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CHAPITRE X: VUE SANS LE SECOURS DES YEUX.

Nous avons déja dit que, pour obtenir le phénomene de double-vue, il est indispensable d'endormir profondément le sujet et de produire, en quelque sorte, le réveil dans le sommeil.

Nous avons vu également dans le chapitre précédent que, pour réussir dans la suggestion mentale, il fallait placer le somnambule dans l'état intermédiaire d'aidéisme et de monoidéisme. Avec un peu d'attention et de persévérance, il est facile d'obtenir cet état.

Lorsque le sommeil est profond, que le sujet n'entend plus les bruits extérieurs, que la voix seule de l'opérateur est perçue, on peut interroger le somnambule et tenter les expériences. Si elles réussissent, si l'effet cherché est manifeste, il ne faut pas fatiguer le dormeur, ne pas abuser de ses facultés au début : on pourrait détraquer l'instrument.

Dans le cas contraire, il faut ou magnétiser encore ou dégager légerement la tete du patient : souvent il indiquera lui-meme ce qu'il convient de faire : ne rien brusquer au début.

Il faut considérer l'etre dans cet état comme un instrument d'une sensibilité extreme qu'un rien peut déranger ; mais, avec du tact, de la douceur et de la patience, on arrive aisément a former un sujet remarquable.

Mais si, comme les hypnotiseurs, on se contente d'un sommeil superficiel, si on, ne sait, en un mot, préparer l'instrument, le mettre au point, rien ne se produit ; c'est ainsi que les continuateurs de Braid repoussent une importante vérité.

Tous ceux qui ont fait du magnétisme ont pu observer cet état surprenant, bien propre a troubler les idées de ceux qui le voient la premiere fois, car il paraît absolument surnaturel, si l'on peut toutefois qualifier ainsi tout phénomene qui se produit en dehors des lois naturelles connues. Ce qui est certain c'est que la vue sans le secours des yeux existe, que tout le monde peut produire ce phénomene, et qu'il a été étudié par tous les magnétiseurs.

Nous engageons cependant les expérimentateurs a ne pas se fourvoyer, a ne pas faire comme beaucoup de magnétiseurs.

Que l'expérimentation ait un but purement scientifique, et qu'on se garde bien de prendre un « voyant » pour un etre infaillible.

Il est incontestable que, dans certains cas, un somnambule lucide peut rendre des services, mais il ne faut pas toujours le suivre aveuglément.

Nous savons tres bien qu'un sujet qui possede cette faculté (tous les sujets magnétiques ne la possedent pas, loin de la) mis en contact avec un malade peut, assez souvent, décrire sa maladie et lui prescrire des remedes appropriés ; nous conseillons pourtant, en ces matieres, une grande circonspection.

Nous avons connu des gens qui cherchaient des trésors ; d'autres qui comptaient faire fortune au jeu ; d'autres, enfin, qui prétendaient pouvoir tout connaître avec leurs somnambules. Les uns n'ont réussi qu'a se ruiner et les autres qu'a perdre la tete.

Du Potet a dit, qu'on nous permette une répétition : « Le magnétisme, par le somnambulisme, nous ouvre une porte sur l'inconnu. »

Eh bien, c'est a ce point de vue que nous devons étudier ce phénomene, c'est-a-dire psychiquement, ce qui n'empeche pas de profiter des circonstances dans lesquelles il peut physiquement rendre des services.

Les aptitudes psychiques des sujets sont tres différentes, et nous ne pensons pas que, dans le meme état, deux somnambules aient des facultés absolument identiques. Les uns voient d'une façon, les autres d'une autre, mais, dans les grandes lignes, on retrouve cependant chez tous les effets du meme ordre : il s'agit de développer ces effets.

Les observations qui suivent instruiront mieux le lecteur que toutes les considérations qui pourraient etre données.

En 1888, nous avions a notre service une jeune hystérique, Mlle E.... qui, a la premiere séance, présenta ce phénomene de double-vue.

Dans nos expériences, E... étant endormie, nous collions sur ses yeux des bandes de papier gommé, de maniere a les obturer entierement : nous ne laissions pas le moindre interstice. Par-dessus ces bandes, nous placions des tampons de ouate hydrophile, maintenus par un épais bandeau sur lequel un observateur appliquait ses mains.

Nous pouvions alors présenter a la voyante n'importe quoi : la faire lire dans un livre, ouvert, lui donner une carte de visite ou bien une écriture manuscrite ; elle lisait couramment, mieux meme qu'a l'état normal.

Mais, chose bizarre, si on lui présentait une carte de visite a l'envers, si on lui donnait un livre fermé ou si on voulait lui faire lire une lettre retournée, elle ne voyait plus, les objets n'étant pas présentés normalement.

- « Comment, disait-elle, voulez-vous que je lise dans un livre fermé, ou que je traduise une carte a l'envers, une lettre retournée ?... Est-ce que vous pourriez lire vous ?... Moi non plus... »

Dans son sommeil magnétique, E... voyait exactement comme étant éveillée.

Il est curieux de remarquer que ce sujet voyait parfaitement le mode de présentation des objets.

Beaucoup de nos amis ont connu cette jeune fille et ont fait des expériences avec elle. Dernierement, pour prouver a un de nos amis, tres sceptique, la véracité du fait, nous avons écrit a l'un de ces témoins, Y. Clovis Hugues, pour lui demander s'il se souvenait de ces expériences. Voici le mot qu'il nous adressa le 19 janvier dernier :

« Mon cher ami,

Excusez mon silence occasionné par la maladie. Mais je me rappelle fort bien et je vois encore votre bonne possédant le don de double-vue.

« Quand le diable y serait, elle lisait les veux hermétiquement fermés.

« Bien a vous

« Clovis HUGUES »

En ce moment, un savant de nos amis, dont nous ne pouvons donner le nom, a cause de sa situation officielle, possede un sensitif avec lequel il fait des expériences semblables. Son sujet étant endormi, il lui adapte un masque qu'il a fait faire spécialement. Ce masque est agencé de telle sorte que le sujet peut respirer librement, quoiqu'il encapuchonne toute la tete. Ce somnambule voit, par les extrémités digitales, tous les objets qu'on soumet a son observation ; de meme il lit toutes sortes d'écritures.

Pour détruire l'hypothese de l'hyperexcitabilité tactile ou de la suggestion mentale, le savant dont nous rapportons les expériences s'est entouré d'ingénieuses précautions. Il se place dos a dos avec son sujet ; il se met en contact avec lui par son coude gauche, pendant que ses doigts de la main droite sont promenés, par une tierce personne, sur les lignes d'un écrit quelconque, l'opérateur fermant les yeux et tournant la tete du côté opposé, afin de ne point voir l'écrit. Dans ces conditions, le magnétisé lit, sans hésitation, les mots sur lesquels glissent les doigts de l'expérimentateur.

Nous avons eu des somnambules qui lisaient par diverses régions de leur corps, ce qui porterait a croire que ce qui voit en nous s'extériorise et se porte sur tel ou tel point.

Ne nous arretons pas aux théories hypothétiques, les faits seuls ont de l'importance et doivent etre retenus; aussi, glanant un peu partout, nous allons en donner de si concluants que, nous l'espérons, ils désarmeront le scepticisme le plus enraciné.

