XI. — L'ISOLEMENT
L'organisme humain, d'ailleurs
comme tous les organismes vivants, est, naturellement, soumis à des
périodes d'activité pendant lesquelles il dépense de la force, et à des
périodes de repos, dans lesquelles il récupère les forces perdues. Ces
deux périodes, bien différentes l'une de l'autre, sont l'état de veille pendant
lequel on travaille, et le sommeil pendant lequel on se repose. Le corps est
l'instrument de l'Ame ; c'est un réservoir naturel de force mentale qui a
besoin d'être en bon état pour travailler utilement. S'il est fatigué,
l'Ame, qui est obligée de dépenser plus de force pour l'entretenir qu'elle n'en
dépense normalement, se fatigue, et, même, s'épuise.
L'enfant, qui travaille, surtout,
au développement de son corps physique, a besoin de dormir au moins la moitié
du temps ; et l'adulte, quoique le corps physique soit formé, a encore besoin
de dormir environ le tiers du temps. S'il ne dort pas assez, ses forces
physiques, comme ses forces morales, ne sont plus suffisamment renouvelées; il
y a fatigue d'abord, épuisement ensuite, et la neurasthénie, avec son triste
cortège d'incapacités, ne tarde pas à se déclarer.
Si les pensées sont des choses et
si leur manifestation est accompagnée d'une émission de force, comme je l'ai
démontré, il est indispensable de savoir penser, de régler convenablement le
cours de ses pensées ; et, surtout, à certains moments, de ne penser a
rien.
Pendant la veille, surtout lorsque
nous pensons à plusieurs choses à la fois, nous envoyons de la
force dans plusieurs directions, et nous nous fatiguons vite. Etant fatigués,
si nous pouvions arrêter cette dépense de force et rappeler à leur
centre, c'est-à-dire à nous-mêmes, tous les efforts
éparpillés, nous reprendrions très rapidement nos forces perdues. Nous
serions aptes à livrer chaque jour beaucoup plus de travail, à le
faire mieux et avec plus de facilité.
Napoléon possédait ce pouvoir
à un degré très élevé. A un moment donné, il pouvait s'isoler et
récupérer très rapidement les forces qu'il avait perdues ; aussi
dormait-il peu. De plus, il s'endormait et se réveillait à peu
près complètement avec une instantanéité qui a étonné tous les
psychologues ; et, parfaitement reposé, il était, alors, frais et dispos.
C'est un pouvoir que tout le monde
peut acquérir en se donnant la peine de s'entraîner progressivement à
faire un exercice, ennuyeux, et fatigant les premiers jours, mais qui ne tarde
pas à donner les résultats les plus encourageants. Cet exercice a pour
but d'apprendre à s'isoler du monde extérieur, à conserver
à soi les forces que la pensée vagabonde et indisciplinée envoie
inutilement de tous côtés et à ne pas les laisser s'enfuir. C'est la
retraite du silence de turnbull.
L'Isolement peut être
pratiqué partout ; chez soi comme dehors, le jour comme la nuit, assis ou
couché. Mais, pour le débutant, il vaut mieux se retirer dans une chambre
à demi-obscure, loin du bruit, pour ne pas s'exposer à être
dérangé. Il faut se placer confortablement, assis dans un fauteuil, ou, mieux
encore, étendu sur une chaise-longue ou sur un lit, les paupières
abaissées sans efforts sur les globes oculaires et les poings à
demi-fermés. Là, détendre complètement ses nerfs, relâcher ses
muscles de la façon la plus absolue; et, dans le plus grand calme, faire un
effort mental, d'abord pour attirer à soi les forces du dehors, ensuite
pour arrêter l'émission de ses pensées.
La bouche doit être fermée
sans que les lèvres soient serrées et la respiration doit se faire
lentement par le nez seulement. Le champ de la conscience doit être
entièrement fermé et il faut repousser, dès qu'elle paraît, toute
pensée quelle qu'elle soit ; en un mot, ne penser à rien.
Cela est extrêmement
difficile, surtout au début, mais lorsqu'on a vaincu toutes les difficultés,
l'Isolement est l'exercice le plus agréable que l'on puisse faire.
Il est, donc, indispensable
à ceux qui veulent acquérir de grands pouvoirs et goûter à
la joie et à la satisfaction que procure le résultat du travail
accompli, de se soumettre le plus régulièrement possible à des
exercices rigoureux, deux à trois fois par jour, pendant quatre à
cinq minutes d'abord, puis, ensuite, pendant un temps plus long, au fur et
à mesure que la fatigue disparaît, jusqu'à ce que l'on soit
parvenu à un entraînement suffisant.
En continuant à développer
cette faculté, on parvient à s'isoler assez du monde extérieur pour
pouvoir se livrer à cet exercice au milieu du bruit et pendant que les
siens vont et viennent autour de soi. Les bruits du dehors, même lorsqu'ils
sont intenses, ne sont, bientôt, plus perçus que très faiblement. La
sensibilité diminue de telle façon que, si une mouche vient à se poser
sur le nez, par exemple, elle ne vous gêne pas, et vous ne pensez pas
à faire le plus petit mouvement pour la chasser. Les membres
s'alourdissent ; il semble que vous auriez de la peine à les soulever,
et vous restez là avec la plus grande satisfaction.
Lorsque l'entraînement est encore
plus grand, au bout de huit à dix minutes d'un isolement à peu
près complet, on se trouve dans une délicieuse langueur. On perçoit les
bruits du dehors, mais ils sont complètement indifférents ; et, chose
digne de remarque, on les entend à une distance considérablement plus
grande que d'habitude. On a conscience que l'on est extériorisé et que l'on a
tendance à se dédoubler, car il semble que l'être réel plane
au-dessus du corps ; dans tous les cas, on comprend que le dédoublement
conscient est possible, c'est-à-dire qu'en dehors du sommeil, l'Ame peut
abandonner le corps physique et pénétrer dans l'astral pour y recueillir des
impressions et des connaissances.
Au sortir de cet état, qui cesse
à peu près instantanément dès qu'on l'a décidé, on est
transformé au point de vue physique. S'il a duré, seulement, vingt à
vingt-cinq minutes, on est presque aussi bien reposé qu'après une nuit
d'ecellent sommeil.
Pour obtenir les meilleurs
résultats, il est bon d'observer certaines conditions physiques ; par exemple,
de se placer toujours en position hétéronome avec le courant magnétique de la
terre. Ainsi, étant assis, se tourner la face au nord ou à l'ouest ;
couché, la tête au nord et les pieds au sud, ou en cas d'impossibilité,
la tête à l'est et les pieds à l'ouest, comme je l'explique
dans ma Physique magnétique.
En dehors du repos qu'il procure
très rapidement, l'isolement permet de travailler mieux et plus
longtemps, et, au besoin, de diminuer le nombre des heures consacrées au
sommeil. Il fortifie considérablement l'énergie de la Volonté et rend
complètement maître de ses pensées celui qui l'atteint à un
très haut degré. Pratiqué le soir au lit, il permet de vaincre
l'insomnie la plus rebelle. En donnant la possibilité de former le champ de la
conscience, il procure la tranquillité la plus parfaite à ceux qui sont
tourmentés par une imagination déréglée. Cette particularité permet,
même, d'espérer la guérison de l'obsession et des idées fixes, surtout si
ceux qui en sont affligés se soumettent à l'action d'un puissant
magnétiseur sachant s'isoler lui-même.
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