CHAPITRE PREMIER: PROCÉDÉS DES MAGNÉTISEURS.
Dans nos ouvrages
précédents, nous avons fait l'historique du magnétisme humain, nous avons parlé
des procédés des pseudo-sorciers du moyen âge, nous avons exposé les théories
des anciens sur ces matieres ; donc, inutile de revenir aux sibylles, aux
augures, aux aruspices ; d'indiquer le modus
operandi des pretres des anciennes religions, nous sortirions de notre
plan. Nous voulons simplement mettre a la portée du lecteur les moyens
pratiques de se renseigner expérimentalement sur ce que nous avançons.
Procédés du docteur Mesmer
Mesmer (Frédéric-Antoine),
né a Iznang (Souabe), en 1733, mort a Meesbourg en 1815 (certains auteurs le
font naître a Stein sur le Rhin), étudia la médecine a Vienne. Reçu docteur, il
s'établit dans cette ville. Au bout de quelques années de pratique, trouvant
les remedes de son temps absurdes, il cessa de les employer et traita ses
malades par les aimants. Quelques succes l'encouragerent a poursuivre ses
recherches et, s'appuyant sur les travaux de ses prédécesseurs, il innova le
magnétisme animal.
Des cures nombreuses et
remarquables attirerent l'attention des Viennois, qui vinrent en foule chez
lui, mais la jalousie de ses confreres lui suscita tant d'ennemis qu'il quitta
la capitale de l'Autriche pour venir a Paris (1777), ou sa réputation l'avait
précédé.
Chez nous, il trouva un
accueil sympathique et il eut alors tous les succes qu'un homme ambitieux peut
désirer. Mais ne sachant borner son ambition, il s'attira, par sa maniere
d'agir, de nombreux déboires. Des guérisons éclatantes obtenues sur des
personnages hauts placés porterent Mesmer au pinacle ; aussi Louis XVI dut nommer
une commission (1784) pour étudier les théories et les procédés du médecin
allemand. Des hommes éminents : Barie, Sallin, Darcet, Guillotin, Franklin,
Bailly, Lavoisier et de Jussieu composerent cette commission. Ils reconnurent
les phénomenes affirmés par Mesmer, mais ils refuserent d'en admettre la cause
: le fluide des magnétiseurs. A ce sujet, voici ce que nous lisons a la page 7
du rapport de la commission :
« Rien n'est plus étonnant
que le spectacle de ces convulsions ; quand on ne l'a pas vu, on ne peut s'en
faire une idée, et en le voyant on est également surpris et du repos profond
d'une partie de ces malades et, de l'agitation qui anime les autres ; des
accidents variés qui se répetent et des sympathies qui s'établissent. On voit
des malades se chercher exclusivement, et en se précipitant l'un vers l'autre
se sourire, se parler avec affection et adoucir mutuellement leurs crises. Tous
sont soumis a celui qui magnétise ; ils ont beau etre dans un assoupissement
apparent, sa voix, un regard, un signe les en retire. On ne peut s'empecher de reconnaître a ces effets constants une grande
puissance qui agite les malades, les maîtrise et dont celui qui magnétise
semble etre dépositaire. »
Nous avons ici la
reconnaissance absolue des faits avancés par Mesmer. Nous verrons plus loin si
les savants de cette époque ne se trompaient pas en niant l'existence d'une
force quelconque, car, depuis, bien des choses nouvelles se sont produites.
Voici comment procédait
Mesmer :
Dans une salle se trouvait
un baquet spécial dans lequel était placé un certain nombre de bouteilles
contenant de l'eau magnétisée. (On magnétise l'eau soit en faisant des passes
dessus, soit en plongeant les mains dedans.) Les espaces vides, entre les
bouteilles, étaient garnis de limailles de fer, de verre pilé, de soufre, de
manganese ou de toute autre substance a laquelle Mesmer attribuait des
propriétés magnétiques. Le couvercle du baquet était percé de trous par
lesquels passaient des tiges de fer recourbées et mobiles. Au bout de ces tiges
étaient adaptés des cerceaux que les malades se passaient autour du corps.
Réunis en cercle, autour du baquet, ils se donnaient la main et formaient la chaîne.
L'opérateur, armé d'une
baguette en fer, magnétisait le baquet et les malades, en les touchant sur
diverses parties du corps. Pendant l'opération, Mesmer faisait jouer du piano
ou de l'harmonica ; il croyait que le fluide magnétique se propageait par le
son.
Nous verrons plus loin,
lorsque nous nous occuperons des phénomenes psychiques, que le son joue un
certain rôle.
Mesmer croyait a la polarité
humaine ; il pensait que le fluide magnétique était répandu partout et qu'il
n'était pas besoin de la volonté pour produire des effets.
Nous voyons, par ce qui
précede, que les modernes praticiens qui affirment avoir trouvé la polarité
humaine n'ont donc rien inventé... et que la paternité de cette hypothese
revient a Mesmer.
Les malades groupés autour
du baquet ne tardaient pas (du moins les plus sensibles) a éprouver des crises
nerveuses plus ou moins violentes. Mesmer les faisait alors transporter dans
une piece spéciale appelée salle des crises, ou il les laissait se débattre
jusqu'a ce qu'ils fussent calmés. Il croyait ces crises salutaires et pensait
que la nature se débarrassait, pendant cet instant, du principe morbide.
Nous ne partageons pas
entierement les idées de Mesmer, et nous croyons que si ses éleves, au lieu de
bâtir des théories inacceptables, s'étaient appliqués a produire des faits,
sans vouloir au préalable en expliquer les causes, chose d'ailleurs impossible,
ils auraient peut-etre réussi a faire admettre le magnétisme comme science
physique.
Les disciples de Mesmer ne
furent pas d'accord sur les opinions du maître. Les uns partageaient
entierement sa maniere de voir sur l'ubiquité de la force magnétique et sur sa
transmissibilité naturelle et croyaient, comme lui, que la volonté était
étrangere a la manifestation des phénomenes ; les autres pensaient que la
volonté était absolument nécessaire, qu'elle commandait cette force qui est en nous
et permettait de la communiquer. Plusieurs docteurs régents partagerent les
idées de Mesmer, notamment le docteur Deslong, premier médecin du comte
d'Artois.
