CHAPITRE XI: TELÉPATHIE.
Cette
classe de phénomenes, cette transmission des pensées ou des sentiments, étudiée
par des savants autorisés de tous les pays, mais surtout par quelques-uns
d'outre-Manche : MM. Gurney, Myers et Podmore, établit réellement le pont entre
les faits transcendants du magnétisme animal et ceux du spiritisme proprement
dit.
Les
chercheurs qui, depuis de longues années, s'occupent de cette question ont
rassemblé des milliers de cas scientifiquement contrôlés, qui prouvent que le
hasard n'est la pour rien.
Nous
savons combien il est difficile d'amener les savants a étudier les faits
nouveaux, surtout lorsqu'ils sortent totalement des voies tracées ; néanmoins,
quelques-uns, et pas des moindres, laissant de côté les vieux préjugés, n'ont pas
hésité a rentrer dans la lice : ce sont les expériences de ceux-la qui vont
nous guider et nous aider a contribuer a rendre cette vérité évidente.
Le
professeur Ch. Richet, dans sa préface de les
Hallucinations télépathiques, par MM.
Gurney, Myers et Podmore, traduit et abrégé des Phantasms of the Living, par L.
Marillier, maître de conférences a l'Ecole de Hautes Etudes, dit :
«
Certes, nous avons le droit d'etre fiers de notre science de 1890. En comparant
ce que nous savons aujourd'hui a ce que savaient nos ancetres de 1490, nous
admirons la marche conquérante que l'homme a faite en quatre siecles. Quatre
siecles ont suffi pour créer des sciences qui n'existaient pas, meme de nom,
depuis l'astronomie et la mécanique jusqu'a la chimie et la physiologie. Mais
qu'est-ce que quatre siecles au prix de l'avenir qui s'ouvre a l'homme ? Est-il
permis de supposer que nous ayons, en si peu de temps, épuisé tout ce que nous
pouvons apprendre ? Est-ce que, dans quatre siecles, en 2290, nos
arriere-petits neveux ne seront pas stupéfaits encore de notre ignorance
d'aujourd'hui et plus stupéfaits encore de notre présomption a nier sans examen
ce que nous ne comprenons pas ?
« Oui,
notre science est trop jeune pour avoir le droit d'etre absolue dans les
négations ; il est absurde de dire : « Nous n'irons pas plus loin. Voici des
phénomenes qui sont absurdes et qu'il ne faut pas meme chercher a comprendre,
car ils dépassent les bornes de notre connaissance. » Parler ainsi, c'est se
limiter au petit nombre des lois déja établies et des faits déja connus; c'est
se condamner a l'inaction, c'est nier le progres, c'est se refuser d'avance a
une de ces découvertes fondamentales qui, ouvrant une voie inconnue, créent un
monde nouveau ; c'est faire succéder la routine au progres.
« En
Asie, un tres grand peuple est resté stationnaire depuis trente siecles pour
avoir raisonné ainsi. Il y a en Chine des mandarins tres doctes, tres érudits,
qui passent des examens prodigieusement difficiles et compliqués, ou ils
doivent faire preuve d'une connaissance approfondie des vérités enseignées par
Confucius et ses disciples. Mais ils ne songent pas a aller au dela, en avant.
Ils ne sortent pas de Confucius. C'est leur horizon tout entier, et ils sont a
ce point abetis qu'ils ne comprennent pas qu'il en existe d'autres.
« Eh
bien! Dans nos civilisations, plus amies du progres, il regne une sorte
d'esprit analogue ; nous sommes tous plus on moins semblables aux mandarins ;
nous voudrions enfermer dans nos livres classiques le cycle de nos connaissances,
avec défense d'en sortir. On révere la science, on lui rend, non sans raison,
les plus grands honneurs, mais on ne lui permet guere de s'écarter de la voie
battue, de l'orniere tracée par les maîtres, de sorte qu'une vérité nouvelle
court grand risque d'etre traitée d'antiscientifique.
« Et cependant il y a des vérités nouvelles, et, quelque étranges
qu'elles paraissent a notre
routine, elles seront un jour scientifiquement démontrées. Cela n'est pas
douteux. Il est mille fois certain que nous passons, sans les voir, a côté de
phénomenes qui sont éclatants et que nous ne savons ni observer ni provoquer. »
A
l'instar de la Society for Psychical
Bescarch, de Londres une société similaire s'est créée a Paris, pour
étendre ces recherches et approfondir ces faits. Nous trouvons a la tete de
cette société les noms de Sully-Prud'bomme, de l'Académie Française; G. Ballet,
professeur a l'Académie de médecine de Paris ; A. Beaunis, professeur a la
Faculté de médecine de Nancy; Ch. Richet, professeur a la Faculté de médecine
de Paris; le lieutenant-colonel A. de Rochas, ancien administrateur de l'Ecole
Polytechnique; etc. Si ces savants français veulent marcher sur les traces de
leurs collegues anglais, avant peu, nous en sommes certain, ils auront accumulé
une telle masse de documents que le doute, meme scientifique, ne sera plus
permis.
Il y a
quelques années, Camille Flammarion, l'astronome si connu, fit une enquete a ce
sujet et, dans l'espace de quelques mois, il recueillit trois a quatre cents
observations. Voir son ouvrage :
l'Inconnu et les problemes psychiques.
Ces
observateurs se sont entourés des plus méticuleuses précautions; ils ont
expérimenté méthodiquement, scientifiquement et, bien convaincus de
l'authenticité des faits, ils les ont publiés : en voici quelques-uns extraits
des Hallucinations télépathiques.
Télépathie expérimentale. - Cas du Rév. W. Stainton Moses.
« Un
soir, au commencement de l'année derniere, je résolus d'essayer d'apparaître a
Z...,qui se trouvait a quelques milles de distance. Je ne l'avais pas informé
d'avance de l'expérience que j'allais tenter, et je me couchai un peu avant
minuit, en concentrant ma pensée sur Z... Je ne connaissais pas du tout sa
chambre, ni sa maison. Je m'endormis bientôt, et je me réveillai le lendemain matin
sans avoir eu conscience que rien se fut passé. Lorsque je vis Z.... quelques
jours apres, je lui demandai : « N'est-il rien arrivé, chez vous, samedi soir?-
Certes, oui, me répondit-il, il est arrivé quelque chose. J’étais assis avec
M... pres du feu, nous fumions en causant. Vers minuit et demi, il se leva pour
s'en aller, et je le reconduisis moi-meme. Lorsque je retournai a ma place,
pres du feu, pour finir ma pipe, je vous vis assis dans le fauteuil qu'il
venait de quitter. Je fixai mes regards sur vous, et je pris un journal pour
m'assurer que je ne revais point, mais lorsque je le posai, je vous vis encore
a la meme place. Pendant que je vous regardais sans parler, vous vous etes
évanoui. Je vous voyais, dans mon imagination, couché dans votre lit, comme
d'ordinaire a cette heure, mais cependant vous m'apparaissiez vetu des
vetements que vous portiez tous les jours. C'est donc que mon expérience semble
avoir réussi, lui dis-je. La prochaine fois que je viendrai demandez-moi ce que
je veux; j'avais dans l'esprit certaines questions que je voulais vous poser,
mais j'attendais probablement une invitation a parler.» Quelques semaines plus
tard, je renouvelai l'expérience avec le meme succes. Je n'informai pas cette
fois-la non plus Z... de ma tentative. Non seulement il me questionna sur un
sujet qui était a ce moment une occasion de chaudes discussions entre nous,
mais il me retint quelque temps par la puissance de sa volonté, apres que j'eus
exprimé le désir de m'en aller. Lorsque le fait me fut communiqué, il me sembla
expliquer le mal de tete violent et un peu étrange que j'avais ressenti le
lendemain de mon expérience. Je remarquai du moins alors qu'il n'y avait pas de
raison apparente a ce mal de tete inaccoutumé. Comme la premiere fois, je ne gardai
pas de souvenir de ce qui s'était passé la nuit précédente, ou du moins de ce
qui semblait s'etre passé.
« M.
Moses, nous écrit :
« 21
Birchington Road, N. W., le 21 septembre 1885.
« Ce
récit est, autant que je m'en souviens, exact, et il m'est impossible de le
compléter, n'ayant pas de notes a ma disposition.
« W. STAINTON MOSES. »
« Le cas
suivant est plus remarquable encore que deux personnes ont éprouvé
l'hallucination, le récit a été copié sur
un manuscrit de M. S. H. B. ; il l'avait lui-meme transcrit d'un journal
qui a été perdu depuis.
« Un
certain dimanche du mois de novembre 1881, vers le soir, je venais de lire un
livre ou l'on parlait de la grande puissance que la volonté humaine peut
exercer. Je résolue, avec toute la force de mon etre, d’apparaître dans la
chambre a coucher du devant, au second étage d'une maison située 22, Hogarth
Road, Kensington. Dans cette chambre couchaient deux personnes de ma
connaissance : Mlle L. S. V. et Mlle C. E. V.... âgées de vingt-cinq et de onze
ans. Je demeurais a ce moment 23, Kildare Gardens, a une distance de trois
milles a peu pres de Hogarth Road, et je n'avais pas parlé de l'expérience que
j'allais tenter a aucune de ces deux personnes, par la simple raison que l'idée
de cette expérience me vint ce dimanche soir en allant me coucher. Je voulais
apparaître a une heure du matin, tres décidé a manifester ma présence.
"
Le jeudi suivant, j'allai voir ces dames, et, au cours de notre conversation
(et sans que j'eusse fait aucune allusion a ce que j'avais tenté), l'aînée me
raconta l'incident suivant :
« Le
dimanche précédent, dans la nuit, elle m'avait aperçu debout pres de son lit et
en avait été effrayée, et, lorsque l'apparition s'avança vers elle, elle cria
et éveilla sa petite sour, qui me vit aussi.
« Je lui
demandai si elle était bien réveillée a ce moment, elle m'affirma tres
nettement qu'elle l'était. Lorsque je lui demandai a quelle heure cela s'était
passé, elle me répondit que c'était vers une heure du matin.
«. Sur
ma demande, cette darne écrivit un récit de l'événement et le signa.
«
C'était la premiere fois que je tentais une expérience de ce genre, et son
plein et entier succes me frappa beaucoup.
« Ce
n'est pas seulement ma volonté que j'avais fortement tendue, j'avais aussi fait
un effort d'une nature spéciale, qu'il m'est impossible de décrire. J'avais
conscience d'une influence mystérieuse qui circulait dans mon corps, et j'avais
l'impression distincte d'exercer une force que je n'avais pas encore connue
jusqu'ici, mais que je peux a présent mettre en action a certains moments,
lorsque je le veux.
« S.-H. B... »
« M.
B... ajoute :
« Je
me souviens d'avoir écrit la note qui figure dans mon journal a peu pres une
semaine apres l'évenement et pendant que le souvenir que j'en avais était encore
tres frais.
« Voici
comment Mlle Verity raconte l'événement :
« Le 18 janvier 1883
« Il y a
a peu pres un an qu'un dimanche soir, a notre maison de Hogarth Road,
Kensington, je vis distinctement M. B... dans ma chambre, vers une heure du
matin. J'étais tout a fait réveillée et fort effrayée ; mes cris réveillerent
ma sour, qui vit l'apparition. Trois jours apres, lorsque je rencontrai M. B.
.. je lui racontai ce qui était arrivé. Je ne me remis qu'au bout de quelque
temps du coup que j'avais reçu et j'en garde un souvenir si vif qu'il ne peut
s'effacer de ma mémoire.
« L.-S. VERITY »
« En
réponse a nos questions, Mlle Verity ajoute :
« Je
n'avais eu aucune hallucination.
