CHAPITRE X: VUE SANS LE SECOURS DES YEUX.
Nous
avons déja dit que, pour obtenir le phénomene de double-vue, il est
indispensable d'endormir profondément le sujet et de produire, en quelque
sorte, le réveil dans le sommeil.
Nous
avons vu également dans le chapitre précédent que, pour réussir dans la
suggestion mentale, il fallait placer le somnambule dans l'état intermédiaire
d'aidéisme et de monoidéisme. Avec un peu d'attention et de persévérance, il
est facile d'obtenir cet état.
Lorsque
le sommeil est profond, que le sujet n'entend plus les bruits extérieurs, que
la voix seule de l'opérateur est perçue, on peut interroger le somnambule et
tenter les expériences. Si elles réussissent, si l'effet cherché est manifeste,
il ne faut pas fatiguer le dormeur, ne pas abuser de ses facultés au début : on
pourrait détraquer l'instrument.
Dans le
cas contraire, il faut ou magnétiser encore ou dégager légerement la tete du
patient : souvent il indiquera lui-meme ce qu'il convient de faire : ne rien
brusquer au début.
Il faut
considérer l'etre dans cet état comme un instrument d'une sensibilité extreme
qu'un rien peut déranger ; mais, avec du tact, de la douceur et de la patience,
on arrive aisément a former un sujet remarquable.
Mais si,
comme les hypnotiseurs, on se contente d'un sommeil superficiel, si on, ne
sait, en un mot, préparer l'instrument, le mettre au point, rien ne se produit ;
c'est ainsi que les continuateurs de Braid repoussent une importante vérité.
Tous
ceux qui ont fait du magnétisme ont pu observer cet état surprenant, bien
propre a troubler les idées de ceux qui le voient la premiere fois, car il
paraît absolument surnaturel, si l'on peut toutefois qualifier ainsi tout
phénomene qui se produit en dehors des lois naturelles connues. Ce qui est
certain c'est que la vue sans le secours des yeux existe, que tout le monde peut produire ce phénomene, et qu'il a été
étudié par tous les magnétiseurs.
Nous
engageons cependant les expérimentateurs a ne pas se fourvoyer, a ne pas faire
comme beaucoup de magnétiseurs.
Que
l'expérimentation ait un but purement scientifique, et qu'on se garde bien de
prendre un « voyant » pour un etre infaillible.
Il est
incontestable que, dans certains cas, un somnambule lucide peut rendre des
services, mais il ne faut pas toujours le suivre aveuglément.
Nous
savons tres bien qu'un sujet qui possede cette faculté (tous les sujets
magnétiques ne la possedent pas, loin de la) mis en contact avec un malade peut, assez souvent, décrire sa maladie
et lui prescrire des remedes appropriés ; nous conseillons pourtant, en ces
matieres, une grande circonspection.
Nous
avons connu des gens qui cherchaient des trésors ; d'autres qui comptaient
faire fortune au jeu ; d'autres, enfin, qui prétendaient pouvoir tout connaître
avec leurs somnambules. Les uns n'ont réussi qu'a se ruiner et les autres qu'a
perdre la tete.
Du Potet
a dit, qu'on nous permette une répétition : « Le magnétisme, par le
somnambulisme, nous ouvre une porte sur l'inconnu. »
Eh bien,
c'est a ce point de vue que nous devons étudier ce phénomene, c'est-a-dire
psychiquement, ce qui n'empeche pas de profiter des circonstances dans
lesquelles il peut physiquement rendre des services.
Les
aptitudes psychiques des sujets sont tres différentes, et nous ne pensons pas
que, dans le meme état, deux somnambules aient des facultés absolument
identiques. Les uns voient d'une façon, les autres d'une autre, mais, dans les
grandes lignes, on retrouve cependant chez tous les effets du meme ordre : il
s'agit de développer ces effets.
Les
observations qui suivent instruiront mieux le lecteur que toutes les
considérations qui pourraient etre données.
En 1888,
nous avions a notre service une jeune hystérique, Mlle E.... qui, a la premiere
séance, présenta ce phénomene de double-vue.
Dans nos
expériences, E... étant endormie, nous collions sur ses yeux des bandes de
papier gommé, de maniere a les obturer entierement : nous ne laissions pas le moindre interstice. Par-dessus ces
bandes, nous placions des tampons de ouate hydrophile, maintenus par un épais
bandeau sur lequel un observateur appliquait ses mains.
Nous
pouvions alors présenter a la voyante n'importe quoi : la faire lire dans un
livre, ouvert, lui donner une carte de visite ou bien une écriture manuscrite ;
elle lisait couramment, mieux meme qu'a l'état normal.
Mais,
chose bizarre, si on lui présentait une carte de visite a l'envers, si on lui
donnait un livre fermé ou si on voulait lui faire lire une lettre retournée,
elle ne voyait plus, les objets n'étant pas présentés normalement.
- «
Comment, disait-elle, voulez-vous que je lise dans un livre fermé, ou que je
traduise une carte a l'envers, une lettre retournée ?... Est-ce que vous
pourriez lire vous ?... Moi non plus... »
Dans son
sommeil magnétique, E... voyait exactement comme étant éveillée.
Il est
curieux de remarquer que ce sujet voyait parfaitement le mode de présentation
des objets.
Beaucoup
de nos amis ont connu cette jeune fille et ont fait des expériences avec elle.
Dernierement, pour prouver a un de nos amis, tres sceptique, la véracité du
fait, nous avons écrit a l'un de ces témoins, Y. Clovis Hugues, pour lui
demander s'il se souvenait de ces expériences. Voici le mot qu'il nous adressa
le 19 janvier dernier :
« Mon
cher ami,
Excusez
mon silence occasionné par la maladie. Mais je me rappelle fort bien et je vois
encore votre bonne possédant le don de double-vue.
« Quand
le diable y serait, elle lisait les veux hermétiquement fermés.
« Bien a vous
« Clovis HUGUES »
En ce
moment, un savant de nos amis, dont nous ne pouvons donner le nom, a cause de
sa situation officielle, possede un sensitif avec lequel il fait des
expériences semblables. Son sujet étant endormi, il lui adapte un masque qu'il
a fait faire spécialement. Ce masque est agencé de telle sorte que le sujet
peut respirer librement, quoiqu'il encapuchonne toute la tete. Ce somnambule
voit, par les extrémités digitales, tous les objets qu'on soumet a son
observation ; de meme il lit toutes sortes d'écritures.
Pour
détruire l'hypothese de l'hyperexcitabilité tactile ou de la suggestion
mentale, le savant dont nous rapportons les expériences s'est entouré
d'ingénieuses précautions. Il se place dos a dos avec son sujet ; il se met en
contact avec lui par son coude gauche, pendant que ses doigts de la main droite
sont promenés, par une tierce personne, sur les lignes d'un écrit quelconque,
l'opérateur fermant les yeux et tournant la tete du côté opposé, afin de ne
point voir l'écrit. Dans ces conditions, le magnétisé lit, sans hésitation, les
mots sur lesquels glissent les doigts de l'expérimentateur.
Nous
avons eu des somnambules qui lisaient par diverses régions de leur corps, ce
qui porterait a croire que ce qui voit en
nous s'extériorise et se porte sur tel ou tel point.
Ne nous
arretons pas aux théories hypothétiques, les faits seuls ont de l'importance et
doivent etre retenus; aussi, glanant un peu partout, nous allons en donner de
si concluants que, nous l'espérons, ils désarmeront le scepticisme le plus
enraciné.
