V. — POUR VAINCRE LE DESTIN
L'Idéal. — L'Art de réussir. —
Pour être heureux.
Le Destin (du verbe destiner) est,
selon les fatalistes, l'enchaînement nécessaire et inévitable des événements
qui se succèdent sans interruption.
D'après les anciens, le
Destin donne à chaque individu, au moment de sa naissance, la part de
bien ou de mal qui lui revient, sans changement possible. Ses conditions
étaient réglées d'avance par les grandes divinités. Celles-ci, presque
impuissantes à modifier sa marche et ses manifestations, le subissaient
aussi dans une certaine mesure : « Zeus lui-même était soumis au destin.
»
C'est la personnification de la
destinée qui, aujourd'hui encore, selon la croyance populaire, soumet non
seulement l'homme à la fatalité, mais la nature entière (fig. 25).
Le Destin, qui est impitoyable
pour la plante, l'animal et l'homme inférieur, n'existe presque plus pour
l'homme supérieur qui, en apprenant peu à peu à dominer et
à diriger les événements, a su conquérir l'empire de la nature.
Les premiers, sans cesse ballotés
par les circonstances les plus diverses et, même, les plus opposées,
incapables de prévoir et de résister, peuvent être et sont souvent
précipités fatalement, au gré de ce que l'on appelle improprement le hasard,
sur les récifs de la vie, où ils se brisent, comme un navire désemparé
sur les rochers où le jette la tempête. Mais dès que
l'homme a appris à prévoir quelques événements, il diminue, déjà,
les effets de la fatalité ; et lorsqu'il dirige sérieusement son Evolution, il
commence à prendre une place spéciale dans la nature. Au lieu
d'être le jouet, des événements, il les dirige dans une certaine mesure.
Dans tous les cas, méme sans s'en rendre compte, il attire naturellement
à lui les bonnes choses de la vie et repousse les mauvaises. Au lieu d'être
dominé par les forces brutales de la nature, c'est lui qui commence à
les dominer et à les soumettre.
Le Hasard n'existe pas ; c'est un
mot qui n'exprime que la somme de notre ignorance. Tout effet à une
cause ; et, même avec les connaissances bornées que nous possédons, on
peut, très souvent, établir celle-ci, car tout s'enchaîne ; le présent
est la conséquence naturelle du passé, comme l'avenir, préparé par le présent
est sous sa dépendance. Donc, ce n'est ni le Hasard ni le Destin qui nous
condamnent à des malheurs qui semblent inévitables, mais c'est bien
évidemment notre imperfection, notre imprévoyance, notre méchanceté et tout
l'ensemble des fautes et des mauvaises actions que nous avons commises
antérieurement.
Cet état de malchance où
l'adversité nous frappe à coups redoublés peut être atténué dans
un délai relativement court, par la mise en jeu de notre volonté ; et, avec le
temps, nous pouvons en détourner le cours presque complètement ; de
malheureux que nous sommes, nous pouvons ainsi devenir heureux.
C'est l'énergie jointe aux
qualités du caractère qui décident de notre destinée.
L'homme n'a pas été
jeté dans la vie sans armes, dit Atkinson. Il a reçu en don la volonté et, par
elle, il est le maître de sa destinée. Par elle, il peut la diriger dans tel ou
tel sens, la conduire vers tel ou tel but, lui donner telle ou telle
signification.
Quels que soient les milieux que
l'on considère et les hommes que l'on interroge, cette vérité apparaît
universelle.
En affaires, par exemple, ce sont
les qualités de l'esprit, les attributs du caractère, les tendances du
tempérament qui déterminent le succès. C'est l'énergie, c'est le
courage, c'est la confiance, c'est l'ambition, c'est l'obstination qui
conduisent l'homme à travers une alternative de succès et de
revers, au but final et lui permettent de résister aux circonstances et aux
événements. C'est par toutes ces qualités, qui sont éparses en lui et que la
volonté rapproche et coordonne, qu'il peut combattre le mal et en triompher (La
Force-pensée).
Pour éviter les conséquences de la
fatalité qui pèse réellement sur le plus grand nombre d'entre nous, il
est indispensable de développer le Magnétisme personnel, en nous soumettant
à une bonne hygiène physique et morale et à des exercices
appropriés, pour jouir d'une santé aussi parfaite que possible ; en faisant le
bien et en évitant le mal ; en étant sages, prévoyants et en sachant, par une
volonté active, diriger constamment le courant de nos pensées vers un Idéal
susceptible de nous conduire au but que nous voulons atteindre.
L'idéal est ce que l'on a dans
l'Idée, ou tout au moins ce qui tient là une place dominante.
Dans les Beaux-Arts, l'Idéal
constitue l'image mentale, le modèle intérieur que le peintre et le
statuaire se font d'un objet réel, d'après lequel ils dessinent ou
sculptent la représentation artificielle de cet objet, tels qu'ils le voient,
ou, tout au moins, tel qu'ils le comprennent. Le romancier et l'auteur
dramatique se créent un Idéal des personnages qu'ils veulent mettre en action, des
caractères qu'ils veulent leur donner et des paysages qu'ils imaginent
pour les encadrer. Selon Victor Cousin, l'Idéal, « c'est
l'échelle mystérieuse qui fait monter l'Ame du fini à l'infini ».
Pour établir son Idéal sur des
bases solides, il faut y penser sérieusement pendant longtemps. Méditer sur les
avantages et les inconvénients qu'il présente, pour ne l'accepter que si les
premiers l'emportent sur les seconds. D'ailleurs, nos dispositions et nos
goûts nous dirigent, presque toujours, vers l'Idéal qui nous convient et
que nous pouvons réaliser. Celui-ci étant définitivement accepté, il faut
établir un plan d'exécution aussi complet que possible et le suivre,
coûte que coûte, sans se laisser décourager par les obstacles que
l'on pourrait, rencontrer sur sa route, pour ne voir que le résultat final,
c'est-à-dire le but à atteindre.
Les inconvénients de chaque jour,
difficiles à prévoir, obligent, toutefois, d'apporter certaines
modifications à ce plan, tout au moins dans ses petits détails.
Rien n'est plus désastreux que de
s'engager dans une voie et de la quitter pour en suivre une autre,
c'est-à-dire d'abandonner son plan, car on perd un temps considérable et
une somme formidable de travail qui conduisent, presque fatalement, à
l'insuccès. En voici la raison :
Un architecte, chargé de
construire un édifice pour un usage déterminé, établit, d'abord, dans son
intellect, un plan très détaillé ; puis, par le dessin, il reproduit ce
plan sur plusieurs feuilles de papier. Ces deux plans, intellectuel et physique,
sont en même temps, sans qu'il s'en doute, édifiés en un seul dans
l'invisible par ses pensées. Ce dernier est plus qu'un plan, c'est un véritable
édifice construit avec de la matière astrale qui est aussi réelle que la
pierre, le sable et la chaux qu'il emploiera, bientôt, pour exécuter son plan
physique.
Ainsi, le monument astral est
édifié avant le monument physique. Le premier est plus que le modèle du
second ; c'est son « double », existant par lui-même, animé, vivant et
exerçant une action directe sur la construction de celui-ci. L'édifice astral,
visible pour les hauts sensitifs, est devenu l'Ame de l'édifice physique.
Or, si le plan d'exécution est
modifié dans ses grandes lignes, l'édifice astral, en grande partie renversé,
ne sera reconstruit qu'avec de longs et pénibles efforts, car son Ame, créée
par la Pensée constructive de l'architecte établissant son premier plan, agit
sur lui sous forme de puissantes incitations, qui, contrarient, pendant
longtemps, l'établissement du second plan. C'est même pour cela que,
parfois, ne parvenant pas à l'achever, il revient au premier qui,
finalement, lui paraît préférable. Tous les psychistes sont parfaitement
d'accord sur ce point.