Voici d'abord quelques cas pris dans l'Art de magnétiser, de Ch. Lafontaine :

« Mme de Loyauté (chanoinesse) fut magnétisée par moi dans une soirée, chez le duc de Luxembourg. En huit minutes, elle fut plongée dans le sommeil, et vingt minutes apres la lucidité apparut dans tout son éclat. Nous ne pumes cependant pas en jouir, car chacun voulut faire des expériences banales pour se convaincre de cette lucidité. Ainsi, cinq personnes changerent les aiguilles de leurs montres sans regarder ou elles les arretaient. On présentait une montre au-dessus de la tete ; la somnambule répondait : telle heure, tant de minutes ; on présentait une montre derriere le sujet, meme résultat. Un autre gardait sa montre dans la main, et Mme de Loyauté indiquait toujours exactement l'heure aux montres de chacun.

« Une de ses amies, Mme la marquise de ***, la pria de se transporter chez elle. Aussitôt Mme de Loyauté annonça que la chambre des enfants était toute bouleversée, qu'elle voyait des paquets, des caisses. Cette dame se récria, prétendant que cela n'était pas possible, qu'elle n'y concevait rien. Comme la demeure de la marquise n'était pas tres éloignée, on y envoya quelqu'un, qui revint dire que c'était la plus grande exactitude, que la femme de chambre préparait des paquets pour un voyage qui devait s'effectuer dans deux jours.

« En 1842, a Paris, je produisis le somnambulisme sur Mme Vully de Candolle, qui offrit des phénomenes de clairvoyance positifs. Le journal les Feuilles publiques, du 24 septembre 1842, s'exprime ainsi :

« M. Lafontaine avait annoncé qu'il existait chez Mme de V... un genre de clairvoyance qui lui permettait de distinguer différents objets placés au-dessus de sa tete, entre autres l'heure que marquait une montre. Cette expérience pourrait prouver sans réplique qu'il y avait une transmission du sens de la vue au sommet de la tete. En effet, apres avoir demandé a Mme de V... si elle pouvait reconnaître les objets qui lui seraient présentés, et sur la réponse affirmative qu'elle fit d'abord avec effort, M. Lafontaine prit une montre qu'il lui plaça sur la tete et la pria d'indiquer l'heure. Apres quelque hésitation, que devait nécessairement produire l'impression d'une premiere expérience, Mme de V... annonça neuf heures un quart ; puis on déplaça les aiguilles deux fois de suite, et deux fois l'heure fut indiquée avec la plus grande exactitude. Cette premiere expérience terminée, M. Lafontaine prit un autre objet, le plaça au-dessus de la tete de Mme de V... et lui demanda quelle en était la couleur, la forme et la nature; elle répondit alors aussitôt : c'est vert, c'est carré ; enfin c'est un portefeuille ; ce dernier mot fut dit avec un léger mouvement d'impatience.

« On lit dans la Gazette de Lyon, du 30 juillet 1847, journal sérieux et religieux, un long article sur une séance de magnétisme dont j'extrais ce passage :

« Une seconde épreuve va commencer, celle-ci est plus importante a l'endroit de la clairvoyance. Il s'agit de lire dans une lettre fermée, sinon de longs passages, du moins quelques lignes bien tracées, et alors il n'est pas besoin que la somnambule conserve des tampons sur les yeux. A l'appel de M. Lafontaine, des lettres pleuvent de toutes parts sur la table placée devant le somnambule. Celui-ci les rassemble, les sépare, les rassemble encore pour les examiner les unes apres les autres, il les porte contre ses levres, et surtout et souvent contre ses narines pour les flairer. Cette épreuve parait lui couter de grands efforts ; il serait presque tenté d'y renoncer; cependant, il s'arrete a l'une de ces lettres, dont la dimension surpasse celle des autres; et se met a en transcrire le contenu sur un carré de papier qui est devant lui. La lettre est alors ouverte pour la confronter avec la transcription;  ces deux pieces sont en tout point conformes, sauf la substitution d'un d a un t. Elle contenait ce vers d'un fameux sonnet : Grand Dieu ! Tes jugements sont remplis d'équité. Et la transcription énonçait : Grand Dieu ! Des jugements sont remplis d'équité. Cette légere erreur ne diminue en rien pour nous l'importance de l'épreuve.

« C'est M. de Moidiere qui avait écrit le vers précité, et l'on sait qu'il n'est pas homme a favoriser les roueries des charlatans. »

On ne lira peut-etre pas non plus sans intéret l'extrait suivant du Courrier d’Indre-et-Loire, du 17 avril 1840 :

« Ceux qui ont assisté aux réunions particulieres et a la soirée que M. Lafontaine a donnée mardi ont pu se convaincre combien cet agent, que l'on nomme magnétisme, est mystérieux, délié, insaisissable. Les plus incrédules se taisent aujourd'hui devant les faits, et n'osent plus parler qu'avec une extreme réserve de cette puissance occulte qui se révele dans le sujet qu'elle domine, par un travail prodigieux du cerveau et un instinct d'esprit et de cour qu'on ne peut ni exprimer, ni définir. Pour nous, nous n'avons ici qu'a rapporter les faits.

« Mardi, avant la séance publique, M. Lafontaine réunit a l'hôtel de Londres quelques personnes, parmi lesquelles se trouvaient plusieurs médecins de notre ville ; en deux ou trois minutes, il a endormi la jeune fille dont il a fait, depuis qu'il est a Tours, le sujet de ses expériences. Peu d'instants apres, elle était a l'état de somnambulisme et sa clairvoyance était telle qu'elle a pu lire sans hésitation, dans un journal qui lui a été présenté, ces mots : Avis et Demandes, bien qu'elle eut un bandeau sur les yeux et qu'un des assistants, qui certes n'était pas compere, appuyât fortement des doigts sur le bandeau.

« La somnambule a joué ensuite une partie de dominos et ne s'est trompée qu'une fois.»

« Voici un autre exemple de vue a distance :

« En 1839, a Bruxelles, je magnétisai la sour de Mlle Jawureck, artiste de l'Opéra ; pendant son somnambulisme, elle m'avait prié de la laisser se transporter a Mons. Tout a coup elle s'écria : « Du sang ! Du sang ! » Et elle eut une convulsion qu'il me fallut calmer. Revenue a elle, elle retourna a Mons, et, au milieu de sanglots, de mots entrecoupés, je compris qu'un officier qu'elle connaissait, et qui se trouvait en garnison a Mons, venait d'avoir un duel, dans lequel il avait été blessé d'un coup d'épée par un de ses intimes amis, officier comme lui dans le meme régiment.

« Le lendemain, cette dame recevait une lettre de Mons, qui lui annonçait le duel, et dans laquelle on la priait de partir sur-le-champ pour cette ville.

« Blanche, a Orléans, des la premiere séance dans laquelle elle fut mise en somnambulisme, voyait, dans une piece éloignée, le docteur Lhuilier se lavant les mains, puis se baissant devant le feu pour les chauffer. Lorsqu'il revint dans le salon, les autres médecins lui demanderent ce qu'il avait fait, et il dit exactement ce que la somnambule avait annoncé.

« J'ai vu cette somnambule et plusieurs autres lire des lettres dans les poches des personnes qui les avaient, meme quand elles n'étaient pas décachetées, et dont, par conséquent, les personnes ignoraient le contenu. »

Alexis Didier fut peut-etre le plus remarquable sujet du siecle dernier. Endormi d'abord par M. Marcillet, magnétisé ensuite par Du Potet, par Lafontaine et par d'autres expérimentateurs, il pouvait meme, dans des séances publiques, devant un grand nombre de spectateurs, manifester ses facultés de voyance, ce qui est extremement difficile.