Voici
d'abord quelques cas pris dans l'Art de
magnétiser, de Ch. Lafontaine :
« Mme de
Loyauté (chanoinesse) fut magnétisée par moi dans une soirée, chez le duc de
Luxembourg. En huit minutes, elle fut plongée dans le sommeil, et vingt minutes
apres la lucidité apparut dans tout son éclat. Nous ne pumes cependant pas en
jouir, car chacun voulut faire des expériences banales pour se convaincre de
cette lucidité. Ainsi, cinq personnes changerent les aiguilles de leurs montres
sans regarder ou elles les arretaient. On présentait une montre au-dessus de la
tete ; la somnambule répondait : telle heure, tant de minutes ; on présentait
une montre derriere le sujet, meme résultat. Un autre gardait sa montre dans la
main, et Mme de Loyauté indiquait toujours exactement l'heure aux montres de
chacun.
« Une de
ses amies, Mme la marquise de ***, la pria de se transporter chez elle.
Aussitôt Mme de Loyauté annonça que la chambre des enfants était toute
bouleversée, qu'elle voyait des paquets, des caisses. Cette dame se récria,
prétendant que cela n'était pas possible, qu'elle n'y concevait rien. Comme la
demeure de la marquise n'était pas tres éloignée, on y envoya quelqu'un, qui
revint dire que c'était la plus grande exactitude, que la femme de chambre
préparait des paquets pour un voyage qui devait s'effectuer dans deux jours.
« En
1842, a Paris, je produisis le somnambulisme sur Mme Vully de Candolle, qui
offrit des phénomenes de clairvoyance positifs. Le journal les Feuilles publiques, du 24 septembre 1842, s'exprime ainsi :
« M.
Lafontaine avait annoncé qu'il existait chez Mme de V... un genre de
clairvoyance qui lui permettait de distinguer différents objets placés
au-dessus de sa tete, entre autres l'heure que marquait une montre. Cette
expérience pourrait prouver sans réplique qu'il y avait une transmission du
sens de la vue au sommet de la tete. En effet, apres avoir demandé a Mme de
V... si elle pouvait reconnaître les objets qui lui seraient présentés, et sur
la réponse affirmative qu'elle fit d'abord avec effort, M. Lafontaine prit une
montre qu'il lui plaça sur la tete et la pria d'indiquer l'heure. Apres quelque
hésitation, que devait nécessairement produire l'impression d'une premiere
expérience, Mme de V... annonça neuf heures un quart ; puis on déplaça les
aiguilles deux fois de suite, et deux fois l'heure fut indiquée avec la plus
grande exactitude. Cette premiere expérience terminée, M. Lafontaine prit un
autre objet, le plaça au-dessus de la tete de Mme de V... et lui demanda quelle
en était la couleur, la forme et la nature; elle répondit alors aussitôt : c'est vert, c'est carré ; enfin c'est un portefeuille ; ce dernier mot
fut dit avec un léger mouvement d'impatience.
« On lit
dans la Gazette de Lyon, du 30
juillet 1847, journal sérieux et religieux, un long article sur une séance de
magnétisme dont j'extrais ce passage :
« Une
seconde épreuve va commencer, celle-ci est plus importante a l'endroit de la
clairvoyance. Il s'agit de lire dans une lettre fermée, sinon de longs
passages, du moins quelques lignes bien tracées, et alors il n'est pas besoin
que la somnambule conserve des tampons sur les yeux. A l'appel de M.
Lafontaine, des lettres pleuvent de toutes parts sur la table placée devant le
somnambule. Celui-ci les rassemble, les sépare, les rassemble encore pour les
examiner les unes apres les autres, il les porte contre ses levres, et surtout
et souvent contre ses narines pour les flairer. Cette épreuve parait lui couter
de grands efforts ; il serait presque tenté d'y renoncer; cependant, il
s'arrete a l'une de ces lettres, dont la dimension surpasse celle des autres;
et se met a en transcrire le contenu sur un carré de papier qui est devant lui.
La lettre est alors ouverte pour la confronter avec la transcription; ces deux pieces sont en tout point conformes,
sauf la substitution d'un d a un t. Elle contenait ce vers d'un fameux
sonnet : Grand Dieu ! Tes jugements
sont remplis d'équité. Et la transcription énonçait : Grand Dieu ! Des jugements sont remplis d'équité. Cette légere
erreur ne diminue en rien pour nous l'importance de l'épreuve.
« C'est
M. de Moidiere qui avait écrit le vers précité, et l'on sait qu'il n'est pas
homme a favoriser les roueries des charlatans. »
On ne
lira peut-etre pas non plus sans intéret l'extrait suivant du Courrier d’Indre-et-Loire, du 17 avril 1840
:
« Ceux
qui ont assisté aux réunions particulieres et a la soirée que M. Lafontaine a
donnée mardi ont pu se convaincre combien cet agent, que l'on nomme magnétisme,
est mystérieux, délié, insaisissable. Les plus incrédules se taisent
aujourd'hui devant les faits, et n'osent plus parler qu'avec une extreme
réserve de cette puissance occulte qui se révele dans le sujet qu'elle domine,
par un travail prodigieux du cerveau et un instinct d'esprit et de cour qu'on
ne peut ni exprimer, ni définir. Pour nous, nous n'avons ici qu'a rapporter les
faits.
« Mardi,
avant la séance publique, M. Lafontaine réunit a l'hôtel de Londres quelques
personnes, parmi lesquelles se trouvaient plusieurs médecins de notre ville ;
en deux ou trois minutes, il a endormi la jeune fille dont il a fait, depuis
qu'il est a Tours, le sujet de ses expériences. Peu d'instants apres, elle
était a l'état de somnambulisme et sa clairvoyance était telle qu'elle a pu
lire sans hésitation, dans un journal qui lui a été présenté, ces mots : Avis et Demandes, bien qu'elle eut un
bandeau sur les yeux et qu'un des assistants, qui certes n'était pas compere,
appuyât fortement des doigts sur le bandeau.
« La
somnambule a joué ensuite une partie de dominos et ne s'est trompée qu'une
fois.»
« Voici
un autre exemple de vue a distance :
« En
1839, a Bruxelles, je magnétisai la sour de Mlle Jawureck, artiste de l'Opéra ;
pendant son somnambulisme, elle m'avait prié de la laisser se transporter a
Mons. Tout a coup elle s'écria : « Du sang ! Du sang ! » Et elle eut une
convulsion qu'il me fallut calmer. Revenue a elle, elle retourna a Mons, et, au
milieu de sanglots, de mots entrecoupés, je compris qu'un officier qu'elle
connaissait, et qui se trouvait en garnison a Mons, venait d'avoir un duel,
dans lequel il avait été blessé d'un coup d'épée par un de ses intimes amis,
officier comme lui dans le meme régiment.
« Le
lendemain, cette dame recevait une lettre de Mons, qui lui annonçait le duel,
et dans laquelle on la priait de partir sur-le-champ pour cette ville.
«
Blanche, a Orléans, des la premiere séance dans laquelle elle fut mise en
somnambulisme, voyait, dans une piece éloignée, le docteur Lhuilier se lavant
les mains, puis se baissant devant le feu pour les chauffer. Lorsqu'il revint
dans le salon, les autres médecins lui demanderent ce qu'il avait fait, et il
dit exactement ce que la somnambule avait annoncé.
« J'ai
vu cette somnambule et plusieurs autres lire des lettres dans les poches des
personnes qui les avaient, meme quand elles n'étaient pas décachetées, et dont,
par conséquent, les personnes ignoraient le contenu. »
Alexis
Didier fut peut-etre le plus remarquable sujet du siecle dernier. Endormi
d'abord par M. Marcillet, magnétisé ensuite par Du Potet, par Lafontaine et par
d'autres expérimentateurs, il pouvait meme, dans des séances publiques, devant
un grand nombre de spectateurs, manifester ses facultés de voyance, ce qui est
extremement difficile.
Le cas
suivant, extrait de la Suggestion mentale
d'Ochorowicz, est des plus intéressants:
« Le docteur
Comet, connu comme rédacteur de journaux de médecine et écrivain distingué,
était fort incrédule en matiere de somnambulisme, et avait souvent égayé ses
lecteurs en ridiculisant les prodiges de lucidité, racontés par les
magnétistes. En 1839, sa femme, étant tombée malade, eut des acces de somnambulisme naturel et devint lucide.
