2. -
L'efficacité réelle
des psychothérapies générales
Il ne faut pas exagérer cette mauvaise impression et
ce serait une grosse erreur que de nier complètement la puissance de ces
thérapeutiques morales générales.
Les recueils d'observations relatives à des
miracles ne sont pas des ouvrages scientifiques et ne doivent pas être
critiqués de la même manière. Il est très difficile
d'apprécier la valeur de chaque fait en particulier et cependant il se dégage
une certaine impression de vérité de l'ensemble. Il y a des cas où le
calcul des probabilités peut nous donner une quasi-certitude pour un ensemble
de faits, tandis qu'il ne peut rien nous affirmer pour chacun des faits
considéré isolément. Je crois d'une manière générale qu'il y a des
guérisons à Lourdes ; je crois encore qu'il y a eu beaucoup de
guérisons au moment de la grande floraison du magnétisme animal. Bien des
raisons nous donnent cette impression d'ensemble ; la plus importante
c'est le succès même de ces pèlerinages et de ces pratiques
magiques. Il n'y a pas de fumée sans feu et les peuples n'auraient pas conservé
pendant des siècles les modes de traitements religieux et magiques si
ces traitements n'avaient exercé aucune influence. La médecine scientifique, ou
à peu près scientifique, a perfectionné et rendu un peu plus
certains les procédés de la médecine religieuse ou magique ; mais elle n'a
fait que les continuer, elle n'aurait jamais pu naître si celles-ci ne
s'étaient pas déjà imposées à l'humanité par leur utilité
effective. Ajoutons à cette remarque générale que chacun de nous a
d'ailleurs constaté quelques-unes de ces guérisons dites miraculeuses.
Même à la Salpêtrière on a vu des malades guéris par
l'imposition du Saint-Sacrement sur leur tête. Nous avons
nous-mêmes guéri bien des malades par des procédés analogues à
ceux du magnétisme. Les guérisons rapportées par les faiseurs de miracles
suivent les mêmes lois que les guérisons opérées devant nous, ce qui les
rend très vraisemblables. Charcot avait insisté sur ce point en étudiant
les guérisons opérées sur la tombe du diacre Paris ; j'ai montré les
mêmes faits à propos d'une observation recueillie dans les
registres de guérison du Précieux Sang de Fécamp ; récemment M. Mangin
faisait la même étude sur les guérisons de Lourdes.
Si nous considérons les traitements opérés par la
« Christian science », une conclusion complètement négative
serait, je crois, tout aussi peu raisonnable qu'une admiration enthousiaste.
Beaucoup d'observations ne sont pas aussi ridicules que les précédentes et se
présentent avec une certaine vraisemblance, nous n'avons pas le droit de les
rejeter complètement. D'ailleurs nous avons nous-mêmes connu des
personnes qui semblent avoir éprouvé un soulagement réel dans divers troubles
névropathiques des pratiques de la « Christian science » : des
ivrognes ont réellement cessé de boire, des morphinomanes ont renoncé à
la morphine sans avoir besoin d'une cure d'isolement, des crises de dépression
semblent avoir été arrêtées dans leur évolution. Nous sommes disposés
à croire que ces guérisons auraient pu être obtenues autrement,
c'est possible. Mais cela ne nous empêche pas de constater qu'elles ont
été produites de cette manière. Il y a surtout un effet remarquable
qu'il faut compter à l'actif de ces entretiens idéalistes, c'est leur
influence sur les craintes chimériques, sur les précautions exagérées que tant
de gens prennent pour conserver leur petite santé. « Être débarrassé
de la crainte des fièvres, de la crainte des rhumes de cerveau, nous dit
M. Mark Twain, être débarrassé de la crainte d'avoir mangé des choses
horribles et d'avoir attrapé une indigestion, de la terreur d'avoir les pieds
humides et de s'être mis en sueur, être toujours contents et gais,
contented and happy, n'est-ce pas quelque chose et qui ne payerait pas pour
cela ? » Enfin, comme nous avons déjà eu l'occasion de le
remarquer à propos des miracles, un tel succès, bien plus
considérable que celui de Lourdes, ne serait pas intelligible, s'il n'y avait
pas dans les méthodes thérapeutiques du vieux guérisseur P. P. Quimby quelque
influence bienfaisante et malgré toutes les critiques très nécessaires
je suis convaincu que la « Christian science », en les exploitant, a
apporté des notions utiles dont la thérapeutique morale doit profiter.
Dans les ouvrages qui traitent de la moralisation
médicale, nous trouvons très souvent d'excellentes observations
médicales et psychologiques. La plus grande partie de la médecine et surtout la
psychiatrie en est encore à la période des observations
individuelles : une bonne description d'un type pathologique bien compris
vaut mieux que bien des théories et des classifications arbitraires et les
auteurs précédents, aussi bien en Europe qu'en Amérique, ont très bien
analysé un grand nombre de troubles névropathiques et ont montré avec précision
leur transformation sous l'influence de ces traitements moraux. Des critiques,
que je trouve sur ce point fort exagérées, soutiennent qu'il ne s'agit dans ces
guérisons que de maladies insignifiantes « de ces petites hystériques
anorexiques, de ces neurasthéniques sur-menés, de ces phobiques légers ».
Je ne suis pas de cet avis : nous ne savons jamais quelle gravité peut
prendre une névrose qui débute et ces observations consciencieuses nous
montrent des symptômes très nets que nous reconnaissons pour les avoir
vus chez nos plus grands malades. Si cette névrose s'est montrée peu grave dans
son évolution, il est très vraisemblable que cela est dû au
traitement par la moralisation. On peut relire à ce point de vue
plusieurs observations dans l'ouvrage de M. Dubois, relatives à des
malades déprimés présentant de l'astasie-abasie, des contractures ou des algies
et diverses phobies, des obsessions, des hypocondries et qui véritablement
semblent avoir été peu à peu transformés. L'observation de M. Y. (page
448) me frappe d'autant plus que je connais bien ce genre de malades
constamment obsédés par l'idée de la fatigue et angoissés à la pensée du
plus petit mouvement. Je n'interprète pas du tout ces malades de la
même manière que M. Dubois; mais j'ai souvent essayé comme lui de
les faire agir et je sais toute la difficulté de ce traitement, aussi je
considère comme remarquables les résultats qu'il a obtenus.
Ces réflexions à propos des plus typiques parmi
les méthodes de psychothérapie générale nous montrent qu'il serait tout
à fait injuste et même absurde de nier d'une manière
complète l'efficacité de ces thérapeutiques.
|