CHAPITRE VII: PREUVES DE L'EXISTENCE D'UN AGENT TRANSMISSIBLE.
Plusieurs
des faits que nous allons citer seront sans doute, par certains, classés parmi
les phénomenes de suggestion mentale ou de transmission de pensée. C'est ce que
nous ne pensons pas ; d'ailleurs, la transmission de pensée implique un agent
cause du phénomene. Et alors, le principe des ondes hertziennes doit etre
applicable.
En
effet, pourquoi des organes plus parfaits que deux appareils de physique, deux
cerveaux, l'un transmetteur et l'autre récepteur, ne rempliraient-ils pas le
rôle de la télégraphie sans fil ? Dans l'état actuel de nos connaissances, rien
n'infirme cette hypothese. Mais si nous voulions, meme succinctement, indiquer
nos expériences personnelles, qui prouvent par A + B l'existence d'un agent
transmissible, nous devrions, considérablement agrandir le cadre de ce livre, cependant
nous donnerons suffisamment de faits pour prouver le bien fondé de nos
assertions.
Dans le
chapitre suivant, nous étudierons spécialement ceux qui sont réellement du
domaine de la suggestion mentale.
Voyons
d'abord les preuves que donnent le baron du Polet et Charles Lafontaine.
Du Potet
dit, dans son Manuel de l'Étudiant
magnétiseur :
« Action sur des enfants. - Il n'est aucun
enfant endormi qui, magnétisé cinq ou dix minutes au plus, ne manifeste
suffisamment le changement qui s'opere dans l'état habituel de son existence.
« Pour
obtenir cette modification dans sa maniere d'etre, voici comment je procede :
« Me
plaçant a un pied de distance de l'etre que je veux impressionner, je promene
mes mains successivement sur toute la surface du corps, sans déranger les
couvertures ; puis, cessant ces mouvements ou passes au bout du temps plus haut
fixé, j'approche un doigt d'une surface nue ou couverte, et, sans contact
aucun, j'y détermine de légeres contractions musculaires.
« De
petits mouvements convulsifs se manifestent dans les doigts, si c'est la main
que j'actionne, et souvent meme tout le corps participe a ce commencement de magnétisation.
« Si
je dirige sur la tete la force que je suppose en moi, le sommeil devient plus
intense.
« Si
j'ai choisi la poitrine comme point d'expérience, la respiration devient
laborieuse, et la gene commence sans que les contractions que je viens de
signaler cessent de se manifester par instants.
« En
insistant davantage sur la surface totale du corps, de légeres secousses,
simulant de faibles décharges électriques, ne tardent pas a se produire
visiblement, ostensiblement, et l'enfant est éveillé indubitablement par
l'agitation qu'il éprouve.
« Si,
ceci fait, je le laisse tomber dans son état primitif, a cinq ou dix pas de distance,
je reproduis la meme chose en me servant des memes procédés.
« Enfin
si, pour détruire toute incertitude, lever tout doute, je place un corps
quelconque entre moi et l'enfant, l'effet n'est en rien modifié.
« Cette
force, ainsi mise a jour, ne peut plus etre contestée. Néanmoins, voyons
d'autres preuves.
« Action sur des hommes. - Le systeme
nerveux d'un enfant pouvant etre impressionné par des agents d'une faible
puissance, essayons sur des hommes faits, placés dans les memes circonstances,
c'est-a-dire en état de sommeil naturel.
« Je
trouve qu'il n'en est encore aucun qui n'éprouve, presque dans le meme laps de
temps, des effets absolument identiques, c'est-a-dire trismus des muscles,
secousses, gene dans la respiration, sommeil plus profond, ou réveil subit,
selon l'organe actionné.
« J'ai
rarement rencontré quelque etre humain endormi
sans essayer sur lui l'action du magnétisme et, dans plus de mille
expériences de ce genre que j'ai faites en ma vie, les phénomenes nerveux ont
toujours apparu de la meme maniere.
« Dans l'ivresse, la syncope, ou tout se passe a l’insu du patient comme dans le
sommeil, les phénomenes se manifestent aussi de la meme maniere et avec le meme
caractere. Cela ne suffit pas encore, poursuivons.
« Action sur des animaux. - Le chien, le
chat, le singe et quelques autres animaux ont été magnétisés ; soit endormis soit éveillés, on observe sur eux les memes effets que sur les hommes
dans les cas qui précedent.
« Le
cheval meme, qu'on pourrait supposer difficile a émouvoir a cause de sa masse
relative, est sensible, et son systeme nerveux s'émeut au bout d'un instant.
« Je
suppose ici que ceux qui voudront s'assurer du fait, en cherchant a le produire
eux-memes, sauront magnétiser, ou qu'ils connaîtront au moins les résultats des
expériences auxquelles M. le marquis de Larochejacquelin s'est livré sur ce
point.
« Action sur des magnétisés. - Souvent,
pour m'assurer de la réalité du sommeil
magnétique de personnes qu'on me disait etre en cet état, il m'est arrivé
de diriger sur elles une de mes extrémités sans but apparent, mais
intérieurement animé du désir d'exciter leur systeme nerveux.
« Eh
bien, elles sentaient mon action, m'avertissaient que je les magnétisais, et
éprouvaient des secousses qui, du reste, ne laissaient aucun doute.
« Il en
était encore absolument de meme, lorsque, me tournant le dos et causant avec
les personnes qui les entouraient, j'agissais avec la meme intention, et que,
par ma volonté, je chassais au dehors la force agissante de mes organes.
« Voici,
au reste, une expérience qui les résume toutes ; je la tire du rapport de M.
Husson a l'Académie de médecine :
« C'est
principalement sur M. Petit, âgé de trente deux ans, instituteur a Athis, que
les mouvements convulsifs ont été
déterminés avec le plus de précision par l'approche des doigts du magnétiseur.
M. du Potet le présenta a la Commission le 16 aout 1826, en lui annonçant que
M. Petit était tres susceptible d'entrer en somnambulisme, et que, dans cet
état, lui, M. du Potet, pouvait, a sa volonté, et sans l'exprimer par la
parole, par la seule approche de ses doigts, déterminer des mouvements
convulsifs apparents. Il fut endormi tres promptement, et c'est alors que la
Commission, pour prévenir tout soupçon d'intelligence, remit a M. du Potet une
note rédigée en silence a l'instant meme, et dans laquelle elle avait indiqué
par écrit les parties qu'elle désirait qui entrassent en convulsion ; il se
plaça ensuite derriere le magnétisé, et dirigea son doigt en premier lieu sur
la cuisse gauche, puis vers le coude gauche et enfin vers la tete, les trois
parties furent presque aussitôt prises de mouvements convulsifs.
« M du
Potet dirigea sa jambe vers celle du magnétisé ; celui-ci s'agita de maniere
qu'il fut sur le point de tomber. M du Potet dirigea ensuite son pied vers le
coude droit de M. Petit, et ce coude s'agita ; puis il porta son pied vers le
coude et la main gauches, et des mouvements convulsifs tres forts se
développerent dans tous les membres supérieurs.
« Un des commissaires, M. Marc, dans l'intention
de prévenir davantage encore toute espece de supercherie, lui mit un bandeau
sur les yeux, et les expériences furent répétées avec une légere différence
dans les résultats !... MM. Thillaye et Marc dirigerent les doigts sur
diverses parties du corps, et provoquerent quelques mouvements convulsifs. Ainsi M. Petit a toujours eu, par l'approche
des doigts, des mouvements convulsifs,
soit qu'il ait ou qu'il n'ait pas eu de bandeau sur les yeux. »
« Ces
démonstrations de l'existence de la force magnétique reprises dans une autre
séance pour obéir aux désirs des commissaires, eurent lieu dans le local meme
de l'Académie, rue de Poitiers. M. le rapporteur, en laissant de côté tout ce
qui a trait a la vision, s'exprime ainsi a leur sujet :
«
Pendant que M. Petit faisait une deuxieme partie de piquet (en somnambulisme),
M. du Potet, sur l'invitation de M. Ribes, dirigea par derriere la main sur son
coude ; la contraction précédemment observée eut lieu de nouveau. Puis, sur la
proposition de M. Bourdois, il le magnétisa par derriere, et toujours a un pied
de distance, dans l'intention de l'éveiller. L'ardeur que le somnambule portait
au jeu combattait cette action, et faisait que, sans le réveiller, elle le
genait et le contrariait. Il porta plusieurs fois la main derriere la tete,
comme s'il y souffrait. Il tomba enfin dans un assoupissement qui paraissait
etre un sommeil naturel assez léger, et quelqu'un lui ayant parlé dans cet
état, il s'éveilla comme en sursaut.
« Peu
d'instants apres, M. du Potet, toujours placé derriere lui, et a quelque
distance, le plongea de nouveau dans le sommeil magnétique, et les expériences
recommencerent. M. du Potet, désirant qu'il ne restât aucune ombre de doute sur
la nature d'une action physique exercée a
volonté sur les somnambules, proposa de mettre a M. Petit tel nombre de
bandeaux que l'on voudrait et d'agir sur lui dans cet état. On lui couvrit, en effet, la figure jusqu'aux
narines, de plusieurs cravates ; on tamponna
avec des gants la cavité formée par la proéminence du nez, et on recouvrit le tout d'une cravate noire
descendant en forme de voile jusqu'au cou. Alors on recommença de nouveau,
et de toutes les manieres, les essais d'action a distance, et constamment les
memes mouvements se manifesterent dans les parties vers lesquelles la main ou
le pied étaient dirigés. »
Voici ce
que nous trouvons dans l'Art de
magnétiser, de Lafontaine :
« Sommeil sur des idiots. - A Nantes, le
docteur Bouchet, médecin en chef de l'hôpital Saint-Jacques, voulant avoir des
preuves positives de l'action physique du magnétisme me proposa de magnétiser
des idiots.
« Je me
transportai a l'hôpital, et la, devant une douzaine de personnes, parmi
lesquelles se trouvait le prince de la Moskowa, j'essayai de magnétiser une
femme idiote.
