La médecine psychologique

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5. - Les directions morales

Les religions ont depuis longtemps découvert un des procédés les plus efficaces pour soutenir et relever l'humanité chancelante, la méthode de la direction morale. Deux choses caractérisent cette direction ; d'abord il ne s'agit pas d'une opération rapide qui une fois faite n'a pas besoin d'être renouvelée, il s'agit d'une action lente, prolongée, exercée par une série de séances rapprochées les unes des autres. En second lieu cette action a une meilleure influence si elle est faite par un individu par­ticulier toujours le même pendant un certain temps.

La religion dans l'organisation des couvents a toujours donné une place impor­tante à la personne du supérieur et à son influence régulière. La religion catholique ne s'est pas bornée à instituer la confession, mais elle a recommandé au fidèle de conser­ver le même confesseur et elle a perfectionné la conception du directeur de conscien­ce dont le rôle avait déjà été bien compris par l'ancienne morale du stoïcisme. Ignace de Loyola, saint François de Sales, Bossuet, Fénelon, dont j'ai déjà eu l'occasion de citer à ce sujet des lettres intéressantes, savaient fort bien l'importance de la continuité dans le traitement des scrupuleux beaucoup mieux dirigés quand ils étaient entre les mains d'un confesseur qui les connaissait depuis longtemps.

Dans une de mes anciennes études j'ai analysé le singulier phénomène que les magnétiseurs désignaient sous le nom de « rapport magnétique ». Ces précurseurs de la psychothérapie se rendaient compte de l'importance du facteur personnel dans la direction de leurs somnambules, mais ils l'exprimaient d'une manière bizarre en la rattachant à leur théories des fluides. Ils connaissaient le phénomène de l'électivité, cette sensibilité, cette obéissance spéciale que le sujet présente vis-à-vis de celui qui l'a souvent magnétisé et ils l'attribuaient à un fluide particulier propre au magnétiseur qui avait pénétré le sujet. Ils interdisaient formellement le mélange des influences et des fluides et un bon magnétiseur ne permettait pas à une autre personne de faire des passes sur son sujet de prédilection. Ils savaient par expérience que dans le traitement de ces malades se présente souvent une grave difficulté quand il est devenu néces­saire de changer le magnétiseur ordinaire d'un sujet imprégné par le fluide du précé­dent. Il ne faut pas trop rire de ce langage naïf : nous rencontrons aujourd'hui des faits analogues, quoique nous les exprimions autrement.

Les moralisateurs qui, comme M. Dubois (de Berne) semblaient n'accorder d'im­portance qu'à la raison et à l'enseignement d'une morale Stoïcienne, se servaient aussi en pratique de cette influence personnelle, quand ils recommandaient au médecin de suivre régulièrement son malade afin de le mieux comprendre et de développer par une fréquentation prolongée une sympathie indispensable au traitement, M. Déjerine reprenait en les précisant les idées de M. Dubois (de Berne) quand il disait: « Pour moi, le fondement, la base unique sur laquelle repose la psychothérapie c'est l'influen­ce bienfaisante d'un être sur un autre ».

Dans plusieurs de mes travaux précédents, de 1896 à 1903, j'ai insisté de diffé­rentes manières sur l'influence personnelle du médecin et sur le rôle qu'elle doit jouer dans la thérapeutique des maladies nerveuses : « Il faut transformer, disais-je à ce propos, en un métier accepté en connaissance de cause cette direction qui était faite autrefois sans s'en rendre compte par des personnes voisines du malade ou qui était réservée à des religieux... C'est un des caractères de notre temps que cette œuvre de direction morale revienne quelquefois au médecin quand le malade ne trouve pas assez de soutiens naturels autour de lui ».

La plupart des auteurs contemporains qui se sont préoccupés de ces traitements moraux ont insisté sur des idées du même genre. Grasset veut que le médecin dirige toute la vie du névropathe, il veut même arriver à une véritable prophylaxie des névroses en permettant au médecin de surveiller les mariages, de diriger les unions et les naissances pour arriver à organiser la défense sociale contre les maladies nerveu­ses. M. Lewellys F. Barker dans son travail « on the psychic treatment of the functional neuroses » admet que l'on commence le traitement par l'absolutisme médical qui ne laisse au malade aucune liberté, il espère que le plus souvent on pour­ra l'amener peu à peu à une certaine part de « self direction » mais il n'hésite pas à constater que dans certains cas la direction médicale doit durer toute la vie. Il serait facile de multiplier des citations de ce genre car cette idée de la direction médicale des névropathes a été assez communément admise dans les travaux récents de psy­chothérapie.

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