Le docteur Mesmer n'avait
fait que remettre au point des théories qu'il n'avait pas trouvées, comme on le
croit généralement. Le fluide universel transmissible qui se dégage de notre
corps, qui traverse l'espace, était admis par quelques-uns avant lui. Voici ce
qu'il dit dans un mémoire publié en 1779 : « J'ai annoncé les réflexions que
j'avais faites depuis plusieurs années sur l'universalité de certaines opinions
populaires qui, selon moi, étaient le résultat d'observations les plus
générales et les plus constantes. Je disais a ce sujet que je m'étais imposé la
tâche de rechercher ce que les anciennes erreurs pouvaient renfermer d'utile et
de vrai ; et j'ai cru pouvoir avancer que, parmi les opinions vulgaires de tous
les temps : imposition des mains, visions
et oracles, influence de certains métaux, action mystique de l'homme sur
l'homme, les jeteurs de sort, les dompteurs, les communications a distance, les
pressentiments, les sensations simultanées, l'influence des voux et de la
priere, la transmission de la pensée, etc., etc., il en était peu, quelque
ridicules et meme extravagantes qu'elles paraissent, qui ne pussent etre
considérées comme le reste d'une vérité primitivement reconnue. »
« Et comme certains de ces
procédés, par une observation trop scrupuleuse, par une application aveugle,
semblaient rappeler d'anciennes opinions, d'anciennes pratiques justement
regardées comme des erreurs, la plupart des hommes consacrés aux sciences et a
l'art de guérir n'ont considéré ma doctrine que sous ce point de vue :
entraînés par ces premieres impressions, ils ont négligé de l'approfondir ;
d'autres, excités par des motifs personnels, par l'intéret de corps, n'ont
voulu voir dans ma personne qu'un adversaire qu'ils devaient abattre. Pour y
parvenir ils ont d'abord employé l'arme si puissante du ridicule, celle non
moins active et plus odieuse de la calomnie ; enfin, la publicité immodérée
d'un rapport qui sera dans tous les temps un monument peu honorable pour ceux
qui ont osé le signer ; d'autres personnes, enfin, convaincues, soit par leur
propre expérience, soit par celle d'autrui, se sont exaltées et livrées a de
telles exagérations qu'elles ont rendu
tous les faits incroyables. Il en est résulté pour la multitude faible et
sans instruction des illusions et des craintes sans fondement. Voila qu'elles
ont été jusqu'a présent les sources de l'opinion publique contre ma doctrine. »
« J'abandonne volontiers ma théorie
a la critique, déclarant que je n'ai ni le temps ni la volonté de répondre. Je
n'aurais rien a dire a ceux qui, incapables de me supposer de la droiture et de
la générosité, s'attacheraient a me combattre avec des dispositions
particulierement hostiles, ou sans rien substituer de mieux a ce qu'ils
voudraient détruire ; et je verrais avec plaisir de meilleurs génies remonter a
des principes plus solides, plus lumineux, des talents plus érudits que les
miens découvrir de nouveaux faits et rendre, par leurs conceptions et leurs
travaux, ma découverte plus intéressante. Il suffira toujours a ma gloire
d'avoir pu ouvrir un vaste champ aux calculs de la science et d'avoir en
quelque sorte tracé la route de cette nouvelle carriere. »
Afin de faire mieux
connaître le novateur du magnétisme animal, nous empruntons au si savant
ouvrage la Suggestion mentale, du
docteur Ochorowicz, les passages ci-dessous[1].
»
« On s'imagine généralement que c'est
Mesmer qui était le promoteur de la théorie du fluide nerveux, vital ou
magnétique, qui se dégage de notre corps, se projette au dehors, se transporte,
en cas de besoin, a travers, l'espace, etc., etc. C'est une erreur propagée par ceux qui n'ont pas lu Mesmer, ou qui
n'ont pas pu le comprendre. Sa théorie, tres ancienne du reste, a été élaborée
par un travail collectif de plusieurs de ses éleves indiscrets et surtout par les
révélations des somnambules qui s'expliquaient comme ils pouvaient. Enfin,
l'autorité de Deleuze qui, lui-meme, indique cette source, décida facilement la
popularité d'une théorie palpable, compréhensible pour des imaginations
grossieres, et qui semblait tout expliquer. Mais
elle était en opposition complete avec la doctrine de Mesmer, connue seulement
de ses éleves directs. Son cours n'a jamais été publié, mais les extraits qu'en
donne Puységur, aussi bien que ses aphorismes, ses mémoires et certains
fragments longtemps inédits, prouvent suffisamment combien est inexact tout ce
qu'on raconte de lui. Ils prouvent que c'était un esprit aussi profond
qu'original, qui pouvait bien perdre les qualités de modestie et de
désintéressement qui caractérisaient ses premiers pas, devant cette risée
universelle et vraiment inouie qu'on lui opposa. Mesmer connaissait le
somnambulisme mieux que Puységur (nous traiterons longuement cette question
intéressante) qui, par enthousiasme, avait exagéré sa valeur ; il le
connaissait, sous certains rapports, mieux que les hypnotiseurs d'aujourd'hui,
qui ne connaissent meme pas ses éleves. Tout d'abord on se contenta de
l'appeler un charlatan, puis, peu a peu, on commença a découvrir ce qu'il avait
découvert, changeant seulement les noms, pour ne pas se compromettre, mais en
lui conservant le titre de charlatan. C'est bete, mais c'est comme cela. »
« J'exposerai ici la théorie
de Mesmer en tant qu'elle a trait a notre probleme :
« Tout ce qui est accessible
a l'investigation peut se résumer en deux mots : matiere et mouvement.