Le cas suivant, extrait de la Suggestion mentale d'Ochorowicz, est des plus intéressants:

« Le docteur Comet, connu comme rédacteur de journaux de médecine et écrivain distingué, était fort incrédule en matiere de somnambulisme, et avait souvent égayé ses lecteurs en ridiculisant les prodiges de lucidité, racontés par les magnétistes. En 1839, sa femme, étant tombée malade, eut des acces de somnambulisme naturel et devint lucide. M. Comet, dont le témoignage a d'autant plus de poids qu'il s'agissait de faits qu'il avait regardés comme impossibles, envoya a l'Académie de médecine un rapport détaillé sur les choses merveilleuses qui se passaient sous ses yeux, et le publia dans le journal l'Hygie. Mme Comet désignait entre autres chaque petit objet enfermé dans la main et devinait les pensées qui se rapportaient a elle.

« Je passe sur d'autres faits qui se rattachent a une autre question, celle de clairvoyance, c'est-a-dire quand le sujet voit ou devine les choses qui ne peuvent pas etre connues des assistants. »

« Apres avoir cité la description de ces faits étranges, d'apres le rapport du Dr Comet, un autre médecin, M. Frappart, ajoute : « Vraiment elle a du couter beaucoup a son auteur ; car, naguere encore, il était un des plus fougueux opposants du magnétisme... »

« Mais M. Comet n'y est pas allé par quatre chemins, et voici ce qu'il écrivait lui-meme dans son rapport :

« La malheureuse affection de ma femme porte avec elle une consolation, car elle fera juger souverainement une question qui a été l'objet de grandes discussions dans le sein de cette académie et dans la presse ou j'ai pris une part active. Je veux parler de la lucidité et de la clairvoyance des somnambules, des prodiges qu'ils réalisent, et auxquels, il y a trois mois, je ne croyais pas, et qu'aujourd'hui je regrette d'avoir taxés publiquement de manouvres frauduleuses, de jongleries intéressées.

« Avis aux hypnotiseurs qui font la meme chose aujourd'hui.

« Mais quant a l'espoir que nourrissait le Dr Comet, croyant que l'Académie profitera de l'occasion pour juger souverainement une question aussi grave pour les progres de la science... quelle illusion !

« L'Académie ne pouvait pas refuser a un confrere estimé la nomination d'une commission. Cette commission est meme venue deux fois faire visite a Mme Comet ; mais, apres avoir remarqué qu'il s'agit de choses extraordinaires, dans lesquelles on peut compromettre ou sa perspicacité ou sa renommée, ils hésiterent de continuer.

« Je les ai tous avertis ce matin, écrivait M. Comet, et je compte sur eux ce soir. » (Il s'agissait de vérifier une prédiction de la malade.) « Le fait intéresse assez la science et l'humanité pour qu'ils le constatent. »

- « Détrompez-vous, répondait le Dr Frappart, aucun ne viendra, ni ce soir, ni demain, ni plus tard, parce que l'homme évite avec soin la vérité qui le blesse. »

« En effet, aucun membre de la commission n'est venu. »

Le paragraphe 24 du rapport lu par M. Husson en 183l a l'Académie de médecine dit :

« Nous avons vu deux somnambules distinguer, les yeux fermés, les objets que l'on a placés devant eux ; ils ont désigné, sans les toucher, la couleur et la valeur des cartes ; ils ont lu des mois tracés a la main ou quelques lignes de livres que l'on a ouverts au hasard, le phénomene a eu lieu, alors meme qu'avec les doigts on fermait exactement l'ouverture des paupieres. »

Chardel raconte dans son livre intitulé : Psychologie physiologique, un grand nombre d'exemples de vue sans le secours des yeux. En voici un pris au hasard :

« La somnambule revenue a elle (elle venait d'avoir une syncope) me demanda de l'eau; j'allai sur la cheminée prendre une carafe ; elle se trouva vide, je l'emportai pour la remplir dans la salle a manger, ou j'avais remarqué une fontaine filtrante; je tournai le robinet, et je me servis d'un rotin que je fendis : l'eau n'arriva pas davantage ; je supposai alors que le conduit aérien du réservoir était obstrué, et, comme il était fort étroit, il fallait de nouveau fendre le rotin pour l'introduire, mais je n'eus pas plus de succes je pris enfin le parti de revenir avec ma carafe pleine d'eau non filtrée. Ma somnambule était encore dans l'attitude ou je l'avais laissée. Elle m'avait constamment vu, elle avait suivi tous mes mouvements, et me les raconta sans omettre une circonstance ; cependant il se trouvait entre elle et moi le salon et les deux murs, et ma conduite contenait une foule de détails qu'on ne pouvait imaginer. »

Francoeur, mathématicien distingué, lut, en 1826, a la Société philomatique, un mémoire qui contenait des faits de somnambulisme des plus curieux.

Le docteur Despine, alors médecin en chef de l'établissement d'Aix-les-Bains, décrit, dans ses ouvrages, un grand nombre de faits semblables qui lui sont personnels.

Le docteur Delpit, dans un mémoire curieux sur deux affections nerveuses, dit : « L'une des malades lisait, et lisait tres distinctement, lorsque ses yeux étaient entierement fermés a la lumiere, en promenant ses doigts sur les lettres. Je lui ai fait lire ainsi, soit au grand jour, soit dans l'obscurité la plus profonde, les caracteres imprimés, en ouvrant le premier livre qui me tombait sous la main, et, quelquefois, des caracteres écrits, lui remettant des billets que j'avais préparés expres, avant de me rendre chez elle ; était-ce le sens du toucher qui suppléait alors a celui de la vue ? Je l'ignore, mais j'affirme qu'elle lisait tres couramment en promenant ses doigts sur les lettres[12]. »

Les docteurs Fouquier et Sbire firent, a l'hôpital de la Charité, a Paris, des expériences a peu pres semblables, et elles furent absolument concluantes. Aussi, ces messieurs, d'expérimentateurs qu'ils étaient, devinrent-ils des magnétiseurs convaincus.

Le baron de Strombeck et les docteurs Schmidt et Marcand, apres avoir assisté a des expériences de lucidité et fait toutes les épreuves et contre-épreuves possibles et imaginables, s'inclinerent devant la vérité et ne craignirent pas de publier leurs observations, en se déclarant fervents partisans du magnétisme.

On trouve, dans les ouvrages du docteur Pétetin, une quantité innombrable de phénomenes absolument identiques.

Voici les réflexions que fait, a ce sujet, le docteur Bertrand : « Si Pétetin n'a pas menti, il faut franchement reconnaître que les malades, dont il a consigné l'histoire, avaient la faculté d'acquérir, sans le secours des yeux, la connaissance de la forme et de la couleur des corps ; et, si les faits qu'il atteste ne sont pas vrais, non seulement il faut qu'il ait menti, lui en particulier, mais on est obligé de faire la meme supposition relativement aux parents de ses malades, a leurs amis et aux médecins, d'abord incrédules, et qui ont fini par se déclarer convaincus. Or, je ne crains pas de le dire, le concours d'un aussi grand nombre de témoins choisis parmi des personnes graves, éclairées, et qui n'avaient aucun intéret a vouloir tromper, ce concours, dis-je, pour attester des faits qui ne seraient que d'insipides mensonges, offrirait le plus singulier phénomene moral : car l'ouvrage de Pétetin renferme l'histoire de sept somnambules qui toutes ont présenté les memes phénomenes, et, par conséquent, il aurait fallu que ce merveilleux concours pour une imposture inutile et pleine d'effronterie se fut sept fois renouvelé, et cela est impossible a supposer. »

Le docteur Fillassier rapporte le fait suivant :

« Je pris ma montre avec la plus grande précaution, je l'appliquai, cachée dans la paume de ma main sur le front de la somnambule ; de l'autre main, je lui tenais les yeux fermés. - « Qu'ai-je dans la main ? Une montre. - Voyez-y l'heure. - Je ne puis. Voyez-la. - La grande aiguille est sur six heures et demie. » Cette expérience fut répétée avec le meme résultat apres avoir déplacé les aiguilles. »

Voici une expérience a peu pres semblable, que fit le célebre Broussais, chez le docteur Foissac, et a la suite de laquelle cessa son incrédulité.