"
Je me rappelle l'événement que raconte ma sour. Son récit est tout a fait
exact. J'ai vu l'apparition qu'elle voyait, au meme moment et dans les memes
circonstances.
« E.-C. VERITY. »
MIle, A.-S. Verity dit :
« Je me
rappelle tres nettement qu'un soir ma sour aînée me réveilla en m'appelant
d'une chambre voisine. J'allai pres du lit ou elle couchait avec ma sour
cadette, et elles me raconterent toutes les deux qu'elles avaient vu S.-H. B...
debout dans la piece. C'était vers une heure; S.-H. B.., était en tenue de
soirée, me dirent-elles.
« A.-S. VERITY. »
« M. B... ne se rappelle plus comment il était habillé cette nuit-la.
« Mlle
E.-C. Verity dormait quand sa sour aperçut l'apparition; elle fut réveillée par
l'exclamation de sa sour : « Voila S... » Elle avait donc entendu le nom avant
d'avoir vu l'apparition, et son hallucination pourrait etre attribuée a une
suggestion. Mais il faut faire remarquer qu'elle n'avait jamais eu d'autre
hallucination et qu'on ne pouvait, par conséquent, la considérer comme
prédisposée a éprouver des impressions de ce genre. Les deux sours sont également
sures que l'apparition était en habit de soirée; elles s'accordent aussi sur
l'endroit ou elle se tenait. Le gaz était baissé et l'on voyait plus nettement
l'apparition que l'on n'eut pu voir une figure réelle.
« Nous
avons examiné contradictoirement les témoins avec le plus grand soin. Il est
certain que les demoiselles V... ont parlé tout a fait spontanément de
l'événement a M. B... Tout d'abord, elles n'avaient pas voulu en parler, mais
quand elles le virent, la bizarrerie de l'affaire les poussa a le faire. Mlle
Verity est un témoin tres exact et tres consciencieux; elle n'aime nullement le
merveilleux et elle craint et déteste surtout cette forme particuliere du
merveilleux.
« M.
S.-H. B... Ce récit est copié sur le manuscrit dont nous avons parlé plus haut.
« Le
vendredi 1er décembre 1882, a 9 h. 30, je me retirai tout seul dans une
chambre, je m'assis au coin du feu et je m'efforçai avec tant d'intensité de
fixer ma pensée sur l'intérieur d'une maison de Kew (Clarence Road), ou
demeurait Mlle V... et ses deux sours qu'il me sembla que je m'y trouvais
effectivement. Pendant cette expérience, je dois m'etre endormi d'un sommeil
magnétique, car je ne perdis pas conscience, mais je ne pouvais remuer mes
membres. Il ne me semblait pas avoir perdu la faculté de les mouvoir, mais je
ne pouvais faire l'effort nécessaire pour cela. J'eus la sensation que mes
mains, posées légerement sur mes genoux, a peu pres a six pouces l'une de
l'autre, allaient se rejoindre involontairement, et elles semblaient se rencontrer,
quoique j'eusse conscience qu'elles ne remuaient pas.
« A dix
heures, un effort de volonté me ramena a mon état normal. Je pris un crayon, et
je notai sur une feuille de papier ce que je viens de dire.
« La
meme nuit, quand j'allai me coucher, je pris la résolution d'apparaître a
minuit dans la chambre a coucher située sur le devant de la maison dont nous
venons de parler, et d'y rester jusqu'a ce que j'eusse rendu sensible ma
présence spirituelle aux habitants de la chambre.
« Le
lendemain, samedi, je me rendis a Kew pour y passer la soirée, et j'y
rencontrai une sour mariée de Mlle V... (Mme L ... ). Je n'avais rencontré
cette daine qu'une seule fois, c'était a un bal costumé, deux ans auparavant ;
nous n'avions pas échangé plus d'une demi-douzaine de mots. Cette dame devait
donc avoir perdu tout vif souvenir de mon extérieur, si meme elle l'avait
jamais remarqué.
« Je ne
pensai pas une minute a lui poser une question relative a l'expérience que
j'avais tentée, mais dans le cours de notre conversion elle me raconta qu'elle
m'avait vu distinctement deux fois la nuit précédente. Elle avait passé la nuit
a Clarence Road, et elle avait couché dans la chambre du devant. Vers 9 heures
et demie a peu pres, elle m'avait vu passer dans le couloir pour aller d'une chambre
a une autre, et vers minuit, étant parfaitement réveillée, elle me vit entrer
dans sa chambre a coucher, me diriger vers l'endroit ou elle dormait et prendre
dans ma main ses cheveux qui sont tres longs. Elle me raconta aussi que
l'apparition lui saisit la main et la regarda avec beaucoup d'attention, de
sorte qu'elle dit : « Vous ne devez pas regarder les lignes, car je n'ai jamais
eu aucun malheur. » Puis elle réveilla sa sour, Mlle V...., qui couchait avec
elle, et lui raconta ce qui venait de se passer. Apres avoir entendu son récit,
je sortis de ma poche ce que j'avais écrit la veille; je le montrai a
quelques-unes des personnes présentes, qui furent fort étonnées, malgré leur
incrédulité.
« Je demandai a M- L... si elle ne
revait pas, au moment de la deuxieme apparition, mais elle dit de la maniere la
plus nette qu'elle était tout a fait éveillée. Elle me dit qu'elle avait oublié
comment j'étais fait, mais qu'elle m'avait reconnu tout de suite en me voyant.
« Mme L... a une imagination tres vive.
Elle m'a dit qu'elle était sujette depuis son enfance a des impressions, a des
pressentiments (fancies), etc. Mais
la coincidence étrange merveilleuse, des heures (qui était exacte) me
convainquit que ce qu'elle venait de me raconter n’était pas du a son
imagination seule. Sur ma demande, elle écrivit brievement ce qu'elle avait
éprouvé et le signa.
« S.H.B… »
«M.B…se
trouvait a Southal lorsqu'il fit cette expérience. Il m'a raconté que le récit
donné plus haut avait été écrit a peu pres dix jours apres l'expérience, et
qu'il renferme la note qu'il avait écrite dans son journal, la nuit meme.
« Voici
maintenant le récit de Mme L .... qui fut remis a M. B... « quelques semaines
apres l'événement » :
" Wordsworth Road, Harrow.
« Le
vendredi 1er décembre j'étais en visite chez ma sour, 21, Clarence Road, Kew.
Vers 9 heures et demie, je sortis de ma chambre a coucher pour aller chercher
de l'eau dans la salle de bain et alors je vis distinctement M. S. B..., que je
n'avais vu qu'une fois auparavant, il y avait deux ans. Il marchait devant moi,
se dirigeant vers la chambre a coucher au bout du couloir. Vers 11 heures nous
allâmes nous coucher, et vers minuit j'étais, encore éveillée. Alors la porte
s'ouvrit, M. S. B... entra, se dirigea vers mon lit et se tint debout, un genou
appuyé sur une chaise. Il prit ensuite mes cheveux dans sa main, et saisissant
la mienne, il en regarda la paume avec une grande attention. « Ah ! dis-je
(en m'adressant a lui), vous ne devez pas regarder les lignes, car je n'ai
jamais eu de malheur. » Puis je réveillai ma sour. Je n'étais pas nerveuse,
mais excitée. J'eus peur qu'elle ne tombât sérieusement malade, car elle était
délicate a cette époque, mais elle va mieux a présent.
«
H.-L... (Le nom est donné en toutes
lettres.)
« Mlle
Verity corrobore ce récit de la maniere suivante :
« Je me
rappelle fort bien que Mm L... a parlé avant la visite de M. S.-H. B... de ses
deux visions, dont l'une avait eu lieu a 9 heures et demie, l'autre a minuit. Lorsqu'il vint nous voir, ma sour lui
raconta ce qui s'était passé. Immédiatement il sortit de sa poche une carte (
ou un papier, je ne me le rappelle plus), qui contenait un récit de l'événement
de la veille. Je considere mon témoignage comme aussi valable que celui de Mme
L.... parce que je me rappelle tres exactement ce qui s'est passé ces deux
jours-la.
« Ma
sour m'a dit qu'elle n'avait jamais éprouvé une hallucination, sauf dans cette
unique occasion.
« L. - S. VERITY. »
« Nous
avions fait demander a M. B... de nous prévenir quand il voudrait faire une
nouvelle expérience. Le lundi 24 mars, par le premier courrier, nous reçumes la
lettre suivante :
« Cher
monsieur Gurney,
« Cette
nuit, vers minuit, je veux essayer d'apparaître au numéro 44, Norland Square;
je vous ferai savoir le résultat d'ici quelques jours.
«
Sincerement a vous.
« S.- H. B... »
« Je
reçus la lettre ci-dessous dans le cours. de la semaine suivante :
«
Le 3 avril 1884.
« Cher monsieur Gurney,
« J'ai a
vous faire un étrange récit a propos de l'expérience que j'ai tentée a votre
instigation et en observant strictement les conditions que vous m'aviez
imposées.
« Ayant
tout a fait oublié dans quelle nuit j'ai tenté l'expérience, il m'est
impossible de dire si j'ai brillamment ou médiocrement réussi jusqu'a ce que j'aie
vu la lettre que je vous ai envoyée le soir meme.
« Vous
ayant envoyé cette lettre, j'ai cru inutile de mettre une note dans mon journal. Aussi ai-je oublié la date
exacte.
« Si les
dates correspondent, le succes est complet pour tous les détails. Je vous ferai
voir un récit, signé par les témoins, qu'on m'a donné.
« Hier
soir j'ai vu la dame (qui a servi de sujet) pour la premiere fois depuis
l'expérience. Elle m'a fait d'elle-meme un récit que j'ai écrit sous sa dictée
et qu'elle a signé. La date et l'heure de l'apparition, sont spécifiés dans ce
récit. A vous de vérifier si elles sont identiques avec celles que je vous ai
données dans ma lettre. Je les ai completement oubliées, mais je pense que ce
sont les memes.
« S.- H. B... »
"
Voici le récit:
" Norland Square.W.
« Samedi
soir, le 22 mars, vers minuit, j'eus l'impression distincte que M. B... était
présent dans ma chambre. Je le vis distinctement, pendant que j'étais tout a
fait éveillée. Il vint vers moi et caressa mes cheveux. Je lui ai donné de
moi-meme ce renseignement quand il est venu me voir, mercredi 2avril, et je lui
ai dit l'heure et les détails de l'apparition, sans qu'il m'ait rien suggéré.
La forme qui m'est apparue semblait etre vivante ; il était impossible de ne
pas reconnaître M. B...
« L.-S. VERITY. »
"
Mlle A.-S. Verity confirme cette
déclaration dans les termes suivants :
« Je me
souviens que ma sour m'a dit qu'elle avait vu S.-H. B... et qu'il lui avait
touché les cheveux ; elle m'a fait ce récit avant qu'il ne vînt nous voir,
le 2 avril.
A.- S. VERITY »
« Voici
le récit de M. B... lui-meme :
«
Samedi, le 22 mars, je pris la résolution d'apparaître a minuit a Mlle V....
qui demeurait 44, Norland Square, Notting Hill ; j'avais antérieurement convenu
avec M. Gurney de lui envoyer, le soir meme ou je tenterais l'expérience, une
lettre contenant l'heure et les détails de l'expérience. Je lui envoyai donc
une note, comme je le lui avais promis.
«
Environ 10 jours apres, j'allai voir Mlle V.... elle me raconta alors de son
propre mouvement que, le 22 mars, a minuit, elle m'avait vu tres nettement dans
sa chambre (tout en étant parfaitement éveillée), que ses nerfs en avaient
ressenti une violente secousse. Elle avait été meme obligée de faire venir un
médecin le matin.
« S.-H.B.. »
Cas
de Sparks et Cleave.