En effet, on dit constamment que
l' « on revient toujours à sa première idée » ; et cela est
presque toujours vrai. En voici la raison : l'idée, bonne ou mauvaise, que nous
avons eue a été fixée dans notre intellect par nos pensées. Cette idée, simple
d'abord, en a attiré d'autres semblables ; et, ainsi fortifiée, comme une véritable
suggestion étrangère, elle ne cesse pas un seul instant. d'agir sur
nous.
Il n'y a pas deux individus qui
puissent avoir le même Idéal, car si le but visé est à peu
près le même pour tous, il présente des aspects différents pour
chacun. Ce but peut être représenté par une montagne éloignée, couronnée
de plusieurs sommets dont l'un constitue le véritable but de l'un d'entre nous,
tandis qu'un autre le sera pour un second ou un troisième. Ensuite, la
réalisation n'est pas la même pour tous, car ils ne suivront pas la
même voie pour arriver au même sommet.
Dans l'acception propre du mot, il
n'y a pas de modèle à donner à chacun pour l'établissement
de son Idéal, mais, seulement, des indications générales pour tous. C'est ce
que je vais faire le plus simplement possible.
Un idéal doit
être le but de la vie entière. Je dirai même qu'il doit
s'étendre à la vie astrale où l'on digère ce que l'on a
acquis en celle-ci, et à la vie mentale où l'Ame assimile le
produit de cette digestion pour le transformer en facultés avec lesquelles nous
renaîtrons dans une prochaine existence terrestre. J'irai plus loin encore en
affirmant que l'Idéal doit s'étendre jusqu'à la prochaine incarnation
pour laquelle nous devons affiner les divers matériaux qui serviront à
la construction de nos différents corps, car non seulement on doit semer pour
récolter, mais il faut, faire beaucoup de semailles et beaucoup de récoltes
pour parvenir au but final.
Il est, donc, indispensable
d'avoir beaucoup de Prévoyance, de Patience, de Persévérance, d'Opiniâtreté,
même pour vaincre les difficultés de la route que l'on choisit et,
marcher droit au but avec la Confiance la plus absolue.
Pour cela, ne mettre aucune
précipitation dans ce que l'on fait, réfléchir des jours, des semaines et
même des mois avant de modifier les lignes secondaires de son plan. Au
début de ma carrière magnétique, ma nature intrépide me poussait
à prendre des résolutions rapides. Il en est résulté de graves
inconvénients dont, le plus terrible fut une faillite dont je dus me
réhabiliter à grands frais. Cet accident fut peut-être un
bienfait, car il m'obligea à réfléchir plus longuement ; et, depuis,
sans cesser un seul instant de marcher résolument vers mon but, j'ai réussi au
delà de tous mes désirs.
Ceux qui savent penser doivent,
avant tout, se faire un Idéal élevé, tendant à orienter leurs
Aspirations vers la Perfection ; puis, un Idéal secondaire dirigé vers le
professorat, les sciences, la médecine, les arts, ou n'importe quelle
profession libérale. Ils obtiendront tout ce que leur raison peut désirer, car
leur individualité magnétique étant très développée, ils attirent
à eux les bonnes choses de la vie et repoussent naturellement les
mauvaises, sans rien faire de spécial pour cela.
Avec le premier Idéal à un
degré moins élevé mais visant néanmoins la conquête de certaines grandes
facultés de l'Ame, d'autres, moins développées, pourront choisir le commerce et
l'industrie, on ils réussiront fort bien, surtout si, ne mettant pas leur
intérêt, matériel au premier plan, ils cherchent à faire mieux que
leurs concurrents sous tous les rapports.
Enfin, les employés et même
les ouvriers intelligents doivent viser à une situation de chef de
bureau ou d'atelier, de contremaître, de chef de division ou de directeur, en
cherchant, sans cesse, à acquérir les aptitudes indispensables pour
diriger raisonnablement leurs inférieurs.
En somme, à tous les degrés
de l'échelle sociale. il est indispensable de chercher à s'élever
au-dessus de sa situation actuelle en ne pensant qu'à ce que l'on veut
devenir.
Ainsi, quoique cela ne soit pas
enviable, celui qui veut devenir riche ne doit penser qu'à la richesse,
et mettre l'idée de réussite dans toutes ses pensées et dans toutes ses
actions.
Celui qui veut un jour commander
une armée doit s'inspirer des grands hommes de guerre, surtout de César et de
Napoléon. Il doit méditer longuement sur leur caractère et leurs
qualités, étudier à fond tous leurs ouvrages, non seulement pour les
comprendre parfaitement, mais, aussi, pour lire leur pensée entre les lignes.
Celui qui veut devenir un artiste
doit s'inspirer des œuvres de Phidias, de Raphaël, de Michel-Ange, de
Rembrandt et des grands peintres et. sculpteurs de tous les temps. Ceux-ci ont
développé un Idéal avant d'être capables de le réaliser ; tous se sont
exercés à cela pendant de longues années ; enfin, par un travail patient
et persévérant, ils sont parvenus au but qu'ils voulaient atteindre.
Le développement de
l'individualité qui nous conduit peu à peu vers la perfection n'a pas de
limites, car l'éternité s'étend devant nous. Quel que soit le degré de notre
développement, quelles que soient les hauteurs où nous nous trouvions,
il y a encore et il y aura toujours des sommets plus élevés que nous devons
atteindre plus tard. Travaillons, donc, sans cesse, à notre
développement, avec la certitude absolue que le plus petit de nos efforts ne
sera jamais perdu, et que nous en profiterons dans un avenir plus ou moins
éloigné.
Mais beaucoup de personnes
malheureuses diront, certainement, que le malheur est trop grand et qu'il dure
depuis trop longtemps pour qu'elles puissent le surmonter ; par conséquent,
qu'il est inutile de chercher à en sortir. Ce raisonnement est faux. Il
paraît, pourtant, évident que si une personne a été très malheureuse
pendant soixante ans, par exemple, elle reste presque impuissante, malgré ses
efforts, pour améliorer sérieusement les jours qui lui restent à vivre,
car ce qu'on appelle improprement le Destin, pèse trop lourdement sur
elle. Malgré cela, ses efforts ne seront pas perdus, car rien, ne se perd ; si
elle en profite peu pendant le reste de sa vie actuelle, elle en bénéficiera
largement plus tard.
Pour bien comprendre cette vérité,
il faut admettre que la mort n'est qu'un changement d'état sans être la
fin de la vie ; et faire entrer dans son credo la pluralité des existences
terrestres. On comprend que nos existences antérieures ont préparé l’existence
actuelle, comme celle-ci prépare celles qui viendront plus tard. Nous ne sommes
ni récompensés, ni punis de nos bonnes et de nos mauvaises actions comme
l'enseigne le christianisme, mais celles-ci sont les causes directes et
inévitable de notre bonheur ou de notre malheur ; en un mot, ce sont elles qui
font notre Destinée. Comme cette dernière nous appartient en propre,
c'est à nous de la diriger, selon nos aptitudes, vers le but que nous
désirons atteindre. Nous sommes comme le laboureur qui cultive son champ pour
l'ensemencer et faire ensuite sa récolte. Mieux le champ est cultivé, mieux la
semence est choisie, plus la récolte est abondante. Sachons, donc, cultiver le
champ de notre destinée. Semons de bonnes pensées. Faisons de bonnes actions.
Nous récolterons en abondance la Réussite et le Bonheur.
Nous en récolterons presque
immédiatement une partie dans cette vie et nous récolterons plus tard le reste
dans une autre. C'est cette loi de la Nature qui permet de comprendre pourquoi
les uns naissent dans l'aisance avec tous les attributs d'une bonne « destinée
», tandis que d'autres, déjà marqués au front par un « destin fatal »,
naissent dans le bourbier de la misère dont ils ne pourront sortir
qu'avec de longs et pénibles efforts, car, selon l'expression des sages de
l'Inde, ils épuisent leur mauvais Karma.