Apres avoir vu lire Paul Villegrand, dont les paupieres étaient bien closes, M. Broussais écrivit dans un coin un petit billet : il appliqua ensuite ses doigts sur les paupieres du somnambule, donna le billet a M. Frappart et lui dit de le présenter a Paul Villegrand.

Celui-ci lut, sans hésitation, les trois lignes écrites. Le professeur Broussais tint a conserver ce billet, comme un monument de la victoire remportée sur son incrédulité.

Le docteur Hamard, dans sa these sur le magnétisme, dit :

« Je tins, a la dérobée, une montre pres de l'occiput de Juliette, qui était en état de somnambulisme, et je lui demandai. - Qu'est-ce que je vous présente ? Quelque chose de rond et de plat, blanc d'un côté... C'est une montre. - Quelle heure est-il? - Huit heures sept minutes. Ce qui était exact. Cette expérience eut lieu en présence de MM. Julien, avocat, Briard, Delcroix, Jouane et Bérna, médecins. »

Le docteur Godineau, de Rochefort, magnétisa, le 3 mars 1836, un sous-officier du 141, Léger et il obtint tous les phénomenes cités plus haut. Ce fait fut attesté par MM. Bouffard, Giral, Derussat, Brand, Brillon, Achermann, Guillardon, Fouquet, Thibault, tous membres du cercle de Rochefort.

Le Courier belge du 8 juin 1838 contient le récit d'expériences faites, a Verviers, chez MM. Rouget et Teston, ingénieurs, sur le fils de M. Rouget, par M. Jobard, de Bruxelles, expériences qui furent couronnées de succes.

Le docteur Florent Cunier écrit de Vichy, en septembre 1839, une lettre a un de ses amis, pour lui raconter un certain nombre de faits magnétiques. Il lui fait part, entre autres, du suivant :

« M. Carles, médecin a Carcassonne, magnétisait un enfant atteint de chorée ; celui-ci devint somnambule. Un jour, ce médecin, apres lui avoir fermé les yeux, lui présenta, a l'épigastre, le tome III du Journal de médecine et de chirurgie pratiques. L'enfant lut : « M. Breschet, chirurgien a l'Hôtel-Dieu, avait fait prendre a un malade, etc. »

Le docteur Defer, de Metz, a publié, en 1838, l'histoire d'une somnambule magnétique, qui était insensible aux décharges électriques les plus fortes. Laissons parler ce médecin :

« Elle restait insensible et immobile aux coups de fusil tirés pres de son oreille. Quoique ses yeux fussent recouverts d'une feuille de coton, et par-dessus, d'un bandeau plié en plusieurs doubles, elle jouait aux dominos avec une admirable précision : on remarqua que lorsqu'elle était obligée de chercher dans les dominos restants, ce qu'on appelle vulgairement piocher, elle prenait toujours le domino qu'il lui fallait et le plaçait comme il devait etre sans le retourner. »

M Jobard, de Bruxelles, déja cité, fit insérer dans les journaux la proposition suivante : « Que l'Académie de médecine de Paris envoie a l'Académie de Bruxelles un tube de porcelaine ou de métal fait d'une seule piece, et dans lequel on aura mis un objet quelconque d'une forme déterminée et dont le nom soit connu. Cet étui sera en outre recouvert de cachets ; il me sera remis, et je le rendrai intact apres avoir désigné ce qu'il renferme. »

M. Ricard, de Bordeaux, fit la meme proposition a l'Académie de médecine, mais cette société refusa les expériences que proposaient ces messieurs.

M. Chardel, conseiller a la Cour de cassation et ancien député de la Seine, rapporte des faits de lucidité extraordinaires, qui se sont produits dans la maison d'un Conseiller a la Cour royale.

« Je pourrais, dit M. Chardel, citer plusieurs autres faits semblables qui me sont personnels. »

Le docteur Paul Gaubert fit insérer dans le Moniteur Parisien du 27 juillet 1839, deux cas de vision de la nature de ceux observés par M. Chardel et qu'il serait trop long de rapporter en entier.

Le premier cas fut observé par M. Encontre, docteur en médecine et professeur a la faculté théologique de Montauban, et par les docteurs Roux et Reynaud.

Le second se passa a Aaran, chez Mercier, et fut observé par les docteurs Gaubert, de Cloye, Ropton, de Courtalain, et Salis, de Vendôme. Ces messieurs affirment que toutes les expériences ont été plus que concluantes.

EXPÉRIENCES DU DOCTEUR ALFRED BACKMAN, DE KALMAR (SUEDE).

Ces expériences, en quelque sorte récentes, ne manquent pas d'intéret et d'enseignement. Nous regrettons de ne pouvoir les faire connaître toutes, mais les quelques-unes que nous empruntons aux Annales des sciences psychiques, année 1892, suffiront a édifier le lecteur, et, s'il désire avoir d'autres preuves, il n'aura qu'a consulter ces documents.

 « La premiere fois que j'essayai une expérience pour constater la réalité de la clairvoyance, ce fut avec une petite fille de 14 ans, Anna Samuelsson, fille d'un ouvrier. Je l'avais traitée pour une grave maladie organique du cour et j'avais obtenu un tres heureux résultat, qui dure encore depuis deux ans et demi. J'avais fait avec elle plusieurs expériences de transmission mentale, ou elle m'avait dit, plusieurs fois de suite, les nombres, les mots, etc., qu'une personne présente avait écrits, sur un papier plié que ni elle ni moi n'avions vu. Eveillée, elle devinait les questions qui m'étaient faites par écrit, tandis que moi, bien entendu, je ne l'aidais ni par un mot ni par un geste.

« Une fois, elle et d'autres malades ayant été hypnotisés au camp du régiment de Kalmar, a environ 13 milles de la ville de Kalmar, a ma question : « Y etes-vous? » elle répondit : « Oui » et peu a peu elle décrivit une grande ville ou il y avait deux grands bâtiments dont l'un avait plusieurs clochers (tours) l'église et le château. La maison que j'habitais était une maison jaune a deux étages, et j'habitais le premier étage. Elle entra alors dans l'appartement, traversa l'antichambre et une chambre, et arriva a une autre piece ou elle admira « tant de belles peintures, surtout une qui était si grande ». Elle entra ensuite dans une troisieme chambre et fut bien étonnée en voyant les choses qui étaient pendues au mur : elles devaient etre en bois. (Il y avait sur les murs une grande quantité d'assiettes de porcelaine ancienne.) Dans cette chambre, elle vit une dame que je reconnus, par sa description, pour ma femme, et un petit garçon ; mais il y, avait quelque chose de singulier pour ce dernier, elle le voyait double (un couple de jumeaux, de garçons, se ressemblant extremement). Jusque-la, je n'étais pas surpris, parce que, pour donner ces renseignements, elle n'avait qu'a se servir de sa faculté de lire les pensées, mais ensuite mes pensées et ses constatations commencerent a différer. Il y avait chez moi une vieille dame, et, m'attendant a ce que le sujet, la verrait aussi, je lui demandai si elle ne pourrait voir une autre dame, a quoi elle me répondit qu'elle en voyait bien une autre, une jeune fille, et elle me la décrivit si exactement que je reconnus miss H. W... Apres quoi elle me dit que ma femme s'était habillée, était sortie, était entrée dans une boutique et avait acheté quelque chose, l'expérience s'arrete-la.