Mais, pour arriver a cette conclusion, il faut dégager nos connaissances de
cette empreinte superficielle que leur donnent nos sens. Nous acquérons toutes
nos idées par les sens ; les sens ne nous transmettent que des propriétés, des
caracteres, des accidents, des attributs ; les idées de toutes ses sensations
s'expriment par un adjectif ou épithete, comme chaud, froid, fluide, solide,
pesant, léger, luisant, sonore, coloré, etc. On substitue a ces épithetes, pour
la commodité de la langue, des substantifs ; bientôt on substantifiera la
propriété : on dit la chaleur, la
gravité, la lumiere, le son, la couleur, et voila l'origine des
abstractions métaphysiques. »
« On multiplia ces substantifs, on les
personnifia, de la les esprits, les divinités, les démons, les génies, les
archées, etc. Il nous reste encore un certain nombre de ces entités qu'il faut
éliminer pour arriver a une vue nette du phénomene. C'est, en général, dit
Mesmer, le but que je me propose d'atteindre. »
« La matiere présente
plusieurs degrés de fluidité. L'eau
est plus fluide que le sable, puisqu'elle peut remplir les interstices de ses
grains ; l'air plus fluide que l'eau puisqu'il peut se dissoudre dans celle-ci ;
l'éther est plus fluide que l’air..., il est difficile de déterminer ou cette
divisibilité finit, mais on peut supposer qu'il y a encore plusieurs degrés de
ce genre et qu'il existe une matiere primitive universelle - les découvertes
récentes semblent le justifier - dont la condensation graduée constitue tous
les états de la matiere. Quoi qu'il en soit, il faut admettre, suivant Mesmer,
que tout espace du monde est rempli, et on peut bien nommer ce fluide qui
remplit tout fluide universel. »
« Quelques physiciens ont
déja reconnu l'existence d'un fluide universel, mais ils ont eu tort de
préciser les caracteres de ce fluide, de le surcharger de vertus et de
propriétés spécifiques, que nous ne pouvons pas connaître. Ce fluide existe,
quoique nous ne sentions pas sa présence. Nous sommes, vis-a-vis de lui, a peu
pres dans la situation des poissons qui seraient sans doute fort étonnés si
l'un d'eux leur annonçait que l'espace, entre le fond et la surface de la mer,
est rempli d'un fluide qu'ils habitent ; que ce n'est qu'en ce milieu qu'ils se
rapprochent, qu'ils s'éloignent, et qu'il est le seul moyen de leurs relations
réciproques. Le fluide universel n'est
que l'ensemble de toutes les séries de la matiere la plus divisée, par le
mouvement de ses particules. »
« Par lui l'univers est fondu et
réduit en une seule masse. Tout ce qu'on peut dire de lui, c'est qu'il est
fluide par excellence et, par conséquent, qu'il doit présider surtout a des
transmissions de mouvements plus subtiles que ne le sont celles effectuées par
d'autres fluides plus connus. L'eau peut transmettre le mouvement a un moulin,
l’air transmet les vibrations du son, l'éther celles de la lumiere, le fluide
universel les vibrations de la vie. Chacune de ces séries correspond a un degré
des phénomenes, et les vibrations de chacune de ces séries ne peuvent etre
perçues que dans un degré correspondant de l'organisation (de l'agrégation en
général) de la matiere. »
« Ni la chaleur, ni la lumiere, ni l'électricité, ni le
magnétisme ne sont des substances, mais bien des effets du mouvement dans les
diverses séries du fluide universel. Sans etre pesant ou élastique, ce fluide détermine
les phénomenes de la pesanteur, de la cohésion, de l'attraction, etc.... a la
suite des réactions du mouvement communiqué »
« L'attraction, a
proprement parler, n'existe pas dans la nature ; elle n'est qu'un effet
apparent des mouvements communiqués, et en général toutes les propriétés et
toutes les prétendues forces ne sont qu'un
résultat combiné de l'organisation des corps, et du mouvement du fluide dans
lequel ils sont plongés. C'est ce fluide qui préside aux influences
mutuelles de tous les corps ; et comme ces actions et réactions sont pour ainsi
dire symbolisées dans l'influence mutuelle de l'aimant et du fer, on peut bien
donner le nom de magnétisme universel a cette influence mutuelle générale. Rien
n'est soustrait a cette influence, qui peut etre plus ou moins inappréciable,
mais qui, théoriquement, n'a pas de bornes. Les corps célestes agissent sur
nous et nous réagissons sur les corps célestes, aussi bien que sur ceux qui
nous entourent. C'est cette propriété du corps animal qui le rend susceptible
d'une pareille action et réaction qui, a cause d'une analogie avec l'aimant,
peut etre surnommé le magnétisme animal. Par conséquent le magnétisme, aussi
bien universel qu'animal, n'est pas un fluide, mais une action, un mouvement et
non une matiere, une transmission du mouvement, et non une émanation
quelconque. Un déplacement quelconque ne peut pas se faire sans remplacement,
car tout l'espace est rempli, ce qui suppose que si un mouvement de la matiere
subtile est provoqué dans un corps, il se produit aussitôt un mouvement
semblable dans un autre, susceptible de le recevoir, quelle que soit la
distance entre les corps ; que l'aimant nous représente le modele de cette loi
universelle et que le corps animal soit susceptible de propriétés analogues a
celles de l'aimant, je crois assez justifier la dénomination de magnétisme
animal que j'ai adoptée... Je vois avec regret qu'on abuse légerement de cette
dénomination ; des qu'on s'est familiarisé avec le mot, on se flatte d'avoir
l'idée de la chose, tandis qu'on n'a que l'idée du mot. Tant que mes
découvertes ont été mises au rang des chimeres, l'incrédulité de quelques
savants me laissait toute la gloire de l'invention ; mais depuis qu'ils ont été
forcés d'en reconnaître l'existence, ils ont affecté de m'opposer les ouvrages
de l'antiquité, ou se trouvent les mots
fluide universel, magnétisme, influence, etc. Ce n'est pas des mots qu'il
s'agit, c'est de la chose, et surtout de l'utilité de son application. »
« La vie n'est que la
manifestation d'un mouvement subtil, dont la cessation constitue la mort. Parmi
ces mouvements subtils, les sensations occupent une place principale : toutes les actions sont les résultats de
sensations. Les organes des sens correspondent a différents degrés de
subtilité des vibrations qui nous influencent et ne sont susceptibles d'etre
influencés que par un genre spécial de vibrations. Mais la matiere nerveuse elle-meme, comme le produit supreme de
l'organisation, est capable d'etre
influencée directement par les vibrations les plus subtiles, c'est-a-dire du
fluide universel, et cette faculté, jusqu'ici négligée ou méconnue, Mesmer
l'appelle le sens intérieur. »
Comme nous venons de le
voir, les théories de Mesmer ont été mal interprétées par ses commentateurs, ce
qui a fait croire aux magnétiseurs qu'ils disposaient d'une sorte de force
semi-matérielle qui contournait certains corps pour pénétrer dans d'autres plus
aptes a la recevoir et a l'emmagasiner...
Nous aurons l'occasion de
revenir aux idées du créateur du magnétisme animal, lorsque nous nous
occuperons du somnambulisme provoqué.