« A bord du Malborough, Portsmouth.
« Depuis
l'année derniere, ou depuis ces quinze derniers mois environ, j'avais
l'habitude de magnétiser un de mes camarades. Voici comment je procédais. Je le
regardais simplement dans les yeux lorsqu'il était couché a son aise sur son
lit. Je réussissais ainsi a l'endormir. Apres quelques essais, je m'aperçus que
le sommeil devenait plus profond en faisant de longues passes, lorsque le sujet
était déja endormi. C'est alors que se produisaient les phénomenes remarquables
qu'on pouvait observer dans cette espece particuliere de sommeil magnétique.
« M.
Sparks décrit alors la faculté que possede son « sujet» de voir, durant sa
crise, les endroits auxquels il s'intéresse, s'il décide qu'il les verra avant
d'etre hypnotisé; mais rien ne prouve que ces visions ne sont pas purement
subjectives.
« C'est
la semaine derniere que j'ai été saisi de surprise par un événement plus
extraordinaire que les autres. Vendredi dernier au soir (15 janvier 1886), mon
ami exprima le désir de voir une jeune fille qui habitait Wandsworth, et ajouta
qu'il essaierait de se faire voir par elle. Je le magnétisai donc et je
continuai de longues passes pendant environ 20 minutes, en concentrant toute ma
volonté sur son idée. Lorsqu'il revint a lui (je le réveillai en lui touchant
la main et en voulant qu'il se réveillât, apres un sommeil d'une heure vingt
minutes), il déclara qu'il l'avait vue dans la salle a manger, et qu'au bout
d'un moment elle était devenue agitée, puis que soudain elle l'avait regardé et
s'était couvert les yeux avec les mains. C'est juste a ce moment qu'il revint a
lui. Lundi dernier au soir (18 janvier 1886), nous recommençâmes l'expérience
et cette fois il déclara qu'il croyait avoir effrayé la jeune fille, car, apres
qu'elle l'eut regardé quelques minutes, elle tomba a la renverse sur sa chaise
dans une sorte de syncope. Son petit frere était a ce moment dans la chambre.
Nous attendions naturellement une lettre apres cet incident pour savoir si la vision
était réelle. Le mercredi matin mon ami reçut une lettre de cette jeune
personne demandant s'il ne lui était rien arrivé; elle écrivait parce que le
vendredi soir elle avait été saisie de frayeur en le voyant debout a la porte
de la chambre. Au bout d'une minute il avait disparu, et elle avait pensé que
ce pouvait etre une vision, mais le lundi soir elle avait été encore plus
effrayée en le voyant de nouveau, et cette fois plus distinctement, et elle en
avait meme était effrayée a un tel point qu'elle avait failli se trouver mal.
« Le
récit que je vous envoie est parfaitement exact; je puis le prouver, car j'ai
deux témoins qui se trouvaient dans le dortoir au moment ou mon ami a été
magnétisé et lorsqu'il est, revenu a lui. Le nom de mon sujet est Arthur-H. W.
Cleave; il est âgé de 18 ans. J'ai moi-meme 19 ans. A.-C. Darley et A.-S.
Turgood, nos camarades, sont les deux témoins dont je viens de parler.
« H. PERCY SPARKS. »
« M.
Cleave nous a écrit le 15 mars 1886 :
« A bord du Malborough,
Portsmouth.
« Sparks
et moi nous avions l'habitude de faire des séances de magnétisme dans nos
dortoirs pendant ces derniers dix-huit mois. Les deux premiers mois nous
n'obtînmes aucun résultat satisfaisant, mais ensuite nous réussîmes a nous
endormir l'un l'autre. Je ne pouvais qu'endormir Sparks, tandis qu'il pouvait
me faire faire ce qu'il voulait pendant que je me trouvais sous son influence,
de sorte que je renonçai a l'endormir, et tous nos efforts tendirent a ce qu'il
me magnétisât completement. Au bout de peu de temps tout allait si bien que
Sparks amena trois ou quatre autres camarades pour voir ce que je faisais.
J'étais insensible a toute douleur, les camarades m’ayant souvent pincé les
mains et les jambes sans que je le sentisse. Il y a environ six mois J'essayai
si ma force de volonté me ferait voir, pendant mon état hypnotique, des
personnes auxquelles j'étais tres attaché. Pendant quelque temps je n'obtins
aucun succes, je crus cependant une fois voir mon frere (qui est en Australie),
mais je n'eus aucun moyen de vérifier l'exactitude de la vision.
« Il y a
quelque temps, j'essayai de voir une jeune personne que je connais tres bien,
et je fus absolument surpris d'avoir si bien réussi. Je pouvais la voir aussi
clairement que je vois maintenant, mais je ne pouvais me faire voir d'elle,
quoique je l'eusse souvent essayé. Apres plusieurs expériences, je résolus
d'essayer encore et de me faire voir d'elle, et je communiquai a Sparks mon
idée, qu'il approuva. Nous tentâmes cette expérience pendant cinq nuits successives
sans plus de succes. Nous arretâmes nos essais pendant une nuit ou, deux, parce
que j'étais assez surmené par ces efforts continuels et que j'avais attrapé de
grands maux de tete. Nous essayâmes encore (un vendredi) je crois, mais je n'en
suis pas sur, et avec succes, a ce qu'il me sembla; mais, comme la jeune
personne ne m'écrivit pas a ce sujet, je crus m'etre trompé, et je dis a Sparks
que nous ferions mieux d'y renoncer. Mais il me supplia de recommencer encore
une fois, ce que nous fîmes le lundi suivant, et nous obtînmes un tel succes
que je me sentis assez inquiet. (je dois vous dire que j'ai l'habitude d'écrire
a la jeune personne chaque dimanche, mais je n'écrivis pas cette semaine, pour
la forcer a penser a moi.) Cette expérience fut faite entre 9 h. 30 et 10 h. le
lundi soir, et le mercredi matin suivant je reçus la lettre ci-incluse. Alors,
je vis que j'avais réussi. Je retournai a la maison une quinzaine plus tard, et
je vis la jeune fille, qui paraissait tres effrayée, en dépit de mes explications
et qui me supplia de ne plus jamais essayer, ce que je lui promis.
« Je
dois maintenant vous décrire notre maniere de magnétiser. Je me couchais sur
mon lit, la tete soulevée par deux oreillers. Sparks était assis en face de moi
sur une chaise a environ trois pieds du lit. Les lumieres étaient baissées, et
alors je le regardais fixement dans les yeux, pensant tout le temps a la jeune
fille que je voulais voir. Au bout de peu de temps (environ sept minutes), je
cessais d'entendre et je ne voyais plus rien si ce n'est deux yeux, qui au bout
d'un instant disparaissaient, et alors je me trouvais sans connaissance.
(Lorsque nous fîmes nos premieres expériences, je n'allai pas plus loin que cet
état, et ce ne fut qu'apres des essais répétés que je parvins a le dépasser.)
Il me sembla voir alors (vaguement au début) la figure de la jeune fille, qui
devint graduelle«ment de plus en plus distincte jusqu'a ce qu'il m'ait semblé
etre dans une autre chambre j'aurais pu détailler minutieusement tout ce qui s'y
trouvait. Je racontai a Sparks, lorsque je revins a moi, ce que j'avais vu, je
lui dis quelles étaient les personnes qui se trouvaient avec la jeune fille et
ce qu'elle faisait, toutes choses vérifiées par sa lettre.
« A ._H.-W. CLEAVE. »
« Les
deux témoins de la derniere expérience décrite écrivent comme suit :
"
J'ai vu le récit que M. Cleave a fait de ses expériences magnétiques, et je
puis en garantir toute l'exactitude.
« A.-C. DARLEY. »
« J'ai
lu le rapport de M. Cleave et puis en garantir l'exactitude, car j'étais
présent lorsqu'il fut magnétisé et j'entendis son récit lorsqu'il revint a lui.
« A.-E.-S. THURGOOD.»
« La
lettre suivante est la copie que nous avons faite nous-memes de la lettre de la
jeune fille, miss A...L'enveloppe portait les cachets de la poste :
«Wandsworth, 19 janv. 1886 » «Portsmouth, 20 janv. 1886 » et l'adresse «
M. A. -H. W. Cleave H. M. S. Marlborough,
Portsmouth .»
« Wandsworth, mardi matin.
« Cher
Arthur, vous est-il arrivé quelque chose ? Ecrivez-moi s'il vous plait et que
je le sache vite: j'ai eu si peur.
« Mardi
soir dernier, j'étais assise dans la salle, a manger en train de lire,
lorsqu'il m'arriva de lever les yeux et j'ai cru vous voir debout a la porte me
regardant. Je mis mon mouchoir sur les yeux, et lorsque je regardai de nouveau,
vous étiez parti. Je pensais que ce n'était qu'un effet de mon imagination,
mais hier soir (lundi), pendant que j'étais a souper, je vous vis de nouveau,
comme l'autre fois, et j'eus si peur que je faillis me trouver mal. Heureusement il n'y avait la que mon frere, sinon
j'aurais attiré l'attention sur moi. Aussi écrivez-moi de suite et dites-moi
comment vous allez. Je ne puis réellement plus rien écrire maintenant.
« (Signé d'un prénom). »
Tous les
chercheurs doués de volonté ferme, avec un peu d'entraînement, peuvent répéter
les expériences précédentes, a condition toutefois de trouver un percipient.
Un
magnétiseur exercé peut essayer, sur des personnes dont il connaît
l'impressionnabilité, de produire ce phénomene. Il ne réussira
incontestablement pas chaque fois ; mais, s'il sait se concentrer fortement,
s'il veut fermement et s'il s'endort avec cette idée fixe, il aura bien des
chances de réussir.
«
Télépathie spontanée.
Cas de M. le Dr Ollivier, médecin a Huelgoat
(Finistere).
« 20 janvier 1883.
« Le 10
octobre 1881, je fus appelé pour service médical a la campagne, a trois lieues
de chez moi. C'était au milieu de la nuit, une nuit tres sombre. Je m'engageai
dans un chemin creux, dominé par des arbres venant former une voute au-dessus
de la route. La nuit était si noire que je ne voyais pas a conduire mon cheval.
Je laissai l'animal se diriger a son instinct. Il était environ 9 heures ; le
sentier dans lequel je me trouvais en ce moment était parsemé de grosses
pierres rondes et présentait une pente tres rapide. Le cheval allait au pas
tres lentement. Tout a coup les pieds de devant de l'animal fléchissent et il
tombe subitement, la bouche portant sur le sol. Je fus projeté naturellement
par-dessus sa tete, mon épaule porta a terre, et je me fracturai une clavicule.
« En
ce moment meme, ma femme, qui se déshabillait chez elle et se préparait a se
mettre au lit, eut un pressentiment intime qu'il venait de m'arriver un
accident ; un tremblement nerveux la saisit ; elle se mit a pleurer et appela
la bonne : « Venez vite, j'ai peur; il est arrivé malheur ; mon mari est mort
ou blessé. » Jusqu'a mon arrivée, elle retint la domestique pres d'elle, et ne
cessa de pleurer. Elle voulait envoyer un homme a ma recherche, mais elle ne savait
pas dans quel village j'étais allé. Je rentrai chez moi vers une heure du
matin. J'appelai la domestique pour m'éclairer et desseller mon cheval. "
Je suis blessé, dis-je, je ne puis bouger l'épaule. »
« Le
pressentiment de ma femme était confirmé. Voila, Monsieur, les faits tels
qu'ils se sont passés, et je suis tres heureux de pouvoir vous les envoyer dans
toute leur vérité.
"
A. OLLIVIER,
« Médecin a. Huelgoat (Finistere). »
Cas
du Dr Goodall Jones, 6, Prince Edwin Street,
Liverpool.