« J'écrivis aussitôt a ma femme et je lui demandai si miss H. W... avait été chez nous ce jour-la (en juin 1888) et si, apres sa visite, ma femme était allée dans une boutique acheter quelque chose. Quelques officiers du régiment, qui connaissaient le cas, attendaient anxieusement, comme moi, la réponse qui arriva par retour du courrier, et je la leur communiquai. Ma femme y exprimait sa grande surprise (je n'avais pas dit le moyen par lequel j'avais appris les faits) et elle me disait qu'il était parfaitement vrai qu'elle avait vu miss H. W... ce jour-la et a cette heure, et qu'elle était ensuite allée dans une boutique dans la meme rue, pour acheter quelque chose ; seulement miss H. W... n'était pas allée chez nous, mais a Ryssby, a 20 kilometres de Kalmar, et avait parlé a ma femme par le téléphone.

« J'ai déja publié dans la revue allemande Sphinx (aout 1889) un compte-rendu d'une autre expérience faite avec le meme sujet. Cette fois je pris des notes, les voici :

« NOTES SUR QUELQUES EXPÉRIENCES PSYCHOLOGIQUES

« Ces expériences furent faites le 20 juin 1888, a 11 heures du matin. Une fille nommée Anna Samuelsson, âgée de 14 ans, de Hultsfred Hals, était le sujet, et l'opérateur était le docteur Backman, assisté de MM. 0. Ahlgren, capitaine de réserve du régiment royal de Kalmar, le lieutenant E. Hagens, le sous-lieutenant A. Meyerson, le quartier-maître C. Ericsson, tous appartenant a ce meme régiment. Les expériences furent faites dans le cabinet du docteur Backman, a l'hôpital de l'Etat, a Hultsfred

« Le soussigné Ericsson, ayant entendu parler des merveilleux résultats de l'hypnotisme, et ayant rencontré le docteur Backman dans le camp, lui demanda la permission d'assister a sa séance d'hypnotisme. A cette demande, le docteur B... ne s'attendait pas du tout, mais néanmoins il y accéda immédiatement, et, alors, lui et deux de nous (Ericsson et Meyersson) nous allâmes a l'hôpital. Nous fumes rejoints par Hagens, qui a signé aussi ci-dessous, et Ahlgren vint quand la séance était commencée.

« Une femme nommée L... avait été hypnotisée, et l'on avait fait plusieurs expériences de transmission mentale avec elle, lorsqu'on lui demanda de dire a la jeune Anna de monter. A peine le docteur B... avait-il émis cet ordre qu'Anna entrait de son propre mouvement. Elle s'assit en face du docteur B... ; il lui dit de fermer les yeux, mais de ne pas dormir. Le quartier-maître Ericsson fut prié de dire quelles expériences il désirait faire, le docteur B... faisant la remarque que la jeune fille pouvait aussi bien voir a l'état de veille qu'étant hypnotisée. Comme Ericsson ne suggérait rien, le docteur B... dit a Anna d'entrer (c'était son expression) dans les poches d'Ericsson et dans sa bourse, et de dire combien de pieces elle contenait. Elle dit qu'il y en avait cinq, ce qui fut vérifié tout a fait exact, bien que ni le docteur B... ni moi, ni Ericsson nous ne connumes ce nombre de pieces. Apres quelques autres expériences et quelques minutes de conversation, le dialogue suivant s'engagea a peu pres en ces termes : - Docteur B... « Anna, je désire maintenant que vous alliez chez le quartier-maître du côté de l'entrée ; y etes-vous ? » Anna : « Oui. » Docteur B...: « Maintenant, entrez dans la piece a droite de l'entrée ; y etes-vous ? » Anna : « Oui » Docteur B... : « Y a-t-il quelqu'un dans cette piece ? » Anna : « Oui. » Docteur B... : « Est-ce un homme ou une femme ? » Anna : « C'est un homme. » « Jeune ou vieux ? » « Vieux. » « Qui est-ce ? » « Le sous-quartier-maître. » Docteur B... (D’un air de doute) : «Que fait-il dans la chambre du quartier-maître ? » « Il écrit. » « Qu'écrit-il ? » « Je ne puis voir. » « Il faut regarder avec toute votre attention ; maintenant qu'est-ce ? » « Il écrit des chiffres. » Docteur B... (Faisant allusion aux armes pendues aux murs chez Ericsson) : « Y a-t-il quelque chose de pendu au mur pres de la porte ? » « Oui. » « Qu'est-ce ? » « Je ne puis le dire. » « Est-ce en métal ou en bois ? » « En bois. » « Qu'est-ce donc ? » « Un grand bâton. » « Le sous-quartier -maître est-il encore la ? » « Oui. » « Que fait-il maintenant ? » « Il s'en va. » « Ou cela ? » « Vers la plaine. » « De ce côté ou bien dans la direction des baraques ? » « Du côté des baraques ? » « Y a-t-il quelqu'un avec lui ?» « Oui, une personne. »

« A ce moment, nous, Ahlgren et Ericsson, nous allâmes directement chez le quartier-maître, et en entrant dans l'appartement du sous-quartier-maître (qui se trouvait a gauche du meme passage) nous le trouvâmes chez lui. Nous lui demandâmes ce qu'il avait fait, s'il avait écrit ; il répondit qu'en effet il avait écrit, et que c'étaient des chiffres. Il y avait des vetements pendus au mur, a gauche de la porte, et, appuyé contre le meme mur, dans un coin, il y avait un bâton d'environ deux yards de long qui, suivant le sous-quartier-maître, avait été mis la sans raison particuliere. Le sous-quartier-maître me dit plus tard, a moi Ericsson, qu'a ce moment, en l'occasion en question, deux caporaux étaient venus le trouver et qu'il avait été question de les accompagner au magasin, pres des baraques, pour leur donner certaines choses. Il avait eu d'abord envie de les accompagner, puis il y renonça ; sur quoi les deux caporaux le quitterent.

« Que le récit ci-dessus est vrai, que toute supposition de fraude ou de tromperie serait absolument sans base et que tout est arrivé exactement comme il vient de l'etre raconté brievement, voila ce que nous soussignés nous certifions, chacun pour la part qui le concerne, et nous l'affirmons sur notre honneur et en toute conscience.

« Ont signé : C. E. Ericsson, OSCAR AHLGREN, E. HAGENS, A. MEYERSSON. »

« Dans l'hiver de 1889-90, l'événement suivant arriva. Je l'appris a la fois par les journaux et par Anna, qui me fit le meme récit. Dans le voisinage de l'endroit qu'elle habitait, un jeune homme avait disparu et l'on supposait qu'il était tombé sous la glace, dans un assez grand lac, pres de la. On dragua partout pour trouver le corps, mais sans succes, et enfin on essaya une expérience avec Anna, qui fut hypnotisée dans ce but par un médecin du voisinage. Endormie, elle décrivit un endroit du lac ou elle dit que le corps devait etre cherché ; il se trouvait a un certain nombre de pieds du bord et un certain nombre de pieds a gauche. L'endroit fut dragué et on ne trouva rien, mais l'idée vint, quelques jours plus tard, que la clairvoyante, cette fois encore, avait confondu la droite avec la gauche. Le lac fut dragué a la place indiquée, mais a droite, et le corps fut trouvé.

« Le sujet que je considere comme doué de la lucidité la plus remarquable s'appelle Alma Radberg. C'est une servante, qui a maintenant environ 26 ans. Elle eut une enfance et une jeunesse maladives et délicates ; mais maintenant, apres avoir été traitée par l'hypnotisme, elle est pleine de santé, forte et vigoureuse. Elle a bien voulu me permettre, a moi et a quelques autres, de faire d'innombrables expériences avec elle, et elle est extremement suggestible, a l'état de veille aussi bien qu'endormie.