Procédés de Puységur
Le marquis de Puységur
(Armand-Marc-Jacques de Chastenet), né a Paris en 1751, mort a Buzancy (Aisne)
en 1825, maréchal de camp sous Louis XVI et nommé lieutenant général par Louis
XVIII, fut un ardent disciple de Mesmer. En 1811, il reprit les expériences de
son maître, que la Révolution française avait interrompues, mais au lieu
d'employer la cuve magnétique, il lui substitua un gros arbre de sa propriété
de Buzancy. Des cordes étaient passées autour des branches et du tronc de cet
arbre et les malades en faisaient de meme autour de leur corps ; l'opérateur
magnétisait l'arbre... et des guérisons se produisaient... comme en d'autres
lieux du reste, sans magnétisme animal. On conçoit aisément que les sceptiques
avaient beau jeu...
De Puységur modifia et
simplifia bientôt sa méthode. Il faisait asseoir le malade a côté de lui et
l'invitait a etre calme ; puis, apres s'etre recueilli un instant, il lui
appliquait une main sur la tete et l'autre sur l'épigastre. Il obtenait ainsi,
apres un laps de temps plus ou moins long, le sommeil ou l'engourdissement,
suivant l'impressionnabilité du sujet. Plus tard, il modifia encore son procédé
et ne magnétisa plus qu'a distance. Voici le fait qui l'amena a cette
modification : un jour qu'il endormait un jeune homme, il s'aperçut, au bout
d'un temps assez long, que le patient n'éprouvait aucun effet. Machinalement,
il retira ses mains et, aussitôt, le malade se plaignit d'une douleur dans la
région épigastrique et d'une gene dans la respiration. Il appliqua de nouveau
ses mains et les effets cesserent subitement. Il enleva une seconde fois ses
mains, recula un peu et les dirigea, les doigts en pointe, vers le jeune homme,
qui ne tarda pas a s'endormir d'un profond sommeil, ce qui indique que,
parfois, suivant l'impressionnabilité du sujet, la façon d'opérer a son
importance.
On attribue communément au
marquis de Puységur la découverte du somnambulisme provoqué. Tous ceux qui ont
étudié la question savent que cela n'est pas exact et que, bien avant lui et
Mesmer, ce phénomene était connu ; néanmoins, il eut le grand mérite d'indiquer
les procédés pour l'obtenir, ce que son maître n'avait pas voulu faire.
Le somnambulisme donna un
grand attrait a l'étude du magnétisme, mais faussa les idées sur l'importance
de cette science naissante, parce que les expérimentateurs chercherent
uniquement a obtenir ce phénomene et négligerent l'action curative du
Mesmérisme.
Procédés de l'abbé
Faria
Faria (Joseph-Custodi de),
né a Goa (Indes Orientales) vers 1755, mort a paris en 1819, rentra dans les
ordres a Rome. Il vint a Paris pendant la Révolution et se mela activement au
mouvement.
Ce mulâtre, au regard vif et
pénétrant, doué de beaucoup de sang-froid, avait tous les attributs pour faire
un excellent magnétiseur[2].
Il ouvrit un cours public de
magnétisme (1813), qui fut suivi par un certain nombre de savants.
L'abbé Faria opérait de la
maniere suivante : il appliquait pendant quelques instants ses mains sur la
tete et sur les épaules du sujet et, quand il jugeait le moment opportun, d'une
voix vibrante et impérieuse il lui commandait de dormir. Il réussissait assez
souvent a produire, par ce moyen, le sommeil nerveux. Quand une personne se
montrait deux ou trois fois réfractaire a sa méthode, il l'abandonnait et la
déclarait insensible a l'action magnétique.
Comme on le voit, Faria
agissait plutôt par la suggestion verbale, et nous aurions du placer son nom
parmi ceux des hypnotiseurs ; d'ailleurs, pas plus que ces derniers, il ne
croyait a la transmission de la volonté ; il était, par conséquent, en
opposition avec les autres magnétiseurs mais quoiqu'il soit le pere des
suggestionnistes, nous le mettons avec les Mesmériens, ne devant, en bonne
logique, commencer l'étude de l'hypnotisme qu'avec Braid.
L'abbé Faria ne s'attachait
qu'a produire des effets en public ; il n'eut peut-etre pas le temps ni la
patience de rechercher les phénomenes affirmés par les magnétiseurs, ce qui
demande de la persévérance, et c'est pourquoi il soutint des idées erronées.
Procédés de Deleuze
Deleuze
(Jean-Philippe-François), naturaliste, né a Sisteron (Basses-Alpes) en 1753
mort a Paris en 1835, fut aide-naturaliste au Muséum, dont il devint
bibliothécaire. Ce savant, outre ses importants travaux sur le magnétisme
animal, publia de nombreux ouvrages sur les sciences, les lettres, la
philosophie, etc.
Deleuze est d'une grande
minutie et d'une extreme délicatesse dans ses procédés.
« Lorsqu'un malade désire,
dit-il, que vous essayiez de le guérir par le magnétisme, et que sa famille et
son médecin n'y mettent aucune opposition ; lorsque vous vous sentez le désir
de seconder ses voux et que vous etes bien résolu de continuer le traitement
autant qu'il sera nécessaire, fixez avec lui l'heure des séances, faites-lui
promettre d'etre exact, de ne pas se borner a un essai de quelques jours, de se
conformer a vos conseils pour son régime, de ne parler du parti qu'il a pris
qu'aux personnes qui doivent naturellement en etre informées. »
« Une fois que vous serez
ainsi d'accord et bien convenu de traiter gravement la chose, éloignez du
malade toutes les personnes qui pourraient vous gener, ne gardez aupres de vous
que les témoins nécessaires, un seul, s'il se peut, demandez-lui de ne
s'occuper nullement des procédés que vous employez et des effets qui en sont la
suite, mais de s'unir d'intention avec vous pour faire du bien au malade.
