VII. - L'AMOUR DE SON PROCHAIN
Aimons-nous les uns les autres, et
ne faisons jamais à autrui ce que nous ne voudrions pas qu'il nous
fût fait 'à nous-mêmes.
Ce précepte évangélique, qui n'est
guère appliqué, quoiqu'il soit connu de chacun de nous, n'aurait pas
besoin d'être commenté pour être suffisamment compris ; et les
trois lignes qui précèdent pourraient rigoureusement être
considérées comme un chapitre entier.
Malgré cela, je vais y ajouter
quelques considérations qui, en les complétant, feront comprendre tout
l'intérêt qu'il y a, non seulement de ne nuire à personne, mais de
faire du bien, même à ceux qui nous font du mal.
Celui qui aime ses semblables et
ne leur fait jamais que ce qu'il voudrait qu'on lui fit, possède,
naturellement, l’Influence personnelle à un degré plus ou moins élevé.
Il donne de la bonté et, conformément aux lois psychiques exposées dans la
première partie, il reçoit de la bonté sous différentes formes et ne
saurait rien recevoir de mauvais. En thèse générale, plus il dépense de
bonté, à la condition que cette dépense soit faite avec un
désintéressement absolu, plus il reçoit.
S'il en est ainsi,
dans une très large mesure, travailler pour les autres, être bon
pour eux, c'est travailler dans son propre intérêt ; tandis qu'être
méchant pour les autres, c'est être méchant pour soi ; leur faire du mal,
c'est s'en faire à soi-même. Il n'est pas nécessaire de posséder
une haute intelligence, d'avoir une instruction classique très
développée et, même, d'être bien éduqué, dans le sens propre du
mot, pour comprendre cette vérité qui est à la portée de chacun de nous.
Il est donc indispensable que tous ceux qui veulent être plus heureux
deviennent meilleurs.
Nous devons penser, souvent, au
bien qu'on nous a fait et faire tout notre possible pour oublier le mal, les
offenses, les tracasseries dont nous avons été victimes. Si nous pensons, malgré
nous, au mal qu'on a pu nous faire, il est de toute nécessité de ne pas songer
à la vengeance et de n'envoyer à l'offenseur que des pensées de
paix et des souhaits de bonheur. Mulford, que l'on peut considérer comme un
grand moraliste, nous en donne la raison en ces termes dans son remarquable
ouvrage : Les Lois du succès.
Lorsqu'on émet des pensées de
tourment, d'irritation, de haine ou de tristesse, on met en œuvre des
forces nuisibles, à la fois, au corps et à l'esprit. La faculté
d'oublier implique celle de chasser les pensées déplaisantes et pénibles et de
les remplacer par un élément profitable destiné à édifier au lieu de
détruire.
La nature des pensées que nous
émettons influe favorablement ou défavorablement sur nos affaires, et influence
les autres en notre faveur ou contre nous. C'est une force que les autres
ressentent agréablement ou désagréablement, leur inspirant confiance ou
méfiance.
...C'est un sage égoïsme que
de travailler pour les autres en même temps que pour nous-mêmes,
parce que nous sommes tous unis en esprit. Nous sommes des forces qui agissent
et réagissent l'une sur l'autre, en bien ou en mal, à travers ce que
l'ignorance appelle l'espace vide. Il existe des nerfs invisibles reliant les
uns aux autres les hommes et les êtres. C'est dans ce sens qu'on peut
dire que toutes les formes de la vie sont solidaires. Nous sommes tous membres
d'un même corps. Une mauvaise pensée ou une mauvaise action est une
pulsation douloureuse vibrant à travers des myriades d'organismes. Une
pensée aimable et une bonne action produisent exactement l'effet contraire.
C'est donc une loi de la nature et de la science que le bien ou le mal que nous
ferons à autrui retombera sur nous-mêmes...