« Je lui
pris les pouces ; mais bientôt elle retira ses mains et me donna des coups de
poing. Je pris alors un seul pouce, et, de mon autre main, je parai les coups
qu'elle cherchait a me donner, me faisant en outre les plus laides grimaces
imaginables.
« Apres
quarante minutes de combat, pendant lesquelles j'avais continué a envahir son
organisme, ses yeux se fermerent, et bientôt apres elle était plongée dans un
sommeil profond, dont elle ne sortit que lorsque je la démagnétisai.
« On
avait pu la piquer impunément sans qu'elle donnât signe de sensation.
«
Certes, ici il n'y avait ni influence de l'imagination ni effet d'imitation. On
n'avait pas meme prononcé le mot magnétisme.
« Sommeil sur des animaux, lion, hyene, chien,
chat, écureuil, lézard, etc. - L'expérience faite sur un chien a été donnée
dans un chapitre précédent. Nous ajoutons celles qui ont réussi aussi
parfaitement sur d'autres animaux :
« A
Tours, dans une ménagerie, a l'époque de la foire, en 1840, j'essayai d'agir
sur un. lion, sans en prévenir personne.
« Je me
plaçai pres de sa cage, et je fixai mes regards sur les siens. Bientôt ses yeux
ne purent soutenir ma vue, ils se fermerent ; alors je lançai le fluide d'une
main sur la tete, et j'obtins, apres vingt minutes, un sommeil profond.
« Je me
hasardai alors a toucher avec toutes les précautions possibles sa patte qui se
trouvait pres des barreaux. M'enhardissant, je le piquai ; il ne remua pas.
Convaincu que j'avais produit l'effet voulu, je lui pris la patte et la
soulevai ; puis je touchai la tete, et j'introduisis la main dans sa gueule. Le
lion resta endormi; je le piquai sur le
nez et le lion ne bougea pas, au grand étonnement des personnes présentes, qui
n'osaient en croire leurs yeux.
« Je le
réveillai : aussitôt le lion ouvrit les yeux et reprit ses allures, qui ne
donnaient certainement pas la tentation de renouveler les attouchements.
«
Pendant mon séjour a Tours, je fis plusieurs fois la meme expérience, et
toujours avec le meme succes.
« A
Nantes, je tentai le meme effet sur un lion, et j'obtins les memes résultats.
«
J'essayai l'action sur une hyene ; mais j'obtins des effets tout différents.
Aussitôt que la hyene sentit le fluide, elle donna des signes d'inquiétude ;
elle n'eut plus un moment de repos, et enfin elle arriva au paroxysme de la
fureur. Si la cage n'avait pas été solide, elle l'aurait brisée pour fondre sur
moi. Toutes les fois que j'essayais sur cette bete, toujours la meme fureur se
manifesta ; et meme apres deux ou trois fois j'entrais a peine dans la
ménagerie qu'aussitôt elle s'élançait sur moi. Ce fut au point que le
propriétaire me pria instamment de ne plus venir, craignant, malgré la solidité
de la cage, qu'elle ne la brisât et qu'il n'arrivât un accident.
« Les
chats sont tres impressionnables au fluide. J'en ai endormi plusieurs, un entre
autres chez M. Badier, a Belfort. Il était monté sur la table, ou le thé était
servi. Je lui fis quelques passes, et il tomba aussitôt le nez sur la table, ne
pouvant plus se relever. En doublant l'action, je l'endormis completement, et
je pus le piquer. Je le réveillai, et je recommençai plusieurs fois
l'expérience dans la meme soirée.
« A
Paris, je produisis aussi le sommeil sur un écureuil, et je le tins une heure
sans qu'il donnât signe de vie.
« Chez
tous ces animaux il faut bien le reconnaître, c'était le résultat du fluide
communiqué. C'était bien l'émanation physique de l'homme : la volonté ne
pouvait y etre pour rien.
« En
voici une autre preuve : j'étais a Livourne pendant l'été de 1849 ; je pris
beaucoup de lézards, et je les mis séparément dans des bocaux. Je cherchai a en
magnétiser plusieurs, et j'y parvins sur deux que je plongeai dans un sommeil
profond. Dans cet état, je pouvais remuer le bocal, le mettre de haut en bas,
les lézards ne donnaient aucun signe de vie. Apres vingt quatre heures, je les
réveillai, en faisant quelques passes pour les dégager ; aussitôt ils se mirent
en mouvement, tournerent et s'agiterent dans les bocaux.
« Je
m'attachai a deux principalement, et quelquefois je les laissai plusieurs jours
sans les réveiller. Lorsque je les dégageais du fluide, je leur laissais la
liberté seulement une heure et je les replongeais aussitôt dans le sommeil ;
quelquefois, au contraire, j'étais plusieurs jours sans les endormir.
« Quant
aux autres, que je ne magnétisais pas, je faisais une autre expérience sur eux
je voulais savoir combien de temps ils pourraient vivre sans manger.
« Je les
laissais seuls dans les bocaux, ne leur donnant rien a manger : le papier qui
couvrait les bocaux était percé de petits trous pour qu'ils eussent un peu
d'air. Tous ceux que je ne magnétisais pas moururent apres neuf, onze, treize
jours ; il y en eut un qui vécut dix-huit jours.
« Les
deux qui étaient magnétisés moururent par accident,
l'un apres quarante-deux jours, l'autre apres soixante-quinze jours.
« Le
premier, je l'avais réveillé, j'étais a la croisée ; je penchai maladroitement
le bocal, qui tomba avec le lézard sur la dalle.
« Quant
a l'autre, j'avais posé le bocal sur la croisée au soleil, il était tres gai,
tres frétillant. Par malheur je fus obligé de sortir, oubliant mon lézard ;
lorsque, trois heures apres, je rentrai, je trouvai mon pauvre lézard cuit ; il
était entierement desséché par le soleil. Le verre s'était échauffé ; comme il
y avait peu d'air dans le bocal, mon pauvre lézard fut grillé apres
soixante-quinze jours de diete et de sommeil magnétique.
« Par
ces expériences, j'ai acquis la certitude que, dans le sommeil magnétique, on
pouvait faire vivre longtemps, sans nourriture, non seulement des animaux, mais
des etres humains.
« Les
expériences faites sur ces deux lézards en sont la preuve convaincante, surtout
si on les rapproche de celles faites sur les autres lézards qui mis dans les
memes conditions, sont morts apres dix et quinze jours, tandis que ceux qui ont
été magnétisés ont vécu quarante-deux et soixante-quinze jours, et ne sont
morts que par accident. »
Voici
maintenant ce que M. Picard, médecin-hortiticulteur a Saint-Quentin, a obtenu
en agissant sur des végétaux, par le magnétisme animal.
« Frappé
de l'unité du principe vital chez tous les etres organisés auxquels revenaient
sans cesse mes somnambules passés a l'état d'extase, je résolus, dit-il, de
faire l'application du magnétisme animal sur les végétaux et d'étudier ses
effets.
« Le 5
avril, je greffai en fente six rosiers sur six beaux et vigoureux églantiers.
« J'en
abandonnai cinq a leur marche naturelle, et je magnétisai le sixieme (un rosier
de la Reine), matin et soir, environ cinq minutes seulement ; le 10, le magnétisé,
que je désignerai sous le n°1, avait déja développé deux jets d'un centimetre
de long ; et le 20, les cinq autres entraient a peine en végétation.
« Au 10
mai, le n°1 avait deux jets de quarante centimetres de haut, surmontés de dix
boutons, les autres avaient de cinq a dix centimetres, et les boutons étaient
loin de paraître. Enfin, le premier fleurit le 20 mai, et donna successivement
dix belles roses... Ses feuilles avaient environ le double d'étendue de celles
des autres rosiers.
« Voici
leur mesure : dix-huit centimetres de longueur a partir de la tige a
l'extrémité de la foliole terminale, huit centimetres de longueur sur six de
largeur.
« Je
le rabattis aussitôt la fleur passée, et en juillet il avait acquis
quarante-deux centimetres, et me donnait 25, huit nouvelles roses. Je le
rabattis de nouveau a quinze centimetres et, aujourd'hui, 26 aout, il forme une
belle tete, par douze rameaux floriferes de soixante-quatre centimetres de
haut.
« Ainsi,
cette greffe, faite le 5 avril, ayant donné en deux floraisons dix-huit belles roses,
est sur le point de fleurir une troisieme fois, et j'ai tiré des rameaux que
j'ai rabattus trente-huit écussons, dont plusieurs ont déja donné des fleurs
depuis trois semaines, tandis que les autres n'ont fleuri qu'a la fin de juin,
et les rameaux n'avaient acquis que quinze a vingt centimetres, un seul en
avait acquis vingt !… »
D'autres
expériences aussi concluantes furent faites par M. Picard, qui réussit
également a agir seulement sur une partie d'un végétal.
Si nous
voulions allonger cette partie de notre ouvrage, nous pourrions indiquer les
phénomenes étranges provoqués par certains fakirs : action a distance sur les
animaux, sur les corps inertes, graines semées qui germent et deviennent
arbustes en l'espace de quelques heures, etc., etc.
Ces phénomenes
ont été rapportés par des voyageurs sérieux, instruits et sinceres qui, certes
n'avaient aucune raison de tromper, ayant employé eux-memes tous les moyens
pour ne pas l'etre.
Mais le
lecteur qui voudra posséder des données exactes et completes sur ces cas
extraordinaires n'aura qu'a lire : Voyage
au pays des Fakirs charmeurs, par Louis Jacolliot, ancien magistrat a
Chandernagor, et l'article paru dans le Supplément
littéraire du Figaro du 4 juillet 1891 : Fakirisme par L.
Boussenard.
Il n'est
pas déplacé, ce nous semble, de rappeler dans ce chapitre les cas de : Henriette Coltin, Honorine Seguin,
Adolphine Benoit, et de la fille électrique observée au Canada.
M.