Arrangez-vous de maniere a n'avoir ni trop chaud, ni trop froid, a ce que rien
ne gene la liberté de vos mouvements, et prenez des précautions pour ne pas
etre interrompu pendant la séance. »
« Faites ensuite asseoir
votre malade le plus commodément possible, et placez-vous vis-a-vis de lui, sur
un siege un peu plus élevé et de maniere que ses genoux soient entre les vôtres
et que vos pieds soient a côté des siens. Demandez-lui de s'abandonner, de ne
penser a rien, de ne pas se distraire pour examiner les effets qu'il éprouvera,
d'écarter toute crainte, de se livrer a l'espérance et de ne pas s'inquiéter ni
se décourager, si l'action du magnétisme produit chez lui des douleurs
momentanées. »
« Apres vous etre recueilli,
prenez ses pouces entre vos doigts de maniere que l'intérieur de vos pouces
touche l'intérieur des siens, et fixez vos yeux sur lui. Vous resterez de deux
a cinq minutes dans cette situation ou jusqu'a ce que vous sentiez qu'il s'est
établi une chaleur égale entre ses pouces et les vôtres. »
« Cela fait, vous retirez
vos mains en les écartant a droite et a gauche, et les tournant de maniere que
les surfaces intérieures soient en dehors, et vous les éleverez jusqu'a la
hauteur de la tete ; alors vous les poserez sur les deux épaules, vous les y
laisserez environ une minute, et vous les ramenerez le long des bras jusqu'a
l'extrémité des doigts, en touchant légerement. Vous recommencerez cette passe
cinq ou six fois, toujours en détournant vos mains et les éloignant un peu du
corps pour remonter. Vous placerez ensuite vos mains au-dessus de la tete, vous
les y tiendrez un moment et vous les descendrez en passant au devant du visage,
a distance d'un ou deux pouces, jusqu'au creux de l'estomac. La, vous vous
arreterez un moment, environ deux minutes, en posant les pouces sur le creux de
l'estomac et les autres doigts au-dessous des côtes, puis vous descendrez lentement
le long du corps jusqu'aux genoux. Vous répéterez les memes procédés pendant la
plus grande partie de la séance. Vous vous rapprocherez aussi, quelquefois du
malade, de maniere a poser vos mains derriere ses épaules, pour descendre
lentement le long de l'épine du dos, et, de la, sur les hanches et le long des
cuisses, jusqu'aux genoux ou jusqu'aux pieds. »
« Lorsque vous voudrez
terminer la séance, vous aurez soin d'attirer vers l'extrémité des mains et
vers l'extrémité des pieds, en prolongeant vos passes au dela de ces
extrémités, en secouant vos doigts a chaque passe. Enfin vous ferez devant le
visage et meme devant la poitrine quelques passes en travers, a la distance de
trois ou quatre pouces. »
« Il est essentiel de
magnétiser toujours en descendant de la tete aux extrémités, et jamais en
remontant des extrémités a la tete. »
« Les passes qu'on fait en
descendant sont magnétiques, c'est-a-dire qu'elles sont accompagnées de
l'intention de magnétiser. Les mouvements que l'on fait en remontant ne le sont
pas. »
« Lorsque le magnétiseur
agit sur le magnétisé, on dit qu'ils sont en rapport, c'est-a-dire qu'on entend
par le mot rapport une disposition particuliere et acquise, qui fait que le
magnétiseur exerce une influence sur le magnétisé, qu'il y a entre eux une
communication du principe vital. »
« Une fois que le rapport
est bien établi, l'action magnétique se renouvelle dans les séances suivantes a
l'instant ou l'on commence a magnétiser. »
Cette méthode, un peu
compliquée, absorbe trop l'attention, qui devrait plutôt etre portée sur les
effets a produire. Il est plus rationnel de diriger convenablement sa pensée,
et de faire le moins possible, de gestes car, si les passes absorbent toute
l'attention, on a fort peu de chance de réussir. Or, comme il est rare qu'un
insucces n'amene pas le découragement, l'incrédulité a la partie belle.
Procédés du baron du
Potet
Du Potet (Jules-Denis de
Sennevoy, baron), né en 1796 a la Chapelle (Yonne), mort a Paris en 1881, fut
le plus ardent propagateur du magnétisme. A peine âgé de 20 ans, il se
passionna pour cette doctrine et, afin d'approfondir plus completement le
sujet, il commença ses études médicales, qu'il cessa pour se vouer
exclusivement a sa science de prédilection, comme il le dit lui-meme.
« Du moment, dit-il, qu'on
adopte l'hypothese d'un agent, les procédés doivent avoir pour but unique sa
transmission rapide. Les magnétistes ont compliqué ce qui doit etre extremement
simple ; ils ont cherché plutôt dans leur imagination que dans la nature et se
sont, de plus en plus, éloignés de celle-ci ; il faut donc y revenir et suivre,
autant que possible, les leçons qu'elle nous donne. »
« Mon premier soin, je
puis dire ma premiere étude, fut de comparer les méthodes enseignées par tous
les auteurs, de varier l'expérimentation afin d'obtenir des résultats
comparatifs, et d'en tirer de justes indications. Ce fut un travail laborieux
et difficile, mais il me donna une supériorité marquée sur les magnétistes, mes
contemporains, en me permettant d'agir la ou ils n'obtenaient rien, et de
suivre une opération magnétique dans son développement successif. Ma marche
étant éclairée, je savais ou j'allais et le magnétisme des lors n'était plus
pour moi une chose vague autant qu'incertaine, mais, au contraire, un principe fixe,
un levier d'une puissance incommensurable qu'un enfant cependant pouvait faire
mouvoir. »
« J'étudiai particulierement
les propriétés de l'agent magnétique, le dégageant lui-meme des attributs de
convention, car, s'il est le véhicule naturel qui transmet nos idées et nos
sentiments, il a un mode d'action qui lui est propre. Je reconnus les erreurs
commises, les fausses idées admises et les phénomenes qu'il m'arrivait de
produire avaient des lors un caractere déterminé et indélébile. »
« Voici, sans autre
préambule, les procédés qui me sont personnels :
« Lorsque le patient peut
s'asseoir nous le mettons sur un siege et nous nous plaçons en face de lui sans
le toucher. Nous restons debout, autant que possible, et lorsque nous nous
asseyons, nous tâchons toujours d'etre sur un siege un peu plus élevé que le
sien de maniere que les mouvements des bras que nous avons a exécuter ne
deviennent par trop fatigants. »
« Lorsque le malade est
couché, nous nous tenons debout pres de son lit et l'engageons a s'approcher de
nous le plus possible. Ces conditions remplies, nous nous recueillons un
instant et nous considérons le malade avec attention. Lorsque nous jugeons que
nous avons la tranquillité, le calme d'esprit désirables, nous portons une de
nos mains, les doigts légerement écartés et sans etre tendus ni raides, vers la
tete du malade ; puis, suivant a peu pres une ligne droite, nous la descendons