M. Comet, dont le témoignage a d'autant plus de poids qu'il s'agissait de faits
qu'il avait regardés comme impossibles, envoya a l'Académie de médecine un
rapport détaillé sur les choses merveilleuses qui se passaient sous ses yeux,
et le publia dans le journal l'Hygie.
Mme Comet désignait entre autres chaque petit objet enfermé dans la main et
devinait les pensées qui se rapportaient
a elle.
« Je
passe sur d'autres faits qui se rattachent a une autre question, celle de
clairvoyance, c'est-a-dire quand le sujet voit ou devine les choses qui ne
peuvent pas etre connues des assistants. »
« Apres
avoir cité la description de ces faits étranges, d'apres le rapport du Dr
Comet, un autre médecin, M. Frappart, ajoute : « Vraiment elle a du couter
beaucoup a son auteur ; car, naguere encore, il était un des plus fougueux
opposants du magnétisme... »
« Mais
M. Comet n'y est pas allé par quatre chemins, et voici ce qu'il écrivait
lui-meme dans son rapport :
« La
malheureuse affection de ma femme porte avec elle une consolation, car elle
fera juger souverainement une question qui a été l'objet de grandes discussions
dans le sein de cette académie et dans la presse ou j'ai pris une part active.
Je veux parler de la lucidité et de la clairvoyance des somnambules, des
prodiges qu'ils réalisent, et auxquels, il y a trois mois, je ne croyais pas,
et qu'aujourd'hui je regrette d'avoir taxés publiquement de manouvres
frauduleuses, de jongleries intéressées.
« Avis
aux hypnotiseurs qui font la meme chose aujourd'hui.
« Mais
quant a l'espoir que nourrissait le Dr Comet, croyant que l'Académie profitera
de l'occasion pour juger souverainement une question aussi grave pour les
progres de la science... quelle illusion !
«
L'Académie ne pouvait pas refuser a un confrere estimé la nomination d'une
commission. Cette commission est meme venue deux fois faire visite a Mme Comet ;
mais, apres avoir remarqué qu'il s'agit de choses extraordinaires, dans
lesquelles on peut compromettre ou sa perspicacité ou sa renommée, ils
hésiterent de continuer.
« Je les
ai tous avertis ce matin, écrivait M. Comet, et je compte sur eux ce soir. »
(Il s'agissait de vérifier une prédiction de la malade.) « Le fait intéresse
assez la science et l'humanité pour qu'ils le constatent. »
- «
Détrompez-vous, répondait le Dr Frappart, aucun ne viendra, ni ce soir, ni
demain, ni plus tard, parce que l'homme évite avec soin la vérité qui le
blesse. »
« En
effet, aucun membre de la commission n'est venu. »
Le
paragraphe 24 du rapport lu par M. Husson en 183l a l'Académie de médecine dit :
« Nous
avons vu deux somnambules distinguer, les
yeux fermés, les objets que l'on a placés devant eux ; ils ont désigné, sans les toucher, la couleur et la valeur
des cartes ; ils ont lu des mois tracés a
la main ou quelques lignes de livres que l'on a ouverts au hasard, le phénomene
a eu lieu, alors meme qu'avec les doigts on fermait exactement l'ouverture des
paupieres. »
Chardel
raconte dans son livre intitulé : Psychologie
physiologique, un grand nombre d'exemples de vue sans le secours des yeux.
En voici un pris au hasard :
« La
somnambule revenue a elle (elle venait d'avoir une syncope) me demanda de
l'eau; j'allai sur la cheminée prendre une carafe ; elle se trouva vide, je
l'emportai pour la remplir dans la salle a manger, ou j'avais remarqué une
fontaine filtrante; je tournai le robinet, et je me servis d'un rotin que je
fendis : l'eau n'arriva pas davantage ; je supposai alors que le conduit aérien
du réservoir était obstrué, et, comme il était fort étroit, il fallait de
nouveau fendre le rotin pour l'introduire, mais je n'eus pas plus de succes je
pris enfin le parti de revenir avec ma carafe pleine d'eau non filtrée. Ma
somnambule était encore dans l'attitude ou je l'avais laissée. Elle m'avait
constamment vu, elle avait suivi tous mes mouvements, et me les raconta sans
omettre une circonstance ; cependant il se trouvait entre elle et moi le salon
et les deux murs, et ma conduite contenait une foule de détails qu'on ne
pouvait imaginer. »
Francoeur,
mathématicien distingué, lut, en 1826, a la Société philomatique, un mémoire
qui contenait des faits de somnambulisme des plus curieux.
Le
docteur Despine, alors médecin en chef de l'établissement d'Aix-les-Bains,
décrit, dans ses ouvrages, un grand nombre de faits semblables qui lui sont
personnels.
Le
docteur Delpit, dans un mémoire curieux sur deux affections nerveuses, dit : «
L'une des malades lisait, et lisait tres distinctement, lorsque ses yeux étaient
entierement fermés a la lumiere, en promenant ses doigts sur les lettres. Je
lui ai fait lire ainsi, soit au grand jour, soit dans l'obscurité la plus
profonde, les caracteres imprimés, en ouvrant le premier livre qui me tombait
sous la main, et, quelquefois, des caracteres écrits, lui remettant des billets
que j'avais préparés expres, avant de me rendre chez elle ; était-ce le sens du
toucher qui suppléait alors a celui de la vue ? Je l'ignore, mais j'affirme
qu'elle lisait tres couramment en promenant ses doigts sur les lettres[12].
»
Les
docteurs Fouquier et Sbire firent, a l'hôpital de la Charité, a Paris, des
expériences a peu pres semblables, et elles furent absolument concluantes.
Aussi, ces messieurs, d'expérimentateurs qu'ils étaient, devinrent-ils des
magnétiseurs convaincus.
Le baron
de Strombeck et les docteurs Schmidt et Marcand, apres avoir assisté a des
expériences de lucidité et fait toutes les épreuves et contre-épreuves
possibles et imaginables, s'inclinerent devant la vérité et ne craignirent pas
de publier leurs observations, en se déclarant fervents partisans du
magnétisme.
On
trouve, dans les ouvrages du docteur Pétetin, une quantité innombrable de
phénomenes absolument identiques.
Voici
les réflexions que fait, a ce sujet, le docteur Bertrand : « Si Pétetin n'a pas
menti, il faut franchement reconnaître que les malades, dont il a consigné
l'histoire, avaient la faculté d'acquérir, sans le secours des yeux, la
connaissance de la forme et de la couleur des corps ; et, si les faits qu'il
atteste ne sont pas vrais, non seulement il faut qu'il ait menti, lui en
particulier, mais on est obligé de faire la meme supposition relativement aux
parents de ses malades, a leurs amis et aux médecins, d'abord incrédules, et
qui ont fini par se déclarer convaincus. Or, je ne crains pas de le dire, le
concours d'un aussi grand nombre de témoins choisis parmi des personnes graves,
éclairées, et qui n'avaient aucun intéret a vouloir tromper, ce concours,
dis-je, pour attester des faits qui ne seraient que d'insipides mensonges,
offrirait le plus singulier phénomene moral : car l'ouvrage de Pétetin renferme
l'histoire de sept somnambules qui toutes ont présenté les memes phénomenes,
et, par conséquent, il aurait fallu que ce merveilleux concours pour une imposture
inutile et pleine d'effronterie se fut sept fois renouvelé, et cela est impossible a supposer. »
Le
docteur Fillassier rapporte le fait suivant :
« Je
pris ma montre avec la plus grande précaution, je l'appliquai, cachée dans la
paume de ma main sur le front de la somnambule ; de l'autre main, je lui tenais
les yeux fermés. - « Qu'ai-je dans la main ? Une montre. - Voyez-y l'heure. -
Je ne puis. Voyez-la. - La grande aiguille est sur six heures et demie. » Cette
expérience fut répétée avec le meme résultat apres avoir déplacé les aiguilles.