Hâtons-nous, donc, d'abandonner
les pensées de malveillance, de haine, de tristesse, de découragement et de
maladie, pour les remplacer par celles de Bienveillance, d'Amour, de Gaîté, de
Courage, d'Espérance et de Santé, car, nous le savons déjà, les
premières, qui sont négatives et destructives, conduisent fatalement au
malheur, tandis que les secondes, positives, constructives, assurent la
Réussite et le Bonheur.
Depuis l'antiquité la plus
reculée, les philosophes admettent à juste raison que l'homme est ce
qu'il pense, car il devient peu à peu ce qu'il veut être. C'est en
faisant allusion à cette vérité que l'Evangile nous dit « qu'il faut
bâtir soi-même sa maison dans les cieux », c'est-à-dire chercher
à se faire, dès maintenant, ce que l'on veut devenir. Les cieux
ne sont pas dans une partie quelconque de l'espace ; ils sont ici et partout
où l'on sait assurer son Bonheur.
Pour se faire une heureuse «
destinée », les moyens que j'ai indiqués précédemment, ajoutés à ceux
qui vont suivre, suffisent amplement à tous ceux qui veulent
sérieusement en prendre la direction. Ils ne tarderont pas à constater
que leurs forces physiques et morales, ainsi que leurs aptitudes se
développent, que leur jugement devient plus sain, que la considération que l'on
avait pour eux grandit, que leur intuition les dirige vers des voies plus
fécondes ; et ils verront bientôt, avec satisfaction, que les bonnes choses de
la vie commencent naturellement à venir à eux.
Quoique la Réussite et le Bonheur
soient inséparables de la « Destinée », je vais traiter plus amplement de ces
deux aspirations.
l'art de
réussir. —
Depuis qu'on s'intéresse au Magnétisme personnel, un grand nombre d'auteurs,
très diversement recommandables, ont développé ce sujet sous ses formes
les plus variées.
Ce que je vais dire à ce
sujet s'adresse à toutes les classes de la Société : au riche cherchant
un Idéal pour occuper ses loisirs, aux gens aisés qui désirent une profession
libérale, comme aux gens du peuple qui sont forcés d'embrasser une
carrière quelconque, de se livrer à des travaux d'intelligence ou
à des travaux manuels, de faire des entreprises desquelles ils
attendent, sinon la fortune, tout au moins une large aisance qui leur permettra
d'élever leur famille dans de bonnes conditions. Je ne traiterai pas ici des
moyens de satisfaire toutes les aspirations ; mais, à titre d'exemple ou
de modèle qui servira pour chacune d'elles, en y apportant quelques
modifications insignifiantes, je vais traiter plus en détail de la Réussite
dans les affaires en général, et des moyens qui me paraissent les plus certains
et les plus faciles à mettre en pratique, surtout pour ceux qui sont
déjà familiers avec les règles du Magnétisme personnel.
« La Fortune sourit aux audacieux
», disaient les anciens ; Garfield a dit depuis : « on n'attend pas
après la Fortune, on marche à elle. »
L'audace, qui est le résultat
d'une volonté brutale et irréfléchie, loin de conduire toujours à la
réussite, est souvent, au contraire, susceptible de mener à la ruine
l'audacieux qui ne possède pas d'autres qualités à un degré plus
ou moins élevé. C'est, tout au plus, si elle est recommandable pendant quelques
courts instants, pour enlever une affaire.
Une volonté réfléchie,
persistante, est toujours nécessaire pour assurer la Réussite dans la
profession que l'on choisit, comme en général dans toutes les affaires commerciales,
industrielles ou autres que l'on entreprend.
Pour que le jeune homme puisse
réussir dans la profession qu'il choisit, il est indispensable qu'il ait bien
étudié ses aptitudes et qu'il se soit demandé, pendant un certain temps, si
cette profession lui convient réellement. Pour cela, il lui faut consulter ses
goûts, ses tendances, ses forces, ses aptitudes et même ses
défauts, car nous avons tous des dispositions spéciales qui nous permettent
d'arriver, plus ou moins vite et plus ou moins bien, à une situation
enviable, tandis que, malgré notre bonne volonté, nous ne ferions que de
végéter dans une autre. C'est ainsi qu'un mauvais médecin, qui ne sait ni
guérir ses malades, ni retenir sa clientèle, aurait pu faire fortune
dans le commerce ou dans l'industrie ; un avocat qui ne réussit pas au barreau
aurait pu faire un excellent médecin, un ingénieur fort ingénieux ou un
architecte modèle.
Afin que chacun puisse trouver la
bonne place qu'il doit occuper, il faut rompre avec les traditions de famille
qui veulent que le fils embrasse la carrière du père, surtout
lorsque celle-ci a amené la fortune ou, seulement, le bien-être et
l'aisance à la maison. En raison du milieu où il a été élevé, le
fils peut avoir les mêmes aptitudes que le père, et faire fortune
à son tour ; mais il peut aussi avoir des aptitudes diamétralement
opposées et n'être capable, dans la voie suivie par le père, que
de dissiper maladroitement son héritage. On observe ces faits partout, dans
toutes les classes de la société, et ils parlent assez d'eux-mêmes pour
que je me dispense d'en citer des exemples détaillés.
Avant d'embrasser une
carrière quelconque : libérale, artistique, littéraire, administrative,
commerciale, industrielle ou autre, il faut, d'abord, songer à se mettre
à la hauteur de sa tâche, en connaissant celle-ci jusque dans ses
moindres détails, car il est évident que si on ignore quelques-uns de ceux-ci,
on est, souvent, exposé à se tromper ou à se laisser tromper. Il
faut, en même temps, orienter le courant de ses pensées vers le but que
l'on veut atteindre. Dès que la voie à suivre est choisie, et que
ce but est visé, il est indispensable de ne plus penser qu'à cela, ou
tout au moins de ne penser à aucune autre fondation importante. On ne
doit regarder ni à droite ni à gauche, et, surtout, ne pas se
retourner en arrière, si ce n'est pour constater le chemin que l'on a
déjà parcouru.
Pour cela, une condition est
absolument nécessaire, c'est de vouloir. Mais il ne suffit pas de dire du bout
des lèvres : « je veux ». Il faut que la volonté parte des replis les
plus profonds de la conscience et qu'elle prenne naissance dans un vif désir du
succès ; qu'elle soit calme, constante, uniforme, et que, sans orgueil,
mais avec une noble fierté, l'on ait la plus grande confiance en sa valeur
personnelle, en l'efficacité des moyens que l'on emploie ou que l'on se propose
d'employer, et que l'on ait la certitude, la plus absolue, de la Réussite.
Avec tout cela, il faut encore du
Courage, du Bon sens, une certaine Ambition, ne serait-ce que pour satisfaire
son amour-propre, de la Constance, de la Persévérance, de la Ténacité, de
l'Obstination même. C'est par l'ensemble de ces qualités que le jugement
et la volonté coordonnent et rassemblent en un faisceau, comme une lentille convexe
rassemble à son foyer les rayons lumineux et magnétiques qui la
traversent parallèlement à son axe, que nous devenons capables
non seulement de nous diriger, mais de vaincre tous les obstacles pouvant se
dresser sur notre chemin, sans jamais nous empêcher de viser le but que
nous voulons atteindre.
