LA CONCENTRATION DE LA VOLONTÉ
Dans la
conversation ordinaire nous employons fréquemment le mot « concentration » dans
le sens de « resserrement », de « réunion » et pour indiquer une diminution de
volume en même temps qu'un accroissement d'intensité. C'est pour donner un
sens plus précis à l'opération qu'il a en vue que l'auteur a substitué dans le
texte original le mot «cencentering» au mot « concentration ». Les lecteurs
français qui sont familiers avec la langue anglaise saisiront aisément la
nuance qu'une traduction permet difficilement de rendre, Tout ce que nous nous
permettons de dire c'est que le mot « concentrer » peut aussi bien se traduire
par l'expression « rapporter à un centre ».
Le mot «
concentrer » est susceptible de deux sens: l'un général, que nous aurons
l'occasion de définir; l'autre exceptionnel, sur lequel nous allons insister
dès maintenant. Celui-là est appelé le sens « exotérique »; celui-ci le sens «
ésotérique ».
Le sens, ou
si l'on veut, l'idée exotérique consiste dans la concentration de l'esprit, de
l'entendement sur une pensée ou une action déterminée, à l'exclusion de toutes
les pensées, de toutes les impressions et, pour ainsi dire, de toute la vie
extérieure.
L'idée
ésotérique est la concentration de l'esprit, de l'entendement sur le « moi »
intérieur, sur la personnalité intime et abstraite, sur tout ce qui fait de
l'homme un être de pensée, de rêve et de mystère.
La première
forme de la concentration est particulièrement
précieuse pour l'homme dans sa vie ordinaire, dans l'accomplissement de ses
devoirs quotidiens, dans ses luttes ininterrompues, dans ses innombrables
assauts contre le destin. Elle est comme une arme précise, un instrument tranchant
qui lui permet d'abattre les obstacles et de s'ouvrir la voie.
La seconde
forme de la concentration est plus spécialement utile pour les hommes de
méditation, de pensée pure, de rêverie intérieure qui vivent comme repliés sur
eux-mêmes et que les émouvants problèmes de la destinée humaine passionnent et
troublent.
Dans cette
leçon, nous nous attachons exclusivement au côté positif du sujet,
c'est-à-dire à la concentration exotérique.
La faculté
de ramasser toute son intelligence, toute sa volonté, tout son entendement sur
une pensée ou une action déterminée est une des plus précieuses que l'homme
puisse posséder. C'est ce qu'on exprime communément en disant « que l'on se
donne corps et âme à un travail », ou encore que l'on ne veut faire qu'une
chose à la fois pour la faire bien ». Tous, nous sommes familiers avec
l'exemple du peintre qui n'a réussi dans son tableau que parce qu'il y a mis «
une partie de lui-même », ou du mineur qui n'est arrivé au bout de son filon
que parce qu'il s'était attaché lui-même « au bout de son pic ».
ll n'est
pas douteux, en effet, que la moindre action est bien plus aisée et aussi bien
plus agréable, si nous savons l'imprégner de notre volonté et lui donner toute
l'intelligence dont nous sommes capable.
L'homme qui
sait prendre un intérêt dans son travail et trouver un plaisir véritable dans
sa tâche de chaque jour est évidemment celui qui produit le plus et qui vit le
plus heureux, Il ne connaît ni l'ennui, ni la lassitude, ni le dégout, ni
l'abêtissement. L'homme qui a sans cesse les yeux sur la pendule ou qui suspend
constamment son pic dans l'attente de la cloche n'est qu'une pauvre et
misérable machine à qui sont également défendues les joies de l'action et les
satisfactions du devoir. Les travailleurs d'intelligence active et
de conscience éclairée, sont donc doublement précieux. lls le sont par le
résultat qu'ils produisent autant que par l'exemple qu'ils donnent. En
accroltre le nombre, en stimuler le zèle, en multiplier les moyens c'est donc
incontestablement travailler au bien commun.
Mais la
concentration peut-elle jouer véritablement un rôle à cet égard? Assurément.