Toute pensée discordante est un
glaive qui appelle le glaive contre nous... La créature, homme ou femme, la
plus antipathique, la plus hypocrite, la plus venimeuse, a besoin de votre
pitié et du secours de tous, car en émettant des pensées mauvaises, elle
s'attire, en même temps, du chagrin et de la douleur. Celui qui nourrit,
de mauvais sentiments à l'égard d'une personne dont il a reçu une
insulte, ou éprouvé une injustice ou un dommage, et qui les garde en soi
pendant des heures et, même des journées entières, finit par s'en
fatiguer et, pourtant, ne peut plus les chasser. Ces pensées l'ennuient, le
fatiguent et l'affaiblissent, et il ne peut s'empêcher de les
ressasser...
Ceci provient de ce qu'on a attiré
sur soi la pensée hostile de l'autre personne. Elle pense de vous ce que vous
pensez d'elle et vous envoie une vague de pensée hostile. C'est, ainsi que l'un
et l'autre vous donnez et recevez les coups d'une force invisible. Et si cette
guerre silencieuse se produit pendant plusieurs semaines, les deux adversaires
s'en ressentent...
Donc, s'efforcer d'oublier ses
ennemis, ou ne diriger vers eux que des pensées de paix est un acte protecteur
tout comme étendre la main pour parer un coup. La persistance de la pensée
bienveillante détourne les mauvaises intentions et les rend inoffensives.
L'injonction du Christ de faire du bien à nos ennemis est basée sur une
loi naturelle. Cela indique que la bienveillance l'emporte sur la malveillance
et qu'elle en détourne les mauvais effets.
II ne faut donc avoir, même
pour ses ennemis, que de bonnes dispositions et des pensées d'amour.
La haine, continue le même
auteur, c'est simplement de la force dépensée à se mettre soi-même
en pièces, car la haine est une force destructive. Le bon vouloir envers
tous est constructeur ; il rend de plus en plus fort. La haine abat. La bonne
volonté envers tous attire de tous ceux avec lesquels on entre en contact des
éléments salutaires et édiflcateurs. Si vous pouviez voir les éléments actifs
volant d'eux à vous, dans leur sympathie pour vous, ils vous
paraîtraient comme de fins ruisselets de vie. Au contraire, les éléments
haineux que vous pouvez exciter chez les autres apparaîtraient s'élancer vers
vous sous la forme de sombres rayons d'une substance nuisible et venimeuse.
En envoyant, à celui qui
vous déteste, une pensée de haine, on ne fait qu'accroître la puissance de cet
élément, parce que ces deux éléments opposés et dangereux se rencontrent et se
mêlent, agissent et réagissent sur ceux qui les ont émis, alimentent sans
cesse leur force de combativité, jusqu'à ce que l'un et l'autre soient
épuisés. L'intérêt, seul, devrait empêcher les gens de se
haïr.
Celui qui est mauvais, qui n'aime
personne et qui déteste beaucoup de monde, peut-il changer ce sentiment et
devenir bon et aimant ? — Oui, il le peut, en y mettant de la bonne volonté, de
la patience et du temps ; car les qualités morales peuvent, comme la force
musculaire, être développées par un exercice spécial régulièrement
suivi. Leroy Berrier s'exprime à ce sujet ainsi qu'il suit dans son
Magnétisme personnel, en traitant de l'Amour et de la Bonté.
Laissez fréquemment, dit-il,
l'amour et la bonté se manifester dans vos pensées, dans vos paroles, dans vos
actes, et ces capacités grandiront. Faites intervenir votre volonté et
appliquez-vous à aimer tout ce qui vous entoure. Quand vous serrez la
main d'une personne, ayez le sentiment que l'amour et la bonté affluent vers
cette étreinte, émanent de votre être. Persévérez et votre pouvoir
d'aimer grandira. Envisagez et recherchez tout ce qui est bon et aimable chez
autrui et votre amour se développera.
Si vous désirez attirer les choses
inanimées, aimez-les si ardemment que votre amour réagira sur vous-même.