»
Voici
une expérience a peu pres semblable, que fit le célebre Broussais, chez le
docteur Foissac, et a la suite de laquelle cessa son incrédulité.
Apres
avoir vu lire Paul Villegrand, dont les paupieres étaient bien closes, M.
Broussais écrivit dans un coin un petit billet : il appliqua ensuite ses doigts
sur les paupieres du somnambule, donna le billet a M. Frappart et lui dit de le
présenter a Paul Villegrand.
Celui-ci
lut, sans hésitation, les trois lignes écrites. Le professeur Broussais tint a
conserver ce billet, comme un monument de
la victoire remportée sur son incrédulité.
Le
docteur Hamard, dans sa these sur le magnétisme, dit :
« Je
tins, a la dérobée, une montre pres de l'occiput de Juliette, qui était en état
de somnambulisme, et je lui demandai. - Qu'est-ce que je vous présente ?
Quelque chose de rond et de plat, blanc d'un côté... C'est une montre. - Quelle
heure est-il? - Huit heures sept minutes.
Ce qui était exact. Cette expérience eut lieu en présence de MM. Julien,
avocat, Briard, Delcroix, Jouane et Bérna, médecins. »
Le
docteur Godineau, de Rochefort, magnétisa, le 3 mars 1836, un sous-officier du
141, Léger et il obtint tous les phénomenes cités plus haut. Ce fait fut
attesté par MM. Bouffard, Giral, Derussat, Brand, Brillon, Achermann,
Guillardon, Fouquet, Thibault, tous membres du cercle de Rochefort.
Le Courier belge du 8 juin 1838 contient le récit d'expériences
faites, a Verviers, chez MM. Rouget et Teston, ingénieurs, sur le fils de M.
Rouget, par M. Jobard, de Bruxelles, expériences qui furent couronnées de
succes.
Le
docteur Florent Cunier écrit de Vichy, en septembre 1839, une lettre a un de
ses amis, pour lui raconter un certain nombre de faits magnétiques. Il lui fait
part, entre autres, du suivant :
« M.
Carles, médecin a Carcassonne, magnétisait un enfant atteint de chorée ;
celui-ci devint somnambule. Un jour, ce médecin, apres lui avoir fermé les
yeux, lui présenta, a l'épigastre, le tome III du Journal de médecine et de chirurgie pratiques. L'enfant lut : « M.
Breschet, chirurgien a l'Hôtel-Dieu, avait fait prendre a un malade, etc. »
Le
docteur Defer, de Metz, a publié, en 1838, l'histoire d'une somnambule
magnétique, qui était insensible aux décharges électriques les plus fortes. Laissons
parler ce médecin :
« Elle
restait insensible et immobile aux coups de fusil tirés pres de son oreille.
Quoique ses yeux fussent recouverts d'une feuille de coton, et par-dessus, d'un
bandeau plié en plusieurs doubles, elle jouait aux dominos avec une admirable
précision : on remarqua que lorsqu'elle était obligée de chercher dans les
dominos restants, ce qu'on appelle vulgairement piocher, elle prenait toujours le domino qu'il lui fallait et le
plaçait comme il devait etre sans le retourner. »
M Jobard,
de Bruxelles, déja cité, fit insérer dans les journaux la proposition suivante
: « Que l'Académie de médecine de Paris envoie a l'Académie de Bruxelles un
tube de porcelaine ou de métal fait d'une seule piece, et dans lequel on aura
mis un objet quelconque d'une forme déterminée et dont le nom soit connu. Cet
étui sera en outre recouvert de cachets ; il me sera remis, et je le rendrai
intact apres avoir désigné ce qu'il renferme. »
M.
Ricard, de Bordeaux, fit la meme proposition a l'Académie de médecine, mais
cette société refusa les expériences que proposaient ces messieurs.
M.
Chardel, conseiller a la Cour de cassation et ancien député de la Seine,
rapporte des faits de lucidité extraordinaires, qui se sont produits dans la
maison d'un Conseiller a la Cour royale.
« Je
pourrais, dit M. Chardel, citer plusieurs autres faits semblables qui me sont
personnels. »
Le
docteur Paul Gaubert fit insérer dans le Moniteur
Parisien du 27 juillet 1839, deux cas de vision de la nature de ceux
observés par M. Chardel et qu'il serait trop long de rapporter en entier.
Le
premier cas fut observé par M. Encontre, docteur en médecine et professeur a la
faculté théologique de Montauban, et par les docteurs Roux et Reynaud.
Le
second se passa a Aaran, chez Mercier, et fut observé par les docteurs Gaubert,
de Cloye, Ropton, de Courtalain, et Salis, de Vendôme. Ces messieurs affirment
que toutes les expériences ont été plus
que concluantes.
EXPÉRIENCES DU DOCTEUR ALFRED BACKMAN, DE
KALMAR (SUEDE).
Ces
expériences, en quelque sorte récentes, ne manquent pas d'intéret et
d'enseignement. Nous regrettons de ne pouvoir les faire connaître toutes, mais
les quelques-unes que nous empruntons aux Annales
des sciences psychiques, année 1892, suffiront a édifier le lecteur, et,
s'il désire avoir d'autres preuves, il n'aura qu'a consulter ces documents.
« La premiere fois que j'essayai une
expérience pour constater la réalité de la clairvoyance, ce fut avec une petite
fille de 14 ans, Anna Samuelsson, fille d'un ouvrier. Je l'avais traitée pour
une grave maladie organique du cour et j'avais obtenu un tres heureux résultat,
qui dure encore depuis deux ans et demi. J'avais fait avec elle plusieurs
expériences de transmission mentale, ou elle m'avait dit, plusieurs fois de
suite, les nombres, les mots, etc., qu'une personne présente avait écrits, sur
un papier plié que ni elle ni moi n'avions vu. Eveillée, elle devinait les
questions qui m'étaient faites par écrit, tandis que moi, bien entendu, je ne
l'aidais ni par un mot ni par un geste.
« Une
fois, elle et d'autres malades ayant été hypnotisés au camp du régiment de
Kalmar, a environ 13 milles de la ville de Kalmar, a ma question : « Y
etes-vous? » elle répondit : « Oui » et peu a peu elle décrivit une grande
ville ou il y avait deux grands bâtiments dont l'un avait plusieurs clochers
(tours) l'église et le château. La maison que j'habitais était une maison jaune
a deux étages, et j'habitais le premier étage. Elle entra alors dans
l'appartement, traversa l'antichambre et une chambre, et arriva a une autre
piece ou elle admira « tant de belles peintures, surtout une qui était si
grande ». Elle entra ensuite dans une troisieme chambre et fut bien étonnée en
voyant les choses qui étaient pendues au mur : elles devaient etre en bois. (Il
y avait sur les murs une grande quantité d'assiettes de porcelaine ancienne.)
Dans cette chambre, elle vit une dame que je reconnus, par sa description, pour
ma femme, et un petit garçon ; mais il y, avait quelque chose de singulier pour
ce dernier, elle le voyait double (un couple de jumeaux, de garçons, se
ressemblant extremement). Jusque-la, je n'étais pas surpris, parce que, pour
donner ces renseignements, elle n'avait qu'a se servir de sa faculté de lire
les pensées, mais ensuite mes pensées et ses constatations commencerent a
différer. Il y avait chez moi une vieille dame, et, m'attendant a ce que le
sujet, la verrait aussi, je lui demandai si elle ne pourrait voir une autre
dame, a quoi elle me répondit qu'elle en voyait bien une autre, une jeune
fille, et elle me la décrivit si exactement que je reconnus miss H. W... Apres
quoi elle me dit que ma femme s'était habillée, était sortie, était entrée dans
une boutique et avait acheté quelque chose, l'expérience s'arrete-la.