Boirac, alors professeur au lycée C..., publia dans la Nouvelle Revue, n° du 1er octobre 1895, une série d'expériences qui
justifient l'hypothese du magnétisme animal.
Apres
avoir parlé de l'hypnotisme et de la suggestion, M. Boirac s'exprime
ainsi :
« ...
Lorsque je commençai a expérimenter personnellement, - seul moyen de se former
des convictions précises dans cet ordre d'études, - je fus frappé a plusieurs
reprises, dans le cours de mes expériences, de certains phénomenes ou ce «
quelque chose (D'autre que la
suggestion et l’hypnotisme) » semblait se laisser entrevoir, mais sans
qu'il me fut jamais possible de le saisir définitivement.
« Un des
premiers sujets avec lesquels j'expérimentai, Robert C..., ouvrier mécanicien,
âgé de dix-neuf ans, accusait, lorsque je présentais ma main droite au-dessus
de la sienne, préalablement mise en contracture, une sensation de chaleur
cuisante et, des que je soulevais ma main, la sienne montait en meme temps,
comme attirée ; mais, lui ayant fait fermer les yeux, le phénomene ne se
produisit plus, de sorte que ce prétendu effet magnétique me parut visiblement
du a l'auto-suggestion. »
Parlant
ensuite de notre procédé et des phénomenes d'attraction obtenus sur des
personnes « vierges » de tout sommeil nerveux, alors que M. Boirac exerçait son
action a leur insu, il dit :
« Mon
doute persistait encore, meme apres avoir observé des phénomenes bien plus
extraordinaires précisément, si je puis dire, parce qu'ils étaient trop
extraordinaires.
«
J'avais eu pour domestique, pendant six mois, un jeune Pyrénéen de quinze ans,
Jean M..., d'une extreme sensibilité hypnotique, et voici les notes que je
retrouve dans le registre des expériences faites avec ce sujet :
« Je
n'ai qu'a présenter ma main ouverte derriere son coude ou une partie quelconque
de son corps, pour y déterminer rapidement des secousses, des mouvements, etc.,
et cela sans que rien, autant que j'en puisse juger, l'informe de mon action,
tandis qu'il me tourne le dos, est occupé a lire, a causer, etc. Plusieurs
fois, alors qu'il était endormi de son sommeil naturel, il m'a suffi d'étendre
ma main au-dessus, a huit ou dix centimetres, pour voir son ventre se gonfler,
monter, en quelque sorte comme aspiré par ma main, a mesure que celle-ci
montait, et retomber quand la distance devenait trop grande : influence
magnétique peut-etre, mais peut-etre aussi simple phénomene d'hyperesthésie du
toucher.
« La
seconde hypothese devenait plus difficile a admettre pour le fait suivant,
tellement étrange que, si quelqu'un me le racontait, je le taxerais
vraisemblablement de mensonge ou d'illusion, et dont je reproduis le récit tel
que je le retrouve dans mes notes :
« Un
dimanche, apres-midi de janvier 1893, rentrant chez moi, vers trois heures,
apres une courte absence, j'appris que Jean, ayant achevé son service et se
sentant fatigué, était allé se coucher. Sans entrer dans sa chambre, dont la
porte était ouverte, je restai sur le palier a le regarder dormir. Il s'était
étendu sur son lit, la tete dans l'angle oppose a la porte, les bras croisés
sur la poitrine, les jambes posées l'une sur l'autre, les pieds pendant légerement
hors du lit. J'avais assisté la veille a une discussion sur la réalité de
l'action magnétique. J'eus l'idée de faire une expérience. Toujours debout sur
le palier, a une distance d'environ trois metres, j'étendis ma main droite dans
la direction et a la hauteur de ses pieds. Apres une ou deux minutes
(probablement moins, quelques secondes), je levai lentement la main, et, a ma
profonde stupéfaction, je vis les pieds du dormeur se soulever d'un seul bloc
et suivre en l'air le mouvement ascensionnel de ma main. Trois fois je
recommençai l'expérience, trois fois le phénomene se reproduisit avec la meme
régularité et la précision d'un phénomene physique. Emerveillé, j'allais
chercher Mme B..., en lui recommandant de faire le moins de bruit possible. Le dormeur
n'avait pas bougé. De nouveau, a deux ou trois reprises, ses pieds parurent
attirés et soulevés par ma main. « Essayez, me dit tout bas Mme R..., d'agir
par la pensée » j'essayai, en effet ; mais mon action, je m'en rendis compte
ensuite, pouvait aussi bien etre attribuée au regard qu'a la pensée. Je fixai
les yeux sur les pieds du dormeur et les levai lentement : chose incroyable !
Les pieds suivirent les mouvements de mes yeux, montant, s'arretant, descendant
avec eux. Mme B... me prit la main gauche et, de la main restée libre, fit
comme j'avais fait moi-meme ; elle réussit comme moi, mais des qu'elle cessa de
me toucher, elle n'exerça plus aucune action. Elle voulait continuer ces
expériences, mais j'étais si troublé par ce que je venais de voir que je m'y
refusais, craignant surtout de fatiguer le sujet. En effet, Jean se réveilla
environ une demi-heure apres, et il se plaignit de vives douleurs dans les
jambes, de mouvements convulsifs dans les genoux, que je calmai a grande peine
par des frictions et des suggestions. »
Avec un
autre sujet, M. Boirac a obtenu les effets suivants :
« ... Il
y avait a peu pres deux mois que ce sujet se rendait chez moi environ deux fois
par semaine pour se preter a des expériences. Un dimanche matin, il venait
d'entrer dans mon cabinet et s'était assis a côté de ma table de travail, sur
laquelle son coude gauche était appuyé. Tandis que j'achevais d'écrire une
lettre, il causait avec une troisieme personne, vers laquelle il était a
demi-tourné. J'avais posé ma plume, et mon bras étendu sur la table, les doigts
allongés, se trouvait, par hasard, dans la direction de son coude. A ma grande
surprise, je crus m'apercevoir que son coude glissait, comme attiré par ma
main. Sans dire un mot, le sujet continuant a causer et paraissant tout a fait
étranger a ce qui se passait la, je soulevai légerement mon bras, et le bras du
sujet se souleva en meme temps. Mais comme si l'attraction, en devenant plus
forte, avait éveillé la conscience, Gustave P... s'interrompit tout a coup, porta
sa main droite a son coude gauche, qu'il retira vivement en arriere, et, se
retournant vers moi : « Qu'est-ce que vous me faites donc ? » s'écria-t-il :
« Depuis
lors, au début des séances qui suivirent ou dans les intervalles des
expériences de somnambulisme, je m'ingéniais a détourner l'attention du sujet
pour présenter a son insu ma main droite vis-a-vis l'un ou l'autre de ses
coudes, de ses genoux, de ses pieds, etc., et toujours j'observerais le meme
phénomene : attraction du membre visé, qui semblait cesser d'appartenir au
sujet pour tomber sous l'empire de ma volonté jusqu'au moment ou, par une sorte
de brusque secousse, le sujet était informé de ces mouvements involontaires et
se dérobait a mon influence. Oui, pensais-je, voila bien le fait qui pourrait
servir de preuve a la réalité d'une action personnelle, d'un rayonnement
nerveux de l'opérateur, qu'on l'appelle, d'ailleurs, magnétisme animal ou
autrement, le nom n'importe guere a la chose ; mais comment savoir si le sujet,
quelque distrait qu'il paraisse, ne guette pas du coin de l'oil la main
sournoisement tournée vers sa jambe ou son bras, et s'il ne simule pas, ou du
moins comment savoir s'il ne la voit pas inconsciemment et s'il ne
s'auto-suggestionne pas ? Comment supprimer jusqu'a la possibilité de la
simulation et de l'autosuggestion?
« A
force d'y rever, je me dis que le plus sur moyen pour cela c'était d'aveugler
le sujet en lui bandant hermétiquement les yeux. Je fis donc fabriquer un
bandeau en drap noir, assez épais pour intercepter completement la lumiere, et
encapuchonnant a la fois les yeux et le nez. Puis, sans dire au sujet quel
genre d'expériences je voulais faire, je lui demandais de se laisser appliquer
ce bandeau et de rester seulement immobile quelques instants sur la chaise.
M'étant alors approché, je présentais, sans faire de bruit, ma main droite a
environ huit ou dix centimetres de sa main gauche, et bientôt, en moins d'une
demi-minute, celle-ci fut attirée ; meme effet produit sur l'autre main, sur le
coude droit et le coude gauche, le genou droit et le genou gauche, le pied
droit et le pied gauche, etc. Il va sans dire que je ne suivais aucun ordre,
mais que j'entremelais ces actions de toutes les façons possibles pour que le
sujet ne put deviner par aucun raisonnement quelle était la partie de son corps
que je visais, et cependant il y eut toujours concordance entre la direction de
ma main et le mouvement obtenu. Du reste, ce n'est pas dans une seule séance,
c'est dans plus de dix séances que j'observai ces memes phénomenes.
« Je
n'avais agi, dans la premiere séance, qu'avec la main droite ; dans une seconde
séance, apres avoir reproduit et vérifié tous les résultats de la premiere,
j'eus l'idée d'agir avec la main gauche, toujours, bien entendu, sans ouvrir la
bouche. Aussitôt, au lieu de l'attraction attendue, je vis des tremblements,
des secousses se produire dans le membre visé, et j'entendis le sujet s'écrier :
« Vous ne m'avez pas encore fait cela ; je vous en prie, cessez ; cela est trop
énervant, on dirait que vous m'enfoncez un million d'aiguilles sous la peau. »
Je cédai a sa priere et lui demandai de me décrire, aussi exactement qu'il le
pourrait, son impression. Apres y avoir réfléchi, il me dit que ce qu'il
éprouvait lui rappelait tout a fait les sensations produites par une pile de
cinq ou six éléments. J'avais des lors un nouveau moyen de varier mes
expériences en variant non seulement les parties du corps du sujet sur
lesquelles j'agissais, mais encore mon action meme, selon que j'employais la
main droite pour produire de l'attraction, ou la main gauche pour produire des
picotements.