ainsi jusqu'au bassin en répétant ces mouvements (passes) d'une maniere
uniforme pendant un quart d'heure environ, en examinant avec soin les
phénomenes qui se développent. »
« Notre pensée est active,
mais n'a encore qu'un but, celui de pénétrer l'ensemble des organes, surtout la
région ou gît le mal que nous voulons attaquer et détruire. Quand un bras est
fatigué par cet exercice, nous nous servons de l'autre et notre pensée, notre
volonté, constamment actives, déterminent de plus en plus l'émission d'un
fluide que nous supposons partir des centres nerveux et suivre le trajet des
conducteurs naturels, les bras, et par suite les doigts. Je dis supposons,
quoique pour nous ce ne soit pas une hypothese. Notre volonté met bien
évidemment en mouvement un fluide d'une subtilité extreme ; il se dirige et
descend en suivant la direction des nerfs jusqu'a l'extrémité des mains, franchit
la limite de la peau et va frapper le corps sur lequel on le dirige. »
« Lorsque la volonté ne sait
pas le régler, il se porte par irradiation d'une partie sur une autre qui lui
convient ou qui l'attire ; dans le cas contraire, il obéit a la direction qui
lui est imprimée et produit ce que vous exigez de lui, quand toutefois ce que
vous voulez est dans le domaine du possible. »
« Nous considérant donc
comme une machine physique, et agissant en vertu de propriétés que nous
possédons, comme nous l'avons dit, nous promenons, sur les trois cavités
splanchniques, nos membres supérieurs, comme conducteurs de l'agent dont le
cerveau parait etre le réservoir ou tout au moins le point de départ, en ayant
soin que des actes de volonté accompagnent nos mouvements. »
« Voici une comparaison qui
rendra notre pensée plus compréhensible. Lorsqu'on a l'intention de lever un
fardeau, on envoie la volonté, la force nécessaire aux extrémités, et cette
force, ce principe de mouvement obéit, car si elle ne s'y transportait point
nous ne pourrions de meme pour magnétiser. »
« Les effets, dont le
développement plus ou moins rapide est le fruit ordinaire de toute
magnétisation, apparaissent des lors en raison de l'énergie, de la volonté, de
la force émise, de la durée de l'action et surtout de la pénétration de l'agent
a travers les tissus humains. »
« Nous avons toujours
l'intention que les émissions magnétiques soient régulieres et jamais nos bras,
nos mains ne sont en état de contraction ; ils doivent avoir toute souplesse
pour accomplir sans fatigue leur fonction de conducteur de l'agent. »
« Si les effets qui
résultent ordinairement de cette pratique n'ont pas eu lieu promptement, nous
nous reposons un peu, car nous avons remarqué que la machine magnétique humaine
ne fournit pas d'une maniere continue, et selon notre désir ou notre volonté,
la puissance que nous exigeons d'elle. Apres 5 ou 10 minutes de repos, nous
recommençons les mouvements de nos mains (passes) comme précédemment pendant un
nouveau quart d'heure et nous cessons tout a fait, pensant que le corps du
patient est saturé du fluide que nous supposons avoir émis. »
Tels sont les procédés
qu'employait du Potet dans le traitement des maladies. Voici maintenant celui
au moyen duquel il obtenait le sommeil magnétique :
Il s'asseyait en face de la
personne qu'il voulait endormir. Il portait une main a la hauteur de la racine
du nez du patient et la descendait lentement jusqu'au creux épigastrique; puis
il la remontait et continuait ainsi ses passes jusqu'a l'obtention du sommeil.
Quand un bras était fatigué, il se servait de l'autre.
Procédés de
Lafontaine
Lafontaine
(Charles-Léonard), né a Vendôme en 1803, mort a Geneve en 1892, fut un puissant
expérimentateur. C'est lui qui, en 1841, donnant des séances publiques de
magnétisme a Manchester, incita Braid a créer l'hypnotisme.
Lafontaine dit : « Pour
produire les phénomenes magnétiques, il n'est pas nécessaire de croire au
magnétisme, il suffit d'agir comme si l'on y croyait. La cause étant une
propriété physique de l'homme, elle agit parfois a son insu ; il ne faut qu'un
éclair de volonté pour la mettre en mouvement. C'est ce qui explique comment
les incrédules ont souvent produit ces phénomenes ; de meme que, pour etre
magnétisé, il n'est pas nécessaire de croire et de vouloir l'etre, comme l'ont
écrit plusieurs magnétiseurs. »
« Bien plus, nous préférons
magnétiser les personnes qui y mettent de la résistance ; celles-ci, ignorantes
des lois magnétiques, jettent au dehors en un instant tout le fluide qu'elles
possedent, et, bientôt fatiguées, épuisées, elles succombent promptement au
moindre effet qu'elles ressentent de l'action raisonnée d'un magnétiseur
expérimenté ».
« Avant de commencer
l'opération, il faut prier les personnes présentes de s'asseoir et de garder le
silence ; car il est essentiel que, pendant l'opération, le magnétisé et le
magnétiseur ne soient pas distraits, et que celui-ci observe avec attention
toutes les sensations qui pourraient se peindre sur le visage du magnétisé. »
« Le magnétiseur en commençant,
se concentrera en lui-meme et réunira toute sa volonté sur une seule idée,
celle d'agir sur le sujet. »
« Le patient et le
magnétiseur s'assiéront en face l'un de l'autre, les genoux du sujet entre ceux
du magnétiseur, mais sans les toucher, le magnétiseur sur un siege plus élevé,
afin de pouvoir atteindre, facilement et sans fatigue le sommet de la tete du
sujet ; puis il touchera l'extrémité des pouces du patient avec l'extrémité des
siens sans les serrer ; ce contact des pouces mettra en rapport direct le
cerveau du magnétiseur avec celui du sujet, les filets nerveux de celui-ci
formant un prolongement aux nerfs du magnétiseur, serviront de conducteur au
fluide, et rendront plus prompt et plus complet l'envahissement du systeme
nerveux du patient. »
« Le magnétiseur fixera ses
yeux sur ceux du sujet qui, de son côté, fera tout son possible pour le
regarder ; il continuera ainsi pendant quinze ou vingt minutes. Il est probable
que, pendant ce temps, la pupille des yeux du sujet se contractera ou se
dilatera d'une maniere démesurée, et que ses paupieres s'abaisseront pour ne
plus se relever, malgré ses efforts. »
« Apres l'occlusion des
yeux, le magnétiseur continuera a tenir les pouces jusqu'au moment ou l'oil ne
roulera plus sous les paupieres et ou la déglutition ne se fera plus ; alors il
pourra lâcher les pouces et, éloignant lentement les mains en les fermant, il
les élevera de chaque côté du patient jusqu'au sommet de la tete ; puis il
imposera les mains au-dessus du cerveau du sujet, et il les y laissera de dix a
quinze secondes ; ensuite, il les descendra lentement vers les oreilles et le
long des bras jusqu'au bout des doigts.»