Aimez-les d'un tel élan que vous ferez connaître votre amour à ceux qui
sont autour de vous. Aimez un idéal avec assez de force pour le réaliser...
L'amour est une force puissante.
C'est, dit Mulford :
« un élément aussi réel que l'air
et que l'eau. C'est une force active, toujours en mouvement, vivante ; et, dans
ce monde dans lequel nous travaillons, elle se meut comme les vagues de la mer
et en courants semblables à ceux de l'Océan, quoique nos sens ne la
perçoivent pas. »
La cause du mal que nous éprouvons
est en nous et non pas hors de nous. Annie Besant l'explique ainsi :
Le mal qui nous vient de
l'extérieur n'est que la réaction de ce qu'il y a en nous d'agressif. Nous
sommes les ennemis des autres, voilà pourquoi ils sont, à leur
tour, nos ennemis. Nous allons par le monde infligeant le mal, voilà
pourquoi les êtres vivants nous font le mal en retour. Nous qui devrions
aimer tous les êtres, nous promenons, partout, la destruction, la
tyrannie et la haine, recherchant nos semblables pour les tyranniser et non
pour les former... Et nous sommes surpris que les créatures vivantes fuient;
que dans le monde, nous soyons accueillis par la crainte des faibles, par la
haine des forts ! Nous ignorons, dans notre aveuglement, que toute la haine du
monde extérieur est le reflet du mal qui est en nous et, que, pour le cœur
aimant, il n'est rien de haïssable... L'homme en qui est l'amour peut marcher
sans danger à travers la jungle ; il peut entrer sans être attaqué
dans le repaire des fauves ou prendre le serpent entre ses mains. Car le
cœur où tout est amour ne voit de haine nulle part. L'amour qui
envoie ses rayons dans le monde et attire à lui toutes choses pour les
servir et non pour leur faire du mal, éveille en toutes choses, par cette
attraction, l'amour et non la haine. Voilà pourquoi le tigre se roule,
en ami, aux pieds du Yogi ; aux pieds du saint, la bête la plus sauvage
dépose ses petits, lui demandant abri et secours. Voilà pourquoi tous
les êtres vivants viennent à l'homme qui aime, car, tous, sont
d'origine divine. Le Divin est Amour, et quand ce principe est devenu parfait
dans l'homme, il attire à lui toutes choses (Vers le Temple, 2e
édit., p. 116).
Aimez, donc, la
nature entière. De tout votre cœur, aimez vos semblables. Aimez les
animaux, les arbres, les forêts, les montagnes, les vagues de la mer.
Aimez, même, l'ivrogne, le voleur et l'assassin, car ils sont embourbés
dans les bas-fonds de l'Evolution. Sur leur propre niveau, ils sont aussi
intéressants que le saint qui achève d'apprendre les leçons les plus
hautes que la nature puisse nous donner. Nous agissons tous selon notre degré
d'Evolution ; les premiers balbutient seulement les premières lettres de
l'alphabet de la vie et ont besoin de tout apprendre, tandis que l'autre, avec
son instruction supérieure, se prépare à quitter l'enseignement.
Il n'est peut-être pas
très facile à ceux qui ont tendance à « rendre œil
pour œil, dent pour dent », d'envoyer des pensées bienveillantes à
ceux qui leur font du mal, mais il n'y a qu'une habitude à prendre, et
les moins évolués d'entre nous pourront la prendre avec d'autant plus de
facilité qu'ils comprendront mieux qu’ils seront les premiers à en
profiter.
S'ils éprouvaient quelque
difficulté pour prendre cette habitude, les exercices déjà indiqués,
surtout la concentration, la méditation et l'autosuggestion leur permettraient
de vaincre les derniers obstacles.
En attendant, que tous ceux qui
veulent s'élever sur l'échelle de la perfection pour acquérir l'Influence
personnelle n'oublient pas un seul instant cette vérité pratique : « Aimons
ceux qui nous détestent et faisons du bien à ceux qui nous font du mal.
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