«
Qu'arrivera-t-il, me demandai-je apres cette seconde séance, si, appliquant mes
deux mains l'une sur l'autre, paume contre paume, je les présente ainsi au
sujet ? Probablement leurs actions se neutraliseront et leur effet sera nul.
Mais lorsque, dans une troisieme séance, apres avoir expérimenté séparément
avec la main droite et la main gauche, j'expérimentai tout a coup avec les deux
mains réunies, le résultat fut tout autre que celui que j'attendais. Cette fois
encore, le sujet s'écria : « Que me faites-vous la ? C'est encore du nouveau
mais plus énervant que tout le reste. Je ne vois pas ce que c'est ; c'est un
gâchis. Ah! Je comprends. Vous m'attirez et vous me picotez en meme temps. » De
fait, le membre visé venait en effet dans la direction de mes mains, tout en
étant agité de tremblements presque convulsifs. Ainsi j'avais une triple
action, attractive avec la main droite, picotante avec la main gauche,
simultanément attractive et picotante avec les deux mains réunies ; et
toujours, ou du moins quatre-vingt-dix-neuf fois sur cent, dans toute cette
premiere série d'expériences, cette action se produisait régulierement.
« Je
priai un de mes collegues, Louis B... (Professeur de physique a l'école M...),
de bien vouloir assister a une séance, et, apres lui avoir montré sans
explication verbale tous les faits précédents, j'obtins avec son concours des
faits nouveaux plus remarquables encore.
« Sur un
signe de moi, il présenta sa main droite au sujet dans les conditions ou je la
présentais moi-meme, et, au bout d'un moment, le sujet, s'adressant a moi, me
dit : « Ou etes-vous ? Vous devez etre loin ? Je sens quelque chose dans ma
main comme si vous vouliez m'attirer, mais c'est beaucoup plus faible qu'a
l'ordinaire. »
« Je
constatai ainsi que le rayonnement nerveux est inégal chez les différents
individus, ou peut-etre que la réceptivité des sujets est plus forte pour le
rayonnement de certains individus que pour celui de certains autres.
« Mon
collegue et moi nous primes alors - toujours silencieusement - un fil de cuivre
isolé, comme ceux qui servent pour les sonneries électriques d'appartement, je
tins une des extrémités dénudées du fil dans ma main droite et m'éloignai le
plus possible du sujet ; mon collegue lui présenta l'autre extrémité, apres
l'avoir enroulée autour d'une regle de bois qu'il tenait a la main, et nous
vîmes la pointe de cuivre produire le meme effet qu'eut produit ma main droite
présentée a la meme distance, c'est-a-dire attirer la partie du corps du sujet
qu'elle visait. Je remplaçai la main droite par la main gauche : le fil de
cuivre transmit fidelement l'influence picotante comme il avait transmis
l'influence attractive. Je greffai sur le fil unique présenté au sujet un
second fil, de maniere a agir simultanément avec les deux mains, et le fil
unique conduisit sans les confondre les deux actions réunies, ce que le sujet
appelait le «gâchis ».
« Je
passai dans une autre piece ; on ferma la porte, le fil seul dont je tenais un
bout communiquant par dessus la porte avec les personnes restées dans mon
cabinet. L'action de ma main se transmit encore, mais les expériences ne purent
pas avoir le meme degré de précision, parce que nous ignorions ce que nous
faisions de part et d'autre. Cependant, mon collegue ayant présenté le bout de
cuivre au front du sujet, toujours a 0 m. 10 ou 0 m. 12 de distance, celui-ci
tres rapidement, donna des signes d'un grand malaise, dit qu'il sentait sa tete
s'échauffer et s'alourdir, et porta ses mains vers son front comme pour
éloigner cette influence, obligeant ainsi mon collegue a écarter le fil chaque
fois. Je constatai, du reste, dans un grand nombre de séances, qu'en
prolongeant cette action de la main droite, soit directement, soit par
l'intermédiaire d'un fil de cuivre, le sujet, malgré le bandeau interposé,
s'endormait en passant successivement par les trois états habituels, et que de
meme l'action de la main gauche, soit directe, soit conduite, provoquait a
travers le bandeau les trois degrés du réveil. »
M.
Boirac cite encore un grand nombre d'expériences non moins intéressantes et
concluantes, faites sur beaucoup d'autres sujets éveillés ou endormis et que
nous regrettons de ne pouvoir rapporter ici.
Nous
nous permettrons de citer quelques faits personnels.
En 1877,
a Avignon, nous avons, plusieurs fois, sur la demande d'officiers de la
garnison, influencé un jeune capitaine d'Etat-major, aujourd'hui général de
division, soit a la promenade des allées de l'Oulle, soit sur la place de
l'Horloge, soit au café. Nous l'empechions de marcher ; s'il était au café, il
ne pouvait prendre son verre, etc., etc. Jamais cet officier n'avait été
endormi.
A
l'hôpital Lariboisiere, alors que nous étions stagiaires dans le service de M.
le docteur Gouguenheim, nous avons obtenu les memes effets sur M. I., externe
du service ; M. I. les yeux bandés et absolument éveillé, sentait tres bien
lorsque nous voulions le faire avancer ou reculer, de meme lorsque nous
voulions le faire mettre a genoux ou le forcer a s'asseoir, et cela sans la
moindre suggestion verbale.
Au mois
de janvier 1887, nous trouvant a Angers, ou nous avions fait déja de nombreuses
démonstrations, nous avons, dans un cercle de jeunes gens, fréquenté surtout
par les étudiants, en présence de plusieurs médecins, professeurs de l'Ecole de
médecine de cette ville, fait sur deux de ces messieurs les expériences
suivantes :
En état
complet de veille, sur des sujets n'ayant jamais été endormis, et apres leur
avoir bandé les yeux, nous avons, a volonté, produit l'attraction ou la
répulsion, la flexion des genoux, la marche en avant ou en arriere, sur l'ordre
écrit, - afin d'éviter toute suggestion - des médecins présents : nos
expériences réussirent chaque fois.
A Paris,
la meme année, nous fîmes, dans le cours d'une soirée donnée par un officier
supérieur, devenu généralissime, des expériences tres curieuses sur plusieurs
invités, entre autres le docteur C..., médecin des hôpitaux, expériences qui
convainquirent les plus sceptiques.
L'épouse
du général XXX... fut un sujet d'une rare impressionnabilité. Aussi, apres une
série d'expériences des plus concluantes, nous eumes l'idée de renouveler avec
elle un fait que nous avions déja produit dans des circonstances analogues,
fait qui, s'il réussissait, devait prouver a tous les assistants l'existence de
la force magnétique.
En
conséquence, les plus minutieuses précautions ayant été prises, et au moment ou
Mme XXX... était occupée a toute autre chose - elle prenait au buffet une coupe
de champagne - on vint me prier d'essayer mon action. On m'avait conduit dans
un boudoir, fait traverser plusieurs pieces, et je ne pouvais, d'ou j'étais, me
rendre compte de la direction du buffet. A peine une minute apres avoir reçu
l'injonction d'agir, Mme XXX... fut entraînée irrésistiblement vers moi. Elle
ouvrit vivement les portes qui nous séparaient et vint se précipiter sur un sofa
sur lequel j'étais assis.
Interrogée
apres l'expérience, Mme XXX... dit qu'elle avait d'abord éprouvé une petite
secousse nerveuse, puis, qu'elle s'était sentie attirée comme avec une corde et
que, malgré une grande résistance, elle avait du obéir sans savoir ou elle
allait.
Les
effets magnétiques produits chez Mme XXX... et sur le docteur C... eurent un
grand nombre de témoins et nous regrettons, eu égard a la notoriété des
personnages, de ne pouvoir donner leurs noms. Mais qu'on sache bien que nous
n'exagérons rien, au contraire.
Les
faits qui précedent ne seront sans doute pas suffisamment démonstratifs pour
les partisans de la suggestion, mais nous pensons que les suivants, a moins de
nier de parti pris l'évidence meme, feront réfléchir ces sceptiques obstinés et
les engageront peut-etre a contrôler nos affirmations.
Procédons
toujours du simple au composé. Voici un appareil des plus faciles a construire
et nullement compliqué, que nous avons imaginé il y a fort longtemps et qui
permet instantanément de constater l'existence d'un courant émanant de nos
doigts.
Il
suffit simplement d'avoir sous la main une feuille de papier a cigarette, une
aiguille de trois ou quatre centimetres de longueur et un bouchon en liege.
On
enfonce l'aiguille du côte du chas, a la partie médiane du bouchon, et, sur la
pointe de cette aiguille on place délicatement la feuille de papier pliée en
angle plus an moins obtus, en évitant de la trouer, et de façon qu'elle soit
bien en équilibre sur l'aiguille qu'elle ne penche ni d'un côté ni de l'autre.
Cet
appareil est d'une grande sensibilité : le moindre souffle peut faire vaciller
la feuille, aussi faut il éviter de respirer dessus et d'en approcher
brusquement la ou les mains.
Pour ne
pas agiter l'air ambiant, l'appareil étant placé au milieu d'une table,
l'opérateur avancera lentement sa main droite ou gauche, les doigts ployés de
façon que celle-ci soit courbée en arc, et l'amenera a deux ou trois
centimetres de la feuille de papier, qui ne tardera pas a tourner dans la
direction de la pointe des doigts.
Si, avec
les memes précautions, en change de main, la feuille tourne, entraînée dans le
sens opposé. Mais, pour obtenir un courant rapide et régulier, deux personnes
peuvent concourir a l'expérience. Il faut que les doigts de la main droite de
l'une des personnes, par exemple, soient en contact, par leur pointe, avec la
naissance du poignet de l'autre expérimentateur, l'appareil au centre des mains
et, autant que possible, a égale distance.
Avec ce
dispositif, la feuille tourne rapidement de droite a gauche ; en changeant les
mains, le mouvement se produit de gauche a droite, ce qui indique bien un influx s'échappant du bout des doigts des
expérimentateurs.