« Il fera huit a dix passes
semblables, chacune devra durer a peu pres une minute. »
« Apres avoir imposé les
mains de la meme maniere il les descendra devant la face, la poitrine et tout
le buste, s'arretant de temps en temps a la hauteur de l'épigastre, en
présentant la pointe des doigts. Il continuera ainsi pendant une demi-heure,
une heure. »
« Les impositions et les
passes seront faites a quelques pouces de distance sans attouchement. Chaque
fois que le magnétiseur relevera les mains, elles seront fermées ; il le fera
lentement, de côté et non en face du sujet, et cela afin de ne pas produire
dans la circulation un va-et-vient qui pourrait provoquer une congestion au cerveau,
si l'on agissait en face. »
« Le magnétiseur fera aussi
quelques passes en imposant les mains au-dessus du cervelet, et en les
descendant derriere les oreilles et les épaules pour revenir sur les bras. »
« Depuis le commencement
jusqu'a la fin de l'opération, il ne s'occupera que de ce qu'il veut produire
afin que, par la concentration de sa volonté, il provoque l'émission du fluide
et le transmette au sujet. »
« Le magnétiseur reconnaîtra
le sommeil magnétique a une impassibilité cadavérique du visage et au manque
total de déglutition. »
« Apres avoir ainsi opéré
pendant un certain temps, si le sujet paraît plongé dans le sommeil, le
magnétiseur pourra lui adresser quelques questions. »
« Si le sujet est seulement
dans un état d'engourdissement ou de sommeil naturel, il se réveillera. Il
faudra alors cesser l'opération et dégager fortement, car il pourrait arriver
que, bien que le patient n'ait point été endormi, il ait été assez envahi par
le fluide pour ne pouvoir ouvrir les yeux. »
« Mais si le sujet est
plongé dans le sommeil magnétique, sommeil profond dont aucun bruit, aucune
sensation ne peuvent le faire sortir, il restera muet. Si le magnétiseur n'est
pas trop fatigué, il continuera a magnétiser pour obtenir le somnambulisme,
sinon il réveillera. »
« Mais si le sujet a passé
par le sommeil magnétique et qu'il soit arrivé au somnambulisme, il entendra le
magnétiseur, lorsqu'il lui parlera et il pourra lui répondre. Le magnétiseur
pourra alors continuer les questions pendant quelques instants, car il ne faut
pas la premiere fois fatiguer les sujets par des expériences ; puis il
réveillera. »
« Lorsque le magnétiseur
voudra réveiller, il fera quelques passes des épaules aux pieds, afin de dégager
la tete en entraînant le fluide en bas ; puis, en y mettant un peu de force
musculaire, il fera vivement, devant les yeux et le visage, des passes longues,
en les descendant de côté jusqu'a ce que le sujet donne signe qu'il revient a
lui, puis il continuera les memes passes devant la poitrine et le corps entier;
alors le sujet devra etre réveillé, mais non encore dans son état normal. Le
magnétiseur fera une insufflation froide sur les yeux, il touchera les sourcils
depuis leur naissance, afin de dégager entierement les yeux ; il faudra
continuer sans s'arreter les memes passes sur tout le corps, jusqu'au moment ou
le sujet sera completement dégagé. Le magnétiseur pourra faire aussi quelques
passes transversales devant l'estomac. »
« Il est fort essentiel de
bien dégager apres avoir réveillé, car souvent il arrive que le sujet qui ne
s'est point laissé débarrasser entierement éprouve, dans la journée, un peu de
lourdeur dans la tete ou d'engourdissement dans les jambes, ce qui pourrait
dégénérer en un malaise général. »
« Voila exactement ce
qu'il faut faire pour endormir et réveiller sans provoquer d'accident ; mais il
se peut que, tandis qu'on agit ainsi, le sujet, par sa nature meme, éprouve
divers malaises qui pourraient occasionner des accidents, si on ne les faisait
pas cesser immédiatement. »
« Par exemple, si le sujet
avait la respiration genée et qu'elle le devînt de plus en plus, il faudrait
exécuter vivement des passes transversales devant l'épigastre, afin de dégager
les plexus du fluide qui s'y accumule. »
« Si le sujet suffoquait, il
faudrait poser les doigts d'une main sur l'épigastre, les y laisser et poser
les doigts de l'autre main a la naissance du cou, en les descendant ensuite sur
la trachée-artere et sur les bronches, afin de rétablir la circulation, puis
faire quelques passes transversales devant l'épigastre. »
« Si le sujet avait des
mouvements convulsifs dans les membres, des soubresauts du corps, il faudrait
poser le bout du doigt d'une main sur l'épigastre, pour empecher les contractions
du diaphragme, puis faire quelques passes transversales devant l'estomac, et
enfin quelques passes longues et lentes, les mains renversées, devant tout le
corps pour calmer tout l'organisme. »
« Si le sang montait avec
violence a la tete, que la face devînt rouge et qu'il y eut danger d'une
congestion, il faudrait attaquer les carotides, en appuyant les doigts dessus
et en les descendant devant la poitrine, et y joindre quelques passes longues
et lentes. »
« Si, apres avoir endormi,
il ne pouvait pas réveiller, le magnétiseur se reposerait un instant pour
retrouver tout le calme ; il plongerait ses mains dans l'eau fraîche, et apres
les avoir essuyées il exécuterait les passes indiquées pour réveiller -et il
réveillerait. »
« Depuis le commencement
jusqu'a la fin de l'opération, qu'il y ait eu petits malaises ou non, il est
important, tres important, que le magnétiseur soit calme et conserve tout son
sang-froid. Il faut qu'il soit bien convaincu que, s'il a eu le pouvoir
d'endormir, il a aussi le pouvoir de réveiller et de faire cesser tous les
accidents. Il est d'autant plus essentiel que le magnétiseur conserve tout son
sang-froid que, si malheureusement il se trouble et s'inquiete, il perd toute
sa puissance, et que les plus grands malheurs peuvent en etre la conséquence. »
Nous ne croyons pas aux
grands malheurs que redoute Lafontaine ; nous indiquerons des procédés plus
simples, qui permettront d'éviter tout accident.