« J'écrivis
aussitôt a ma femme et je lui demandai si miss H. W... avait été chez nous ce
jour-la (en juin 1888) et si, apres sa visite, ma femme était allée dans une
boutique acheter quelque chose. Quelques officiers du régiment, qui
connaissaient le cas, attendaient anxieusement, comme moi, la réponse qui
arriva par retour du courrier, et je la leur communiquai. Ma femme y exprimait
sa grande surprise (je n'avais pas dit le moyen par lequel j'avais appris les
faits) et elle me disait qu'il était parfaitement vrai qu'elle avait vu miss H.
W... ce jour-la et a cette heure, et qu'elle était ensuite allée dans une
boutique dans la meme rue, pour acheter quelque chose ; seulement miss H.
W... n'était pas allée chez nous, mais a Ryssby, a 20 kilometres de Kalmar, et
avait parlé a ma femme par le téléphone.
« J'ai
déja publié dans la revue allemande Sphinx
(aout 1889) un compte-rendu d'une autre expérience faite avec le meme sujet.
Cette fois je pris des notes, les voici :
« NOTES
SUR QUELQUES EXPÉRIENCES PSYCHOLOGIQUES
« Ces
expériences furent faites le 20 juin 1888, a 11 heures du matin. Une fille
nommée Anna Samuelsson, âgée de 14 ans, de Hultsfred Hals, était le sujet, et
l'opérateur était le docteur Backman, assisté de MM. 0. Ahlgren, capitaine de
réserve du régiment royal de Kalmar, le lieutenant E. Hagens, le
sous-lieutenant A. Meyerson, le quartier-maître C. Ericsson, tous appartenant a
ce meme régiment. Les expériences furent faites dans le cabinet du docteur
Backman, a l'hôpital de l'Etat, a Hultsfred
« Le
soussigné Ericsson, ayant entendu parler des merveilleux résultats de
l'hypnotisme, et ayant rencontré le docteur Backman dans le camp, lui demanda
la permission d'assister a sa séance d'hypnotisme. A cette demande, le docteur
B... ne s'attendait pas du tout, mais néanmoins il y accéda immédiatement, et,
alors, lui et deux de nous (Ericsson et Meyersson) nous allâmes a l'hôpital.
Nous fumes rejoints par Hagens, qui a signé aussi ci-dessous, et Ahlgren vint
quand la séance était commencée.
« Une
femme nommée L... avait été hypnotisée, et l'on avait fait plusieurs
expériences de transmission mentale avec elle, lorsqu'on lui demanda de dire a
la jeune Anna de monter. A peine le docteur B... avait-il émis cet ordre
qu'Anna entrait de son propre mouvement. Elle s'assit en face du docteur B... ;
il lui dit de fermer les yeux, mais de ne pas dormir. Le quartier-maître
Ericsson fut prié de dire quelles expériences il désirait faire, le docteur
B... faisant la remarque que la jeune fille pouvait aussi bien voir a l'état de
veille qu'étant hypnotisée. Comme Ericsson ne suggérait rien, le docteur B...
dit a Anna d'entrer (c'était son expression) dans les poches d'Ericsson et dans
sa bourse, et de dire combien de pieces elle contenait. Elle dit qu'il y en
avait cinq, ce qui fut vérifié tout a fait exact, bien que ni le docteur B...
ni moi, ni Ericsson nous ne connumes ce nombre de pieces. Apres quelques autres
expériences et quelques minutes de conversation, le dialogue suivant s'engagea
a peu pres en ces termes : - Docteur B... « Anna, je désire maintenant que vous
alliez chez le quartier-maître du côté de l'entrée ; y etes-vous ? » Anna : «
Oui. » Docteur B...: « Maintenant, entrez dans la piece a droite de l'entrée ;
y etes-vous ? » Anna : « Oui » Docteur B... : « Y a-t-il quelqu'un dans cette
piece ? » Anna : « Oui. » Docteur B... : « Est-ce un homme ou une femme ? »
Anna : « C'est un homme. » « Jeune ou vieux ? » « Vieux. » « Qui est-ce ? » «
Le sous-quartier-maître. » Docteur B... (D’un air de doute) : «Que fait-il dans
la chambre du quartier-maître ? » « Il écrit. » « Qu'écrit-il ? » « Je ne puis
voir. » « Il faut regarder avec toute votre attention ; maintenant qu'est-ce ?
» « Il écrit des chiffres. » Docteur B... (Faisant allusion aux armes pendues
aux murs chez Ericsson) : « Y a-t-il quelque chose de pendu au mur pres de la
porte ? » « Oui. » « Qu'est-ce ? » « Je ne puis le dire. » « Est-ce en métal ou
en bois ? » « En bois. » « Qu'est-ce donc ? » « Un grand bâton. » « Le
sous-quartier -maître est-il encore la ? » « Oui. » « Que fait-il maintenant ?
» « Il s'en va. » « Ou cela ? » « Vers la plaine. » « De ce côté ou bien dans
la direction des baraques ? » « Du côté des baraques ? » « Y a-t-il quelqu'un
avec lui ?» « Oui, une personne. »
« A ce
moment, nous, Ahlgren et Ericsson, nous allâmes directement chez le
quartier-maître, et en entrant dans l'appartement du sous-quartier-maître (qui
se trouvait a gauche du meme passage) nous le trouvâmes chez lui. Nous lui
demandâmes ce qu'il avait fait, s'il avait écrit ; il répondit qu'en effet il
avait écrit, et que c'étaient des chiffres. Il y avait des vetements pendus au
mur, a gauche de la porte, et, appuyé contre le meme mur, dans un coin, il y
avait un bâton d'environ deux yards de long qui, suivant le
sous-quartier-maître, avait été mis la sans raison particuliere. Le
sous-quartier-maître me dit plus tard, a moi Ericsson, qu'a ce moment, en
l'occasion en question, deux caporaux étaient venus le trouver et qu'il avait
été question de les accompagner au magasin, pres des baraques, pour leur donner
certaines choses. Il avait eu d'abord envie de les accompagner, puis il y
renonça ; sur quoi les deux caporaux le quitterent.
« Que
le récit ci-dessus est vrai, que toute supposition de fraude ou de tromperie
serait absolument sans base et que tout est arrivé exactement comme il vient de
l'etre raconté brievement, voila ce que nous soussignés nous certifions, chacun
pour la part qui le concerne, et nous l'affirmons sur notre honneur et en toute
conscience.
« Ont
signé : C. E. Ericsson, OSCAR AHLGREN, E. HAGENS, A. MEYERSSON. »
« Dans
l'hiver de 1889-90, l'événement suivant arriva. Je l'appris a la fois par les
journaux et par Anna, qui me fit le meme récit. Dans le voisinage de l'endroit
qu'elle habitait, un jeune homme avait disparu et l'on supposait qu'il était
tombé sous la glace, dans un assez grand lac, pres de la. On dragua partout
pour trouver le corps, mais sans succes, et enfin on essaya une expérience avec
Anna, qui fut hypnotisée dans ce but par un médecin du voisinage. Endormie,
elle décrivit un endroit du lac ou elle dit que le corps devait etre cherché ;
il se trouvait a un certain nombre de pieds du bord et un certain nombre de
pieds a gauche. L'endroit fut dragué et on ne trouva rien, mais l'idée vint,
quelques jours plus tard, que la clairvoyante, cette fois encore, avait
confondu la droite avec la gauche. Le lac fut dragué a la place indiquée, mais
a droite, et le corps fut trouvé.
« Le
sujet que je considere comme doué de la lucidité la plus remarquable s'appelle
Alma Radberg. C'est une servante, qui a maintenant environ 26 ans. Elle eut une
enfance et une jeunesse maladives et délicates ; mais maintenant, apres avoir
été traitée par l'hypnotisme, elle est pleine de santé, forte et vigoureuse.