« Le 28 novembre 1883
« Mme
Jones, femme de M. William Jones, pilote a Liverpool, demeurant alors, 46,
Virgil Street (elle habite maintenant 15, Saint-George's Street, Everton)
gardait le lit le samedi 27 février 1869. Lorsque j'allai chez elle le
lendemain, dimanche 28 février, a 3 heures de l'apres-midi, je rencontrai son
mari en chemin pour venir me chercher, parce que sa femme avait le délire. Il
me raconta qu'a peu pres une demi-heure auparavant il était a lire dans la
chambre de sa femme. Tout d'un coup elle se réveilla du profond sommeil ou elle
était plongée, en disant que son frere William Bonlands (autre pilote de
Liverpool) s'était noyé dans le fleuve (la Mersey). Son mari essaya de la
calmer en lui disant que Boulands était a sa station du dehors et qu'il ne
pouvait se trouver sur le fleuve a cette heure-la. Mais elle persista a dire
qu'elle l'avait vu se noyer. Dans la soirée la nouvelle arriva que, vers
l'heure indiquée, c'est-a-dire vers 2 heures et demie, Roulands s'était noyé.
Il y avait eu un grand coup de vent en mer, le bateau du pilote ne pouvait pas
mettre un pilote a bord d'un bâtiment qui voulait entrer. Il devait donc lui
montrer la route. Lorsqu'on fut dans le fleuve, en face du phare, sur le
rocher, on fit une autre tentative. Mais le petit bateau se renversa, et
Roulands et un autre pilote furent noyés. Lorsque Mme Jones fut informée de sa
mort, elle se calma et se rétablit aisément. »
Cas du Dr Liébeault, de Nancy.
« 4 septembre 1885.
« Je
m'empresse de vous écrire au sujet du fait de communication de pensée dont je
vous ai parlé, lorsque vous m'avez fait l'honneur d’assister a mes séances
hypnotiques a Nancy. Ce fait se passa dans une famille française de la
Nouvelle-Orléans, et qui était venue habiter quelque temps Nancy, pour y
liquider une affaire d'intéret. J'avais fait connaissance de cette famille,
parce que son chef,, M. m'avait amené sa niece, Mlle B..., pour que je la
traitasse par les procédés hypnotiques. Elle était atteinte d'une anémie légere
et d'une toux nerveuse contractées a Coblentz dans une maison d'éducation ou
elle était professeur. Je parvins facilement a la mettre en somnambulisme, et
elle fut guérie en deux séances. La production de cet état de sommeil ayant
démontré a la famille G.. . et a Mlle B... qu'elle pourrait facilement devenir
médium (Mme G... était médium spirite), cette demoiselle s'exerça a évoquer, a
l'aide de la plume, les esprits, auxquels elle croyait sincerement, et au bout
de deux mois elle fut un remarquable médium écrivant. C'est elle que j'ai vue de
mes yeux tracer rapidement des pages d'écriture qu'elle appelait des messages,
et cela en des termes choisis, et sans aucune rature, en meme temps qu'elle
tenait conversation avec les personnes qui l'entouraient. Chose curieuse, elle
n'avait nullement conscience de ce qu'elle écrivait; « aussi, disait-elle, ce
ne peut etre qu'un esprit qui dirige ma main, ce n'est pas moi. »
« Un
jour, c'était, je crois, le 7 février 1868,vers huit heures du matin, au moment
de se mettre a table pour déjeuner, elle sentit un besoin, un quelque chose qui
la poussait a écrire (c'était ce qu'elle appelait une trance), et elle courut
immédiatement vers son grand cahier, ou elle traça fébrilement, au crayon, des
caracteres indéchiffrables. Elle retraça les memes caracteres sur les pages
suivantes, et enfin, l'excitation de son esprit se calmant, on put lire qu'une
personne nommée Marguerite lui annonçait sa mort. On supposa aussitôt qu'une
demoiselle de ce nom, qui était son amie, et habitait comme professeur le meme
pensionnat de Coblentz, ou elle avait exercé les memes fonctions, venait d'y
mourir. Toute la famille G..., compris Mlle B..., vinrent immédiatement chez
moi, et nous décidâmes de vérifier, le jour meme, si ce fait de mort avait
réellement eut lieu. Mlle B... écrivit a une demoiselle anglaise de ses amies,
qui exerçait aussi les memes fonctions d'institutrice dans le pensionnat en
question; elle prétexta un motif, ayant bien soin de ne pas révéler le motif
vrai. Poste pour poste, nous reçumes une réponse en anglais, dont on me copia
la partie essentielle, réponse que j'ai trouvée dans un portefeuille il y a a
peine quinze jours, et égarée de nouveau. Elle exprimait l'étonnement de cette
demoiselle anglaise au sujet de la lettre de Mlle B..., lettre qu'elle
n'attendait pas si tôt, vu que le but ne lui en paraissait pas assez motivé.
Mais, en meme temps, l'amie anglaise se hâtait d'annoncer a notre médium que
leur amie commune, Marguerite, était morte le 7 février, vers les huit heures
du matin. En outre, un petit carré de papier imprimé était inséré dans la
lettre : c'était un billet de mort et de faire part.
«
Inutile de dire que je vérifiai l'enveloppe de la lettre, et que la lettre me
parut réellement venir de Coblentz. Seulement, j'ai eu depuis des regrets.
C'est de n'avoir pas, dans l'intéret de la science, demandé a la famille G...
d'aller avec eux au bureau télégraphique vérifier s'ils n'avaient pas reçu une
dépeche télégraphique dans la matinée du 7 février. La science ne doit pas
avoir de pudeur; la vérité ne craint pas d'etre vue. Je n'ai comme preuve de la
véracité du fait qu'une preuve morale : c'est l'honorabilité de la famille
G.... m'a paru toujours au-dessus de tout soupçon.
« A.-A. LIÉBEAULT. »
Cas du Dr Collyer, de Londres.
« Le 15 avril 1861.
« Le 3
janvier 1856, le vapeur Alice, que
commandait alors mon frere Joseph, eut une collision avec un autre vapeur sur
le Mississipi en amont de la Nouvelle-Orléans. Par suite du choc, le mât de
pavillon ou fleche s'abattit avec une grande violence et, venant heurter la
tete de mon frere, lui fendit le crâne. La mort de mon frere fut nécessairement
instantanée. Au mois d'octobre 1857, j’allai aux Etats-Unis. Pendant le séjour
que Je fis a la maison de mon pere, a Camdem, New-Jersey, la mort tragique de
mon frere devint naturellement le sujet de notre conversation. Ma mere me
raconta alors qu'elle avait vu, au moment meme de l'accident, mon frere Joseph
lui apparaître. Le fait fut confirmé par mon pere et par mes quatre sours. La
distance entre Camdem, New-Jersey, et le théâtre de l'accident est en ligne
directe de plus de 1000 milles, mais cette distance s'éleve a peu pres au
double par la route de poste. Ma mere parla de l'apparition a mon pere et a mes
sours le matin du 4 janvier, et ce ne fut que le 16, c'est-a-dire 13 jours plus
tard, qu'une lettre arriva, qui confirmait les moindres détails de cette «
visite» extraordinaire. Il importe de dire que mon frere William et sa femme,
qui habitent a présent Philadelphie, demeuraient alors pres du lieu du terrible
accident. Eux aussi m'ont confirmé les détails de l'impression produite sur ma
mere. »
« Le Dr
Collyer cite ensuite une lettre de sa mere, qui contient le passage suivant :
« Camden, New-Jersey, Etats-Unis, le 21 mars
1867.
« Mon cher fils,
« Le 3
janvier 1856, je ne me sentis pas bien et j'allai me coucher de bonne heure.
Quelque temps apres, je me sentis mal a mon aise, et je m'assis dans mon lit.
Je regardai autour de la chambre et, a mon tres grand étonnement, je vis
Joseph, debout pres de la porte. Il fixait sur moi des regards tres graves et
tres tristes : sa tete était entourée de bandages ; il portait un bonnet de
nuit sale et un vetement blanc, pareil a un surplis, également sale. Il était
tout a fait défiguré ; je fus tout agitée le reste de la nuit a cause de cette
apparition. Le lendemain matin Mary vint de bonne heure dans ma chambre. je lui
dis que j'étais sure de recevoir de mauvaises nouvelles de Joseph. Au déjeuner
je répétai la meme chose a toute la famille on me répondit que ce n'était qu'un
reve, que ça n'avait pas de sens. Mais cela ne changea pas mon opinion. Mon
esprit était hanté d'appréhensions, et le 16janvier je reçus la nouvelle de la
mort de Joseph. Chose étrange, William ainsi que sa femme, qui étaient sur le
lieu de l'accident, m'ont affirmé que Joseph était habillé exactement comme je
l'avais vu.
« Votre mere affectionnée,
« ANNE-E. COLLYER. »
« Le
docteur Collyer continue :
« On dira sans doute que
l'imagination de ma mere était dans un état maladif, mais cette assertion
n'explique pas le fait que mon frere lui ait apparu au moment exact de sa mort.
Ma mere ne l'avait jamais vu habillé comme il l'était d'apres sa description,
et ce ne fut que quelques heures apres l'accident que sa tete fut entourée de
bandages. Mon frere William me raconta que la tete de Joseph était presque
fendue en deux par le coup, que son visage était horriblement défiguré et que
son vetement de nuit était extremement sali.
« Je ne
peux etre surpris que d'autres restent sceptiques, car les preuves que j'ai obtenues
ne pourraient etre acceptées sur le témoignage d'autrui. C'est pour cela que
nous devons etre indulgents envers les incrédules.
« ROBERT-H COLLYER. M. D., F. C. S., etc. »
« Le
docteur Collyer a répondu comme suit a la lettre que nous lui avons écrite:
25 Newington, Causervay,
Boroug, S. E. Londres,
le 15 mars 1884.
« En
réponse a votre communication, je dois maintenir que, si étranges que soient
les faits racontés dans le Spiritual
Magazine de 1861, ils sont rigoureusement exacts. Comme je l'ai affirmé
dans cet article, ma mere reçut l'impression spirituelle de mon frere ,le 3
janvier 1856. Mon pere, qui est un homme de science, a calculé la différence de
longitude entre Camden, New-Jersey et la Nouvelle-Orléans, et il a établi que
l'impression spirituelle s'est produite au moment précis de la mort de mon
frere. Je puis dire que je n'avais jamais cru a aucun rapport spirituel, de
meme que je n'ai jamais cru que les phénomenes qui se produisent lorsque le
cerveau est excité sont des phénomenes spirituels. Depuis quarante ans je suis
matérialiste, et je suis convaincu que toutes les soi-disant manifestations
spirituelles admettent une explication philosophique basée sur des lois et des
conditions physiques. Je ne désire pas faire de théories, mais, d'apres mon
opinion il existait entre ma mere et mon frere, qui était son fils favori, des
liens sympathiques de parenté. Lorsque les liens furent rompus par sa mort
subite, ma mere était a ce moment, dans un état qui devait favoriser la
réception du choc.
« Dans
le récit publié dans le Spiritual
Magazine, j'ai oublié d'indiquer que, avant l'accident , mon frere Joseph
s'était retiré pour la nuit sur sa couchette; le bateau était amarré le long de
la levée au moment ou il fut heurté par un autre vapeur qui descendait le
Mississipi. Naturellement, mon frere était en chemise de nuit. Aussitôt qu'on
l'appela et qu'on lui dit qu'un vapeur se trouvait tout pres de son propre
bateau, il courut sur le pont. Ces détails me furent racontés par mon frere
William, qui se trouvait a ce moment meme sur le lieu de l'accident. Je ne puis
expliquer comment l'apparition portait des bandages, car on n'a pu en mettre a
mon frere que quelque temps apres la mort. La différence de temps, entre
Camden, New-Jersey, et la Nouvelle-Orléans est a peu pres de 15°, ou une heure.