« Si l'on veut suivre
attentivement ces indications, nous pouvons assurer qu'on n'aura point
d'accident a déplorer, et que l'on produira facilement les phénomenes
magnétiques. »
« Par la méthode que nous
avons indiquée, nous demandons le contact préalable des pouces, contrairement a
plusieurs magnétiseurs, dont nous reconnaissons le savoir ; mais nous insistons
avec d'autant plus de force et de raison sur ce procédé que l'action par le
contact des pouces est plus puissante et plus complete, que l'envahissement du
systeme nerveux est plus direct, plus intérieur, puisque ce sont les nerfs memes
du sujet qui servent de conducteur au fluide vital jusqu'aux centres nerveux,
qui sont mis en rapport exact, par ce moyen, avec ceux du magnétiseur. »
« On comprend, on doit
comprendre que l'envahissement de l'organisme du patient doit etre d'autant plus
prompt et d'autant plus entier que l'action est plus continue et plus directe.
Le magnétiseur est un réservoir dont la soupape est ouverte, et dont le contenu
parcourt les canaux qui lui sont ouverts intérieurement. Rien ne se perd, rien
ne peut se perdre ; le fluide suit le trajet des nerfs, comme le fluide
électrique suit le fil de fer qui lui sert de conducteur dans le télégraphe
électrique. »
« Les effets viennent a
l'appui de ce que nous avançons : la torpeur, l'engourdissement,
l'insensibilité, le sommeil se présentent bien plus souvent et d'une maniere
bien plus complete, plus exacte et plus prompte, avec le contact des pouces
qu'avec la méthode des passes seulement. Avec celles-ci, vous n'obtenez que des
effets superficiels, et avec les pouces vous agissez promptement et
intérieurement sans secousses, vous ne produisez pas l'ébranlement subit, votre
action, continue et douce, s'infiltre insensiblement. »
« Quant a la fascination,
elle est utile quoiqu'on la blâme ; elle frappe l'imagination et prédispose le
systeme nerveux a recevoir le fluide qui lui est communiqué. »
« Nous maintenons donc que
la méthode du contact des pouces, et ensuite des passes faites a la distance de
quelques centimetres, est la plus rationnelle et la plus efficace pour produire
le sommeil et pour toute magnétisation généralement. »
Polarité du corps
humain
Avant d'indiquer les
procédés qui nous sont personnels, pour etre complet, nous devons dire un mot
des assertions de Decle, Sazarain et Durville sur la polarité humaine, dont
chacun de ces Messieurs revendique la paternité.
D'apres ces
expérimentateurs, le côté droit du corps est positif et le côté gauche négatif ;
chez les gauchers, les rôles sont renversés. Mais une petite complication
existe : le côté négatif est également positif, et vice versa.
Le bras positif, par exemple
le droit, a aussi son pôle négatif ; les doigts d'une main possedent les deux
polarités : c'est légerement compliqué...
Pour produire le sommeil, il
ne s'agit que de présenter ou d'appliquer la main droite, pour les droitiers, sur la tete du sujet; la main gauche réveille.
Nous avons tenté de
nombreuses expériences, pour nous rendre compte de la valeur de ce procédé,
mais nous devons reconnaître que, si le somnambule n'est pas éduqué et si la
suggestion de la parole ou du geste n'est pas saisie, le résultat est nul.
Nous avons assisté, il y a environ
trois ans, a une démonstration du docteur Sazarain avec son sujet favori qui
servait a ses études depuis de longues années. Les expériences eurent lieu chez
un de ses amis, artiste peintre bien connu, et en présence d'autres artistes,
d'ingénieurs et de médecins. Chaque fois que des précautions, pour éviter la
suggestion, furent prises, le phénomene annoncé par l'opérateur échoua.
A notre point de vue - il est
vrai que nous pouvons nous tromper- les effets obtenus par les créateurs de
cette méthode ne sont dus qu'a l'éducation des sujets.
Sommeil provoqué par
la compression des arteres carotides
Cet état, quoique ayant
quelque analogie avec le sommeil nerveux produit par le magnétisme ou
l'hypnotisme, n'est qu'une espece de coma occasionné par de l'anémie cérébrale
passagere.
En comprimant les carotides,
on empeche le sang d'affluer au cerveau et une sorte de sommeil se déclare. Cet
état dure plus ou moins longtemps, et le patient se réveille tout seul. On a
pu, pendant ce coma, pratiquer sans douleurs de petites opérations
chirurgicales.
Le docteur Steiner a connu
cette pratique a l'île de Java, et voici comment il l'a décrite :
« On place les mains sur le cou
du sujet, les doigts se rencontrant sur le haut du cou. L'artere carotide est
comprimée avec les pouces en arriere et un peu au-dessous du maxillaire
inférieur ; la pression de l'artere est dirigée vers l'épine dorsale. Aussitôt
la tete s'incline, et le sujet semble plongé dans un profond sommeil duquel il
se réveille seul, presque subitement, au bout de quelques instants.
« L'effet n'est pas du a la
suggestion, car l'emploi de ce meme procédé, sans la compression des arteres ne
donne aucun résultat.
« Ce procédé a, en Javanais,
un nom qui signifie compression des vaisseaux du sommeil. D'ailleurs, en
Russie, le nom populaire de l'artere carotide est : l’artere du sommeil, et carotide ne vient-il pas du mot grec sommeil ? »
Le docteur Steiner recommande a la
chirurgie ; pour les petites opérations, cette méthode, a cause de sa brieveté,
de sa simplicité d'exécution et de la rapidité du réveil. Il n'a jamais entendu
parler d'accidents provenant de cette application. Les patients ne vomissent
pas et ils n'ont ni incontinence d'urine, ni fécale[3].
Les migraines les plus
violentes, d'apres Steiner, cessent instantanément durant ce sommeil.
Nous engageons les médecins,
mais les médecins seuls, a essayer ce systeme qui, comme on le voit, n'a rien
de commun avec le magnétisme ou l'hypnotisme, mais qui, cependant, trouve sa
place ici.
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