Une meme
personne, plaçant ses extrémités digitales contre ses poignets, obtient des
résultats identiques.
On a
attribué ce phénomene a la chaleur des mains et a la différence de température
de l'air ambiant. Mais ceux qui ont avancé cette hypothese, qui ont soutenu
cette théorie ont oublié d'expliquer le changement de rotation qui s'effectue
toujours dans le sens des pointes et, comme nous savons que, partout ou il y a
chaleur, il y a dégagement d'électricité, il est permis d'admettre
scientifiquement la force neurique rayonnante.
Notre
appareil, nous le reconnaissons volontiers, est bien imparfait. Nous allons en
étudier d'autres qui corroboreront ce que nous admettons.
Ch.
Lafontaine avait inventé une sorte de magnétometre
dont voici la description :
Un
disque en papier, divisé en quatre angles droits et chaque angle en 900,
formait le cadran de son appareil. Ce cadran était collé sur une planchette et,
par dessus, on plaçait un bocal en verre mince, renverse, au fond duquel était
fixé, avec un peu de cire a cacheter, un fil de soie non tordu. Au bout du fil
était adaptée une aiguille indicatrice de 5 a 6 centimetres de longueur, faite
avec un brin de paille.
L'opérateur
n'avait qu'a présenter ses doigts en pointe vers un des bouts de cette aiguille
et apres un laps de temps plus ou moins long, qui pouvait varier de 5 a 20
minutes, l'aiguille se déplaçait de plusieurs degrés.
Nous
avons dans maintes circonstances, pour prouver la réalité des expériences de
Lafontaine, simplifié son magnétometre
: chacun pourra en faire autant.
Il est
facile de se procurer une feuille de papier pour y tracer le cadran, d'avoir a
sa disposition une table, un verre a boire, un cheveu de dame et une allumette
en bois.
On coupe
l'allumette en deux, on l'amincit le plus possible, on fixe le cheveu par ses
extrémités avec n'importe quoi au fond du verre et au milieu du tronçon
d'allumette, et l'appareil est construit ; on n'a plus qu'a tenter l'épreuve.
Avec ce
simple dispositif, nous avons, des centaines de fois, démontré notre action
magnétique.
Un
appareil plus sensible que le précédent est le magnétometre de l'abbé Fortin. L'extrait suivant d'un article du Figaro (no du 20 septembre
1890) donnera une idée générale de cet appareil, que nous décrirons un peu plus
loin :
« L'abbé
Fortin, pour étudier les variations magnétiques les moins apparentes, a imaginé
un appareil d'une extreme sensibilité, appelé magnétometre, et qui est, en ce moment, soumis a des expériences
par l'Académie des Sciences.
«
D'apres Fortin, le magnétometre donne les marques non équivoques de la présence
du magnétisme dans le corps humain ; il en mesure meme la force.
« Un
homme en bonne santé, nerveux, sanguin, pret a l'action, approche la main de
l'instrument a la distance d'un ou deux centimetres ; il la laisse reposer pres
du support, sans toucher le globe de verre, pendant quelques minutes seulement ;
il retire ensuite sa main. Apres une ou deux minutes, l'oscillation de
l'aiguille se produit, avec une amplitude de 10, 15, 20 degrés ; une vraie
tempete magnétique s'est échappée du corps, de la main, au seul effort de
l'attente.
« Il
n'en serait pas de meme en cas d'épuisement. Le silence absolu de l'appareil
constaterait, avec le défaut intérieur de toute électricité et de toute
chaleur, la mort.
«
D'apres Fortin, le magnétisme agit dans les corps organisés et vivants ; il
porte les ordres de la volonté et il en est l'agent le plus direct. Le
magnétisme humain est un puissant modificateur de la santé, de l'énergie ; la
ou il fait défaut, la vie s'éteint. Il est l'intermédiaire physique en
perpétuelle action entre l'esprit et le corps. Il se propage dans tout le corps
aux ordres de l'esprit avec l'instantanéité de la pensée. »
«Le magnétometre de l'abbé Fortin se compose
d'un fil de cocon de 0 m.25 environ de longueur, tres fin tordu, fixé en haut a un plateau de verre et terminé en
bas par une aiguille de fil de cuivre recuit, autour de laquelle le fil de
coton vient s'enrouler sur la partie médiane sans aucune ligature ou boucle a
cet endroit. Le cadran, divisé en 360 degrés, surmonte une bobine de fil fin,
entourant un petit cylindre en verre. Le tout est contenu dans un cylindre en
verre de diametre suffisant, destiné a isoler l'appareil de tout courant d'air
et de la chaleur ; c'est a travers ce cylindre que les phénomenes d'attraction
et de répulsion ont lieu, sans qu'il y ait contact par les doigts placés a 0 m.05
du cylindre. L'appareil est mis dans un coin, sur une planchette triangulaire,
fixée dans l'angle diedre de deux murs épais qui ne peuvent etre ébranlés par
la trépidation des voitures ; l'angle diedre est dans une obscurité relative,
de telle façon que le radiometre de Crookes ne soit pas impressionné et que la
chaleur solaire n'y arrive pas directement.
« L'appareil
est orienté dans la ligne sud-nord, de façon a ce que cette ligne passe par le
plan médian du corps de la personne observée ; ses bras sont appuyés contre le
mur, ou, mieux, soutenus par des accoudoirs, comme M. le professeur Richet en a
fait installer dans son laboratoire ; la personne présente l'extrémité digitale
de la main, soit droite, soit gauche, a une des extrémités de l'aiguille, de
telle façon qu'a travers la convexité du verre le plan de la main soit
perpendiculaire au plan de l'extrémité de l'aiguille.
« La
durée de l'observation est de deux minutes ou cent vingt secondes ; on observe
l'écart ou l'angle chiffré par le nombre de divisions, des que l'aiguille a
décrit dans le sens attractif ou répulsif tout son cours, et qu'elle s'est
fixée dans un point différent de celui ou on l'avait observée avant
l'expérience. Quel que soit le sens du mouvement produit, l'allure de ce
mouvement est différente suivant les personnes ; tantôt tres lente a la fin des
deux minutes, tantôt tres rapide au début, en présentant des oscillations,
c'est-a-dire donnant, dans l'unité de temps, une attraction et une répulsion ;
tantôt restant, apres l'opération plus ou moins fixée au point obtenu, ou
revenant de suite au point qu'elle occupait primitivement; l'aiguille reflete
d'une façon mathématique le mouvement qui se produit en nous, comme allure,
comme chiffrage, et donne une formule biométrique bien particuliere a chaque
personne. »
Pour que
la force magnétique puisse se manifester, il faut incontestablement des appareils
d'une tres grande sensibilité. Nous savons déja qu'il existe a Paris, chez M.
le comte de P..., un galvanometre construit par Rumkorff, qui remplit cette
condition. La bobine, intercalée entre les deux aiguilles astatiques,
avons-nous dit, est assez volumineuse pour supporter l'enroulement de 80
kilometres de fil d'argent.
Le
célebre chimiste et physicien anglais sir William Crookes, membre de la Société
royale de Londres, apres plusieurs années consacrées a l'étude des
manifestations de la force psychique, affirme et démontre, par une foule
d'expériences faites avec divers sujets sur des appareils de physique, la
réalité mathématique de la force que nous étudions. Nous engageons le lecteur
désireux de s'instruire a lire son ouvrage « Force psychique », Recherches sur les phénomenes du
spiritualisme, traduit de l'anglais par J. Alidel (Editeur : P.G. Leymarie,
42, rue Saint-Jacques).
Pour
appuyer notre these, nous croyons utile de donner un extrait d'un article du
comte A. de Gasparin, paru dans le Journal
de Geneve le 19 aout 1853,
et quelques pages d'un opuscule de M. Thury, professeur a l'Académie de Geneve,
qui a pour titre : Trente ans apres.
Voici ce
que nous lisons dans le premier :
« On va
crier a la magie ! Au miracle ! Toute loi nouvelle semble etre un
prodige ! Or, je tiens a rassurer ceux qui s'alarment ainsi. Nous ne
sortons pas le moins du monde des faits
naturels.
« La
meilleure preuve, c'est que notre sorcellerie ne résiste pas au contact d'un
morceau de verre. Au milieu de la rotation la plus énergique, pendant que tous
les yeux sont fermés, approchez un morceau de verre de la table, et elle se
modérera comme genée dans son mouvement ; posez-le au milieu de la table, et
elle s'arretera completement ; posez-le sur un des côtés de la table, et
l'autre côté se soulevera sur le champ comme si le fluide ne pouvant plus
circuler dans le voisinage du verre, refluait et s'accumulait avec puissance
dans la région opposée.
« Ici
encore, l'illusion n'est guere admissible ; car les yeux des expérimentateurs
sont fermés, et, en remplaçant a leur insu le verre par un morceau de carton ou
par un livre, en le posant de la meme miniere sur la table, on n'obtient ni
arret ni soulevement.
« Je
n'aurai garde de risquer une explication ; ce n'est pas mon affaire. Constater
les faits et maintenir une vérité qu'on veut étouffer, c'est toute ma
prétention. Je ne résiste cependant pas a la tentation de montrer a ceux qui
nous traitent d'illuminés ou de sorciers que l'action dont il s'agit comporte
une interprétation tres conforme aux lois ordinaires de la science.
«
Supposez un fluide, émis par quelques uns d'entre eux ; supposez que la volonté
détermine la direction du fluide; vous comprendrez déja la rotation et le
soulevement de celui des pieds vers lequel afflue a chaque acte de volonté un
exces de fluide. Supposez que le verre fasse fuir le fluide, vous comprendrez
que le verre placé au milieu de la table interrompe la rotation, et que le
verre placé sur un des côtés amene l'accumulation du fluide dans l'autre côté,
qui se souleve alors.
« Encore
une fois, je n'affirme rien, je n'indique meme rien ; mais je montre qu'il y a
des explications possibles en dehors du sortilege ou du miracle.