Il est bien évident pour tous
qu'au début de la vie commerciale, industrielle ou autre, ce sont les employés
les plus courageux, ceux qui ont le plus de persévérance et qui travaillent le
mieux, qui sont les plus recherchés, les mieux payés et les plus susceptibles
d'avancement rapide. L'ambition, lorsqu'elle ne dépasse pas l'ensemble des
autres qualités, est, ici, une qualité de premier ordre qui est toujours
essentiellement utile. Ainsi, le petit employé qui débute à treize ou
quatorze ans dans une maison quelconque doit chercher à faire plus et
mieux que ses égaux, afin d'être remarqué et désigné le premier pour un
emploi plus élevé et mieux rétribué. Il doit avoir l'ambition de devenir un employé
modèle parmi ceux qui sont plus anciens que lui. Son désir ne doit pas
se limiter là ; il doit viser à devenir chef de rayon, de service
ou de bureau. Toujours par son travail et son mérite, il doit viser plus haut
encore, et chercher à devenir l'auxiliaire le plus indispensable du
patron ou du directeur, et, même, à remplacer celui-ci lorsque
l'occasion se présentera. C'est avec ces dispositions ambitieuses et d'autres
qui viennent les favoriser, qu'un petit employé peut devenir l'associé et,
même, le directeur d'une grande entreprise où l'on fait fortune,
et qu'un individu ayant la basse des affaires établit, avec quelques centaines
de francs, un commerce minuscule qui grandit rapidement et finit par constituer
une maison colossale. Sans parler des milliardaires américains qui sont devenus
« les rois » de tel commerce ou de telle industrie, à Paris, Potin avec
son épicerie, Ruel avec le Bazar de l'Hôtel de Ville, Chauchard et Boucicaut
avec les Grands Magasins du Louvre et du Bon Marché, en sont des exemples
frappants.
Pour parvenir à de tels
résultats, une instruction supérieure n'est pas nécessaire, mais ce qui est
indispensable, c'est une instruction spéciale, extrêmement solide, se
rapportant directement et presque exclusivement à la connaissance des
articles que l'on veut exploiter. Cette instruction, que l'on acquiert parfois
très rapidement comme employé dans d'autres maisons, doit être
secondée par le bon sens, par une volonté puissante et d'autres qualités
déjà citées.
Avant d'entreprendre une affaire
importante, il faut y penser souvent, concentrer ses pensées sur l'objet
principal et le méditer pour fixer dans son intellect tous les éléments utiles
qui s'y rapportent, et rejeter les mauvais. Dans tous les cas, avec des
alternatives de repos et d'activité bien calculées, il est indispensable de ne
pas la perdre de vue, ne serait-ce qu'une seule journée. Gœthe prépare sa
conception de Faust pendant trente ans ; et c'est en y pensant toujours que
Newton vérifie sa découverte de la gravitation universelle.
Lorsqu'après mûre
réflexion, un projet d'entreprise est établi, on doit faire un plan d'exécution
aussi complet que possible sans être trop compliqué, et l'avoir
très fréquemment devant les yeux de l'imagination dans tous ses moindres
détails. Nous savons que la Pensée est un acte qui commence. C'est un embryon
qui cherche à se développer. En y pensant souvent, cet acte embryonnaire
devient un acte réel ; en répétant cet acte, il devient une habitude ; et si
cette habitude est maintenue, elle ne tarde pas à faire partie intégrante
de nous-mêmes. S'exécutant presque toujours d'une façon automatique, elle
exerce une influence considérable sur notre destinée, et décide, souvent, de
notre avenir. C'est la Réussite avec le Bonheur, ou la malchance avec le
malheur qui nous poursuit jusqu'au delà du trépas.
Il est, donc, de toute nécessité,
lorsqu'on a arrêté définitivement un projet et fait le plan de celui-ci,
de ne pas l'abandonner pour penser à une autre affaire du même
genre ou à une nouvelle entreprise.
Tout en pensant, souvent, à
ce plan, comme je l'ai déjà dit, il ne faut pas toujours y penser, car
on finirait par se fatiguer, et comme le corps n'est que l'instrument de
l'esprit, celui-ci ne pourrait plus employer l'autre utilement. Donc, s'il est
indispensable de travailler pour réussir, il est non moins indispensable de se
reposer. Quelques heures de promenade à bicyclette ou autrement,
où l'on ne pense qu'à se reposer ou à s'amuser, ne sont
jamais perdues pour le travail. Nous savons que l'élaboration des pensées se
continue dans des conditions bien meilleures, sous la direction de
l'inconscient, pendant que l'intelligence est occupée à autre chose,
pendant que nous ne pensons à rien, et, surtout, pendant que nous
dormons.
Il y a, donc, un très grand
avantage, le soir, au lit, de méditer sérieusement pendant vingt à
trente minutes, sur le plan de son projet, et à s'endormir en ne pensant
à rien, conformément aux principes exposés dans le chapitre traitant de
l'ISOLEMENT.
Pour; obtenir le plus grand
succès possible dans une affaire quelconque, dit Mulford, pour faire de
très grands progrès dans un art, pour favoriser une cause, il est
absolument nécessaire, chaque jour, à de certains intervalles de temps,
d'oublier totalement tout ce qui se rapporte à cette affaire, à
cet art ou à cette cause, afin de reposer l'esprit et d'amasser des
forces fraîches pour un nouvel effort.
Ressasser constamment le
même projet, la même étude, la même spéculation qu'on doit
faire ou ne pas faire, c'est gaspiller cette force sur la roue du moulin qui
tourne dans le vide. Nous nous répétons ainsi toujours la même chose.
Nous édifions pour la centième fois avec cet invisible élément pensée
toujours la même maison, et la deuxième est, déjà,
l'inutile répétition de la première.
Celui qui est enclin à
penser continuellement au même sujet, à en parler toujours,
à ne jamais le perdre de vue ; qui ne peut, à cause de cela,
suivre le ton général d'une conversation ni prendre intérêt à ce
qui se dit autour de lui, et qui ne peut causer que de cela ou bien alors se
taire, celui-là est en grand danger de devenir un monomane.
Dans la journée, à
plusieurs reprises, on peut trouver un repos d'une grande valeur dans
l'isolement répété une ou deux fois chaque jour, pendant huit à dix
minutes. Atkinson trouve ce moyen de repos dans la concentration en pensant
à un sujet plus ou moins différent.
L'homme est, par essence, un
être limité, dit-il. Le repos lui est nécessaire. La méthode de
concentration le lui assure et, par là, elle peut ajouter aux bienfaits
que nous avons indiqués. Si vous êtes physiquement épuisé par un long
effort ou par un labeur excessif, il vous suffira de vous asseoir sur une
chaise ou dans un bon fauteuil et de vous détendre. Vous en recueillerez un
bénéfice immédiat. Vos muscles se détendront, vos nerfs s'apaiseront et tout
votre être sera comme noyé de langueur. Mais, en même temps, votre
pensée, en se ramassant sur un des objets que vous avez en vue, sur un des
desseins que vous poursuivez, vous facilitera la tâche du lendemain et en
assurera le succès. Vous serez moins exposé aux accidents, aux aventures
et aux abîmes où l'homme peut si facilement rouler, et votre marche se
poursuivra sans encombre. C'est, ainsi, que vous aurez, à la fois,
travaillé à votre repos et à votre intérêt, puisque, sans
fatigues nouvelles, vous aurez préparé les efforts ultérieurs et les étapes
successives qu'il vous reste à accomplir. Comme l'homme se récrée d'une
occupation par une autre, vous serez récréé d'une pensée par une autre. Chaque
pensée, en effet, qui agit affecte une cellule du cerveau. Si l'action qu'elle
exerce sur celle-ci se prolonge, la cellulle ne tarde pas à connaître
non seulement la fatigue, mais l'épuisement. Il importe donc que les pensées se
succèdent pour que les cellules cérébrales alternent dans leur
fonctionnement. Il se peut que l'une des cellulles que vous avez affectées ait
une tendance à poursuivre son travail, mais si vous êtes capable
de vous concentrer, vous n'aurez aucune peine à la retenir, à
l'immobiliser, et, au bout de quelque temps, il y aura pour elle
complète détente, c'est-à-dire repos complet. C'est exactement ce
qui se passe lorsqu'après une longue journée d'efforts ou de soucis,
vous prenez, pour vous distraire, un roman intéressant. La lecture de ce roman
ne va évidemment pas sans fatigue, mais cette fatigue affecte non pas les
cellules cérébrales que vous voulez relever, mais celles auxquelles vous n'avez
rien demandé. De sorte que celles-là se reposent et se détendent pendant
que celles-ci se fatiguent. Et le résultat final est une sorte d'équilibre, une
sorte d'harmonie physique qui crée le bien-être et le repos (p. 93).
