L'ART DE SE CONCENTRER
A.— « Se
concentrer » c'est s'isoler de toutes les impressions extérieures, forcer
l'attention, vaincre l'indifférence et dominer tout à la fois ses forces physiques
et ses forces intellectuelles. Le corps, dans cette opération, doit être placé
sous le contrôle direct de l'esprit; l'esprit, sous le contrôle direct de la
volonté. La volonté constitue en elle-même une force suffisante pour se passer
de tout concours et suffire aux divers emplois qu'on lui demande, mais
l'esprit n'est par lui-même qu'une force très insuffisante et qui ne peut
remplir l'objet qu'on lui assigne qu'autant qu'on le place sous le contrôle
direct de la volonté. Ainsi fortifié par la volonté, l'esprit devient un foyer
ou un réflecteur de pensées extrêmement ardent et toutes les vibrations qu'il
projette ont une force d'extension et de pénétration considérable.
Dans les
exercices qui vont suivre, nous nous occuperons tout d'abord de placer le
corps sous le contrôle et sous la direction de l'esprit.
Le premier
exercice, auquel il faut se livrer avant d'aborder les expériences importantes
qui vont faire l'objet de ce chapitre, a pour objet de discipliner les
mouvements musculaires. Il peut sembler à première vue très facile de contrôler
et de diriger les mouvements musculaires, mais ce contrôle est au contraire
extrêmement malaisé et nécessite toute une série d'expériences et d'efforts.
Nous ne saurions trop recommander à nos lecteurs les exercices qui vont
suivre.
A 1. —
S'ASSEOIR ET SE TENIR IMMOBILE. La chose n'est point
si simple qu'elle paraît. Vous aurez tout d'abord à vous défendre contre les
mouvements involontaires de vos muscles et contre le besoin d'action. qui
semble être celui de tout notre organisme, mais un peu de persévérance vous
permettra de discipliner vos muscles jusqu'à l'immobilité complète. Après quelques
jours d'efforts méthodiques, il vous sera facile de réaliser les conditions de
l'expérience. Vous pourrez vous asseoir tranquillement sur une chaise et y
demeurer absolument immobile pendant un quart d'heure ou vingt minutes. Le
meilleur conseil qu'on puisse donner à ceux qui s'entraînent, c'est de s'asseoir
dans un bon fauteuil ou de s'étendre sur une chaise-longue, de s'envelopper
d'autant de confori que possible, de se détendre, de s'amollir, de se dégager
pour ainsi dire de toute son enveloppe charnelle et de rester dans cette
position le plus longtemps possible. Un minimum de cinq minutes est absolument
nécessaire, Cette expérience devra être reprise fréquemment. On ne la cessera
que lorsqu'on aura atteint ce degré d'immobilité indispensable au succès des
expériences qui vont suivre. Il sera bon de procéder avec méthode. Les
premières expériences devront durer au moins cinq minutes, les suivantes au
moins dix minutes et les dernières approcher un quart d'heure. Il sera
difficile 'de les prolonger au delà de vingt minutes. L'homme a un si grand
besoin de mouvement que ce serait forcer par trop sa nature de demeurer dans
un état d'immobilité absolue pendant un plus long temps, Ceux de nos lecteurs
qui se livreront à cet exercice préliminaire devront y appoi ter toute la
persévérance et toute l'énergie dont ils sont capables; de rares exercices ou
des exercices trop mous ne conduiraient à aucun résultat appréciable. Qu'ils se
gardent toutefois de toute raideur. Il ne doit y avoir nul effort pour les
muscles. Un relâchement de tcut
l'être physique s'impose d'une façon absolue:.:::', Quand on aura acquis dans
cette voie une expérience' suffisante, on pourra aisément, quel que soit l'état
de fatigue où
l'on pourra se trouver, se reposer et se détendre; et comme les maladies sont
presque toujours amenées par un, excès de fatigue, ou aura ainsi accru d'une
manière appréciable ses chances de santé.
A 2. —
Tenez-vous droit sur votre chaise, la tête ferme, le menton développé et les
épaules aussi effacées que possible. Elevez votre bras droit jusqu'à hauteur
de votre épaule et dans le prolongement de celle-ci. Tournez votre tête à
droite en regardant l'extrémité de votre main et en maintenant votre bras dans
sa position horizontale pendant une minute au mois. Faites la même expérience
avec le bras gauche et quand vous êtes arrivé à des mouvements précis et aisés,
augmentez-en la durée de jour en jour. Accroissez-en le temps de une à deux
minutes, puis de deux à trois et ainsi de suite jusqu'à cinq. Si la paume des
mains est en-dessous, l'expérience vous sera plus facile. En fixant
l'extrémité de vos doigts, vous pourrez vous assurer également que votre bras
est parfaitement tendu.
