LETTRES DE MONSIEUR LE DOCTEUR MESMER,
A M. PICHER-GRANDCHAMP, A LYON.
Paris, le 19 mai 1787. Monsieur, J'arrive il n'y a pas long-tempsd'Angleterre , où j'avais passé un mois pour me distraire. Je n'auraispas tardé de répondre à votre obligeante lettre, si je n'avais pas penséde vous voir incessamment à Lyon, et d'avoir une conversation avec voussur les objets que vous m'avez confiés. Je me propose de faire un voyage enSuisse pour y prendre des eaux cet été. J'ai dirigé ma route exprès pouravoir le plaisir de vous embrasser et de vous assurer de mon attachement et del'estime que je vous ai vouée. Je vous prie de faire passer la lettre pour M.le comte Dhoénoff; j'espère qu'elle est telle que vous l'avez désirée.Je partirai d'ici le dimanche au soir par, la poste. Je ne ferai aucun séjourà Lyon. En attendant j'ai l'honneur d'être Votretrès-humble, très-obéissant serviteur, Mesmer, médecin. P. S. Recommandezà M. le comte de Dhoénoff, de prendre de nouveau, avec les personnesqu'il se propose d'instruire, les mêmes engagemens qu'il avait signéslui-même.
Zurdeh, ce 10 juillet. Monsieur, J'apprends que deux lettres m'ont étéadressées à l'hôtel de Provence, qui apparemment y sont arrivéesaprès mon départ. Je vous prie, Monsieur, d'avoir la bonté de leschercher à l'hôtel ou à la poste pour me les faire parvenir, enajoutant à mon adresse chez M. Schuelhes et compagnie, àZuric en Suisse , en effaçant Lyon. C'est par cette adresse que jerecevrai toutes les lettres tandis que je serai en Suisse. Recevez, je vous prie Monsieur, enmême tempstous mes remercîmens pour les honnêtetés dont vous m'avez comblé pendantmon séjour, et soyez persuadé des sentimens du sincère attachement, del'estime la plus distinguée avec laquelle j'ai l'honneur d'être, Monsieur, votre très-humble etobéissant serviteur, Mesmer, médecin.
Frauenfeld, en Suisse, cantonThurgovie, le 16 janvier 1809. Monsieur, Je saisis avec plaisir l'occasionlong-temps désirée de renouer avec vous mes relations d'amitié et d'estime. Persuadéque vous n'avez point quitté le parti du magnétisme, et que vous n'avez pascessé d'apprécier ma doctrine; je vous ai recommandé M. Danomibes, qui estvenu à moi en Suisse. J'ai la confiance en vos lumières, que jene doute pas que vous ne parvinssiez à le guérir. Le siège de sonmal me paraît résider dans l'épine du dos et l'épigastre, vers l'hypocondregauche. Permettez, cher ami, de vous dire le procédé dont je me serais d'abordservi : j'aurais placé une main sur le dos, que j'aurais passée très-lentement,à commencer de la nuque, le long de l'épine; j'aurais observé et faitobserver au malade une légère sensation probablement de la chaleur ; enplaçant en même temps l'autre main sur la région indiquée , j'auraispris le point de sensation pour la source du mal, contre lequel j'auraisdirigé tous mes moyens, afin de provoquer une sorte de crise. Après unecouple d'heures du traitement, je l'aurais envoyé à quelque bain pourune heure et demie. Je n'ai pas manqué d'insinuer àvotre malade les conditions sous lesquelles vous lui faites espérer saguérison. Ne doutez pas de la part que je prendrai au succès de cette entreprise,et que des pareils faits puissent ajouter à votre célébrité. Vous serez sans doute curieux, monami, de savoir comment j'existe ici parmi une nation antique. Je végètedans une obscurité, sans rien faire ni en bien ni en mal ; un peu considéré,moins par rapport à mes connaissances, que comme étranger à sonaise, n'étant à charge à personne; avec cela je suis content, occupé de ma santé, que je conservebonne. Veuillez bien vous charger d'une lettre ci-jointe à M. Loos, rédacteur de la littératureuniverselle, que vous trouverez chez MM. Treuttel, Würtz, libraires, rue deLille : c'est mon ami fort attaché à la doctrine du magnétisme animal ;je désire que vous fassiez sa connaissance; il vous instruira du sort de M.A., du travail que j'ai encore entre les mains, de mes projets relatifs. Jevous prie de l'aller voir et de vous entretenir avec lui sur cet objet; surtoutsur les moyens de faire renaître l'opinion en faveur de cette science, que jesuis bien loin d'abandonner tant que j'existerai. Je suis très-sensibleà votre souvenir ainsi qu'à votre chère famille desvœux que vous m'adressez pour le renouvellement de l'an; je vous lesretourne sincèrement, en vous priant de me conserver la tendre affectiondont vous m'avez honoré jusqu'ici. Daignez me donner des nouvelles de votrebien-être, et particulièrement de vos chers fils. Adieu, je suis, avec l'estime la plusdistinguée et la tendre amitié, à vous pour la vie. Mesmer, médecin. |