Une des conditions les plus
indispensables pour agir dans la plénitude de sa force, c'est d'être
calme, car l'agitation irraisonnée porte à faire beaucoup d'actes
auxquels on n'aurait jamais dû songer.
Les puissants, dit l'auteur
précédent, sont ceux qui ne se départissent jamais de leur sang-froid, que rien
n'émeut que rien n'irrite et qui montrent, en toute circonstance, une
physionomie souriante et un front serein (p. 54).
A ce sujet, en dissertant sur les
avantages de la méditation, Payot, recteur de l'Université de Chambéry, nous
dit ce qui suit :
L'agité a besoin d'agir ; son
activité se traduit par l'action fréquente, incohérente, au jour le jour. Mais
comme tous les succès de la vie ne s'obtiennent que par la continuité
des efforts dans une même direction, cette agitation bourdonnante fait
beaucoup de bruit, mais peu de besogne, surtout de bonne besogne, peu ou point.
L'activité orientée sûre d'elle-même, implique la méditation
approfondie. Et tous les grands actifs comme Henri IV et Napoléon ont, avant
d'agir, longuement réfléchi, soit par eux-mêmes, soit par leurs
ministres. Qui ne médite pas, qui n'a pas toujours présent à la mémoire
le but général à poursuivre, qui ne cherche assidûment les
meilleurs moyens pour atteindre les fins partielles, devient nécessairement le
jouet des circonstances ; l'imprévu le trouble et l'oblige, à chaque
instant, à donner des coups de barre qui finissent par lui faire perdre
la direction générale à suivre. Toutefois, nous le verrons, l'action
doit, toujours, suivre la réflexion méditative : toute seule, celle-ci ne
suffit point, quoiqu'elle soit la condition nécessaire de toute vie féconde
(Education de la volonté, 1905, p. 109).
Le même auteur compare, avec
juste raison, le calme nécessaire à la réussite, avec la condition la
plus indispensable à la cristallisation.
En chimie, dit-il, si dans une
solution contenant plusieurs corps en saturation, on plonge un cristal, des
profondeurs de la solution, les molécules de même nature que le cristal,
mues par une attraction mystérieuse, viennent se grouper, lentement autour de
lui. Le cristal s'accroît peu à peu, et si le calme a duré des mois, on
obtient ces admirables cristaux, qui, par leur volume et leur beauté, font la
joie et l'orgueil d'un laboratoire. Trouble-t-on à chaque instant le
travail en agitant le liquide ? Le dépôt se fait irrégulièrement, le
cristal est mal venu et demeure très petit. II en va de même en
psychologie. Maintient-on au premier plan de la conscience un état
psychologique quel qu'il soit, insensiblement, par une affinité nom moins
mystérieuse que l'autre, les états intellectuels et les états affectifs de
même nature viennent se grouper autour de lui. Si cet état est maintenu
pendant longtemps, il peut organiser autour de lui une masse considérable de
puissances, acquérir d'une façon décisive, une souveraineté presque absolue sur
la conscience, et faire taire tout ce qui n'est pas lui. Si cette « cristallisation
» s'est opérée lentement, sans à-coups, sans interruption, elle prend un
caractère de solidité remarquable. Le groupe ainsi organisé a quelque
chose de puissant, de calme, de définitif. Et notez qu'il n'est peut-être
pas une idée qui ne puisse, si nous voulons, se créer en nous en un « clan »
très considérable. Les idées religieuses, le sentiment maternel, et
même les sentiments misérables, honteux, comme l'amour de l'argent pour
l'argent, peuvent monter en nous à la toute puissance (Education de la
volonté, p. 94).
Dans son Cours de Magnétisme
personnel, Turnbull est, encore, plus affirmatif :
L'homme, dont la force volonté,
dit-il, est la plus efficace n'est point celui qui serre les dents, roule ses
yeux, prend un air menaçant, endurcit ses muscles et se met brutalement
à l'oeuvre. II peut réussir, mais il gaspille son énergie et ne peut
lutter avec l'homme calme, tranquille et confiant en lui-même. Celui-ci
se met résolument à l'oeuvre. Il accueille l'insuccès avec un
sourire et recommence avec patience parce qu'il a foi dans sa propre puissance
pour réussir. Il ne transforme pas cette force en combat comme l'autre individu
le fait ; il n'y voit simplement qu'une manifestation d'activité intelligente,
dont le résultat ne peut être que le succès.
En visant, toujours, le but qu'il
veut atteindre, le commerçant, l'industriel, comme tous ceux qui
possèdent i'ïnfluence personnelle ou qui travaillent à
l'acquérir, doit toujours être de la plus scrupuleuse honnêteté et
faire tout son possible pour ne jamais nuire à autrui. Atkinson insiste,
en ces termes, sur ce point :
Nous y insistons d'autant plus que
nous avons en vue l'intérêt de l'opérateur, aussi bien que
l'intérêt de son sujet. Il n'est pas douteux, en effet, que si
l'opérateur réservait ses moyens d'influence à des fins condamnables, il
compromettrait infailliblement, non seulement son autorité et son prestige,
mais la source même de sa puissance. Il pourrait réussir provisoirement
mais son échec final serait inévitable. Nous pourrions le démontrer
rationnellement, si cette démonstration me nous paraissait pas inutile. Nos
lecteurs n'ont, certainement pas besoin qu'on leur prouve qu'une puissance qui
a été donnée à l'homme pour des fins supérieures, ne peut pas être
mise au service de bas intérêts ou de villes passions. Mais il n'est pas
défendu de la faire servir à des intérêts légitimes et à
des desseins honorables.
L'opérateur peut fort bien, par
exemple, l'affecter à un but commercial. S'il traite avec quelqu'un et
si ce quelqu'un n'entre pas dans ses intérêts et dans ses vues, il lui
sera parfaitement permis d'user de sa puissance magnétique pour réduire
l'hostilité qu'il rencontre ou avoir raison de la résistance qu'on lui oppose.
Toutefois, dans ce cas encore, l'opérateur ne doit jamais poursuivre qu'un but
honorable. La probité est un devoir, surtout en affaires, et le vol n'a jamais
d'excuses. Si, donc, la puissance magnétique était affectée à quelque
dessein malhonnête, l'opérateur serait parfaitement répréhensible et il aurait
à souffrir quelque jour du mal qu'il aurait commis en proportion
même de ce mal. C'est cette pensée que traduit, sous une autre forme, le
vieux diction : On ne récolte que ce que l'on a semé. Du reste, nous parlons,
ici, hors de propos, car l'expérience a démontré que ceux qui ont acquis, dans
toute son étendue et dans sa pleine efficacité, la puissance de la volonté, ne
sont jamais tentés d'en faire un mauvais usage. Instinctivement, ils la
destinent à des fins élevées et à un but moral (La Force-pensée}.
Mulford en explique parfaitement
la raison dans un chapitre intitulé la Loi du Succès :
Lorsqu'on est dans un état
d'esprit confiant, décidé, calme, et qu'on a en vue un projet déterminé basé
sur le droit et la justice, on met en mouvement un silencieux courant extrêmement
puissant qui attire les personnes dont la coopération est nécessaire. Si votre
projet n'est pas basé sur le droit et la justice, vous mettrez encore en
mouvement cette même force silencieuse, mais qui, cette fois,
n'amènera pas de résultats bénéfiques.
Il est impossible d'obtenir de
succès durable par fourberie et par ruse : car on attire à soi,
en vertu de la même loi, les fourberies et la malhonnêteté des
autres. On œuvre, alors, avec les malhonnêtes gens, car ceux-ci, en
vertu d'une loi naturelle, s'assemblent toujours. Mais, tôt ou tard, ils se
nuiront mutuellement d'une manière quelconque.