« Le 3
janvier au soir, ma mere se retira de bonne heure pour la nuit, vers 8 heures,
ce qui donnerait comme heure de la mort de mon frere 7 heures (heure de la
Nouvelle-Orléans).
« Voici
ce que rapporte M. Podmore.
« Je
passai chez le docteur Collyer le 25 mars 1884. Il me dit que son pere, sa mere
et son frere lui avaient raconté toute l'histoire en 1857. Ils sont tous morts
maintenant, mais deux sours vivent encore et j'ai écrit a l'une d'elles. Le Dr
Collyer était tout a fait sur de la coincidence exacte des deux faits.
«La note
ci-apres émane d'une des sours survivantes :
« Mobile, Alabama, le 12 niai 1884.
« J'habitais
a Camden, New-Jersey, a l'époque de la mort de mon frere. Il habitait la
Louisiane. Sa mort fut causée par la collision de deux vapeurs sur le
Mississipi. Un morceau du mât tomba sur lui, lui fendit le crâne, ce qui causa
la mort instantanément. Ma mere vit l'apparition au pied de son lit. Elle se
tint la quelque temps, la regardant et puis disparut. L'apparition était
habillée d'un long vetement blanc, sa tete était enveloppée d'un linge blanc.
Ma mere n'était pas superstitieuse et ne croyait pas au spiritisme. Elle était
tout a fait éveillée au moment de l'apparition.
Ce
n'était pas un reve. Lorsque je la vis le lendemain matin elle me dit : "
J'aurai de mauvaises nouvelles de Joseph », puis elle me raconta ce quelle
avait vu. Deux ou trois jours apres, nous apprîmes le triste accident. J'avais
un autre frere, qui se trouvait sur le lieu de l'accident, et lorsqu'il revint
a la maison, je lui demandai tous les détails et comment notre frere était
arrangé. A notre grand étonnement, sa description s'accordait parfaitement avec
ce que ma mere avait vu.
« A.-E. COLLYER »
Cas du Révérend Andrew Jukes.
« Upper Eglinton Road, Woolwich.
« Le
lundi 31 juillet 1854,j'étais a Worksop, de passage chez M. Heming, qui était
alors chez l'agent du duc de Newcastle. Au moment ou je me réveillai ce
matin-la (d'aucuns disaient que je revais) j'entendis la voix d'un ancien
camarade d'école (C. C... mort depuis un ou deux ans au moins) me disant : «
Votre frere Mark et Harriet sont partis tous les deux. » Ces paroles
résonnaient encore a mon oreille lorsque je me réveillai; il me semblait les
entendre encore. Mon frere et sa femme étaient alors en Amérique et tous deux
se portaient bien, d'apres les dernieres nouvelles reçues; mais les paroles que
j'avais attendues, et qui le concernaient ainsi que sa femme, avaient produit
une impression si vive sur mon esprit que je les consignai par écrit avant de
quitter ma chambre a coucher. Je les inscrivis sur un vieux morceau de journal,
n'ayant pas d'autre papier sous la main dans ma chambre. Le meme jour je
retournai a Hall, et je racontai l'incident a ma femme. En meme temps, je notai
le fait, qui m'avait profondément impressionné, sur mon journal que je possede
encore. Je suis aussi sur qu'on peut l'etre de quoi que ce soit que ce que j'ai
écrit dans mon journal est identique a ce que j'avais noté sur le morceau de journal.
Le 18 aout (c'était l'établissement de la ligne télégraphique transatlantique),
je reçus un mot de ma belle-sour Harriet daté du 1er aout, m'annonçant que son
mari était mort du choléra apres avoir preché le dimanche, il avait eu une
attaque de choléra le lundi, et le mardi matin il était mort. Elle ajoutait
qu'elle-meme était malade et elle demandait qu'on amenât ses enfants en
Angleterre, au cas ou elle viendrait a succomber. Elle mourut deux jours apres
son mari, le 3 aout. Je partis immédiatement pour l’Amérique, d'ou je ramenai
les enfants.
« La
voix que j'avais cru entendre, et qui m'avait semblé un reve, avait eu un tel
effet sur moi que je ne descendis pas pour déjeuner, malgré la cloche qui
m'appelait. Pendant cette journée et les jours qui suivirent, je ne pouvais
secouer cette idée. J'avais l'impression, la conviction meme tres nette que mon
frere était mort.
« Je
devrais ajouter, peut-etre, que nous ignorions l'apparition du choléra dans le
voisinage de la paroisse de mon frere. Mon impression a la suite de la voix que
j'avais entendue fut que lui et sa femme avaient été enlevés par un accident de
chemin de fer ou de bateau a vapeur. Il faut remarquer qu'au moment ou je crus
entendre cette voix mon frere n'était pas mort. Il mourut de bonne heure le
matin suivant, soit le 1er aout, et sa femme presque deux jours plus
tard, le 3 aout. Je n'ai pas la prétention d'expliquer ce phénomene, je le
constate simplement. Mais l'impression produite sur moi fut profonde, et la
coincidence en elle-meme remarquable.
« ANDREW JUKES.»
Cas
de l'éveque de Carlisle.
« Mon
correspondant un étudiant de Cambridge, avait arreté, il y a quelques années,
avec un de ses camarades d'études, le projet de se rencontrer a Cambridge a une
certaine époque, pour travailler ensemble. Peu de temps avant l'époque de ce
rendez-vous, mon correspondant se trouvait dans le sud de l'Angleterre Se
réveillant une nuit, il vit ou crut voir son ami assis au pied de son lit ; il
fut surpris de ce spectacle, d'autant plus que son ami était ruisselant d'eau.
Il parla, mais l'apparition (car il semble que c'en ait été une) se contenta de
secouer la tete et disparut. Cette apparition revint deux fois durant la nuit.
Bientôt apres vint la nouvelle que, peu de temps avant le moment ou l'apparition
avait été vue par le jeune étudiant, son ami s'était noyé en se baignant.
« Ayant
appris que le correspondant de l'éveque était l'archidiacre Farler, nous nous
adressâmes a ce dernier, qui nous
écrivit le 9 janvier 1884
Pampisford Vicariage. Cambridge.
« La
vision fut racontée le matin suivant a déjeuner plusieurs jours avant de
recevoir la nouvelle de la mort de mon ami. Je la racontai a mon professeur
John Kempe a sa personne, a sa famille. M. et Mme Kempe sont morts maintenant
mais il est probable que leur famille se souvient de la chose, bien que les
enfants fussent jeunes a ce moment-la. Je demeurais a Long Ashton, dans le
comté de Somerset; mon ami mourut dans le comté de Kent. Comme je n'étais
nullement effrayé de cette vision a ce moment la, j'en ai plutôt parlé comme
d'un reve singulier que comme d'une apparition.
« Ma
vision est du 2 ou 3 septembre 1878, mais je n'ai pas ici mon mémorandum pour
m'en assurer d'une maniere absolue. Je revis encore la vision le 17 du meme
mois. C'est la seule apparition que j'aie jamais vue. Je n'ai jamais eu aucune
espece d'hallucination sensitive.
« G.-P. FARLER.»
« M.
W.-J. Kempe nous écrit que l'archidiacre Farler lui a certainement parlé de ce
fait, mais il ne se rappelle pas exactement l'époque. D'autres membres de la
famille, auxquels nous nous sommes adressés, étaient, a l'époque, ou bien
absents, ou bien trop jeunes pour qu'il leur ait été parlé de ce fait.
« Nous
trouvons dans le registre des déces que l'ami du narrateur s'est noyé dans la
riviere Croush, le 2 septembre 1868. »
Cas
du Révérend C. C. Wambey, Paragon, Salisbury.
« Avril 1884.
« M.
B..., avec lequel j'étais tres intimement lié avant qu'il ne quitta
l'Angleterre, fut nommé professeur de mathématiques au college Elizabeth, a
Guernesey. Dix ans apres environ, j'acceptai un poste temporaire dans cette île
et je renouvelai connaissance avec mon ancien ami. Je passai presque tous les
jours une partie de ma journée avec lui pendant tout le temps de mon séjour a
Guernesey.
Apres
mon retour en Angleterre, je correspondis régulierement avec lui. Dans la
derniere lettre que je reçus de lui, il me parlait de sa santé et me disait
qu'il se portait exceptionnellement bien.
« Un
matin je causai une vive émotion a ma femme en lui disant que le pauvre B...
était mort et qu'il m'était apparu durant la nuit. Elle tâcha de calmer mon
chagrin en me suggérant que cette apparition, ou ce que ce pouvait etre, était
due a une indisposition. J'avais été souffrant pendant quelque temps.
« Je
répondis que j'avais reçu une nouvelle par trop certaine de la mort de mon ami.
«
Quelques jours plus tard, je reçus une lettre bordée de noir portant le timbre
de Guernesey. Dans cette lettre, Mme B... me disait que son mari était mort
apres une maladie de quelques heures seulement et que pendant cette maladie il
avait fréquemment parlé de moi.
« En
réponse a nos questions, M. Wambey nous dit :
« J'ai
eu d'autres apparitions que celle dont je viens de parler. Mon grand-pere m'est
apparu durant la nuit ou il mourut, mais il était dans la meme maison que moi,
a ce moment, et il s'était affaibli peu a peu depuis plusieurs heures.
« (Le
seul autre cas est l'apparition d'une figure que M. Wambey ne reconnut pas.
Cette vision se produisit un jour qu'il lisait fort tard dans la nuit, a un
moment ou il était surchargé de travail.)
« Par la
lettre de sa veuve, je pus m'assurer que M. B... était mort la nuit ou il
m'était apparu. J'étais éveillé lorsque j'eus la vision, je ne puis guere me
tromper sur ce point. J'étais tellement absorbé dans la contemplation de sa
figure et de son regard que je ne pretai aucune attention a la façon dont il
s'était habillé.
« Mme
Wambey se souvient que je lui avais raconté, le matin suivant, que j'avais vu
mon ami et que j'étais assuré de sa mort.
« J'ai
oublié la date a laquelle M. B... m'est apparu, je crois que c'était en 1870.
Malheureusement la partie de mon journal qui se rapporte a cette époque se
trouve au garde-meuble avec mon mobilier, et je ne puis me la procurer
actuellement, je pourrais vous citer les dates.
« Nous
apprenons par un fils de M. B... que son pere est mort le 27 octobre 1870.
« Mme
Wambey confirme le fait dans la note suivante :
« Salisbury, 17 mai 1884.
«Mon
mari, le Révérend C. C. Wambey, me dit un matin qu'il avait eu une apparition
de M. B... dans la nuit, et il m'exprima avec un grand chagrin la conviction
que son ami était mort.
« M. -B. WAM.Y. »
Cas
de Mlle Hosmer, le sculpteur célebre.
« Une
jeune Italienne du nom de Rosa, qui avait été a mon service pendant quelque
temps, fut obligée de retourner chez sa sour, a cause de son mauvais état de
santé chronique. En faisant ma promenade habituelle a cheval, j'allais la voir
fréquemment. Lors de l'une de ces visites, que je lui fis a six heures du soir,
je la trouvai plus gaie qu'elle n'avait été depuis quelque temps, j'avais
abandonné depuis longtemps l'espoir de sa guérison, mais rien dans toute son
apparence ne donnait l'impression qu'il y eut un danger immédiat. Je la
quittai, comptant la revoir souvent encore. Elle exprima le désir d'avoir une
bouteille de vin d'une espece particuliere que je promis de lui apporter
moi-meme le lendemain matin.
«
Pendant le reste de la soirée, je ne me rappelle pas avoir pensé a Rosa.