« Le
miracle, ai-je dit, serait-il réellement nécessaire de répondre a ceux qui
prétendent comparer l'obéissance des tables aux miracles de la Bible, qui ne
voient pas d'abîme entre l'action momentanée que j'exerce sur un meuble
étranger a la pensée, mis en jeu par une sorte de galvanisme, par une force qui
va cesser en le laissant aussi inerte qu'il était auparavant, et l'acte
souverain de celui qui, communiquant la vie et la force, crie a Lazare : « Leve
-toi ! » au paralytique : « Charge ton petit lit et marche ! »
« Je
n'ai garde d'insister. Les tables ne comprennent pas ; les tables, ne devinent
pas ; les tables sont entierement passives ; les tables frapperont indéfiniment
(en dépit du nombre que vous pensez), si votre volonté ne les arrete. Je ne
sais pas ce que le charlatanisme prétend en tirer, je sais que nos expériences,
consciencieuses et répétées, ont constaté qu'elles ne dépassent en aucune
maniere la limite des phénomenes naturels. Elles ne sont ni si admirables ni si
criminelles qu'on les a faites.
M. Thury
s'exprime ainsi, dans les pages savantes qu'il a ajoutées a l'ouvrage de M. A.
de Gasparin :
« Les
trente trois années qui nous séparent du temps de l'épidémie des tables
tournantes, et de la premiere publication du livre sérieux de M. Agénor de
Gasparin, n'ont amené aucun progres dans la connaissance des phénomenes sur
lesquels l'auteur du livre s'était efforcé d'attirer l'attention des
physiciens.
«
Cependant la question n'est pas morte, nous en avons la certitude. Son heure
n'est pas venue, parce qu'il n'existe pas encore, dans la science actuelle, des
faits qui l'appellent, l'éclairent et lui donnent sa valeur propre. Le temps
viendra ou un édifice sera construit sur les pierres d'attente posées en 1854.
« Trente
années sont un court espace : bien d'autres découvertes ont attendu davantage,
depuis le moment ou le fait capital sur lequel elles reposent est venu a la
lumiere jusqu'au jour ou il a reçu de quelque homme de génie l’impulsion du
développement.
« A
notre époque de vulgarisation de la science, il était difficile que les
premiers faits constatés échappassent a l’appréciation des hommes qui se sont
fait une spécialité de communiquer au grand public le résultat des travaux
journaliers des savants. M. L. Figuier a tenté cette appréciation dans le
second volume de son ouvrage intitulé :
les Mysteres de la Science, pages 571 a 579.
« En
reconnaissant les difficultés tres grandes qu'offre la vulgarisation de tels
sujets, il nous est impossible d'accepter sans protestation le procédé de
discussion suivant :
« M.
Figuier se débarrasse sommairement et dédaigneusement de tout ce qui la gene en
vue des explications qu'il se propose de donner.
« 1° Il
passe entierement sous silence l'une des expériences fondamentales de
Valleyres, décrite par M. A. de Gasparin a la page 57 de notre opuscule sur les
tables tournantes. Dans cette expérience, le mouvement avec contact des mains avait lieu dans un sens ou l'effort
musculaire ne pouvait absolument, pas le produire.
« 2° M.
L. Figuier nie a priori le mouvement sans contact des mains et objecte qu'il
pourrait y avoir eu quelque fraude. Mais il se tait entierement sur une
expérience décrite avec détail (A. de Gasparin, Tables tournantes. Introduction, page XX), et dans laquelle toute
fraude était manifestement impossible.
« Il
me sera permis de réparer quelque peu la double omission du savant français, en
revenant avec détail sur chacun des points fondamentaux qu'il néglige.
1. Action mécanique des mains, rendue
impossible.
«
L'effet a produire consiste a soulever un corps lourd, en touchant seulement la
face supérieure horizontale.
« Les
phénomenes de cet ordre exigent une préparation de l'opérateur, qui doit etre
en état de déterminer immédiatement la gyration ou le balancement d'une table.
On a toujours mis en ouvre plusieurs opérateurs a la fois, pour disposer d'une
plus grande puissance.
«
L'appareil que j'avais fait construire pour ces expériences était une table
ronde, ayant un plateau de 84 centimetres de diametre et un pied central
bifurqué a sa partie inférieure. Cette table pouvait tourner comme une table
ordinaire, et servir ainsi pour la préparation nécessaire des opérateurs. Mais
la table était construite de telle maniere qu'a un moment donné elle pouvait se
transformer instantanément dans l'appareil que je vais décrire.
« Le
sommet du trépied est devenu le point d'appui d'un levier semblable a une
balance, et pouvant osciller librement dans un plan vertical. L'une des
extrémités du levier porte le plateau circulaire de 0 m. 84 de diametre ;
l'autre extrémité, une caisse, pouvant recevoir des poids destinés a équilibrer
une fraction donnée du poids du plateau. - Le plateau porte un seul pied
central reposant sur le plancher, sur lequel il exerce une pression qui n'a
jamais été plus petite que 1/4 de kg mais que l'on peut augmenter a volonté
jusqu'a 4 kg 27 en enlevant les poids renfermés dans la caisse. Les chiffres
ci-dessus expriment naturellement la force qui serait nécessaire pour soulever
verticalement le plateau.
« On
détermina premierement la valeur de la force totale de soulevement produite par
l'adhésion minime des doigts de tous les opérateurs sur le plateau poli non
verni de la table ronde. Cette force fut trouvée tres inférieure a 1/4 de
kilogramme. On essaya inutilement de soulever le plateau presque équilibré, en
mettant en jeu la réaction élastique du bois. Ces essais préliminaires
terminés, on procéda a l'expérience.
« Les
opérateurs, convenablement préparés, comme il a été dit, posent délicatement
leurs mains sur la face supérieure du plateau, a quelque distance du bord ;
puis, tous ensemble, ils soulevent les mains, et le plateau suit.
« Six
opérateurs, agissant ensemble, souleverent le poids maximum de 4 kg 27 ; cinq
ne purent y réussir. Ces expériences, faites le 19 novembre 1854, furent
répétées a plusieurs reprises, le meme jour, avec les résultats mentionnés
ci-dessus.
« M.
Edmond Boissier, le botaniste, ancien capitaine d'artillerie, assistait aux
expériences et les contrôlait avec soin. Selon la recommandation que je lui
avais adressée, au moment ou l'on s'attendait a commencer une expérience, il
procéda inopinément a l'inspection des mains, qui furent trouvées nettes, comme
on s'y attendait.
« M.
Figuier pensait-il instruire convenablement ses lecteurs a l'intelligence des
phénomenes dont il trace l'histoire, en décrivant ainsi les tables tournantes (Mysteres, II, pages 503) : « Cinq ou six
personnes, plus ou moins, sont assises devant une table de bois, ou de
préférence un guéridon tres léger, dont les pieds sont garnis de roulettes,
pour qu'il n'éprouve que la moindre résistance possible dans son mouvement. Si
le parquet de la salle est ciré, le frottement des roulettes contre sa surface
devient presque nul. Toutes les conditions sont alors réunies pour assurer le
succes de l'expérience, en raison de la tres faible impulsion mécanique qui
suffit pour mettre en mouvement un guéridon léger, glissant sans obstacle sur
une surface polie. »
« Eh
bien, non, ce n'est pas cela ; tout autre est le caractere vrai du phénomene.
Les tables ne marchent pas comme sur des
roulettes ; souvent, dans les meilleures conditions possibles, c'est-a-dire
avec le minimum de résistance, elles refusent de marcher. C'est tout ou rien ;
elles demeurent passivement immobiles, ou bien elles s'emportent, non pas sans
doute avec une force indéfinie, mais avec une puissance telle que les
inégalités du plancher, la présence ou l'absence de roulettes jouent un rôle
absolument secondaire..... Peut-etre les roulettes nuisent-elles plus qu'elles
ne servent. A Valleyres, le plancher était tres peu uni, et les tables
n'avaient point de roulettes, a l'exception d'une seule table a quatre pieds,
dont on s'est rarement servi. »
2. Les mouvements sans contact.
« M.
Figuier se croit autoriser a nier a priori la possibilité du résultat principal
des expériences de Valleyres. Le mouvement des corps inertes sans le contact
des mains est, suivant lui, une impossibilité manifeste, dont il se débarrasse
préalablement, ce qui facilite beaucoup l'application de ses propres théories.
« Quand
l'impossibilité d'une chose est démontrée, on peut, il est vrai, se débarrasser
de cette chose, sans se donner la peine d'examiner les preuves a l'aide
desquelles des hommes ignorants pensent l'établir. Les preuves, dans ce cas, ne
peuvent etre qu'illusoires.
« Mais
comment M. Figuier, qui s'est beaucoup occupé de l'histoire des sciences,
peut-il oublier que les faits réellement nouveaux, c'est-a-dire sans connexion
évidente avec ce qui était connu auparavant, se montrent toujours avec le
caractere d'impossibilités apparentes manifestes ? On se demande alors quel est
le vrai caractere a l'aide duquel on peut reconnaître qu'une chose est
impossible. Il ne saurait y en avoir d'autre que l'existence d'une
démonstration d'impossibilité. Quand cette démonstration n'existe pas,
l'impossibilité est un simple préjugé.
« Dans
le cas actuel, ou serait la démonstration de l'impossibilité des mouvements
sans contact ? Il y a des forces qui meuvent les corps a distance (ce qui ne
veut pas dire sans intermédiaires) ; tels sont l'électricité et le magnétisme.
La volonté, qui est une force de
détermination, agit sur quelques parties du systeme nerveux, suivant un
mode qui est parfaitement inconnu.
« Il
résulte de l'ignorance ou nous sommes de ce mode que personne ne peut affirmer
l'impossibilité d'une action de la volonté sur la matiere en général, dans
certaines conditions spéciales. On peut seulement objecter que cela ne s'est
jamais vu ou, du moins, n'a jamais été constaté d'une maniere certaine.