« Les expériences telles que la stigmatisation et bien d'autres ont été faites avec succes, dans l'état de veille ou de sommeil. Je puis, en passant, citer un exemple qui me semble remarquable. Au milieu d'une expérience, je mis une goutte d'eau sur son bras en lui suggérant que c'était une goutte de cire a cacheter brulante, et qu'il se produirait une ampoule qui cependant serait guérie au bout de trois jours. Pendant le cours de l'expérience, je répandis par mégarde un peu d'eau sur sa peau et m'empressai de l'essuyer. L'ampoule apparut le lendemain ; elle s'étendait aussi loin que l'eau s'était répandue, absolument comme si c'eut été un acide corrosif, et le mal se guérit pendant la nuit du troisieme jour.

« Le but de la plupart des expériences faites avec Alma a été de décrire aux assistants l'appartement de telle ou telle personne ; or, les cas ou elle a décrit la situation des pieces du mobilier, des peintures, etc., avec une exactitude parfaite, sont si nombreux que je ne puis en donner que quelques exemples, car je ne puis les raconter tous.

« En octobre 1888, le capitaine 0... et sa femme, qui se trouvaient a Kalmar, chez le maître d'Alma, le baron von Rosen, capitaine du pilotage, demanderent la permission d'assister a une séance de ce genre. On la leur accorda. Alma fut hypnotisée et on lui dit d'aller a Stockholm, a l'endroit ou vivait la belle-mere du capitaine 0..., d'entrer dans son appartement et de dire ce qu'elle pouvait voir. Elle décrivit tres exactement - comme on le constata par la suite - les chambres et quelques objets remarquables se trouvant dans les chambres, objets inconnus a tous les assistants, excepté au capitaine et a Mme 0... Entre autres choses elle décrivit minutieusement une ancienne armoire avec de remarquables sculptures sur les portes et du métal brillant en dessous (il y avait en réalité une glace sous les sculptures), un buste, une fenetre, un groupe de fleurs pres d’une porte, des portraits, etc., chaque chose en détail et avec une exactitude parfaite. Interrogée sur ce que faisait la belle-mere du capitaine 0... elle dit qu'elle était assise dans une des chambres parlant a une jeune fille qui cependant n'était ni sa fille, ni sa petite-fille, comme nous le supposions tous, mais une toute autre personne. Nous apprîmes, quelques jours apres, que cette dame s'était trouvée en effet dans la chambre et parlait a sa femme de chambre. Sur le désir du capitaine 0..., on demanda a Alma si la belle-mere du capitaine avait reçu une lettre ce jour-la. « Oui, répondit-elle, la lettre contenait une clef et parlait de vetements.» Le capitaine 0… nous dit qu'il avait en effet envoyé une malle, contenant des vetements, a sa fille qui demeurait chez sa belle-mere, et qu'il avait écrit a sa belle-mere, au sujet de cette malle, une lettre ou il avait mis la clef. En s'éveillant, Alma donna au capitaine 0..., sur l'appartement, une quantité de détails qu'elle n'avait pas mentionnés tout d'abord et qui étaient en général corrects.

« Une autre fois elle fut hypnotisée par mon honorable ami le baron von Rosen. Voici comment il raconte ce qui arriva :

« Un jour, en septembre 1888, l'apres-midi, Alma Radberg fut hypnotisée par moi sur mon bateau le Kalmar, a Krakelund, sur la côte est de la Suede, ou nous étions a l'ancre pour passer la nuit. Etaient présents le directeur général du pilotage Ankarcrona (qui a bien voulu que son nom fut publié), le capitaine Smith, commandant le pilotage a Norrkoping, ma femme et moi. Je dis a Alma de trouver la maison du directeur général a Stockholm et de décrire son appartement, ou ni elle, ni ma femme, ni moi n'avions jamais été. Elle décrivit alors l'antichambre : tres sombre, oblongue, avec une table pres du mur, un tapis sur le parquet ; le salon : une tres grande piece avec les tables, les sofas, les chaises comme elles étaient, une quantité de bibelots partou t; dans un coin, plusieurs plantes, dont elle remarqua que quelques-unes étaient artificielles, un magnifique chandelier, et, sur un mur, quelque chose d'étrange qu'elle trouva difficile a écrire : c'était comme des tables, depuis le plancher jusqu'au plafond, recouvertes de peluche, et sur ces tablettes se trouvaient des plaques ou il y avait quelque chose d'écrit (des témoignages et des inscriptions). Elle fit aussi correctement la description d'une grande peinture, un paysage, et d'un grand portrait du roi Oscar, placé sur un chevalet orné d'une draperie rouge. La salle a manger était sombre, avec un haut buffet et une cheminée de couleur foncée ; il y avait des objets anciens sur le buffet; pres d'une porte quelque chose de tres singulier fait en bois, et pointu par en haut (cet objet dont elle ne pouvait trouver le nom, c'était une paire de souliers pour la neige, en bois sculpté, placés pres de la porte) ; enfin un chandelier de couleur foncée et deux grandes vieilles chaises. Dans le cabinet du directeur général, elle décrivit le tapis sur le parquet, le sofa, deux tables et un grand bouquet dans un coin, et dit qu'il y avait beaucoup de peintures. Comme on demandait ou était la femme du directeur général, elle répondit : Dans une petite chambre, dans le cabinet; elle est assise et lit un journal. - « Quel journal ? » lui dit-on. Apres de grands efforts elle répondit: « Svenska Dag-bla-det. » Elle dit que la dame portait une robe de brocart noir et épais. A cette question : « Mme A... a-t-elle été chez elle toute la journée ? » Alma répondit : « Non » et continua en disant que Mme A... avait fait une visite, tout pres, chez un jeune ménage, et elle décrivit une de leurs chambres et dit comment la jeune femme, qui portait une matinée bleu foncé, jouait avec un bébé de quelques mois ; elle donna aussi une description de son mari et d'une servante : « Reconnaissez-vous la jeune dame, Alma ? » « Non. Si. Ah! Oui, je me rappelle. C'est Mme R... » et elle dit le nom d'une jeune dame qu'elle n'avait vue qu'un moment, une année auparavant, quand elle passa par Kalmar. A la demande du capitaine Smith, je dis a Alma de visiter sa maison a Norrkoping. Elle obéit, quoique avec peine, et décrivit correctement la salle a manger et la chambre a coucher, ou Mme Smith se trouvait, donnant une médecine a une petite fille qui toussait et dont elle était inquiete ; il y avait aussi dans la chambre une servante d'un certain âge.

« Je réveillai alors Alma ; elle avait l'air tres bien et tres gaie. Elle décrivit encore plus nettement les deux maisons du directeur général et du capitaine Smith. D'apres un renseignement donné plus tard verbalement, et aussi par écrit, par le directeur général, la description qu'Alma fit de sa maison était merveilleusement exacte ; meme exactitude pour la robe de sa femme, la visite qu'elle fit, le jeune ménage, et meme, contrairement a ce que nous supposions, le journal qu'elle lisait.

Le capitaine Smith affirma aussi que tout ce qu'elle avait dit de sa maison était exact. La petite était tombée gravement malade ce meme jour, ce qui l'avait fait arriver un peu tard a Krakelund, avec son bateau pilote, mais il n'en avait dit la raison a aucune des personnes présentes.

« Je soussigné certifie que tout cela est vrai et correspond bien aux faits.