J'allai me coucher en bonne santé et l'esprit tranquille. Mais je me réveillai
d'un profond sommeil avec le sentiment pénible qu'il y avait quelqu'un dans la
chambre. Je réfléchis que personne ne pouvait entrer, excepté ma femme de
chambre : elle avait la clef d'une des deux portes, qui toutes deux étaient
fermées a clef. Je distinguais vaguement les meubles de ma chambre. Mon lit
était au milieu de la piece, un paravent entourait le pied du lit. Pensant
qu'il pouvait y avoir quelqu'un derriere le paravent, je m'écriai : « Qui est
la ? » Mais je ne reçus aucune réponse. A ce moment, la pendule de la chambre
voisine sonnait cinq heures : au meme instant je vis la forme de Rosa debout a
côté de mon lit; et de quelque façon - je ne puis pas affirmer que ce fut au
moyen de la parole - je reçus l'impression des mots suivants venant d'elle : « Adesso son félice, son contenta »
(Maintenant, je suis heureuse et contente.) Puis la forme s'évanouit.
« Au
déjeuner, je dis a l'amie qui partageait mon appartement avec moi: « Rosa est
morte. -Que voulez-vous dire ? me demanda-t-elle, vous me disiez que vous
l'aviez trouvée mieux que d'habitude lorsque vous lui aviez rendu visite hier.
»
« Je lui
racontai alors ce qui m'était arrivé le matin et je lui dis que j'avais la
conviction que Rosa était morte. Elle rit et me répondit que j'avais revé tout
cela. Je lui assurai que j'étais absolument éveillée.
Elle
continua a plaisanter sur ce sujet et elle m’ennuya un peu par la persistance
qu'elle mettait a croire que j'avais fait un reve, alors que j'étais absolument
certaine d'avoir été entierement éveillée. Afin de résoudre la question,
j'envoyai un messager pour s'informer de l'état de Rosa. Il revint avec la
réponse que Rosa était morte le matin, a cinq heures. Je demeurais alors Via
Babuino.
« Ce qui
précede a été écrit par Mlle Balfour d'apres un récit donné par Lydia Maria
Child (a laquelle Mlle Hosmer avait raconté ce fait) au Spiritual Magazine du 1er septembre 1870 (j'ai dicté des
corrections de peu d'importance), le 15 juillet 1885.
« H. G. HOSMER. »
« Le
récit fait par Mlle Child, et que Mlle Hosmer trouva exact a l'époque, donne
quelques détails supplémentaires qui tendent a établir qu'elle était bien
éveillée un bon moment avant d'avoir sa vision. Elle dit :
«
J'entendais dans l'appartement au-dessous de moi des bruits qui m'étaient
familiers, ceux que faisaient les domestiques en ouvrant des fenetres et des
portes. Une vieille pendule sonnait l'heure avec des vibrations sonores ; je
comptai : un, deux, trois, quatre, cinq et je résolus de me lever
immédiatement. Comme je levais ma tete de dessus l'oreiller, Rosa me regarda en
souriant a l'intérieur du rideau du lit. Je fus simplement surprise, etc... »
« Mlle
Hosmer ne se rappelle pas la date exacte de cet incident, mais elle dit qu'il a
du se passer, en 1856 ou 1857. La vieille dame avec laquelle elle demeurait est
morte. »
Cas
de Mme Bishop.
« Mme
Bishop, née Bird, voyageur et écrivain bien connu, nous a envoyé ce récit en
mars 1884 ; il est presque identique a une version de seconde main qui nous
avait été communiquée en mars 1883. En voyageant dans les montagnes Rocheuses,
Mlle Bird avait fait la connaissance d'un Indien métis, M. Nugent, connu sous
le nom de « Mountain Jim », et elle avait pris sur lui une influence
considérable.
« Le
jour ou je pris congé de Mountain Jim, il était tres ému et tres excité.
J'avais eu une longue conversation avec lui sur la vie mortelle et
l'immortalité, conversation que j'avais terminée par quelques paroles de la
Bible. Il était tres impressionné, mais tres excité; il s'écria : « Je ne vous
verrai peut-etre plus dans cette vie, mais je vous verrai quand je mourrai. »
Je le réprimandai doucement a cause de sa violence, mais il répéta la meme
chose avec encore plus d'énergie, ajoutant :
« Et je
n'oublierai jamais ces mots que vous m'avez dits, et je jure que je vous
reverrai quand je mourrai. » Nous nous séparâmes sur cette phrase. Pendant
quelque temps j'eus de ses nouvelles ; j'appris qu'il s'était mieux conduit,
puis il était retombé dans ses habitudes sauvages, et, plus tard, qu'il était fort
malade par suite d'une blessure qu'il avait reçue dans une rixe, puis, enfin,
qu'il se portait mieux, mais qu'il formait des projets de vengeance. La
derniere fois que je reçus de ses nouvelles, j'étais a l'hôtel Interlaken, a
Interlaken (Suisse) avec Mlle Clayson et les Ker. Quelque temps apres les avoir
reçues (c'était en septembre 1874), j'étais étendue sur mon lit, un matin, vers
6 heures. J'étais occupée a écrire une lettre a ma sour, lorsqu'en levant les
yeux je vis Mountain Jim debout devant moi. Ses yeux étaient fixés sur moi et,
lorsque je le regardai, il me dit a voix basse, mais tres distinctement: « Je
suis venu comme j'avais promis. » Puis il me fit un signe de la main et ajouta:
« Adieu ! »
Lorsque
Mlle Bessie Ker vint m'apporter mon déjeuner, nous prîmes note de l'événement,
en indiquant la date et l'heure. La nouvelle de la mort de Mountain Jim nous
arriva un peu plus tard, et la date, si l'on tenait compte de la différence de
longitude, coincidait avec celle de son apparition.
« I. B...
« En
réponse a nos questions, Mme Bishop nous écrit qu'elle n'a jamais eu d'autre
hallucination sensorielle. Elle avait vu Mountain Jim pour la derniere fois a
Saint-Louis (Colorado), le 11 décembre 1873. Il est mort a Fort Collins
(Colorado). Elle espere etre a meme de nous montrer les journaux ou la date est
rapportée; mais elle nous a écrit de l'étranger et en grande hâte.
« Nous
nous sommes procuré une copie d'une déposition faite a l'enquete a
Fort-Collins. De cette piece résulte que la mort a eu lieu le 7 septembre 1874,
entre deux et trois heures de l'apres-midi. Cette heure correspondrait a dix
heures du matin a Interlaken. Donc, si la vision a eu lieu le 8 septembre, elle
a suivi la mort de 8 heures; mais si elle a eu lieu le 7 septembre, la limite
de 12 heures a été dépassée d'environ 4 heures. »
Cas
de M. Richard Searle, avocat.
« 2 novembre 1883.
« Une
apres-midi, il y a quelques années, j'étais assis dans mon bureau au Temple; je
rédigeais un mémoire. Mon bureau est placé entre une des fenetres et la
cheminée; la fenetre est a deux ou trois metres de ma chaise gauche; elle a vue
sur le Temple. Tout a coup, je m'aperçus que je regardais par la vitre d'en
bas, qui était a peu pres au niveau de mes yeux; j'apercevais la tete et le
visage de ma femme ; elle était renversée en arriere ; elle avait les yeux
fermés, la figure completement blanche et livide comme si elle eut été morte.
Je me secouai, j'essayai de me ressaisir, puis je me levai et je regardai par
la fenetre : je ne vis que les maisons d'en face. J'arrivai a la conclusion que
je m'étais assoupi, puis endormi. Apres avoir fait quelques tours dans la
chambre afin de me bien réveiller, je repris mon travail et je ne pensai plus a
cet incident.
« Je
retournai chez moi a mon heure habituelle, ce soir-la, et, pendant que je
dînais avec ma femme, elle me dit qu'elle avait lunché chez une amie qui
habitait Gloucester Gardens et qu'elle avait emmené avec elle une petite fille
(une de ses nieces, qui habitait avec nous), mais que, pendant le lunch ou
immédiatement apres, l'enfant était tombée et s'était coupé la figure. Le sang
avait jailli. Ma femme ajouta qu'elle s'était évanouie. Ce que j'avais vu par
la fenetre me revint a l'esprit et je lui demandai a quelle heure cela était
arrivé. Elle me dit que, autant qu'elle pouvait s'en souvenir, il devait etre 2
heures et quelques minutes. C'était a ce moment, autant du moins que je pouvais
le calculer (je n'avais pas regardé ma montre), que j'avais vu l'apparition a
la vitre de la fenetre. Je dois ajouter que c'est la seule fois que ma femme se
soit évanouie. Elle était a ce moment-la mal portante, et je ne lui ai dit ce
que j'avais vu que quelques jours plus tard. J'ai raconté a l'époque cette
histoire a plusieurs de mes amis.
« R. S. »
Paul
Pierrard, 27, Gloucester Gardens, W. Londres, nous écrit ce qui suit :
« 4 décembre 1883.
« Il
peut etre intéressant, pour des gens qui s'occupent spécialement de la
question, d'avoir un récit exact du fait extraordinaire qui est arrivé, il y a
environ quatre ans, dans une maison de Gloucester Gardens, W.
« Des
dames et des enfants s'étaient réunis chez moi une apres-midi. Mme Searle, de
Home Lodge, Herne Hill, était venue avec sa petite-niece Louise. Comme on
jouait a un jeu bruyant, et qu'on remuait beaucoup autour d'une table, la
petite Louise tomba de sa chaise et se blessa légerement. La crainte d'un grave
accident donna une vive émotion a Mme Searle, qui s'évanouit. Le lendemain nous
rencontrâmes M. Searle, qui nous dit que, la veille, dans l'apres-midi, pendant
qu'il étudiait une affaire dans son bureau, 6, Pump Court, au Temple, il avait
ressenti une impression singuliere et avait vu aussi distinctement que dans un
miroir l'image de sa femme évanouie. Cela lui avait semblé sur le moment tres
étrange.
« En comparant
les heures, il constata que cette vision extraordinaire avait eu lieu au moment
ou sa femme s'était évanouie. Nous avons souvent cause ensemble de cet
incident, sans jamais trouver d'explication qui satisfît nos esprits, mais nous
avons enregistré ce fait rare pour lequel un nom manque encore.
« PAUL PIERRARD. »
Cas
de M. Gaston Fournier, 2 1, rue de Berlin, Paris.
« 16 octobre 1885.
« Le 21
février 1879, j'étais invité a dîner chez mes amis, M. et Mme B... En arrivant
dans le salon, je constate l'absence d'un commensal ordinaire de la maison, M.
d'E..., que je rencontrais presque toujours a leur table. J'en fais la
remarque, et Mme B... me répond que d'E.... employé dans une grande maison de
banque, était sans doute fort occupé en ce moment, car on ne l'avait pas vu
depuis deux jours. A partir de ce moment, il ne fut plus question d'E... Le
repas s'acheve fort gaiement et sans que Mme B... donne la moindre marque
visible de préoccupation. Pendant le dîner nous avions formé le projet d'aller
achever notre soirée au théâtre. Au dessert, Mme B... se leve pour aller
s'habiller dans sa chambre dont la porte, restée entr'ouverte, donne dans la
salle a manger. B... et moi étions restés a table, fumant notre cigare, quand,
apres quelques minutes, nous entendons un cri terrible. Croyant a un accident,
nous nous précipitons dans la chambre, et nous trouvons Mme B... assise, prete
a se trouver mal.