L'argent est indispensable
à la satisfaction de nos besoins matériels. Quoiqu'il soit méprisable
par lui-même, il faut, donc, l'aimer dans une certaine mesure, mais ne
jamais le mettre au premier plan de son idéal, car il ne fait presque jamais le
bonheur. On doit, avant tout, viser un but humanitaire. Pour vendre beaucoup,
le commerçant doit vendre meilleur et moins cher que ses concurrents ;
l'industriel doit, toujours, livrer des produits de qualité supérieure, en
ayant, l'un et l'autre la certitude absolue que s'ils réussissent, comme
l'affirme le proverbe, « l'argent leur viendra par surcroît ».
Il est une qualité
nécessaire dont je n'ai pas encore parlé d'une façon suffisante : c'est l'Espérance.
Kant l'appelait la bienfaitrice de la vie. Si l'espérance est aussi salutaire,
c'est parce qu'elle est la plus douce des passions expansives et en même
temps, la plus constante, car elle n'abandonne jamais celui qui souffre. Elle
reste au fond de la boîte qu'Epiméthée eut l'imprudence d'ouvrir. Elle berce
l'homme, même sur ses vieux jours, et l'accompagne jusqu'au terme de la
vie. Aussi l'a-t-on appelée à juste titre « la nourrice de la vieillesse
».
C'est cette noble qualité qui fît
dire à l'auteur de la Henriade :
Du Dieu qui nous créa, la clémence
infinie,
Pour adoucir les maux de cette
courte vie,
A placé parmi nous deux
êtres bienfaisants,
De la terre à jamais
aimables habitants.
Soutiens dans les travaux, trésors
dans l'indulgence :
L'un est le doux sommeil, et,
l'autre l’espérance !
Pour terminer cette étude relative
à l' « Art de réussir », je fais encore appel à l'autorité
d'Atkinson pour exposer les effets désastreux de la crainte et de la haine.
La crainte détruit
l'énergie, la haine « déshumanise » l'homme. L'une l'épuisé, l'autre le perd.
Par la première, il tombe, de degré en degré, dans l'abattement, le
désespoir, l'impuissance. Par la seconde, il se dépouille de son humanité ; il
se rabaisse au niveau des bêtes ; il étouffe en lui tout germe moral ; il
détruit de ses propres mains les dons que Dieu lui a donnés (La Force-pensée).
La crainte paralyse l'initiative,
amollit le caractère, endort l'énergie, dégrade tout l'individu. Des
milliers de gens voient leur carrière brisée par elle. Ils avaient tout
pour réussir : l'intelligence, l'ambition, la santé, mais une double force leur
a manqué : le courage de vouloir et la force d'agir.
S'affranchir de la crainte est, donc, pour l'homme qui veut réussir, une
nécessité impérieuse. C'est par cette libération qu'il se préparera à
tous les devoirs qui lui incombent, à toutes les responsabilités qui
pèsent sur lui. Libre de déployer toutes ses ressources d'intelligence,
d'énergie et de vigueur, il se trouvera, en toute circonstance, à la
hauteur de sa tâche. II ne craindra pas d'agir, il ne s'effraiera pas
d'avancer. Il se souviendra que la vie n'est, en somme, qu'une longue ascension
vers un but un peu vague et que l'homme qui demeure en chemin ne remplit ni sa
tâche ni son devoir.
Mais ce n'est pas, seulement,
contre le devoir que la crainte conspire, c'est aussi, contre le bonheur.
L'homme, dont l'esprit est sans cesse assailli d'inquiétudes ne peut jouir de
rien. Possède-t-il quelque chose ? Il craint de le perdre. En
désire-t-il une autre ? II désespère de l'obtenir. Sa vie n'est qu'un
long cauchemar, et ses nuits, comme ses jours, sont peuplés de fantômes (p.
81).
Pour achever de se débarrasser de
ces deux entraves à la Réussite, je l'ai déjà dit, il ne faut pas
les attaquer de front, en affirmant : « Je ne veux plus rien craindre », « je
n'aurai plus de haine pour personne » ; mais il faut, en appelant à son
aide l'autosuggestion, avec absorption de l'énergie, la concentration, la
transformation des forces, mettre à la place deux qualités opposées et
se considérer comme si on les possédait déjà.
pour
ÊTRE HEUREUX.
— Qu'est-ce que le Bonheur, qu'est-ce que le Malheur ? Voilà deux mots
qui ne sont pas définis et qui ne donnent qu'une idée très imparfaite de
ce qu'on veut leur faire dire.
Le bonheur et le malheur
n'existent pas par eux-mêmes. Ils indiquent deux conditions de
l'existence qui sont, en apparence, très différentes l'une de l'autre,
mais qui dépendent des circonstances et des individus, car ce qui fait le
bonheur de l'un, fait, parfois, le malheur de l'autre. Ces conditions sont,
donc, en nous et non pas hors de nous. Elles sont établies par notre
manière de les concevoir, par nos habitudes, notre caractère, et,
aussi, par notre santé physique et morale. C'est, ainsi, que certains individus
se considèrent comme très heureux dans une modeste situation,
tandis que certains autres sont réellement malheureux tout en possédant la
fortune, l'estime et la considération de leurs concitoyens.
Entre le riche efféminé,
superbement vêtu, qui ne pense qu'à des plaisirs égoïstes et
le pauvre couvert de haillons, quoique honnête encore, le contraste est
frappant.
Enervé par ses excès,
souvent mécontent, le premier ne tarde pas à être blasé sur tout
et à ne plus s'intéresser à rien. Obligé d'être de toutes
les premières qu'il n'apprécie pas, et de passer une partie de ses nuits
dans des réceptions somptueuses qu'il donne ou auxquelles il doit prendre part,
il n'a pas le repos suffisant. Il possède une galerie de tableaux dont
il ne comprend pas la valeur, et les automobiles les plus luxueuses se
succèdent dans les garages de son palais. Il est accablé par une
hiérarchie de domestiques qui, malgré leurs politesses, sont plus empressés
à se servir eux-mêmes qu'à s'occuper utilement de lui.
Fatigué des préparations savantes de son cuisinier qui est un habile chimiste,
il fréquente les plus grands restaurants et paie au poids de l'or les mets les
plus recherchés et les vins les plus exquis auxquels il goûte à
peine, car son estomac étant aussi malade que son système nerveux, il
manque d'appétit. Bâillant d'ennui, d'inquiétude, de malaise et « de
misère dorée », il appelle à son secours les « princes de la
science » qui sont impuissants à le soulager, car il ne peut se
soumettre au régime qui constituerait la base de son traitement.
L'autre, sans domicile fixe, dort
où il peut trouver un abri. N'ayant que des besoins très limités,
il s'alimente avec des choses insignifiantes qui se trouvent assez facilement ;
et quand, une fois par hasard, il rencontre le moyen de s'offrir
honnêtement un véritable repas, il jouit réellement d'un certain bonheur.
Si cet état de misère se prolonge pendant des mois et des années, il
finit par le supporter avec une certaine patience, tout en espérant des jours
meilleurs pour l'avenir.
Cet espoir vivifiant manque au
premier, car la fortune qu'il dépense sottement domine toutes ses ambitions et
ne lui permet plus d'espérer quoi que ce soit. Il s'est abaissé lui-même
et c'est cet abaissement qui le confond avec le pauvre loqueteux dans une
aspiration commune : la recherche du Bonheur.
Comparons, maintenant, ce
malheureux riche — que l'on considère, pourtant, comme « un heureux de
la terre » — avec un ouvrier intelligent et économe, gagnant, seulement, un modeste
salaire. Il trouve le moyen d'élever honorablement sa famille, de faire
quelques économies pour les mauvais jours et, même, de s'amuser
convenablement de temps en temps.