A 3. —
Prenez un verre d'eau, tenez-le entre vos doigts et tendez votre bras droit bien
en face de vous. Immobilisez-le autant que possible de manière à éviter à
votre verre toute trépidation. Augmentez la durée de l'expérience de la
manière et dans la proportion indiquées précédemment.
A 4. —
Evitez, dans vos occupations quotidiennes, les trop grandes tensions des
muscles; donnez-leur au contraire autant de relâchement et d'aisance que
possible. Que votre attitude soit souple, que votre dé- ' marche soit bien
équilibrée, que tout dans votre personne respire la santé et la grâce. Les exercices
mentaux vous aideront considérablement dans cet exercice; ils vous en
faciliteront le succès; ils vous épargneront bien des efforts inutiles et bien
des expériences fatigantes. Du moment que votre esprit travaillera, vos
muscles et vos nerfs ne seront point tentés de se raidir.
Evitez les balancements de chaise inutiles qui font croire que l'on est attaché
au fonctionnement de quelque machine épuisante. Ne rongez pas vos ongles, ne
vous mordez pas les lèvres, ne roulez pas votre langue dans votre bouche
pendant que vous lisez, que vous étudiez ou que vous écrivez. Ne clignez point
de l'oeil. Ne vous laissez pas aller à ces tressaillements de corps qui sont si
fréquents chez les gens nerveux et qui
conduisent si vite à la fatigue et à l'épuisement, Astreignez-vous à supporter
les bruits soudains ou les chocs inattendus; ne sourcillez pas à une porte qui
se ferme, à un livre qui tombe, à un verre qui se brise, etc. En un mot, soyez
maître de vous-même au physique comme au moral.
B. — Les
exercices précédents n'ont point d'autre but que de vous mettre à même de
contrôler et de diriger vos mouvements musculaires involontaires et de les
placer sous le contrôle de vos facultés actives. Les exercices qui vont suivre
auront pour objet de vous mettre à même de placer vos mouvements musculaires
volontaires sous le contrôle direct de votre volonté.
B 1. —
Asseyez-vous en face d'une table, placez vos mains sur cette table, les poings
fermés et les doigts tournés en dehors: puis déployez lentement votre pouce en
surveillant le mouvement avec toute l'attention que vous apporteriez à un acte
de la plus grande importance. Cela fait, ouvrez lentement votre premier doigt,
puis votre second, puis votre troisième, puis votre quatrième, puis votre
cinquième et refaites à l'inverse la même série de mouvements. Commencez par la
main droite, continuez par la main gauche et alternez ces exercices jusqu'à ce
que vous ayez donné à vos mouvements une très grande rapidité et une parfaite
souplesse. De cinq minutes que doivent durer vos premières expériences, passez
à sept, huit, neuf, dix minutes progressivement.
Cet
exercice est extrêmement fatigant, mais vous ne devez
point l'abandonner sous prétexte de fatigue. La persévérance et l'esprit de
méthode sont ici, comme en toute chose d'ailleurs, absolument nécessaires. En
multipliant ces expériences, vous ne tarderez pas à vous apercevoir qu'elles
sont plus faciles et moins épuisantes. Il arrivera même un moment où vous pourrez
vous y livrer pendant des quarts d'heure sans éprouver la moindre fatigue. Ne
manquez pas de surveiller alternativement le déploiement et la contraction de
vos doigts. Tout l'intérêt de l'expérience est là.
B 2. —
L'exercice qui va suivre est un des plus familiers. On a pu l'observer un peu
partout. Il n'a d'ailleurs en général aucun objet précis. Il consiste à s'entrecroiser
les doigts et à tourner lentement les pouces. Pendant toute la durée de
l'exercice, l'attention du regard doit être concentrée sur ce mouvement.
B 3. —
Placez la main droite sur le genou, les doigts de la main fermés, à l'exception
du premier qui doit être allongé et tourné perpendiculairement au corps. Cela
fait, remuez le doigt de droite à gauche et de gauche à droite en surveillant
le mouvement avec toute l'attention dont vous êtes capable.
Ces
exercices doivent être multipliés jusqu'au plein succès. Il vous est permis
d'ailleurs de les varier à votre gré. Le seul objet dont vous avez à vous préoccupez
est de donner à vos doigts un mouvement alternatif et régulier et de
surveiller ce mouvement avec une attention tout à fait exceptionnelle, Il ne
sera pas aussi aisé que vous vous l'imaginez de maintenir toute votre
attention sur le mouvement de vos doigts. Elle cherchera sans cesse à se
distraire et à se disperser. Il vous faudra par conséquent la ramener incessamment
par un effort constant de votre volonté, vers son objet. Imaginez-vous, par
exemple, que vous êtes un maître d'école et que votre attention est un élève
distrait, difficile et rebelle et agissez en conséquence. Soyez vigilant, soyez
énergique, soyez impitoyable. Maintenez, sous votre discipline, l'élève rebelle
et ne lui tolérez
aucun écart. Si vous procédez ainsi, .vous ne tarderez pas à vous apercevoir
que vos muscles sont plus dociles, que le mouvement en est plus régulier et
que toute votre attitude dépend de votre volonté. Chacun de vos gestes, chacun
de vos actes se placera de lui-même sous le contrôle de votre volonté et l'on
admirera la grâce de votre allure et la souplesse de vos mouvements.