Elle a bien voulu me permettre, a moi et a quelques autres, de faire
d'innombrables expériences avec elle, et elle est extremement suggestible, a
l'état de veille aussi bien qu'endormie.
« Les
expériences telles que la stigmatisation et bien d'autres ont été faites avec
succes, dans l'état de veille ou de sommeil. Je puis, en passant, citer un
exemple qui me semble remarquable. Au milieu d'une expérience, je mis une
goutte d'eau sur son bras en lui suggérant que c'était une goutte de cire a
cacheter brulante, et qu'il se produirait une ampoule qui cependant serait guérie
au bout de trois jours. Pendant le cours de l'expérience, je répandis par
mégarde un peu d'eau sur sa peau et m'empressai de l'essuyer. L'ampoule apparut
le lendemain ; elle s'étendait aussi loin que l'eau s'était répandue,
absolument comme si c'eut été un acide corrosif, et le mal se guérit pendant la
nuit du troisieme jour.
« Le but
de la plupart des expériences faites avec Alma a été de décrire aux assistants
l'appartement de telle ou telle personne ; or, les cas ou elle a décrit la
situation des pieces du mobilier, des peintures, etc., avec une exactitude
parfaite, sont si nombreux que je ne puis en donner que quelques exemples, car
je ne puis les raconter tous.
« En
octobre 1888, le capitaine 0... et sa femme, qui se trouvaient a Kalmar, chez
le maître d'Alma, le baron von Rosen, capitaine du pilotage, demanderent la
permission d'assister a une séance de ce genre. On la leur accorda. Alma fut
hypnotisée et on lui dit d'aller a Stockholm, a l'endroit ou vivait la
belle-mere du capitaine 0..., d'entrer dans son appartement et de dire ce
qu'elle pouvait voir. Elle décrivit tres exactement - comme on le constata par
la suite - les chambres et quelques objets remarquables se trouvant dans les
chambres, objets inconnus a tous les assistants, excepté au capitaine et a Mme
0... Entre autres choses elle décrivit minutieusement une ancienne armoire avec
de remarquables sculptures sur les portes et du métal brillant en dessous (il y
avait en réalité une glace sous les sculptures), un buste, une fenetre, un groupe
de fleurs pres d’une porte, des portraits, etc., chaque chose en détail et avec
une exactitude parfaite. Interrogée sur ce que faisait la belle-mere du
capitaine 0... elle dit qu'elle était assise dans une des chambres parlant a
une jeune fille qui cependant n'était ni sa fille, ni sa petite-fille, comme
nous le supposions tous, mais une toute autre personne. Nous apprîmes, quelques
jours apres, que cette dame s'était trouvée en effet dans la chambre et parlait
a sa femme de chambre. Sur le désir du capitaine 0..., on demanda a Alma si la
belle-mere du capitaine avait reçu une lettre ce jour-la. « Oui, répondit-elle,
la lettre contenait une clef et parlait de vetements.» Le capitaine 0… nous dit
qu'il avait en effet envoyé une malle, contenant des vetements, a sa fille qui
demeurait chez sa belle-mere, et qu'il avait écrit a sa belle-mere, au sujet de
cette malle, une lettre ou il avait mis la clef. En s'éveillant, Alma donna au
capitaine 0..., sur l'appartement, une quantité de détails qu'elle n'avait pas
mentionnés tout d'abord et qui étaient en général corrects.
« Une
autre fois elle fut hypnotisée par mon honorable ami le baron von Rosen. Voici
comment il raconte ce qui arriva :
« Un
jour, en septembre 1888, l'apres-midi, Alma Radberg fut hypnotisée par moi sur
mon bateau le Kalmar, a Krakelund,
sur la côte est de la Suede, ou nous étions a l'ancre pour passer la nuit.
Etaient présents le directeur général du pilotage Ankarcrona (qui a bien voulu
que son nom fut publié), le capitaine Smith, commandant le pilotage a
Norrkoping, ma femme et moi. Je dis a Alma de trouver la maison du directeur
général a Stockholm et de décrire son appartement, ou ni elle, ni ma femme, ni
moi n'avions jamais été. Elle décrivit alors l'antichambre : tres sombre,
oblongue, avec une table pres du mur, un tapis sur le parquet ; le salon : une
tres grande piece avec les tables, les sofas, les chaises comme elles étaient,
une quantité de bibelots partou t; dans un coin, plusieurs plantes, dont elle
remarqua que quelques-unes étaient artificielles, un magnifique chandelier, et,
sur un mur, quelque chose d'étrange qu'elle trouva difficile a écrire : c'était
comme des tables, depuis le plancher jusqu'au plafond, recouvertes de peluche,
et sur ces tablettes se trouvaient des plaques ou il y avait quelque chose
d'écrit (des témoignages et des inscriptions). Elle fit aussi correctement la
description d'une grande peinture, un paysage, et d'un grand portrait du roi
Oscar, placé sur un chevalet orné d'une draperie rouge. La salle a manger était
sombre, avec un haut buffet et une cheminée de couleur foncée ; il y avait des
objets anciens sur le buffet; pres d'une porte quelque chose de tres singulier
fait en bois, et pointu par en haut (cet objet dont elle ne pouvait trouver le
nom, c'était une paire de souliers pour la neige, en bois sculpté, placés pres
de la porte) ; enfin un chandelier de couleur foncée et deux grandes vieilles
chaises. Dans le cabinet du directeur général, elle décrivit le tapis sur le
parquet, le sofa, deux tables et un grand bouquet dans un coin, et dit qu'il y
avait beaucoup de peintures. Comme on demandait ou était la femme du directeur
général, elle répondit : Dans une petite chambre, dans le cabinet; elle est
assise et lit un journal. - « Quel journal ? » lui dit-on. Apres de grands
efforts elle répondit: « Svenska
Dag-bla-det. » Elle dit que la dame portait une robe de brocart noir et
épais. A cette question : « Mme A... a-t-elle été chez elle toute la journée ? »
Alma répondit : « Non » et continua en disant que Mme A... avait fait une
visite, tout pres, chez un jeune ménage, et elle décrivit une de leurs chambres
et dit comment la jeune femme, qui portait une matinée bleu foncé, jouait avec
un bébé de quelques mois ; elle donna aussi une description de son mari et d'une
servante : « Reconnaissez-vous la jeune dame, Alma ? » « Non. Si. Ah!
Oui, je me rappelle. C'est Mme R... » et elle dit le nom d'une jeune dame
qu'elle n'avait vue qu'un moment, une année auparavant, quand elle passa par
Kalmar. A la demande du capitaine Smith, je dis a Alma de visiter sa maison a
Norrkoping. Elle obéit, quoique avec peine, et décrivit correctement la salle a
manger et la chambre a coucher, ou Mme Smith se trouvait, donnant une médecine
a une petite fille qui toussait et dont elle était inquiete ; il y avait aussi
dans la chambre une servante d'un certain âge.
« Je
réveillai alors Alma ; elle avait l'air tres bien et tres gaie. Elle décrivit
encore plus nettement les deux maisons du directeur général et du capitaine
Smith. D'apres un renseignement donné plus tard verbalement, et aussi par
écrit, par le directeur général, la description qu'Alma fit de sa maison était
merveilleusement exacte ; meme exactitude pour la robe de sa femme, la visite
qu'elle fit, le jeune ménage, et meme, contrairement a ce que nous supposions,
le journal qu'elle lisait.
Le
capitaine Smith affirma aussi que tout ce qu'elle avait dit de sa maison était
exact. La petite était tombée gravement malade ce meme jour, ce qui l'avait
fait arriver un peu tard a Krakelund, avec son bateau pilote, mais il n'en
avait dit la raison a aucune des personnes présentes.
« Je
soussigné certifie que tout cela est vrai et correspond bien aux faits.