« Baron ROBERT VON ROSEN, Capitaine du pilotage, Kalmar. »

« J'ai essayé plusieurs fois de faire lire a mes sujets sans le secours des sens (comme l'on dit) et ils y sont tres bien arrivés. Je n'ai jamais remarqué de différence dans les résultats, quand l'hypnotiseur connaissait les mots et quand ils étaient tout a fait inconnus a toutes les personnes présentes. Rarement ils ont lu textuellement; ordinairement ils donnaient seulement le sens général. Je citerai quelques expériences dont quelques-unes ont été faites comme ceci : les sujets mettaient l'écrit bien enfermé dans une enveloppe parfaitement opaque sous leur oreiller, et essayaient de lire pendant leur sommeil naturel. »

« Au mois d'octobre 1888, les environs de Kalmar furent mis en émoi par un crime épouvantable commis dans la paroisse de Wissefjarda, a environ 50 kilometres de Kalmar, a vol d'oiseau. Un fermier nommé P.-J. Gustafsson avait été tué d'un coup de feu, tandis qu'il conduisait sa voiture, que des pierres placées sur la route l'avaient forcé d'arreter. Le meurtre avait été commis dans la soirée, et on soupçonnait un certain vagabond, que Gusafsston, en sa qualité de magistrat, avait arreté, et qui avait subi plusieurs années de travaux forcés.

« C'était tout ce que le public et moi savions de l'affaire, le 1er novembre de la meme année; l'endroit ou le meurtre avait eu lieu et les personnes impliquées m'étaient completement inconnues, ainsi qu'a la clairvoyante.

« Le meme 1er novembre, ayant quelques raisons de croire qu'une telle épreuve pourrait réussir,  au moins en partie, je fis une expérience avec une clairvoyante, Agda Olsen, afin de tenter, s'il était possible, de recueillir, de cette maniere, quelque information sur cet événement.

« Le juge des environs, qui avait promis d'etre présent, fut malheureusement empeché de venir. La clairvoyante fut hynoptisée en présence de ma femme ; puis on lui ordonna « de chercher l'endroit ou le meurtre avait été commis, et de voir toute la scene, de suivre le meurtrier dans sa fuite, de le décrire, lui et sa demeure, ainsi que les motifs du crime ». Agda Olsen parla comme il suit, avec beaucoup d'émotion, et en faisant parfois des gestes violents. J'ai pris note exacte de ses paroles que je reproduis ici en entier:

« C'est entre deux villages, - je vois une route dans un bois - maintenant cela vient - le fusil - le voila qui approche, il conduit sa voiture - le cheval a peur des pierres - arretez le cheval ! Arretez le cheval ! Oh! Il le tue - il était agenouillé pour tirer - du sang ! Du sang ! - le voila qui court dans le bois - arretez-le ! Il court dans une direction opposée au cheval en faisant de nombreux circuits - il évite les sentiers. Il a un bonnet et des vetements gris clair il a de longs et gros cheveux qui n'ont pas été coupés depuis longtemps, - des yeux d'un gris bleu, l'air faux - une grande barbe brune - il a l' habitude de travailler a la terre. Je crois qu'il s'est coupé la main droite. Il a une cicatrice ou une raie entre le pouce et l'index. Il est soupçonneux et poltron.

« La maison du meurtrier, située un peu en arriere de la route, est en bois peint en rouge. Au rez-de-chaussée, une chambre qui conduit dans la cuisine et ouvre aussi dans le couloir. Il y a aussi une piece plus grande qui ne communique pas avec la cuisine. L'église de Wissefjorda est située obliquement, a droite, quand on se tient dans le couloir.

« Son motif fut la haine ; on dirait qu'il avait acheté quelque chose - pris quelque chose - un papier. Il avait quitté sa maison au point du jour, et le meurtre a été commis dans la soirée. »

On réveilla alors Alga Ogden, et, comme tous mes sujets, elle se souvenait parfaitement de ce qu'elle avait vu: cela avait fait sur elle une impression profonde. Elle ajouta plusieurs choses que je n'ai pas écrites.

Le 6 novembre (un lundi), je rencontrai Agda Olsen, qui, tres émue, me dit qu'elle venait de voir dans la rue le meurtrier de Wissefjorda. Il était accompagné d'un homme plus jeune que lui, et, suivi de deux policemen, se rendait du bureau de police a la prison. Je lui dis de suite que je croyais qu'elle se trompait en partie parce que les gens de la campagne sont généralement arretés par la police de la campagne, et parce qu'ils sont toujours conduits directement en prison. Mais, comme elle insistait et soutenait que c'était l'homme qu'elle avait vu alors qu'elle était endormie, j'allai au bureau de police.

Je m'enquis si quelqu'un avait été arreté au sujet du crime en question ; un constable me répondit que oui, et que, comme ils avaient été amenés a la ville un dimanche, on les avait gardés au poste pendant la nuit et qu'ensuite ils avaient été obligés d'aller a pied a la prison, accompagnés par deux constables. Le constable F.A. Ljung a eu la complaisance de faire le récit suivant de ce qui se passa pendant ma visite au bureau de police.

« A la requete du Dr Backman, je fais ici le compte-rendu de la circonstance dans laquelle il vint au bureau de police et demanda a me parler sachant que j'avais aidé a l'arrestation de l'ancien fermier Niklas Jonasson et de son fils, Per August Niklasson a Lassamola, paroisse de Wisseljorda, accusés d'avoir assassiné le fermier Peter Johan Gustofsson, a Buggehult. Le Dr Backman me dit qu'en hypnotisant une femme il avait obtenu d'elle des renseignements sur le meurtre.

« P.-J Gustofsson avait été tué le 24 octobre, probablement vers 4 heures de l'apres-midi, sur la grande route entre les villages de Buggehult et de Lassamola. Le 4 novembre, les personnes susdites, fortement soupçonnées d'etre les meurtriers, furent arretées par G. Mahnberg, surintendant de la police a Kalmar, moi présent:

« Le 6 novembre de la meme année, le Dr Backman vint au bureau de police, désirant parler au surintendant ; mais ce dernier n'étant pas la, il s'adressa a moi au sujet d'un memorandum qu'il avait apporté et qu'il me lut. Il me posa plusieurs questions sur l'endroit ou le meurtre avait été commis, l'habitation des personnes soupçonnées, etc. Le Dr Backman décrivit tres exactement l'aspect de la maison, ses meubles, la situation des chambres, l'endroit ou les hommes qu'on soupçonnait vivaient et fit une description tres fidele de Nikles Jonasson. Le docteur me demanda si j'avais remarqué que Jonasson avait une cicatrice a la main droite. Je ne l'avais, point remarquée, mais depuis je me suis assuré qu'il en était ainsi et Jonasson dit qu'elle provient d'un abces.

« L'une des assertions du Dr Backman - qu'on pouvait, de la maison des meurtriers présumés, voir l'église de la paroisse ou d'une autre paroisse - ne concordait pas avec les faits.

« Je suis convaincu que le Dr Backman n'a pu se procurer ces informations d'une maniere ordinaire, et je sais qu'a cette époque le sujet hypnotisé n'avait pas vu la paroisse de Wissefjorda, et ne pouvait, par conséquent, avoir la moindre idée de l'aspect de cet endroit.

« Sur mon honneur et ma conscience, j'affirme la vérité de ce récit.