Fort et, bien portant, il
travaille facilement, en fredonnant de gais refrains ; et si, après des
semaines bien employées, désirant se distraire un soir, il dit à sa
femme : « Laissons là le pot-au-feu, et pour changer un peu, allons
dîner au restaurant », alors, avec la petite somme qu'il gagne quotidiennement,
ils font là, ensemble, un délicieux repas, car ils savourent, de
très bon appétit, tout ce qui leur est servi. Veulent-ils aller passer
une soirée au café-concert ? Ils applaudiront le jeu des artistes et jouiront
du spectacle qui les comblera de joie. En rentrant, ils seront parfaitement
heureux ; le travailleur sera reposé, et, le lendemain, il se remettra
courageusement au travail.
Il me semble que cette comparaison
suffit amplement pour faire comprendre lequel des deux est le plus heureux.
Le riche avare est-il plus heureux
que celui qui ne recherche que les plaisirs mondains ? —Evidemment non ! II
n'est, en réalité, qu'un pauvre homme.
Accablé lui-même sous des
richesses qu'il n'use ni ne permet d'user, une sorte de chien humain
auprès de sa mangeoire, qui dépense toutes ses forces à faire le
guet et à grogner sur une pâtée qu'il ne mange ni ne veut qu'on mange et
qui, à la fin, est tué par la génération continuelle en lui-même
des pensées empoisonnées de son grognement et de son avarice (Mulford).
La fortune, le lieu que l'on
habite, l'estime et la considération dont on jouit ne suffisent, donc, pas au
bonheur. La force, la jeunesse, la beauté, qui sont passagères,
l'intelligence même telle qu'on la conçoit ordinairement, ne suffisent
pas non plus.
Peu d'entre nous savent être
heureux. Jouets des passions qui les gouvernent, les malheureux sont, sans
cesse, attirés ou repoussés par des courants d'influence, dont ils ignorent
l'existence ; et, comme des aveugles abandonnés au milieu du tumulte, ils sont
constamment, ballottés, agités, entraînés, sans même penser à la
résistance. Ils ignorent que la source des biens dont nous jouissons, comme
celle des maux que nous endurons, est en nous et non pas hors de nous, que nous
avons ce que nous attirons et que nous n'attirons que ce que nous méritons.
Pour prendre le Bonheur où
il se trouve, c'est-à-dire en nous, il est, d'abord, indispensable de
bien comprendre qu'il n'existe pas ailleurs el qu'il est, toujours,
proportionnel au nombre et à l'importance des qualités que nous possédons.
Quelques individus suffisamment
évolués possèdent naturellement assez de qualités pour être
relativement heureux, même dans la pauvreté et en traversant certaines
périodes difficiles de la vie. Le plus grand nombre des autres peuvent les
acquérir en développant en eux le Magnétisme personnel qui, en les faisant
évoluer plus rapidement, leur permet de vaincre les tentations et les désirs de
mauvais aloi qui les assaillent, et de remplacer leurs défauts par des
qualités.
Lorsqu'on possède les
qualités requises, on peut être heureux partout, aussi bien dans la
mansarde que dans le palais le plus somptueux ; dans la pauvreté comme dans
l'opulence ; à la caserne, à l'atelier où l'on gagne peu,
comme dans certaines professions libérales, industrielles ou commerciales,
où l'on gagne beaucoup d'argent.
Il y a beaucoup de qualités
à posséder ou de conditions à remplir pour être heureux ;
mais comme l'une n'est, souvent, que la conséquence de l'autre, on peut les
ramener à un très petit nombre. C'est ce que je vais faire, en
classant les principales d'après l'importance que je leur attribue :
— I. La plus importante des
conditions susceptibles d'assurer le Bonheur se trouve exclusivement dans la
manière de le concevoir.
Il faut se rappeler, d'abord, que
l'on n'occupe généralement que la situation que l'on mérite, et que celle-ci
est, toujours, la conséquence naturelle et inévitable des pensées que nous
avons émises et des actes que nous avons accomplis. Ensuite, quelle que soit la
situation que l'on possède, on doit se contenter de ce que l'on a sans
jamais convoiter le bien des autres. Ne pas vouloir paraître plus grand que
l'on est, dans l'intention de se faire remarquer et de jouir d'une
considération que l'on ne mérite pas, car l'envie nous cause de nombreuses privations
qui sont, toujours, suivies et, souvent même, accompagnées de poignantes
douleurs.
Que celui qui est favorisé par la
fortune ne perde pas de vue qu'il ne doit pas s'y attacher outre mesure, car il
ne l'emportera pas en quittant ce monde ; et qu'en attendant, elle constitue
pour lui une lourde responsabilité morale, s'il ne l'administre pas sagement,
c'est-à-dire prendre son nécessaire et distribuer intelligemment le
reste à ceux qui en ont le plus besoin. En se donnant un confortable suffisant,
il doit éviter le grand luxe et ne pas se couvrir de parures qui ne sont que
des excitants de la vanité. La table ne doit pas être pour lui un objet
de jouissances : il doit savoir que s'il est obligé de manger pour vivre, il ne
doit pas vivre pour manger.
Que celui qui est momentanément
dans le besoin garde toute sa sérénité et ne se lamente pas sur son sort, car
son découragement, son désespoir et ses lamentations ne serviraient qu'à
aggraver son état. Qu'il espère, au contraire, une situation meilleure,
qu'il chercne à l'obtenir, qu'il la demande comme une chose qui lui est
due ; et si cette demande est légitime et raisonnable, il ne tardera pas
à l'obtenir, car il possède le pouvoir de la réaliser. Qu'il
pense au bonheur futur, il l'attirera à lui ; et en attendant, quelle
que soit sa détresse, qu'il comprenne bien qu'autour de lui, il y a des
détresses plus grandes encore.
Cette manière de considérer
le malheur et de le transformer en Bonheur constitue une grande partie de la
science de l'Esprit qui donne l'intuition et permet de voir clairement ce que
la masse du public n'aperçoit pas. C'est de là que jaillit la source
intarissable où puisent constamment, même sans s'en douter, tous
ceux qui réussissent.
— II. La seconde condition, c'est
d'avoir la Santé.
Bien portant, le riche peut
s'amuser si tel est son désir ; le pauvre peut travailler et subvenir
honorablement à ses besoins ; tous les deux, à défaut d'autres
conditions, peuvent, déjà, à leur façon, goûter un certain
bonheur.
Il est, donc, nécessaire de faire
tout ce qu'il faut pour la garder si on la possède ; et lorsqu'on ne l'a
pas, chercher par tous les moyens raisonnables, surtout par l'hygiène,
à la recouvrer.
La santé, toute importante qu'elle
soit, n'est pas, comme on le pense généralement, la plus importante des
conditions du bonheur, car il y a un certain nombre de malades qui, malgré
leurs souffrances, reconnaissent qu'ils ne sont pas malheureux. Cela tient
à leur résignation, à leur patience, à leur courage,
à leur gaîté ; en un mot, à leur « manière de concevoir le
bonheur ».
— III. La Bonté est une des
conditions les plus indispensables au bonheur. Tendant sa main fraternelle
à tous les humains, au riche comme au pauvre, sans distinction de
croyance, d'âge et de sexe, elle domine les consciences élevées et les
pénètre complètement. Celui qui est bon jouit constamment d'un
immense bonheur qui grandit encore à chaque fois qu'il ajoute un
bienfait aux bienfaits qu'il a déjà prodigués. On peut, ainsi, affirmer
que la bonté fait éclore le bonheur sous nos pas, et que plus nous sommes bons,
plus nous sommes heureux; plus nous sommes méchants, plus nous sommes
malheureux. Etre bon pour les autres, c'est semer du Bonheur, lors même
qu'on ne récolterait que de l'ingratitude, car la vraie Bonté nous met au-dessus
de ceux que nous obligeons ; ils peuvent oublier les services que nous leur
avons rendus, mais le bonheur que nous avons goûté en les obligeant ne
s'efface point.