« Nous
nous empressons autour d'elle, elle se remet peu a peu et nous fait le récit
suivant : « Apres vous avoir quittés, je m'habillais pour sortir, et j'étais en
train de nouer les brides de mon chapeau devant ma glace, quand tout a coup
j'ai vu dans cette glace d'E... entrer par la porte. Il avait son chapeau sur
la tete ; il était pâle et triste. Sans me retourner je lui adresse la parole:
« Tiens, d'E..., vous voila ! asseyez-vous donc; » et, comme il ne
répondait pas, je me suis retournée et je n'ai plus rien vu. Prise alors de
peur, j'ai poussé le cri que vous avez entendu. » B...,pour rassurer sa femme,
se met a la plaisanter, traitant l'apparition d'hallucination nerveuse et lui
disant que d'E... serait tres flatté d'apprendre a quel point il occupait sa
pensée; puis, comme Mme B... restait toute tremblante, pour couper court a son
émotion, nous lui proposons de partir tout de suite, alléguant que nous allions
manquer le lever du rideau.
« Je
n'ai pas pensé un seul instant a d'E..., nous dit Mme B..., depuis que M.F...
m'a demandé la cause de son absence. Je ne suis pas peureuse, et je n'ai jamais
ou d'hallucination; je vous assure qu'il y a la quelque chose d'extraordinaire,
et, quant a moi, je ne sortirai pas avant d'avoir des nouvelles de d'E..., je
vous supplie d'aller chez lui; c'est le seul moyen de me rassurer. »
« Je
conseille a B... de céder au désir de sa femme et nous partons tous les deux
chez d'E.... qui demeurait a tres peu de distance. Tout en marchant nous
plaisantions beaucoup sur les frayeurs de M- B...
« En
arrivant chez d'E..., nous demandons au concierge: « D'E... est-il chez lui?
Oui, Monsieur, il n'est pas descendu de la journée. » D'E...habitait un petit
appartement de garçon ; il n'avait pas de domestique. Nous montons chez lui,,
et nous sonnons a plusieurs reprises sans avoir de réponse. Nous sonnons plus
fort, puis nous frappons a tour de bras, sans plus de succes. B.... émotionné
malgré lui, me dit : « C'est absurde ! le concierge se sera trompé; il est
sorti. Descendons. » Mais le concierge nous affirme que d'E... n'est pas sorti,
qu'il en est absolument sur.
«
Véritablement effrayés, nous remontons avec lui, et nous tentons de nouveau de
nous faire ouvrir; puis n'entendant rien bouger dans l'appartement, nous
envoyons chercher un serrurier. On force la porte et nous trouvons le corps de
d'E... encore chaud, couché sur son lit et troué de deux coups de revolver.
« Le
médecin, que nous faisons venir aussitôt, constate que d'E... avait d'abord
tenté de se suicider en avalant un flacon de laudanum, et qu'ensuite, trouvant
sans doute que le poison n'agissait pas assez vite, il s'était tiré deux coups
de revolver a la place du cour. D'apres la constatation médicale, la mort
remontait a une heure environ. Sans que je puisse préciser l'heure exacte,
c'était cependant une coincidence presque absolue avec la soi-disant
hallucination de Mme B... Sur la cheminée il y avait une lettre de d'E...
annonçant a M. et Mme B... sa résolution, lettre particulierement affectueuse
pour Mme B...
« GASTON FOURNIER. »
Cas
du Rév. F. Barker, ancien recteur de Cottenham, Cambridge.
« 2 juillet 1884.
"
Le 6 décembre 1873, vers 11 heures du soir, je venais de me coucher et je
n’étais pas encore endormi, ni meme assoupi, quand je fis tressaillir ma femme
en poussant un profond gémissement, et lorsqu'elle m'en demanda la raison, je
lui dis : « Je viens de voir ma tante ; elle est venue, s'est tenue a mon côté
et m'a souri, de son bon et familier sourire, puis elle a disparu. » Une tante
que j'aimais tendrement, la sour de ma mere, était a cette époque a Madere,
pour sa santé; sa niece, ma cousine, était avec elle. Je n'avais aucune raison
de supposer qu'elle était sérieusement malade a ce moment-la, mais l'impression
sur moi avait été si profonde que le lendemain je dis a sa famille (y compris
ma mere) ce que j'avais vu. Une semaine apres nous apprîmes qu'elle était morte
cette meme nuit et, en tenant compte de la longitude, presque au moment ou la
vision m'était apparue. Quand ma cousine, qui était restée aupres d'elle
jusqu'a la fin, entendit parler de ce que j'avais vu, elle dit : " Je n'en
suis pas surprise, car elle vous a appelé continuellement pendant son agonie. »
C'est la seule fois que j'aie éprouvé quelque chose de pareil. Je pense que
cette histoire de premiere main peut vous intéresser. Je puis seulement dire
que la vive impression reçue cette nuit ne m'a jamais quitté.
« FRÉDÉRIC BARKER. »
Cas
du Chevalier Sebastiano Fenzi, Palazzo Fenki,
Florence,
membre correspondant de la S. P. R.
«
Quelques mois avant sa mort, mon frere, le sénateur Carlo Fenzi, me dit un
jour, comme nous allions ensemble de notre villa de Saint-Andréa a la ville,
que, s'il mourait le premier, il essaierait de me prouver que cette vie
continue au dela de l'abîme de la tombe, et il me demanda de lui promettre de
faire ainsi au cas ou je partirais le premier; « mais, me dit-il, je suis sur de partir le premier, et, faites bien
attention, je suis tout a fait sur qu'avant que l'année soit écoulée, ou dans
trois mois, je n'existerai plus. » Cette conversation eut lieu en juin et il
mourut le 2 septembre de la meme année 1881. Le jour de sa mort (2 septembre),
j'étais a quelque soixante-dix milles de Florence, a Fortullino, une villa qui
nous appartenait et qui était située sur un rocher au bord de la mer, a dix
milles sud-est de Leghorn; ce matin-la, a 10 h. et demie environ, je fus saisis
par un acces de profonde mélancolie; c'est une chose tout a fait exceptionnelle
pour moi qui jouis a l'ordinaire d'une grande sérénité d'esprit; je n'avais
cependant aucune raison d'etre inquiet de mon frere, qui était alors a
Florence. Bien qu'il ne se portât pas tres bien, les dernieres nouvelles que
j'avais reçues de lui étaient tres bonnes et mon neveu m'avait écrit : «
L'oncle va tout a fait bien, et l'on ne peut meme dire qu'il ait été seulement
malade. » Ainsi ne pouvais-je m'expliquer cette soudaine impression de
tristesse; cependant les larmes me venaient aux yeux et, pour éviter de me
mettre a pleurer comme un enfant devant toute ma famille, je m'élançai hors de
la maison sans prendre mon chapeau, quoique le vent soufflât en tempete et que
la pluie tombât par torrents. Le ciel était illuminé d'éclairs et l'on
entendait les rugissements éclatants et continus de la mer et du tonnerre. Je
courus longtemps et je ne m'arretai que lorsque j'eus atteint le bout d'une
grande pelouse d'ou l'on pouvait voir, de l'autre côté d'une petite riviere, la
Fortulla, de grands rochers entassés les uns sur les autres et s'étendant
pendant un bon demi-mille le long de la côte. Je cherchai alors des yeux un
jeune homme, mon cousin, qui était né dans le pays des Zoulous et qui avait
gardé assez d'amour pour la vie sauvage, pour avoir cédé au désir de sortir par
ce temps affreux afin de jouir, disait-il, de la fureur des éléments. Jugez de
ma surprise et de mon étonnement quand, au lieu de Giovanni (c'est le nom de
mon cousin), je vis mon frere avec son chapeau haut et ses grosses moustaches
blanches. Il marchait tranquillement de roc en roc, comme si le temps avait été
beau et calme.
« Je ne
pouvais en croire mes yeux, et cependant c'était lui. C'était lui a ne s'y
point tromper. J'eus d'abord l'idée de courir a la maison et d'appeler tout le
monde pour lui souhaiter cordialement la bienvenue, mais j'aimai mieux
l'attendre et j'agitai la main en l'appelant par son nom aussi fort que je le
pouvais. Mais on ne pouvait cependant rien entendre a cause du bruit terrible
que faisaient, en se melant la mer, le vent et le tonnerre. Il continuait
cependant a avancer lorsque tout a coup, ayant atteint un rocher plus grand que
les autres, il disparut derriere lui. La distance entre le rocher et moi
n'était pas, autant que j'en puis juger, supérieure a 60 pas. Je m'attendais a
le voir reparaître de l'autre côté, mais il n'en fut rien; je ne vis que
Giovanni qui, juste a ce moment, sortait d'un bois et grimpait sur les rochers.
Giovanni, grand et mince, avait un chapeau a larges bords, une barbe noire et
ne ressemblait pas du tout a mon frere; je pensai que si j'avais vu mon frere
Charles, cela devait tenir a quelque hallucination. .. J'en fus troublé et je
rougis presque a l'idée que j'avais pu etre trompé par une sorte de fantôme
créé par ma propre imagination; cependant je ne pus m'empecher de dire a
Giovanni : « Il doit y avoir entre vous quelque ressemblance de famille, car je
dois positivement vous avoir pris pour Charles, bien que je ne puisse
comprendre comment vous etes allé de derriere ce grand rocher dans le bois sans
que je vous aie vu passer. - Je ne suis point allé derriere ce rocher, dit-il,
car lorsque vous m'avez vu je ne faisais que mettre le pied sur les rochers. »
Nous rentrâmes alors a la maison, et, apres avoir mis des vetements secs, nous
rejoignîmes le reste de la famille qui déjeunait. Ma mélancolie m'avait quitté
et je causai joyeusement avec tous les jeunes gens qui étaient la. Apres
déjeuner, il arriva un télégramme qui nous priait de rentrer en toute hâte a la
maison, ma fille Christine et moi, parce que Carlo s'était trouvé tout a coup
fort mal. Nous fîmes nos préparatifs de départ. Pendant ce temps il arriva un
autre télégramme qui nous disait de nous hâter autant que possible parce que la
maladie faisait de rapides progres.
Mais,
bien que nous eussions pris le premier train, nous n'arrivâmes a Florence qu'a
la nuit; et la nous apprîmes, a notre profonde horreur, que juste au moment ou
le matin je l'avais vu sur le rocher, il sentait que ses instants étaient comptés et qu'il m'appelait
continuellement, désolé de ne pas me voir. J'embrassai son front glacé avec un
profond chagrin, car nous avions toujours vécu ensemble et nous nous étions
toujours aimés. Et je pensai : « Pauvre cher Charles, il a tenu sa
parole !... »
« SEBASTIANO FENZI. »
Le
Giovanni, cousin du chevalier Fenzi, par une lettre adressée d’Athenes, datée
du 3 mai 1884, confirme en tous points le récit de son parent :
« Mon
cousin Sébastiano Fenzi de Florence m'a envoyé votre lettre du 13 mars dernier
en me priant de vous raconter les circonstances étranges qui ont accompagné la
mort de son frere Carlo Fenzi, en septembre 1881, circonstances qui ont fait et
qui ont laissé une profonde impression sur mon esprit.
« Je
vais essayer de vous raconter toute l'affaire; il y a de cela pres de trois
ans, c'est vrai, mais cet événement est si étrange que j'en ai gardé un clair
souvenir.
« Comme
j'étais en Italie, dans l'automne de 1881, j'en profitai pour faire visite a
mes parents. J'appris a Milan que la plus grande partie de ma famille était a
Fortullino, la villa que possédait mon cousin au bord de la mer. Fortullino est
une charmante villa située a la crete d'une falaise et entourée d'arbres et de
buissons touffus. J'arrivai chez mon cousin dans les derniers jours d'aout. Le
temps au commencement de mon séjour fut fort mauvais ; la mer était grosse, il
pleuvait, il tonnait sans cesse. Je me souviens que, le matin de la mort de mon
cousin Charles (personne ne pensait alors que sa fin fut si proche), je cédai a
ma faiblesse favorite et je sortis seul pour faire une course le long du
rivage; je descendis jusqu'a la greve et, sautant de rocher en rocher, tantôt
grimpant, tantôt tournant des rocs trop élevés, j'allai jusqu'a un coude du
rivage qui me cachait la villa.