« Baron ROBERT VON ROSEN, Capitaine du
pilotage, Kalmar. »
« J'ai
essayé plusieurs fois de faire lire a mes sujets sans le secours des sens
(comme l'on dit) et ils y sont tres bien arrivés. Je n'ai jamais remarqué de
différence dans les résultats, quand l'hypnotiseur connaissait les mots et
quand ils étaient tout a fait inconnus a toutes les personnes présentes.
Rarement ils ont lu textuellement; ordinairement ils donnaient seulement le
sens général. Je citerai quelques expériences dont quelques-unes ont été faites
comme ceci : les sujets mettaient l'écrit bien enfermé dans une enveloppe parfaitement
opaque sous leur oreiller, et essayaient de lire pendant leur sommeil naturel.
»
« Au
mois d'octobre 1888, les environs de Kalmar furent mis en émoi par un crime
épouvantable commis dans la paroisse de Wissefjarda, a environ 50 kilometres de
Kalmar, a vol d'oiseau. Un fermier nommé P.-J. Gustafsson avait été tué d'un
coup de feu, tandis qu'il conduisait sa voiture, que des pierres placées sur la
route l'avaient forcé d'arreter. Le meurtre avait été commis dans la soirée, et
on soupçonnait un certain vagabond, que Gusafsston, en sa qualité de magistrat,
avait arreté, et qui avait subi plusieurs années de travaux forcés.
«
C'était tout ce que le public et moi savions de l'affaire, le 1er novembre de
la meme année; l'endroit ou le meurtre avait eu lieu et les personnes
impliquées m'étaient completement inconnues, ainsi qu'a la clairvoyante.
« Le
meme 1er novembre, ayant quelques raisons de croire qu'une telle épreuve
pourrait réussir, au moins en partie,
je fis une expérience avec une clairvoyante, Agda Olsen, afin de tenter, s'il
était possible, de recueillir, de cette maniere, quelque information sur cet
événement.
« Le
juge des environs, qui avait promis d'etre présent, fut malheureusement empeché
de venir. La clairvoyante fut hynoptisée en présence de ma femme ; puis on lui
ordonna « de chercher l'endroit ou le meurtre avait été commis, et de voir
toute la scene, de suivre le meurtrier dans sa fuite, de le décrire, lui et sa
demeure, ainsi que les motifs du crime ». Agda Olsen parla comme il suit, avec
beaucoup d'émotion, et en faisant parfois des gestes violents. J'ai pris note
exacte de ses paroles que je reproduis ici en entier:
« C'est
entre deux villages, - je vois une route dans un bois - maintenant cela vient -
le fusil - le voila qui approche, il conduit sa voiture - le cheval a peur des
pierres - arretez le cheval ! Arretez le cheval ! Oh! Il le tue - il
était agenouillé pour tirer - du sang ! Du sang ! - le voila qui court
dans le bois - arretez-le ! Il court dans une direction opposée au cheval
en faisant de nombreux circuits - il évite les sentiers. Il a un bonnet et des
vetements gris clair il a de longs et gros cheveux qui n'ont pas été coupés
depuis longtemps, - des yeux d'un gris bleu, l'air faux - une grande barbe
brune - il a l' habitude de travailler a la terre. Je crois qu'il s'est coupé
la main droite. Il a une cicatrice ou une raie entre le pouce et l'index. Il
est soupçonneux et poltron.
« La
maison du meurtrier, située un peu en arriere de la route, est en bois peint en
rouge. Au rez-de-chaussée, une chambre qui conduit dans la cuisine et ouvre
aussi dans le couloir. Il y a aussi une piece plus grande qui ne communique pas
avec la cuisine. L'église de Wissefjorda est située obliquement, a droite,
quand on se tient dans le couloir.
« Son
motif fut la haine ; on dirait qu'il avait acheté quelque chose - pris quelque
chose - un papier. Il avait quitté sa maison au point du jour, et le meurtre a
été commis dans la soirée. »
On
réveilla alors Alga Ogden, et, comme tous mes sujets, elle se souvenait
parfaitement de ce qu'elle avait vu: cela avait fait sur elle une impression
profonde. Elle ajouta plusieurs choses que je n'ai pas écrites.
Le 6
novembre (un lundi), je rencontrai Agda Olsen, qui, tres émue, me dit qu'elle
venait de voir dans la rue le meurtrier de Wissefjorda. Il était accompagné
d'un homme plus jeune que lui, et, suivi de deux policemen, se rendait du
bureau de police a la prison. Je lui dis de suite que je croyais qu'elle se
trompait en partie parce que les gens de la campagne sont généralement arretés
par la police de la campagne, et parce qu'ils sont toujours conduits
directement en prison. Mais, comme elle insistait et soutenait que c'était
l'homme qu'elle avait vu alors qu'elle était endormie, j'allai au bureau de
police.
Je
m'enquis si quelqu'un avait été arreté au sujet du crime en question ; un
constable me répondit que oui, et que, comme ils avaient été amenés a la ville
un dimanche, on les avait gardés au poste pendant la nuit et qu'ensuite ils
avaient été obligés d'aller a pied a la prison, accompagnés par deux
constables. Le constable F.A. Ljung a eu la complaisance de faire le récit
suivant de ce qui se passa pendant ma visite au bureau de police.
« A la
requete du Dr Backman, je fais ici le compte-rendu de la circonstance dans
laquelle il vint au bureau de police et demanda a me parler sachant que j'avais
aidé a l'arrestation de l'ancien fermier Niklas Jonasson et de son fils, Per
August Niklasson a Lassamola, paroisse de Wisseljorda, accusés d'avoir
assassiné le fermier Peter Johan Gustofsson, a Buggehult. Le Dr Backman me dit
qu'en hypnotisant une femme il avait obtenu d'elle des renseignements sur le
meurtre.
« P.-J
Gustofsson avait été tué le 24 octobre, probablement vers 4 heures de
l'apres-midi, sur la grande route entre les villages de Buggehult et de
Lassamola. Le 4 novembre, les personnes susdites, fortement soupçonnées d'etre
les meurtriers, furent arretées par G. Mahnberg, surintendant de la police a
Kalmar, moi présent:
« Le 6
novembre de la meme année, le Dr Backman vint au bureau de police, désirant
parler au surintendant ; mais ce dernier n'étant pas la, il s'adressa a moi au
sujet d'un memorandum qu'il avait apporté et qu'il me lut. Il me posa plusieurs
questions sur l'endroit ou le meurtre avait été commis, l'habitation des
personnes soupçonnées, etc. Le Dr Backman décrivit tres exactement l'aspect de
la maison, ses meubles, la situation des chambres, l'endroit ou les hommes
qu'on soupçonnait vivaient et fit une description tres fidele de Nikles Jonasson.
Le docteur me demanda si j'avais remarqué que Jonasson avait une cicatrice a la
main droite. Je ne l'avais, point remarquée, mais depuis je me suis assuré
qu'il en était ainsi et Jonasson dit qu'elle provient d'un abces.
« L'une
des assertions du Dr Backman - qu'on pouvait, de la maison des meurtriers
présumés, voir l'église de la paroisse ou d'une autre paroisse - ne concordait
pas avec les faits.
« Je
suis convaincu que le Dr Backman n'a pu se procurer ces informations d'une
maniere ordinaire, et je sais qu'a cette époque le sujet hypnotisé n'avait pas
vu la paroisse de Wissefjorda, et ne pouvait, par conséquent, avoir la moindre
idée de l'aspect de cet endroit.
« Sur
mon honneur et ma conscience, j'affirme la vérité de ce récit.
« Signé et scellé : T.-A.