Les
exercices que nous allons expliquer, ont pour but de vous permettre de
concentrer toute votre attention sur quelque objet matériel en dehors de vous.
Prenez un crayon, par exemple, et donnez-vous tout entier à cet objet.
Considérez-le, retournez-le, pesez-le; demandez-vous quel en est l'usage, quel
en est l'objet, quelle en est l'utilité, quelle en est la matière première,
quel en est le mode de préparation, etc. etc. Ne vous laissez distraire par
rien. Absorbez-vous dans la concentration de ce pauvre crayon. Imaginez que
vous ne sauriez donner à votre vie un meilleur emploi ni un plus noble but que
l'étude de ce crayon. Imaginez-vous, même, que le monde tout entier se trouve
résumé dans ce crayon et que l'univers ne contient que lui et vous.
Attachez-vous à cette fiction, persistez-y, immobilisez-vous-y et votre
expérience réussira. Mais il ne faut point croire que son extrème simplicité
soit un gage de succès. Il vous sera, au contraire, d'autant plus malaisé de
la mener à bien qu'elle est plus élémentaire. On fixe difficilement toute sa
force intellectuelle à un objet misérable et la vôtre cherchera sans cesse à
briser les limites dans lesquelles vous l'aurez enserrée. Mais ayez de la
volonté, de l'énergie, de la persévérance et vous réussirez. Ce succès sera
pour vous une victoire infiniment plus appréciable que vous ne pensez, car
elle aura réduit à une obéissance passive votre esprit et vous pourrez, dans
les circonstances importantes où vous aurez à y faire appel, y compter d'une
façon absolue.
L'exercice
précédent doit être renouvelé chaque jour et il est bon que chaque fois il
présente une particularité nouvelle. Gardez-vous seulement de prendre comme but
de votre attention un objet intéressant par lui-même, car vous n'auriez pas en
ce cas un effort suffisant à faire et le résultat éducatif que vous.
recherchez ne serait point ou ne serait qu'incomplètement réalisé. Le seul
danger de cette expérience est que votre esprit, ramené successivement sur une
foule d'objets vulgaires, finira par n'en plus trouver aucun qui manque
d'intérêt et cette facilité à rencontrer l'intérêt partout vous dispensera de
cet effort de volonté qui est indispensable à l'éducation et à l'assouplissement
de l'esprit.
Les
exercices que nous venons de décrire sont absolument suffisants pour votre
propre éducation; il importe seulement que vous sachiez les varier et que vous
donniez ainsi à votre esprit une série d'objets autour desquels il pourra se
concentrer successivement. Il importe plus encore que ces exercices soient réguliers
et que votre entraînement soit quotidien. Vous ne serez jamais embarrassé pour
trouver autour de vous les objets qui vous seront nécessaires. Il vous suffira
de les choisir.
Les
exercices indiqués dans les leçons précédentes peuvent être pratiqués par vous
plus intelligemment maintenant que vous comprenez l'avantage dont la concentration
est susceptible. Vous pourrez « carry the thought » avec plus de facilité,
concentrer plus d'énergie dans vos suggestions et mettre plus de force dans
vos vibrations de pensée. Tout ira mieux; votre regard s'affinera davantage et
les exercices auxquels vous vous livrerez, en vue de la télépsychie, aboutiront
à un résultat infiniment plus efficace. C'est sans difficulté que vous
arriverez à vous débarrasser de vos mauvaises habitudes et à leur en substituer
d'excellentes. Vous serez maître de votre corps comme de votre esprit et
tontes vos facultés serviront vos desseins. Le pouvoir que vous aurez gagné
sur vous-même se manifestera tout aussi bien sur les autres. L'homme qui est
capable de disposer de, lui-même et d'en disposer d'une façon absolue est tout
aussi capable de disposer des antres. En fait, il se heurte aux mêmes
résistances, aux mêmes difficultés et il les réduit, il les résout par les
mêmes moyens. Nous ne saurions donc trop recommander à nos lecteurs l'exercice
par eux-mêmes de leur esprit et de leur volonté. S'ils parviennent à assouplir
l'un et à discipliner l'autre, leur puissance sera considérablement élargie.
Ils verront leur influence s'accroltre, leur action se développer et leurs
chances de succès se multiplier.
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