« Signé et scellé : T.-A. LJUNG, constable a Kalmar. »

« Kalmar, 27 juin 1889. »

« Le proces fut long, et montra que Güstofsson avait promis d'acheter pour Jonasson, mais a son propre nom, la ferme de ce dernier mise en vente aux encheres, a cause de ses dettes. (C'est ce qu'on appelle un marché de voleur.) Gustofsson acheta la ferme, mais la garda pour lui. Le récit des accusés fut tres vague ; le pere avait préparé un alibi avec grand soin, mais il ne suffisait pas pour le temps prouvé nécessaire a l'accomplissement du crime. Le fils essaya de prouver un alibi au moyen de deux témoins, mais ceux-ci avouerent avoir donné un faux témoignage qu'il leur avait arraché, alors qu'ils étaient en prison avec lui pour une autre affaire. »

RECHERCHES DU PROFESSEUR CRÉGORY

Les faits de Willarn Grégory, professeur a l'Université d'Edimbourg, montrent bien que la lecture sans le secours des yeux peut se produire meme a l'état de veille chez des sujets entraînés.

« Il faut observer, dit-il, que le clairvoyant peut souvent percevoir des objets enveloppés dans du papier ou enfermés dans des boîtes ou autres réceptacles opaques. Ainsi, j'ai vu des objets décrits dans leur forme, leur couleur, leurs dimensions, leurs marques, etc., alors qu'ils étaient enfermés dans du papier, dans du coton, des bottes en carton, en bois, en papier mâché (sic) et en métal. J'ai en outre la connaissance de lettres, minutieusement décrites, l'adresse, les empreintes postales, le cachet et meme le contenu, déchiffrés, bien que les lettres fussent enfermées dans des enveloppes épaisses ou dans des boîtes. Aucun fait n'est mieux attesté que celui-ci. Le major Buckley, qui semblerait posséder a un degré peu ordinaire le pouvoir de produire chez des sujets cette forme particuliere de la clairvoyance, a mis, je crois, 140 personnes, dont beaucoup sont tres instruites et d'un rang élevé, et 8 9 de celles-ci, meme pendant l'état de veille, en état de lire avec une exactitude presque invariable, bien qu'avec des erreurs accidentelles, des devises (mottoes) imprimées enfermées dans des boîtes ou des coques de noix. »

Voici quelques détails supplémentaires donnés dans une autre partie de l'ouvrage, qui ne manquent pas d'intéret :

« Le major Buckley a ainsi produit la clairvoyance consciente (a l'état de veille) chez 89 personnes dont 44 ont été capables de lire des devises contenues dans des coques de noix achetées par d'autres personnes en vue de ces expériences. La devise la plus longue ainsi lue contenait 98 mots. Beaucoup de sujets lisaient devise apres devise sans aucune faute. De cette façon les devises contenues dans 4860 coques de noix ont été lues, quelques-unes sans doute en état de sommeil magnétique, mais la plupart par des personnes en état conscient (état de veille) dont plusieurs meme n'avaient jamais été endormies... Toute précaution avait été prise. Les noix enfermant les devises, par exemple, avaient été achetées chez 40 fabricants différents et cachetées avant d'etre lues. On doit ajouter que des 44 personnes qui ont lu des devises a l'état de veille, 42 appartiennent a la plus haute classe de la société ; et les expériences me semblent admirablement conduites, et je ne vois aucune raison quelconque de douter de l'entiere exactitude des faits. »

Voici une appréciation de M. E. Boirac, au sujet des expériences du Prof. Grégory :

« En ce qui regarde cette forme particuliere de la clairvoyance (lectures de devises enfermées dans des noix), je ferai observer, d'abord, qu'une certaine proportion de sujets possede seulement ce pouvoir, de sorte qu'un sujet pris au hasard ne l'aura probablement pas. Secondement : que le meme clairvoyant peut réussir une fois et échouer une autre. Troisiemement : que ce phénomene se présente plus fréquemment dans l'expérience de certains magnétiseurs que dans celles d'autres. Le major Buckley, par exemple, les réussit tres souvent, tandis qu'il y a d'autres magnétiseurs qui ne les produisent jamais, mais qui provoquent peut-etre d'autres phénomenes aussi merveilleux. Personne, par conséquent, n'est autorisé a nier le fait, parce qu'il n'a pas rencontré le fait dans ses propres expériences ou dans une expérience donnée. »

Dans les Phénomenes d'autoscopie du docteur P. Sollier, nous trouvons quelques cas qui semblent plutôt prouver la double vue que la représentation.

D'apres cet auteur, le sujet, dans cet état particulier, voit sans voir (?) ; « il se représente un mouvement musculaire de son bras ou de sa jambe ».

« Toutes les impressions, dit-il, qui partent de nos visceres aboutissent a l'écorce cérébrale et contribuent, avec toutes les autres parties des organes moteurs et sensoriels, a la constitution de nos états de personnalité. » C'est de la théorie...

« Apres avoir semblé recouvrer completement leur sensibilité et leur fonctionnement normal, apres avoir paru tirés d'affaire définitivement et n'avoir plus qu'a consolider leur état, tout a coup, au cours d'un réveil cérébral général pour perfectionner tout ce qui peut encore rester un peu au-dessous de la normale, ils se mettent (les sujets) a présenter de nouvelles réactions subjectives, et, en meme temps, a décrire certains de leurs organes d'une façon tout a fait caractéristique, non seulement dans leur conformation extérieure, mais encore dans leur structure la plus intime, meme microscopique. »

Avec cette théorie, comment expliquer la vision des couleurs et le fonctionnement des éléments microscopiques ?

Dans l'ouvrage cité, le Dr Sollier donne deux observations du docteur Comar, tres intéressantes et que nous rapportons ici.

Une malade de ce médecin voit, dans son intestin grele, une épingle avalée depuis longtemps ; elle en indique exactement la position et, par des mouvements antipéristaltiques qu'elle provoque pendant l'hypnose, l'expulse, apres avoir suivi et décrit le cheminement de ce corps étranger.

Une autre de ses clientes voit également un petit os enkysté dans son appendice, en indique la forme et les dimensions - ce qui fut contrôlé - et, comme la précédente malade, s'en débarrasse de la meme maniere Ces phénomenes de représentation nous paraissent avoir de tres grandes analogies avec la vue sans le secours des yeux.

« J'ai transcrit textuellement, je le répete, dit le Dr Comar, les paroles de mes deux malades. Toutes deux m'ont, en résumé, dit la meme chose. Leurs paroles me semblent fournir une explication du phénomene décrit. Les malades sentent d'abord et interpretent ensuite les phénomenes de sensibilité.

« Peut-etre y a-t-il cependant un phénomene plus complexe qui reste inexpliqué, et qui a été traduit imparfaitement par ma deuxieme malade me parlant, a propos de l'épingle de l'impression qu'elle a eue de la projection d'une soie noire sur un voile. Y a-t-il la les éléments d'une autre interprétation de ces phénomenes anormaux ? »

Si les docteurs Sollier et Comar avaient procédé comme le Dr Backman, ils auraient sans doute obtenu les effets produits par ce dernier ; mais, étant imbus des théories en cours, ils n'ont point songé a tenter ces épreuves, ce qui est regrettable, et voila comment des expérimentateurs sérieux et instruits passent a côté de la vérité.

Beaucoup de faits de clairvoyance pourraient, a la rigueur, etre classés dans la catégorie de ceux de la suggestion mentale, et nous connaissons des expérimentateurs éminents qui, quoique ne niant pas la double vue, rapportent tous ces faits a la suggestion mentale. Ce n'est point notre opinion car, d'accord en cela avec le docteur Backman, nous pensons que, lors meme qu'une ou plusieurs personnes présentes aux expériences connaîtraient les écrits ou les objets décrits par les somnambules, l'opérateur ignorant la nature ou le sens de ces choses, le sujet ne pourrait lire dans la pensée des personnes qui lui sont étrangeres et non en rapport avec lui. Il faut nous en tenir a la clairvoyance pure et simple, ce que nous pouvons d'ailleurs affirmer avec certitude.

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