Car la concentration n'est en réalité que l'intérêt du cerveau, de l'intelligence
ramassée sur un point déterminé. L'homme qui se livre chaque jour à ces
exercices se dégage de plus en plus de la vie extérieure, se soustrait aux
mille distractions qui sollicitent son esprit, se libère des nombreuses actions
qui s'exercent extérieurement sur lui et augmente par là ses possibilités de travail
et sa capacité de rendement. De tous les hommes qui ont réussi, qui sont «
arrivés », il n'en est aucun qui se soit livré d'abord, consciemment ou
inconsciemment, à ces exercices de concentration. C'est par là qu'ils ont
forgé leur volonté, qu'ils ont aiguisé leur intelligence et qu'ils se sont
rendus capables d'un effort prolongé, d'un labeur soutenu et d'un résultat
supérieur. L'art de se « concentrer » est donc indispensable au succès. Voilà
pourquoi nous, qui avons pour objet la réussite et qui nous proposons d'aider
efficacement l'homme dans ses multiples entreprises, nous le recommandons avec
instance. Que nos lecteurs l'essayent: qu'ils s'y tiennent pendant quelque
temps, ils ne tarderont pas à en éprouver les heureux effets. Il arrivera invariablement
que s'ils se concentrent sur un objet déterminé, s'ils ramassent autour
d'eux-mêmes tonte l'énergie, toute la volonté dont ils sont susceptibles, le
succès sera leur récompense. Les résultats auxquels ils seront arrivés auront
presque toujours dépassé leurs prévisions et ils auront cette impression,
faite de fierté et de joie, qu'ils ont produit quelque chose, qu'ils ont
affirmé leur personnalité, qu'ils ont rempli tout leur rôle, ce n'est pas d'eux
qu'on pourra dire qu'ils ont servi exclusivement au dessein des autres et qu'on
s'en est servi comme autant de «
paillassons » pour arriver plus vite et plus aisément au but poursuivi.
Il va sans
dire également que ceux qui se rendront ainsi capables du plus grand labeur et
du travil le plus difficile seront particulièrement recherchés. Les affres
flatteuses, les propositions agréables leurs viendront de toutes parts. Ils
arriveront sans difficultés aux meilleures situations; ils rempliront les
meilleurs emplois; ils toucheront les meilleurs' salaires; ils seront, en un
mot, des privilégiés.
Mais ce
n'est pas du premier coup qu'ils atteindront ce résultat. L'homme se transforme
difficilement. Lié par des habitudes, dominé par des instincts, il ne peut se
libérer qu'à force de persévérance, de volonté et de courage. Que nos lecteurs
donc ne se laissent point rebuter par les difficultés de la tâche à laquelle
nous les convions. Qu'ils soient énergiques, qu'ils se montrent résolus,
qu'ils aillent droit au but. Le succès sera leur récompense. Le travail,
l'effort sur soi, la volonté d'agir sont en vérité infiniment plus dignes et
plus féconds que les gémissements, les plaintes stériles, les protestations
sans issue. A dénoncer constamment l'injustice, on ne la supprime pas. A se révolter
sans cesse contre le sort, on ne le subjugue point., C'est par l'effort,
l'énergie, le courage et la lutte qu'on triomphe. Et les hommes de succès sont
précisément ceux-là qui conçoivent la vie et qui envisagent la destinée d'une
manière virile.
Le grand ennemi
de l'homme c'est la paresse. Beaucoup vivent dans un état perpétuel d'attente
et de somnolence. Ils trouvent insuffisant tout ce qu'on leur offre et mauvais
tout ce qu'on leur conseille. lls ne désirent, ils ne veulent que ce qu'ils ne
peuvent obtenir. lls passent leur temps ù rêver de chimères. La réalité les
blesse, la vie les dégoûte, le travail leur répuge. Ils s'absorbent en une
contemplation sans objet, en une réverie sans but. Leur Eden est un pays où
l'on est dispensé de tout effort et d'où le travail est banni. Le Ciel pour
eux, c'est l'immobilité, la vie langoureuse et figée. Ils ne s'aperçolvent
point que le travail
est la grande loi universelle; que la nature est en perpétuel mouvement; que
tout évolue; que tout se transforme; que tout donne le spectacle du mouvement,
de l'action et de la vie.
