne donne plus
l'impression de la misère et de la déchéance qu'un faux-col qui s'effiloche ou
qu'une cravate qui tombe en loques. Aimez les parfums, usez-en; ne craignez pas
de scandaliser les hommes qui s'en interdisent l'usage pour eux-mêmes et qui le
réprouvent ou le raillent chez les autres. Le parfum plaît au sens, il endort
comme un narcotique les défiances et les irritations; mais n'en abusez pas. Un
homme qui répand autour de soi trop d'odeur est toujours ridicule. Restez en
ce point, comme en tous les autres, dans la juste mesure; évitez les railleries
justifiées et les hostilités légitimes.
Quant à vos
manières, attachez-vous à les rendre aussi agréables que possible; soyez
aimable et gai; ayez de la douceur; n'affectez jamais ni pédantisme ni rudesse;
gardez-vous surtout de tout emportement. La colère est un signe de faiblesse;
elle énerve, elle épuise physiquement l'homme qui s'y abandonne en même temps
qu'elle le déconsidère.
Soyez
toujours également sans peur; la peur physique. comme la peur morale
d'ailleurs, rabaissent i'homme; elle lui enlève tout ce qu'il a de fort, de
viril, d'imposant; elle en fait une créature pitoyable et gémissante que les
choses effraient et que les hommes accablent.
Ayez sans
cesse le souci de votre dignité et ne faites rien, n'acceptez rien qui puisse
la compromettre ou la rabaisser; mais n'attentez pas non plus à celle des
autres. Respectez leurs opinions; ne les froissez jamais dans leurs
sentiments, ni même dans leurs préjugés. C'est ainsi que vous gagnerez leur
sympathie et leur confiance. Ayez toujours présent à la mémoire cette vieille
maxime: a Faites aux autres ce que vous voudriez qu'on vous fit à vous-même »
et agissez en conséquence. Soyez franc, sincère, ouvert. Le monde, le monde des
honnêtes gens s'entend, aime la franchise. N'ayez jamais d'arrières-pensées,
ne faites jamais de mensonge. La dissimulation ou le mensonge vous ruinerait.
Vous perdriez votre autorité, vous ne pourriez plus agir. Votre pensée, votre
vouloir, votre force vitale seraient comme refoulés en vous et immobilisés.
Habituez-vous à une franche, loyale et chaude poignée de mains. Rien n'éloigne
plus la sympathie ni n'écarte davantage la confiance qu'une poignée de mains
molle, fiasque, équivoque. La poignée de mains et le regard sont à un même
degré des agents de transmission de la pensée. Qu'ils agissent de concert,
qu'ils collaborent en harmonie! Votre action ainsi se trouvera décuplée.
Cultivez
également votre voix, modulez-là; qu'elle ne soit ni aigre ni caverneuse. Les
tons criards comme les tons sourds déplaisent également. Cherchez le médium et
restez-y, Rien n'est plus agréable qu'une voix lenle, modulée, mélodieuse. N'en
rompez jamais l'harmonie, ne donnez jamais dans les notes extrêmes, Même si
votre interlocuteur crie, ne cherchez point à le dominer. Vous garderez pour vous
l'avantage; il ne tardera pas à se fatiguer lui-même ou à irriter les autres,
ll ne pourra bientôt plus se faire entendre ou on ne voudra plus l'écouter. —
Ces prescriptions sont excellentes de tout temps, mais elles deviennent absolument
nécessaires dans les discussions un peu vives ou les controverses un peu
chaude. En ce cas surveillez-vous; que votre voix ne sorte pas de son diapason
ordinaire. Il n'est rien de meilleur pour calmer ou déconcerter les violents
que cette tranquillité et quo cette uniformité de la voix. Elle est toujours un
signe de sang-froid et, souvent même, un signe de courage. L'adversaire,
troublé malgré lui, se ralentit et s'apaise, ll se produit en lui comme une
réaction nerveuse. La dépression suit la surexcitation et l'avantage vous
reste. II n'est donc pas exagéré de dire que la voix joue, dans les relations
des hommes, un rôle décisif et qu'elle est un instrument de domination et de
succès autant au moins qu'un agent de transmission. On ne saurait par
conséquent lui donner trop de soins ni trop d'étude, Si le résultat ne
répondait pas d'abord aux efforts, il ne faudrait pas se décourager. Le
progrès est une chose lente qui ne se peut réaliser entièrement qu'avec le
travail et le temps.
Mais si
large que soit le rôle de la voix et si étendus qu'en soient les effets, ils
ne sont pas comparables cependant à ceux du regard. Le regard est par
excellence le grand facteur de la Magnétisation. C'est par lui surtout que se
transmet la pensée et qu'agit la volonté, ll convient donc de l'étudier d'une
façon particulière. Nous lui consacrerons la prochaine leçon, sans chercher
d'ailleurs à l'épuiser, tant le sujet est vaste et tant il reste éternellement
nouveau.
(1) M.
Henri Durville a montré que les facteurs psychiques de guérison sont de trois
ordres: magnétisme, pensée, émotion. Ces facteurs peuvent être ou non associés
dans le traitement des maladies. En principe, toute maladie est Justiciable de
ces agents de guérison. Le rôle de la suggestion peut étre capital dans les
faiblesses de volonté, les impulsions, les manies. Suggestion en rafale,
suggestion imposée,
suggestion raisonnée, suggestion indirecte, suggestion émotionnelle sont
autant de formes qui seront employées selon le cas. Pour détail, voir l'oeuvre
de Henri Durville, notamment: Cours de Magnétisme personnel, La vraie médecine,
La médecine psycho-naturiste (son application et ses succès dans la cure des
maladies organiques, des troubles meneaux et sentimentaux), etc.., (Henri
Durville, imprimeur-éditeur).
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