LJUNG, constable a Kalmar. »
« Kalmar,
27 juin 1889. »
« Le
proces fut long, et montra que Güstofsson avait promis d'acheter pour Jonasson,
mais a son propre nom, la ferme de ce dernier mise en vente aux encheres, a
cause de ses dettes. (C'est ce qu'on appelle un marché de voleur.) Gustofsson
acheta la ferme, mais la garda pour lui. Le récit des accusés fut tres vague ;
le pere avait préparé un alibi avec grand soin, mais il ne suffisait pas pour
le temps prouvé nécessaire a l'accomplissement du crime. Le fils essaya de
prouver un alibi au moyen de deux témoins, mais ceux-ci avouerent avoir donné
un faux témoignage qu'il leur avait arraché, alors qu'ils étaient en prison
avec lui pour une autre affaire. »
RECHERCHES DU PROFESSEUR CRÉGORY
Les
faits de Willarn Grégory, professeur a l'Université d'Edimbourg, montrent bien
que la lecture sans le secours des yeux peut se produire meme a l'état de
veille chez des sujets entraînés.
« Il
faut observer, dit-il, que le clairvoyant peut souvent percevoir des objets
enveloppés dans du papier ou enfermés dans des boîtes ou autres réceptacles
opaques. Ainsi, j'ai vu des objets décrits dans leur forme, leur couleur, leurs
dimensions, leurs marques, etc., alors qu'ils étaient enfermés dans du papier,
dans du coton, des bottes en carton, en bois, en papier mâché (sic) et en
métal. J'ai en outre la connaissance de lettres, minutieusement décrites,
l'adresse, les empreintes postales, le cachet et meme le contenu, déchiffrés,
bien que les lettres fussent enfermées dans des enveloppes épaisses ou dans des
boîtes. Aucun fait n'est mieux attesté que celui-ci. Le major Buckley, qui
semblerait posséder a un degré peu ordinaire le pouvoir de produire chez des
sujets cette forme particuliere de la clairvoyance, a mis, je crois, 140
personnes, dont beaucoup sont tres instruites et d'un rang élevé, et 8 9 de celles-ci, meme pendant l'état de
veille, en état de lire avec une exactitude presque invariable, bien
qu'avec des erreurs accidentelles, des devises (mottoes) imprimées enfermées dans des boîtes ou des coques de noix.
»
Voici
quelques détails supplémentaires donnés dans une autre partie de l'ouvrage, qui
ne manquent pas d'intéret :
« Le
major Buckley a ainsi produit la clairvoyance consciente (a l'état de veille)
chez 89 personnes dont 44 ont été capables de lire des devises contenues dans
des coques de noix achetées par d'autres personnes en vue de ces expériences.
La devise la plus longue ainsi lue contenait 98 mots. Beaucoup de sujets
lisaient devise apres devise sans aucune faute.
De cette façon les devises contenues dans 4860 coques de noix ont été lues,
quelques-unes sans doute en état de sommeil magnétique, mais la plupart par des personnes en état conscient (état de
veille) dont plusieurs meme n'avaient jamais été endormies... Toute
précaution avait été prise. Les noix enfermant les devises, par exemple,
avaient été achetées chez 40 fabricants différents et cachetées avant d'etre
lues. On doit ajouter que des 44 personnes qui ont lu des devises a l'état de
veille, 42 appartiennent a la plus haute classe de la société ; et les
expériences me semblent admirablement conduites, et je ne vois aucune raison
quelconque de douter de l'entiere exactitude des faits. »
Voici
une appréciation de M. E. Boirac, au sujet des expériences du Prof. Grégory :
« En ce
qui regarde cette forme particuliere de la clairvoyance (lectures de devises
enfermées dans des noix), je ferai observer, d'abord, qu'une certaine
proportion de sujets possede seulement ce pouvoir, de sorte qu'un sujet pris au
hasard ne l'aura probablement pas. Secondement : que le meme clairvoyant peut
réussir une fois et échouer une autre. Troisiemement : que ce phénomene se
présente plus fréquemment dans l'expérience de certains magnétiseurs que dans
celles d'autres. Le major Buckley, par exemple, les réussit tres souvent, tandis qu'il y a d'autres magnétiseurs qui
ne les produisent jamais, mais qui provoquent peut-etre d'autres phénomenes
aussi merveilleux. Personne, par conséquent, n'est autorisé a nier le fait,
parce qu'il n'a pas rencontré le fait dans ses propres expériences ou dans une
expérience donnée. »
Dans les Phénomenes d'autoscopie du docteur
P. Sollier, nous trouvons quelques cas qui semblent plutôt prouver la double vue que la représentation.
D'apres
cet auteur, le sujet, dans cet état particulier, voit sans voir (?) ; « il se représente un mouvement musculaire de son
bras ou de sa jambe ».
« Toutes
les impressions, dit-il, qui partent de nos visceres aboutissent a l'écorce
cérébrale et contribuent, avec toutes les autres parties des organes moteurs et
sensoriels, a la constitution de nos états de personnalité. » C'est de la
théorie...
« Apres
avoir semblé recouvrer completement leur sensibilité et leur fonctionnement
normal, apres avoir paru tirés d'affaire définitivement et n'avoir plus qu'a
consolider leur état, tout a coup, au cours d'un réveil cérébral général pour
perfectionner tout ce qui peut encore rester un peu au-dessous de la normale,
ils se mettent (les sujets) a présenter de nouvelles réactions subjectives, et,
en meme temps, a décrire certains de leurs organes d'une façon tout a fait
caractéristique, non seulement dans leur
conformation extérieure, mais encore dans leur structure la plus intime, meme
microscopique. »
Avec
cette théorie, comment expliquer la vision des couleurs et le fonctionnement
des éléments microscopiques ?
Dans
l'ouvrage cité, le Dr Sollier donne deux observations du docteur Comar, tres
intéressantes et que nous rapportons ici.
Une
malade de ce médecin voit, dans son intestin grele, une épingle avalée depuis
longtemps ; elle en indique exactement la position et, par des mouvements
antipéristaltiques qu'elle provoque pendant l'hypnose, l'expulse, apres avoir
suivi et décrit le cheminement de ce corps étranger.
Une
autre de ses clientes voit également un petit os enkysté dans son appendice, en
indique la forme et les dimensions - ce qui fut contrôlé - et, comme la
précédente malade, s'en débarrasse de la meme maniere Ces phénomenes de
représentation nous paraissent avoir de tres grandes analogies avec la vue sans
le secours des yeux.
« J'ai
transcrit textuellement, je le répete, dit le Dr Comar, les paroles de mes deux
malades. Toutes deux m'ont, en résumé, dit la meme chose. Leurs paroles me
semblent fournir une explication du phénomene décrit. Les malades sentent
d'abord et interpretent ensuite les phénomenes de sensibilité.
« Peut-etre y a-t-il cependant un phénomene
plus complexe qui reste inexpliqué,
et qui a été traduit imparfaitement par ma deuxieme malade me parlant, a propos
de l'épingle de l'impression qu'elle a eue de la projection d'une soie noire
sur un voile. Y a-t-il la les éléments
d'une autre interprétation de ces phénomenes anormaux ? »
Si les
docteurs Sollier et Comar avaient procédé comme le Dr Backman, ils auraient
sans doute obtenu les effets produits par ce dernier ; mais, étant imbus des
théories en cours, ils n'ont point songé a tenter ces épreuves, ce qui est
regrettable, et voila comment des expérimentateurs sérieux et instruits passent
a côté de la vérité.
Beaucoup
de faits de clairvoyance pourraient, a la rigueur, etre classés dans la
catégorie de ceux de la suggestion mentale, et nous connaissons des
expérimentateurs éminents qui, quoique ne niant pas la double vue, rapportent
tous ces faits a la suggestion mentale. Ce n'est point notre opinion car,
d'accord en cela avec le docteur Backman, nous pensons que, lors meme qu'une ou
plusieurs personnes présentes aux expériences connaîtraient les écrits ou les
objets décrits par les somnambules, l'opérateur ignorant la nature ou le sens
de ces choses, le sujet ne pourrait lire dans la pensée des personnes qui lui
sont étrangeres et non en rapport avec lui. Il faut nous en tenir a la
clairvoyance pure et simple, ce que nous pouvons d'ailleurs affirmer avec
certitude.
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