La médecine psychologique

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2. - Les changements d'état psychologique

Les faits psychologiques auxquels se rattachent les pratiques de l'hypnotisme et l'explication même de l'hypnose sont évidemment moins simples. Nous aurons à revenir sur l'étude de l'hypnotisme à propos des oscillations de la tension ; mais une grande partie des faits constatés dans ces états dépendent de modifications analogues à celles que nous avons constatées dans les suggestions et se rattachent également à la détermination artificielle de conduites automatiques.

Les interprétations psychologiques de l'hypnotisme ont été très nombreuses et sont souvent fort contestables. L'état hypnotique n'est pas uniquement caractérisé par la suggestibilité, car il y a des hypnoses où la suggestibilité est au contraire diminuée et se montre moins grande que pendant la veille. Il n'est pas non plus simplement un état de sommeil car il présente souvent une activité très différente de celle du simple sommeil. Il est difficile d'éviter l'assimilation déjà faite par les anciens magnétiseurs entre les états hypnotiques et les somnambulismes. Je suis obligé de conserver l'opi­nion que j'exprimais autrefois que l'hypnotisme, quel que soit le procédé qui a permis de l'obtenir, rentre dans le groupe des somnambulismes, comme la suggestion rentre dans le groupe des impulsions.

Peut-on aller plus loin et se faire une idée générale du somnambulisme. Le som­nambulisme est une modification de l'état mental d'un individu instable et cette modification consiste en changements très variés qui ne sont pas les mêmes chez tous les individus. J'ai noté autrefois des modifications dans les sensibilités prédomi­nantes, dans la nature et le nombre des tendances qui peuvent être évoquées, dans l'étendue du champ de la conscience. Je crois maintenant qu'il faut y ajouter des changements importants de la tension psychologique : souvent elle est diminuée dans les hypnotismes où l'attention et la volonté sont plus faibles que pendant la veille, où la suggestibilité est accrue ; quelquefois elle monte au contraire beaucoup et on obtient des états artificiels où la volonté personnelle est plus grande et où la suggestibilité a disparu. Il y a d'ailleurs dans de tels états bien d'autres changements que nous connaissons imparfaitement.

Mais cela n'est pas suffisant, car de tels changements surviennent incessamment au cours de notre vie et ne déterminent pas des somnambulismes. C'est que d'ordi­naire ces changements sont petits, ou graduels, ou compensés par d'autres phénomè­nes et qu'ils n'altèrent pas la continuité de la mémoire personnelle. Quoique je sois maintenant fatigué et déprimé, je me souviens encore de ce que je faisais tout à l'heure quand je ne l'étais pas. Pour différentes raisons, dans lesquelles la suggestion même peut jouer un rôle, ces modifications de l'état mental sont accompagnées par une modification dans la continuité des souvenirs personnels et par l'apparition des mémoires alternantes. Le somnambulisme devient donc pour nous une transformation momentanée et passagère de l'état mental d'un individu capable de déterminer chez lui des dissociations de la mémoire personnelle.

La définition de l'hypnotisme en résulte tout naturellement. Il y a là un fait curieux constaté en somme pour la première fois par Puységur : par des procédés dont nous ne comprenons pas toujours bien l'action, nous sommes quelquefois capa­bles de déterminer des transformations semblables sur certains individus, de les mettre en somnambulisme. L'hypnotisme qui est sorti graduellement de l'ancien magnétisme animal n'est pas autre chose que la production artificielle du somnam­bulisme. Il peut se définir : une transformation momentanée et passagère de l'état mental d'un individu, suffisante pour amener des dissociations de la mémoire person­nelle et déterminée artificiellement par un autre homme.

La fatigue de l'attention, les épuisements par l'émotion jouent un rôle dans ces transformations artificielles. Certaines intoxications ont pu dans certains cas les préparer : l'éther, le chloroforme, le chlorure d'éthyle ont été employés pour produire le sommeil hypnotique avec des résultats intéressants. Ce sont là des expériences faites rarement qui mériteraient d'être reprises avec soin. Il y a là peut-être le point de départ d'un nouvel hypnotisme qui pourrait être indépendant de l'hystérie, tandis qu'il est aujourd'hui à peu près entièrement sous la dépendance de cette névrose ou si l'on veut de cette intoxication naturelle.

Le somnambulisme n'est pas seulement l'arrêt de la personnalité normale, il est aussi le développement d'autres tendances. Pour qu'il y ait hypnotisme, il faut qu'au moment de la dépression amenée par l'une des causes précédentes s'éveillent et se développent des tendances compatibles avec cet état, c'est-à-dire des tendances qui permettent au malade de se tenir tranquille dans son fauteuil, d'écouter son hypno­tiseur, de causer avec lui, etc., en un mot de garder l'attitude d'un individu hypnotisé. Les séances précédentes, les somnambulismes qui sont survenus spontanément chez beaucoup de ces malades avant ces expériences, les crises de nerfs antérieures avec délire et bavardage, les idées répandues dans le public sur l'attitude des somnambules et en outre les suggestions de l'hypnotiseur déterminent justement l'éveil de ces ten­dances indispensables. Il y a là une éducation de sujet dont on s'est beaucoup moqué, mais qui est inévitable. Sans doute il est ridicule de dresser des sujets à vous tutoyer pendant l'hypnose, à garder des yeux terrifiés, ou à vous tenir la main en grattant constamment l'ongle du pouce ; mais ce sont là des exagérations d'une pratique excellente. L'hypnotisme est non seulement un état subconscient, mais c'est un état artificiel déterminé par l'hypnotiseur et jusqu'à un certain point à la disposition de l'hypnotiseur. Il faut donc que celui-ci donne au sujet pendant cet état les tendances et les attitudes dont il a besoin et ce ne serait pas la peine de provoquer cet état si le sujet devait y être aussi incommode que pendant la veille.

Il en résulte qu'il y a dans l'hypnotisme avec une complication plus grande quel­que chose d'analogue à ce que nous avons vu dans la suggestion. Il y a un arrêt, une suspension de la conscience personnelle normale, une modification de cette tension particulière que nous considérons comme la veille et qui était en équilibre instable et en même temps un appel, une évocation d'autres tendances élémentaires dont l'activation va remplacer celle des tendances supprimées. C'est quelquefois une autre vie, un autre caractère, une autre mémoire qui est évoquée à la place de la conduite ordinaire ; pour déterminer l'hypnose on profite encore de la disposition de certains tendances à s'activer d'une manière automatique à propos de la moindre stimulation.

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