Sommes-nous donc requis de nier la possibilité
de tout fait qui n'a pas encore été surement observé ? Ce serait la fin de tout
progres scientifique.
« Un
semblant de démonstration de l'impossibilité des mouvements sans contact
consisterait a présenter ces mouvements comme un effet sans cause, en affirmant
qu'il n'y a pas de force dépensée. Mais il est facile de répondre que la
fatigue des opérateurs, pour un meme effet produit, est bien plus grande dans
le mouvement sans contact que par une action musculaire produisant le meme
résultat. Il y a donc plus de force dépensée dans le premier cas, et il s'agit
seulement d'un emploi différent de la force. Les nerfs et les muscles qui,
d'ailleurs, n'existent pas chez les animaux tres inférieurs, représentent
seulement la matiere spécialisée en vue de la meilleure utilisation possible de
la force.
«
J'admets pleinement que les faits nouveaux sortant des analogies connues
doivent etre, établis de la maniere la plus sure, et sans équivoque possible.
Admettez
que cette condition ne fut qu'a peu pres remplie dans le cas actuel ; encore
cela serait-il suffisant pour justifier un examen attentif, plus scientifique
et plus intelligent qu'un sommaire dédain.
« La
recherche scientifique est, d'ailleurs, toujours progressive, ce n'est jamais
du premier saut que l'on atteint a la connaissance parfaite. Les conditions
dans lesquelles se produit un phénomene, les conditions précises, nécessaires
et suffisantes pour qu'il se montre, souvent complexes, peuvent n'etre que le
dernier résultat des investigations. Il n'est donc pas raisonnable d'exiger,
sous prétexte de déterminisme, que tout fait nouveau puisse etre constamment
amené a volonté par l'expérimentation. Quand le fait se produit, on le constate
et on l'étudie. S'il fallait ne tenir aucun compte des premieres observations,
toute recherche ultérieure deviendrait impossible, et les sciences
d'observation n'existeraient pas.
« C'est
donc une exigence injustifiée que formule M. Figuier, lorsqu'il reproche a M.
de Gasparin de n'avoir pu, dans quelques circonstances, reproduire le phénomene
du mouvement des corps inertes sans le contact des mains. Deux facteurs
pouvaient manquer, la connaissance exacte des conditions du phénomene et la
force nécessaire pour le produire. Mais ces résultats négatifs laissent intacts
les faits positifs antérieurement constatés.
«
Ceux-ci existent-ils réellement ?
« Dans
les expériences dont j'ai été témoin a Valleyres dans l'année 1854, je ne
connaissais pas toutes les personnes qui pretaient leur concours a M. de
Gasparin, c'est pourquoi j'ai constamment exclu des résultats notés comme
valables toute expérience dans laquelle la fraude eut été seulement possible.
Il me fut donc parfaitement indifférent, au point de vue de la certitude des
faits constatés, d'entendre dire plus tard a quelques personnes du dehors que
l'on soupçonnait des amis trop zélés d'avoir aidé au mouvement des tables.
« On
trouvera tout le détail des faits dont je fus témoin, dans le petit mémoire que
j'ai publié en 1855 sous le titre indiqué plus haut.
« Il me
sera permis de rappeler seulement ici trois expériences, qui me semblent etre
parfaitement suffisantes pour établir le fait du mouvement des corps inertes
sans le contact des mains.
« J'ai
été témoin des deux premieres, et la troisieme, que j'avais suggérée, a été
faite sous les yeux d'hommes de science bien connus.
« Les expériences
ou l'action des mains s'exerce a distance et celles de soulevement sont les
plus difficiles a réussir. Elles doivent toujours etre précédées de celles avec
contact, servant comme exercice préparatoire propre a développer puissamment
chez les expérimentateurs cet état particulier qui est une des conditions
essentielles de l'apparition des phénomenes. Il est, du reste, indifférent que
la préparation se fasse sur une autre table. Quand elle avait lieu sur le meme
meuble, la période de préparation était séparée de celle de l'action finale par
un moment d'arret, pour éviter l'objection fondée sur l'existence d'un
mouvement acquis.
« Premiere expérience. - Table ronde de 82 centimetres de
diametre a trépied, sans roulettes. Plancher tres peu lisse ; un effort de 2 a
3 kilogrammes appliqué tangentiellement sur le bord du plateau est nécessaire
pour donner au meuble un mouvement de rotation.
« Action
de 8 a 10 personnes réunies. Je place mon oil et le maintiens dans le
prolongement du plateau, pour m'assurer de l'absence de contact des doigts, qui
se tiennent a deux ou trois centimetres de la surface du meuble. - En meme
temps, M. Edmond Boissier surveille le trépied et la surface inférieure du
plateau. Puis nous répétons l'expérience en échangeant les rôles. On ne
surprend aucun contact des opérateurs avec la table qui tantôt se balance,
tantôt tourne autour d'elle-meme, d'un demi-tour a un tour ou deux. Cependant
la surveillance complete est un peu difficile cause du grand nombre des
opérateurs. Cet inconvénient n'existe plus dans l'expérience suivante :
« Deuxieme expérience. - Deux personnes
seulement, Mme de Gasparin et Mme Doxat, entraînent, sans le toucher, un
guéridon qui tourne et se balance sous leurs mains, tenues a deux ou trois
centimetres de distance du plateau. Ayant réussi a voir constamment l'espace
libre entre les mains et la surface du guéridon, je suis sur qu'il n'y a pas eu
de contact, pendant quatre ou cinq révolutions du meuble.
« Cette
expérience m'a si vivement frappé qu'aujourd'hui encore, a trente-trois ans de
distance, je la revois comme au jour ou j'en fus le témoin. Aucun doute n'était
plus possible, le mouvement des corps inertes par l'effet de la volonté
humaine, et sans action mécanique directe, était donc bien un fait réel. Et puisque
ce fait existe, il est possible,
malgré toutes les objections que l'on peut faire a priori.
« Troisieme expérience. - Rapportée par M.
de Gasparin dans son livre sur les tables (avant-propos, p.21). - Une couche
tres légere de farine a été répandue sur la table en repos, presque
instantanément, a l'aide d'un soufflet a soufrer la vigne. L'action des mains
placées a distance a entraîné le meuble. Puis on a fait l'inspection de la
couche de farine qui était demeurée vierge de tout contact. On s'était assuré
que le moindre attouchement laissait des traces apparentes sur la couche de
farine, et que les ébranlements et les secousses ne suffisaient pas pour faire
disparaître ces traces. Cette troisieme expérience a eu pour témoin et pour
contrôleur scientifique le comte de Gasparin, membre de l'Académie des Sciences
de Paris, et ancien ministre. Répétée a plusieurs reprises et dans des jours
différents, elle a toujours donné les memes résultats.
« En
face des témoignages qui précedent, pour nier le mouvement sans contact, il
faudrait admettre l'une ou l'autre des deux hypotheses suivantes :
« 1° -
De la part des expérimentateurs scientifiques, MM. Agénor de Gasparin, Edmond
Boissier, le célebre botaniste, M. Jain docteur en médecine, comte de Gasparin,
de l'Académie des Sciences, enfin l'auteur de ces lignes, - une dose
d'aveuglement ou de betise dépassant toute mesure !
« 2° -
Ou bien, de la part des memes personnes, une mauvaise foi concertée, une
entente perfide, en vue de tromper le public !
« J'aime
mieux croire que c'est M. Figuier qui se trompe.
« Il
fait erreur aussi, mais involontaire, en disant que M. de Gasparin est le seul
auteur sérieux qui ait affirmé le mouvement des tables opéré sang contact
matériel.
« M.
Frédéric de Rougemont, en mai ou juin 1853, obtenait des effets semblables. Au
Valentin, pres d'Yverton, cinq personnes assises autour d'une table légere
tenaient leurs mains a trois quarts de pouce au-dessus du plateau. La table
tourna, les opérateurs demeurant
immobiles. L'épreuve fut répétée a plusieurs reprises avec le meme succes.
On s'assurait avec la lumiere si aucun doigt ne reposait sur le plateau, et
l'on surveillait aussi les pieds.
« M. de
Rougemont était un homme d'une grande valeur intellectuelle et morale, et l'une
des meilleures gloires de notre Suisse romande. »
Un mot
maintenant, et pour, terminer ce chapitre, sur l'action des aimants, de divers
métaux (systeme du docteur Burq) et des médicaments appliqués simplement sur la
peau des sensitifs, et meme sans contact.
Quoique
les avis soient encore tres partagés sur l'efficacité et le mode d'action de
l'aimant au point de vue thérapeutique, d'une part on rapporte que les aimants
artificiels du Pere Hell guérissaient des spasmes, des convulsions, des
paralysies. Ceux de l'abbé Lenoble (1777), d'apres les rapports d'Andry et de
Thouret, avaient guéri 48 malades traités en leur présence : il s'agissait de
maux de dents, de douleurs nerveuses de la tete, des reins, de douleurs
rhumatismales, de névralgies de la face, de tics douloureux, de spasmes de
l'estomac, de hoquets convulsifs , de palpitations, etc, Et ces effets ont été
confirmés par d'autres observateurs, parmi lesquels on cite Marcellin, Hallé,
Laennec, Alibert, Cayol, Chomel, Trousseau, Récamier, etc. En Italie,
Maggiorani consacre a l'étude des effets thérapeutiques de l'aimant la plus
grande partie de son activité et publie de remarquables travaux.
Enfin,
l'école de la Salpetriere, avec Charcot, Babinski, etc., constate
expérimentalement l'influence de l'aimant sur le systeme nerveux des sujets en
état d'hypnose, en particulier dans les phénomenes de transfert.
D'autre
part, le Dr Bernheim écrit « ce que l'aimant produit, la simple suggestion le
produit toujours, et je me suis demandé si la vertu thérapeutique des aimants
ne serait pas une vertu simplement suggestive... si la médecine des aimants ne
serait pas autre chose qu'une médecine d'imagination ». Et apres avoir énuméré
des pratiques diverses et plus ou moins bizarres employées jusqu'a nos jours
pour guérir les maladies, il ne voit dans tout cela que la suggestion.