« Comme
je revenais pour le déjeuner, je fus aveuglé par la pluie que le vent me
chassait dans le visage, et craignant un accident, j'entrai dans le bois ; mais
le fourré était si touffu et le sol si mouillé que je me décidai a continuer ma
course a découvert. Je sortis du bois en face de la maison ; a ma grande
surprise, je vis mon cousin debout au bord de la falaise. Quand je fus aupres
de lui, il me dit qu'il devait y avoir entre nous un air de famille bien
singulier, car il m'avait pris pour son frere Carlo, mais qu'il ne comprenait
pas comment, étant sur le rocher, j'avais pu entrer dans le bois sans qu'il me
vit, et en sortir si brusquement. Je lui répondis qu'il ne m'avait pas vu sur
le rocher avant ma sortie du bois, car j'étais alors hors de sa vue; puis nous
ne parlâmes plus de cela. On finissait a peine de déjeuner, lorsqu'il arriva un
télégramme priant mon cousin et sa fille de se rendre a Florence. Carlo était
tres malade. Ils partirent de suite et je restai, sur sa demande, a Fortullino
avec le reste de la famille. Nous apprîmes bientôt que Carlo Fenzi était mort a
peu pres au moment ou Sébastiano s'était imaginé m'avoir pris pour son frere.
« JOHN DOUGLAS DE FENZI »
Cas
du docteur Nicolas, comte Gonemys, Corfou.
« février 1885.
« En
1869, j'étais médecin major dans l'armée grecque. Par ordre du ministere de la
Guerre, je fus attaché a la garnison de l'île de Zante. Comme j'approchais de
l'île ou j'allais occuper mon nouveau poste (j'étais a une distance du rivage
d'environ deux heures), j'entendis une voix intérieure me dire sans cesse en
italien: « Va voir Volterra ». Cette phrase fut répétée si souvent que
j'en fus étourdi. Quoique, en bonne santé en ce moment, je fus alarmé par ce
que je croyais une hallucination auditive. Rien ne me faisait penser au nom de
M. Volterra, qui habitait a Zante, et que je ne connaissais meme pas, bien que
je l'eusse vu une fois, dix ans auparavant. J'essayai de me boucher les
oreilles, de causer avec mes compagnons de voyage, rien n'y fit, la voix
continua de se faire entendre de la meme maniere. Enfin nous atterrîmes;
j'allai droit a l'hôtel, et je m'occupai de défaire mes malles; mais la voix ne
cessait de me harceler. Un peu plus tard, un domestique entra, et me prévint
qu'un monsieur était a la porte et désirait me parler de suite. « Qui est-ce ?
demandai-je. - M. Volterra », me répondit-on. M. Volterra entra, tout en
larmes, en proie au désespoir, et me suppliant de le suivre, de voir son fils,
qui était tres malade. Je trouvai le jeune homme en proie a la folie et au
délire, nu dans une chambre vide, et abandonné par tous les médecins de Zante,
depuis cinq ans. Son aspect était hideux, et rendu plus affreux par des acces
continuels, accompagnés de sifflements, de hurlements, d'aboiements, et
d'autres cris d'animaux., Quelquefois, il se tordait sur le ventre, comme un
serpent ; d'autres fois A tombait sur les genoux, dans une extase ; parfois il
parlait et se querellait avec des interlocuteurs imaginaires. Les crises
violentes étaient parfois suivies de syncopes prolongées et completes. Lorsque
j'ouvris la porte de sa chambre, il s'élança sur moi avec furie, mais je restai
immobile, et le saisis par le bras, le
regardant fixement. Au bout de quelques instants, son regard perdit de sa
force; il se prit a trembler et tomba a terre, les yeux fermés. Je lui fis des passes magnétiques, et en moins d'une
demi-heure il était dans un état somnambulique. La cure dura deux mois et demi,
durant lesquels j'observai plus d'un phénomene intéressant. Depuis sa guérison,
le patient n'a plus eu de rechute. »
« Une
lettre de M. Volterra au comte Gonémys, datée de Zante le 7 juin 1885, contient
une confirmation complete de ce qui est raconté plus haut et qui a trait a la
famille Volterra. La lettre conclut ainsi:
« Avant
votre arrivée a Zante, je n'avais aucune relation avec vous, quoique j'aie
passé bien des années a Corfou comme député de l'Assemblée législative; nous ne
nous étions jamais parlé, et je ne vous avais jamais dit un mot de mon fils.
Comme je l'ai déja dit, nous n'avions jamais pensé a vous, ni demandé votre
aide, jusqu'a ce que j'aie été vous voir lorsque vous etes venu a Zante comme
médecin militaire et que je vous aie supplié de sauver mon fils.
« Nous
devons sa vie d'abord a vous, puis au magnétisme. Je crois de mon devoir de
vous affirmer ma reconnaissance sincere et de signer votre bien affectueux et
bien reconnaissant,
« DEMETRIO VOLTERRA, comte CRISSOPLEVRI.
Signatures additionnelles :
« LAURA,
VOLTERRA (femme de M. Volterra),
« DIONISIO
D. VOLTERRA, comte CRISSOPLEVRI,
«
ANASTASIO VOLTERRA, le malade guéri.
« C.
VASSAPOULOS (come testimonio),
« DEMETRIO,
comte GUERINO (confermo),
«
LORENZO T. MERCATI. »
Nous
connaissons plusieurs cas inédits de télépathie que nous regrettons de ne
pouvoir donner a cause du cadre restreint de notre travail. Cependant, nous
citerons le cas de Louis Jacolliot, parce qu'il démontre bien que le percipient
n'a nul besoin d'etre un sensitif ou un déséquilibré, comme d'aucuns disent,
pour que l'hallucination véridique se
produise.
Tous
ceux qui ont connu l’éminent écrivain savent combien il avait l'âme forte.
Louis
Jacolliot, quoique mort relativement jeune, était doué d'une volonté de fer et
d'un tempérament d'acier : il n'était donc point prédisposé aux
hallucinations; d'ailleurs, celle que nous faisons connaître est la seule qu'il
ait eue dans le cours de son existence.
Ce hardi
voyageur, quand il était magistrat a Chandernagor, se livrait a de fréquentes
battues dans les Jungles.
Dans une
de ses chasses au tigre, une nuit, pendant qu'il dormait tranquillement dans
son hamac, il fut secoué violemment, ce qui le réveilla. Surpris et ne
comprenant point la cause de cette secousse, il regarda tout autour de lui sans
rien apercevoir de suspect. Il se disposait a se rendormir, lorsque, a nouveau,
son hamac fut agité. Cette fois, croyant a un danger quelconque, il saute de
son hamac, prend sa carabine, l'arme et regarde en tous sens ; mais, son examen
n'ayant pas plus de succes que la premiere fois, voyant que tout était calme,
il se mit a réfléchir sur cet incident.
A peine
deux minutes s'étaient écoulées qu'il perçoit nettement une voix l'appeler deux
fois par son prénom. A cet appel, il leve la tete et voit, en face de lui, son
pere, qui lui faisait des signes d'adieu. A cette vue un léger tremblement
nerveux l'agita des pieds a la tete.
Louis
Jacolliot ne négligeait jamais de prendre des notes. Il consulta sa montre:
elle marquait minuit 35.
Peu de
temps apres, le courrier de France lui apporta une lettre de sa sour aînée dans
laquelle elle lui apprenait la mort de leur pere.
D'apres
ses calculs, le fils constata que la mort de son pere coincidait exactement
avec le jour et l'heure de l'apparition.
Nous
tenons ce récit de Louis Jacolliot lui-meme et, quoique nous ayons égaré,
depuis plus de dix ans, le document qu'il nous remit et ou tous les détails du
fait étaient consignés, nous ne croyons pas inutile, a cause de l'importance du
personnage, de le rapporter.
Récit
fourni par le Rév. W. Stainton Moses.
« Il y a
deux ans environ, W. L ... quitta l’Angleterre pour l'Amérique. Neuf mois
apres, il se maria, il espérai t amener sa femme dans son pays pour la
présenter a sa mere, qu'il aimait tendrement. Le 4 février il tomba malade
subitement ; il mourut le 12 du meme mois, vers 8 h. du soir. Cette nuit-la,
environ trois quarts d'heure apres que les parents de W. L... étaient allés se
coucher, la mere entendit clairement la voix de son fils lui parler ; son mari,
qui entendit aussi cette voix, demanda a sa femme si c'était elle qui parlait,
ni l'un ni l'autre ne s'étaient endormis, et elle répondit. « Non, reste
tranquille ». La voix continua:
« Comme
je ne puis venir en Angleterre, Mere, je suis venu te voir. » Les deux parents
croyaient a ce moment leur fils en bonne santé en Amérique, et attendaient
chaque jour une lettre annonçant son retour a la maison. Ils prirent note de
cet incident qui les avait beaucoup frappés et, lorsqu'une quinzaine plus tard
la mort du, fils arriva, ils virent qu'elle correspondait avec la date a
laquelle la voix de « l'esprit » avait annoncé sa présence en Angleterre. La
veuve déclara que les préparatifs du départ étaient presque terminés a ce
moment-la, et que son mari était tres désireux d'aller en Angleterre voir sa
mere. »
Cas
de Mme Cox, Summer Hill, Queenstown, Irlande.
« 26 décembre 1883.
« Dans
la nuit du 21 aout 1869, entre 8 et 9 heures, j'étais assise dans ma chambre a
coucher, dans la maison de ma mere, a Devonport. Mon neveu, un garçon, de sept ans,
était couché dans la piece voisine, je fus tres surprise de le voir entrer tout
a coup en courant dans ma chambre ; il criait d'un ton effrayé: « Oh !
tante je viens de voir mon pere tourner autour de mon lit ! » Je répondis
: « Quelle betise ! tu as du rever. » Il dit : « Non, je n'ai pas revé »,
et il refusa de retourner dans sa chambre. Voyant que je ne pouvais lui
persuader d'y rentrer, je le mis dans mon lit.
Entre 10
et 11 heures, je me couchai. Une heure apres environ, je crois, je vis
distinctement, en regardant du côté de l'âtre, a mon grand étonnement, la forme
de mon frere assise sur une chaise, et, ce qui me frappa particulierement, ce
fut la pâleur mortelle de sa figure (mon neveu a ce moment était tout a fait
endormi). Je fus si effrayée (je savais qu'alors mon frere était a Hong-Kong)
que je me cachai la tete sous les couvertures. Peu apres, j'entendis nettement
sa voix m'appeler par mon nom ; mon nom fut répété trois fois. Lorsque je
regardai, il était parti. Le lendemain matin, je dis a ma mere et a ma sour ce
qui était arrivé, et je dis que j'en prendrais note, ce que je fis. Le courrier
suivant de Chine nous apporta la triste nouvelle de la mort de mon frere; elle
avait eu lieu le 11 aout 1869, dans la rade de Hong-Kong, subitement (par suite
d'insolation).
« MINNIE, COX. »
« Nous
avons reçu de l'Amirauté la confirmation officielle de la date de la mort. »
Ces deux
observations d'hallucination collective ne sont pas isolées, loin de la.
D'autres ou des animaux domestiques ont vu, entendu et senti comme les humains
ne sont pas rares. Nous répétons que des milliers de cas ont été enregistrés et
scrutés par des hommes de science et que, aujourd'hui, nier ce phénomene c'est
nier la lumiere du jour.
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