On a dit que la bonté n'est pas
accessible à tous, car on l'apporte en naissant. Evidemment nous
naissons avec des Aptitudes, des Facultés, des Qualités ou des Défauts qui sont
la conséquence inévitable des actes bons ou mauvais que nous avons accomplis
dans nos existences précédentes. Mais comme, avec les progrès de
l'Evolution, tous les individus se perfectionnent et doivent devenir bons, la
bonté réside à l'état latent au fond de toutes les consciences,
mêmes les plus infimes ; et, comme, toutes les facultés, on peut la
cultiver et la développer.
— VI. On comprend, maintenant, que
le Bonheur ne se trouve pas complètement dans la fortune, dans les
plaisirs mondains, ni, même, dans la santé, mais qu'il réside, surtout,
dans la manière de le concevoir. Il dépend de la Bonté, de la paix du
cœur, du calme de l'esprit, d'une modeste aisance, d'une vie simple et
exempte des soucis que l'on se crée soi-même.
L'occupation de l'esprit par des
pensées et des projets utiles aux autres, même le travail manuel sont
utiles à tous, car c'est dans le Travail et dans la satisfaction du
devoir accompli que l'on trouve une des sources principales du bonheur. C'est
ce que veut dire le proverbe latin : « Le travail de l'homme est la
première vertu. »
On doit Méditer pour discerner ce
qui est possible de ce qui ne l'est pas, et limiter ses aspirations afin
d'être sûr, à l'avance, de pouvoir les réaliser.
— V. Dans l'état actuel de notre
Evolution, la Souffrance est un mal nécessaire. C'est l'ombre qui fait
ressortir les beautés de la lumière.
Il y a peu d'hommes parmi ceux qui
sont arrivés au but qu'ils ont visé, qui n'aient pas souffert de déboires, de
privations, de misère. Questionnez-les ! Tous vous diront que la
souffrance qu'ils ont endurée leur fait comprendre, aujourd'hui, toute
l'importance de leur Bonheur. Toute médaille a son revers ; il n'y a pas de véritable
joie sans amertume. Le plaisir amollit, la joie prolongée épuise ; au
contraire, la douleur—qui ne tue jamais les âmes bien trempées — fortifie le
caractère et ouvre à la destinée des horizons nouveaux.
Ne recherchons pas la souffrance,
mais lorsqu'elle arrive, acceptons-la courageusement comme une chose que nous
avons méritée. Comparons-nous, alors, avec ceux qui sont accablés sous le poids
de souffrances plus grandes. Et, tout en attendant patiemment que le calme
reparaisse, considérons-nous comme suffisamment heureux.
— VI. Placés dans le même
milieu, tous les individus ne voient pas ce qui s'y trouve de la même
manière. Certains individus peuvent regarder le mal sans le voir, tandis
que d'autres le voient partout, même où il n'est pas, et le bien
comme le beau leur échappent plus ou moins complètement. Les premiers,
qui ont déjà atteint un certain degré d'Evolution, sont heureux ; les
seconds, plus arriérés, ne connaissent pas le vrai Bonheur.
Ce n'est pas ce que
nous regardons qui nous impressionne, c'est ce que nous sommes susceptibles de
percevoir et, surtout, de comprendre. Que les malheureux cherchent à
diriger le courant de leurs pensées vers le travail, vers le bien, vers
l'utile, vers le beau. Ils y parviendront peu à peu, et le Bonheur qui
les fuyait viendra à eux, car ils deviendront capables de l'apprécier
et, surtout, de le mériter.
— VII. Si nous voulons être
heureux ne manquons aucune occasion de faire le bien. Conduisons-nous un peu
d'après notre raison, mais, surtout, d'après l'Intuition que
donne la réflexion méditative, et non d'après notre sentiment, car
celui-ci nous rend esclave des personnes et des choses qui nous entourent.
Evitons donc la Sentimentalité. En
les encourageant, portons secours au malade et au blessé ; faisons l'aumône au
pauvre avant même qu'il nous tende la main, puis, éloignons-nous et n'y
pensons plus, car en nous apitoyant sur leur sort, nous dépenserions de la
force, tout en leur étant plus nuisibles qu'utiles.
— VIII. Pour conclure, voici une
juste appréciation de Leadbeater :
Une loi divine de
justice absolue gouverne le monde, de telle sorte que chaque homme est, en
réalité, son propre juge, l'arbitre de sa destinée, se dispensant à
soi-même gloire ou obscurité, récompense ou châtiment. Chaque pensée, chaque
parole, chaque action produit un résultat défini, résultat qui n'est point une
récompense ou une punition... mais une conséquence forcée de l'acte
lui-même, ayant, avec lui, une relation d'effet à cause, cette
cause et cet effet, n'étant, en réalité, que deux parties inséparables d'un
tout complet.
Il est nécessaire à l'homme
de se rendre absolument maître de lui-même, afin de pouvoir gouverner sa
vie avec intelligence et conformément à la loi divine (Esquisse de
Théosophie).
Je termine ce chapitre en offrant
au lecteur un bouquet de pensées qui se sont épanouies sous la plume de
quelques penseurs plus autorisés que moi. J'espère que le suave parfum
qu'elles répandent embaumera son Ame et achèvera de graver dans sa
mémoire les affirmations que j'ai vécues avant de les lui présenter.
L'art d'être heureux, c'est
de s'enrichir chaque jour par un bienfait ; il n'y a pas de bonheur plus grand
que la bonté. — Juliette Adam.
La science du bonheur est d'aimer
son devoir et d'y chercher son plaisir. — Comtesse Dash.
On a beaucoup disserté sur le
moyen de se faire la vie heureuse. La formule est, pourtant, bien simple : il
faut savoir se faire aimer. — H. de la Pommeraye.
Le bonheur appartient à qui
fait des heureux. — Delille.
Vous serez content de la vie si
vous en faites un bon usage. — Renan.
On ne fait son bonheur qu'en
s'occupant de celui des autres. — Bernardin de Saint-Pierre.
Le bonheur n'est qu'un sentiment
du bien. Volney.
Le bonheur n'est que la santé de
l'âme. — Barthélémy.
Le véritable bonheur est,
nécessairement, le partage exclusif de la véritable vertu. — Cabanis.
Tout bonheur est fait de courage
et de travail. — Balzac.
Le bonheur n'est pas de posséder
beaucoup, mais d'espérer et d'aimer beaucoup. — Lamennais.
Le grand secret du bonheur, c'est
d'être bien avec soi-même. — J. Janin.
Le bonheur, c'est de sentir son
âme bonne, — J. Joubert.
Le bonheur est moins dépendant des circonstances que du
caractère. — E. de Girardin.
Le
bonheur est un effet de la sagesse plutôt qu'un présent de la destinée. — L.
Veuillot.
Le
bonheur ne consiste pas à acquérir et à jouir, mais à ne
pas désirer, car il consiste à être libre. — Epictète.
C'est
jouir du bonheur que de voir sans envie le bonheur des autres et avec
satisfaction le bonheur commun. — Bossuet.
C'est
en vain qu'on cherche au loin son bonheur, quand on néglige de le cultiver en
soi-même, car il a beau venir du dehors, il ne peut se rendre sensible
qu'autant qu'il trouve au-dedans une âme propre à le goûter. —
J.-J. Rousseau.
Il
n'est point de route plus sûre pour aller au bonheur que celle de la
vertu. — J.-J. Rousseau.
Le
plaisir peut s'appuyer sur l'illusion, mais le bonheur repose sur la vérité. —
Champfort.
Ni
l'or ni la grandeur ne nous rendent heureux. — La Fontaine.
Dans
le bonheur d'autrui, je cherche mon bonheur. — Corneille.
Demande à la vertu le secret du bonheur. — V.
Hugo.
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