On peut
certainement, par la suggestion, obtenir a peu pres tous les effets qu'on
obtient avec les aimants et, par suite, il est souvent bien difficile de dire,
dans le traitement magnétothérapique, comme dans beaucoup d'autres, quelle est
la part de la suggestion et quelle est aussi celle du traitement lui-meme. Mais
on n'a pas le droit d'en conclure, d'une maniere générale, que la suggestion
seule opere dans tous les cas.
Avec
cette façon de raisonner, on pourrait tout aussi bien prétendre que le sulfate
de quinine ne coupe pas la fievre, que l'huile de ricin ne purge pas, que
l'opium n'endort pas, attendu que ces memes effets peuvent etre produits par de
l'eau claire accompagnée de suggestion.
Or, il y
a, croyons-nous, des faits qui prouvent que l'aimant a une influence réelle,
indépendante de la suggestion, quoique identique en nature.
Voici
une expérience dont nous empruntons le récit a W. Hamond (Annales de
Psychiatrie, novembre 1894), de New-York, et qui prouve, a ce qu'il nous semble,
l'influence réelle de l'aimant sur l'organisme.
« Un
monsieur âgé de 30 ans, et d'une nature nullement impressionnable, découvrit
son bras droit, a ma requete, relevant la manche de sa chemise jusqu'a
l'épaule, et l'étendit de toute sa longueur sur une table Je pris alors un
mouchoir et lui bandai étroitement les yeux, lui exprimant le désir qu'il
voulut bien me dire quelles sensations il ressentait dans ce bras au cours de
l'expérience. L'ayant ainsi induit a concentrer son attention sur cette partie
de sa personne, je tins un fort aimant, en forme de fer a cheval en contact
presque immédiat au-dessus de sa nuque et a environ un pouce d'intervalle avec
la peau.
« Au
bout de 32 secondes a ma montre, il dit : « Je ne sens rien du tout au bras,
mais j'éprouve une étrange sensation d'engourdissement derriere le cou. » Dix
secondes apres, il s'écriait: il semble maintenant que vous me promenez un
verre ardent derriere le cou. J'enlevai l'aimant et lui demandai s'il ne
sentait rien au bras. « Non, répliqua-t-il, je ne crois pas. »
« Tandis
qu'il parlait, j'amenai vivement l'aimant au-dessus de sa tete et en meme temps
je lui frappai le bras avec un coupe-papier. « Je sens que vous me frappez le
bras avec quelque chose, dit-il, mais l'engourdissement que je ressentais au
cou a disparu et se trouve maintenant juste au-dessus de ma tete. »
«
J'éloignai alors l'aimant et je le fis mouvoir au-dessus du bras, de l'épaule,
au bout des doigts, a la distance d'un pouce ou a peu pres de la surface de la
peau. Apres deux ou trois passes de la sorte, il dit : « Maintenant je sens
quelque chose au bras : j'éprouve une sensation telle que si vous me piquiez le
bras avec des épingles, quoique cela ne me blesse nullement. Maintenant il me
semble que le verre ardent me brule légerement tout le long du bras. »
D'autres
modifications de l'expérience furent faites, et toujours avec un résultat
semblable. Il était évident que l'aimant produisait des sensations irritantes
sur les parties du corps ou sa proximité n'était pas soupçonnée.
La
métallothérapie paraît avoir été étudiée la premiere fois méthodiquement par le
Dr Burcq, dont les expériences furent, pendant longtemps, contestées, jusqu'au
jour ou une commission de la Société de Biologie, dont faisaient partie les
docteurs Charcot, Luys et Dumontpallier, les eut contrôlées et en eut proclamé
publiquement la haute valeur scientifique. Elle repose sur un ensemble de faits
auxquels le Dr Burcq a donné le nom de métalloscopie. Ces faits consistent en
ceci que l'application d'un métal déterminé peut produire a la surface de la
peau chez certains sujets, le retour, la disparition ou le transfert de la
sensibilité, et souvent aussi des modifications correspondantes de la force
musculaire et de la chaleur animale.
Le Dr
Dumontpallier, qui devait se rallier plus tard aux doctrines de l'école de
Nancy, n'en affirme pas moins, dans deux conférences faites en 1879, a
l'hôpital de la Pitié, que les phénomenes métalloscopiques et
métallothérapiques ne sont pas et ne peuvent pas etre dus a la suggestion, ou,
comme il disait alors, d'apres les Anglais , a l'attention expectante : « Il est arrivé quelquefois, dit-il, que
l'on employait, sans le vouloir, du métal neutre au lieu d'un métal actif. Dans
ces conditions, le phénomene ne s'est pas produit, et aussitôt que nous
remplacions le métal neutre par le métal actif, le phénomene se produisait (La
Métalloscopie, la Métallothérapie ou le Burquisme, par le D, Dumontpallier,
Paris, Delahaye, 1880. Voir, pour le détail des expériences, les rapports faits
a la Société de Biologie, années 1877-1878,)»
Les
docteurs Bourru et Burot, de l'Ecole de médecine navale de Rochefort, firent,
il y a une vingtaine d'années, des expériences inédites sur deux sujets d'une
rare impressionnabilité. Un mémoire sur ce sujet fut présenté par ces
Messieurs, en 1885, au Congres de Grenoble, tenu par l'Association française
pour l'avancement des sciences.
Nous
extrayons le passage suivant de ce Mémoire, publié par le Temps dans ses numéros des 22 et 23 aout de la meme année:
« En
présence de cette paralysie dont la nature hystérique n'était pas douteuse, le
premier soin qui s'imposait aux observateurs était d'essayer l'action des
métaux. Le zinc, le cuivre, le platine, le fer furent sensiblement actifs, quoique
a des degrés inégaux ; mais l'action de l'or fut particulierement frappante,
car non seulement un objet en or, au contact de la peau, produisait une brulure
intolérable, mais encore a une distance de 10, 15 cm, la brulure était
ressentie, meme a travers les vetements, meme a travers la main fermée de
l'expérimentateur. Le mercure, dans la boule d'un thermometre, approché de la
peau, mais sans contact, déterminait de la brulure, des convulsions et une
attraction du membre. On eut naturellement l'idée d'essayer les composés
métalliques. Le chlorure d'or, dans un flacon bouché a l'émeri, approché a
quelques centimetres, avait une action fort analogue a celle de l'or
métallique. Mais, en approchant du sujet un cristal d'iodure de potassium, il
se produisit des bâillements et des éternuements répétés. On avait des lors
l'action physiologique connue de l'iodure de potassium irritant la muqueuse
nasale. C'était un résultat bien imprévu, mais on fut encore bien plus surpris
quand on vit l'opium faire dormir, par simple voisinage.
« Ces
fait, étaient si surprenants que les observateurs eux-memes n'osaient pas tout
d'abord les affirmer, ils en croyaient a peine le témoignage de leurs sens, les
expériences furent multipliées dans les conditions les plus variées, en présence
de leurs collegues, admis non seulement a observer, mais encore a expérimenter
eux-memes dans les contre-épreuves les plus difficiles qu'ils pouvaient
imaginer et qu'ils ont toutes acceptées.
« Apres
plusieurs mois de recherches ininterrompues et de prudente réserve, MM. Bourru
et Burot ont eu la bonne fortune de rencontrer un second sujet
hystéro-épileptique, qui donnait les memes réactions que le premier.
« Le
second malade est une femme âgée de vingt six ans. Née dans le département de
l'Orne, et élevée a Alençon, elle aurait eu des crises de nerfs vers l'âge de
onze ans. Elle habite Paris pendant plusieurs années, et, a l'âge de dix-huit a
vingt ans, elle a de grandes crises qui la forcent a entrer a la Salpetriere,
dans le service de M. Charcot, ou elle passe dix-huit mois. Au moment ou on
l'observe a Rochefort, elle est insensible de toute la moitié droite du corps
et, par contre d'une sensibilité excessive a gauche, ou le contact ne peut etre
supporté. C'est, comme le premier sujet, une hystérique de premier ordre et
tout a fait déséquilibrée.
« MM.
Bourru et Burot avaient donc entre leurs mains deux sujets a peu pres
identiques et sur lesquels ils pouvaient établir les expériences de contrôle
les plus diverses. Les résultats ont été les memes chez les deux malades, a
quelques différences pres que nous signalerons.
« Ne
craignant plus alors de se compromettre en donnant de la publicité a des
expériences hâtives incompletes et douteuses, meme pour eux, ces observateurs
ont prié le directeur de l'Ecole de médecine navale de Rochefort, M. le docteur
Duplouy, de vouloir bien assister a une expérience de contrôle. M. le docteur
Duplouy, absolument incrédule et craignant un entraînement irréfléchi pour son
école, avait exigé les conditions les plus rigoureuses : toutes les personnes
susceptibles d'influencer le sujet devaient etre écartées ; un silence absolu
devait etre observé. L’expérience eut lieu en présence du directeur, des
professeurs, des agrégés de l'Ecole et d'un grand nombre de médecins et de
pharmaciens de la marine. L'autorité scientifique de cette assemblée avait pour
eux la plus haute importance. L'expérience fut décisive et concluante. Un
flacon, contenant du jaborandi et apporté par un assistant, approché du sujet
par une autre personne, détermina presque immédiatement de la salivation et de
la sueur. Un expérimentateur, ayant dans sa poche deux flacons de meme
grandeur, enveloppés de papier, et voulant mettre le sujet sous l'influence de
la cantharide, le voit partir comme s'il était influencé par la valériane. Tous
les spectateurs sont partis convaincus, et M. le directeur Duplouy a déclaré
publiquement qu'il était convaincu malgré lui. »
Nous
espérons qu'en présence des preuves qui précedent, si on veut bien leur
accorder la créance qu'elles méritent, les négateurs de bonne foi reconnaîtront
leur erreur.
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