C'est
contre cet état d'esprit que le Magnétisme veut réagir. C'est pour insuffler
l'activité, l'amour du travail la
lièvre de l'action qu'il cherche à saisir et à pénétrer les masses. C'est pour
les arracher à la somnolence, à l'amollissement, au « non-être » qu'il s'attache
de préférence aux êtres résignés, aux créatures passives, aux hommes les plus
primitifs.
Qui oserait
contester la noblesse de son but, la -grandeur de son idéal? Y a-t-il dans
l'histoire un seul penseur, un
seul philosophe vraiment digne de ce nom qui ait jamais recommandé la
passivité, la résignation, la paresse? Y a-t-il un seul, qui n'ait donné la
loi du travail comme la loi souveraine et émancipatrice, comme la raison
d'être de l'homme, comme le fond même de sa mission.
Travaillons
donc lecteurs! Prodiguons-nous, répan-dons-nous, marchons de l'avant, que rien
ne nous décourage, que rien ne nous arrête, que rien ne nous effraie et que,
par des efforts intrépides et un labeur inlassable, nous montrions à tous le
droit chemin et le vrai but.
L'homme qui
est capable de ramasser sa pensée sur un point donné et de déployer toute son
énergie en -vue d'un but précis est à l'abri du découragement, du désespoir, du
pessimisme. Celui-là est fait pour agir sur les autres, pour prendre une
position supérieure, pour atteindre un rang élevé, pour donner l'exemple et le
mot d'ordre, et grouper autour de soi les énergies incertaines et les volontés
irrésolues.
Voilà
pourquoi de tous les chapitres qui se trouvent dans ce livre, celui-ci est un
des plus importants. Que nul ne néglige les exercices qu'il contient, que
chacun les suive avec méthode, avec persévérance, avec obstination.
C'est par
là qu'il se débarrassera de toutes les pensées démoralisantes qui l'assiègent,
de toutes les action
funestes qui le sollicitent. Alerte, prompt, vigoureux, résolu, on le trouvera
toujours aux premiers-rangs, aux postes d'avant-garde: et dans cette
grande-bataille qu'est la vie, il donnera sans cesse l'exemple du courage et du
devoir. Nulle épreuve, nul chagrin,-nul malheur n'auront raison de son énergie.
Son « fighting spirit » sera inépuisable et dans toutes les -grandes
circonstances où il aura à prendre parti contre le destin, il s'y montrera à
la hauteur des circonstances, supérieur à sa tâche, supérieur à lui-même.
S'il est
mêlé aux affaires, s'il a de grandes responsabilités, si son rôle est divers,
multiple, difficile, il saura par la force de concentration dont il est susceptible
avoir raison des plus grandes difficultés et des obstacles les plus
redoutables, L'un après l'autre, il les abattra; et sur les grands chemins
qu'il aura . su s'ouvrir, sous les immenses horizons où son courage pourra se
déployer, il marchera vers la fortune, vers le devoir, vers le bonheur. Mais
l'énergie n'est pas l'imprévoyance et l'homme de résolution n'est point l'homme
qui se disperse. C'est, au contraire, l'homme qui se concentre, qui se ramasse
en vue d'un résultat déterminé. Bien loin d'embrasser toutes les difficultés à
la fois, il les série, il les décompose, il les subordonne les unes aux
autres. Ses .élans sont résolus mais limités, il ne se laisse point entraîner
sur les ailes de la chimère, il marche solidement sur le terrain (le la
réalité, passant d'une pente à une autre, d'un sommet an suivant sans
s'arrêter, sans se décourager jamais..
De toutes
ces considérations, nous tirerons cette conclusion pratique: « Faites,
lecteurs, tout ce que vous êtes capables de faire. Soyez intrépides, soyez
ardents; soyez inlassables ».
Soyez
pratiques aussi et ne vous écartez jamais des méthodes logiques et des procédés
sensés. Ne cessez pas de vous « concentrer », de ramener toujours votre pensée,
votre énergie, votre volonté à une sorte de-foyer, d'entretenir ce foyer et
d'en obtenir tout le rayonnement possible.
Ne vous
écartez pas non plus des exercices que nous vous avons
indiqués; ne cherchez point à les compliquer ou à les élargir. Les larges
programmes ne sont pas les plus féconds. C'est en explorant non pas de vastes
horizons mais des espaces limités qu'on aboutit aux découvertes. L'homme qui va
trop vite ou qui marche au hasard ou qui veut s'élancer dans tontes les
directions à la fois se fatigue ou s'épuise sans profit. Les meilleurs
explorateurs sont ceux qui restent dans leur ligne, qui y persévèrent, qui y
avancent obstinément. Une étape franchie vous permettra d'en entreprendre une
antre. Une difficulté résolue vous conduira à la solution d'une nouvelle. Et
de résultat en résultat, vous finirez par atteindre l'objet désiré, le but
poursuivi.
Il ne nous
reste qu'un dernier point à développer avant de passer à un autre ordre
d'idées; c'est celui relatif au repos mental et physique. L'homme est, par
essence, un être limité. Ses moyens sont bornés et sa capacité de pouvoir et de
produire restreinte. Le repos lui est nécessaire. La méthode de concentration
que nous venons d'exposer, le lui assure et par là elle peut ajouter aux
bienfaits que nous avons déjà indiqués. Si vous êtes physiquement épuisé par
un long effort ou par un labeur excessif, il vous suffira de vous asseoir dans
une chaise ou dans un bon fauteuil et de vous détendre. Vous en recueillerez un
bénéfice immédiat. Vos muscles se détendront, vos nerfs s'apaiseront et tout
votre être sera comme no:, de langueur. Mais, en même temps, votre pensée, en
se ramassant sur un des objets que vous avez en vue, sur un des desseins que
vous poursuivez, vous facilitera la tâche du lendemain et en assurera le succès.
Vous serez moins exposé aux accidents, aux aventures, aux abimes où l'homme
peut si facilement rouler et votre marche se poursuivra sans encombre. C'est
ainsi que vous aurez tout à la fois travaillé à votre repos et à votre intérêt,
puisque sans fatigues nouvelles vous aurez préparé les efforts ultérieurs et
les étapes successives qu'il vous reste à accomplir. Comme l'homme qui se
récrée d'un jeu par un autre, d'une occupation par
une autre, vous vous serez récréé d'une pensée par une autre. Chaque pensée,
en effet, qui agit affecte une cellule de votre cerveau. Si donc l'action
qu'elle exerce sur celle-ci se prolonge, la cellule ne tarde pas à connaître
non seulement la fatigue, mais l'épuisement. Il importe donc que les pensées se
succèdent pour que les cellules cérébrales alternent dans leurs exercices,
dans leur fonctionnement. Il se peut que l'une des cellules que vous avez
affectées ait une tendance à poursuivre son travail, mais si vous êtes capables
de vous « concentrer », vous n'aurez aucune peine à la retenir, à
l'immobiliser, et, au bout de quelque temps, il y aura pour elle complète
détente, c'est-à-dire complet repos. C'est exactement ce qui se passe
lorsqu'après une longue journée d'efforts et de soucis, vous prenez, pour vous
distraire, un roman intéressant. La lecture de ce roman ne va pas sans fatigue
évidemment, mais cette fatigue affecte non pas les cellules cérébrales que vous
voulez relever, niais celles auxquelles vous n'avez encore rien demandé. De
sorte que celles-là se reposent et se détendent pendant que celles-ci
fonctionnent et se fatiguent. Et le résultat final et le rétablissement d'une
sorte d'équilibre, d'une sorte d'harmonie physique qui crée le bien être et le
repos.
Il ne nous
reste plus maintenant qu'à donner à nos lecteurs quelques conseils pratiques et
qu'à leur indiquer une série d'exercices gradués et méthodiques, niais nous
voulons une fois encore insister sur ce principe qui est le fondement de tout
ce chapitre, à savoir: que la concentration est comme le groupement, la fusion
autour d'un objet déterminé de toutes les ressources d'intelligence et de
volonté dont l'homme dispose.
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